Quelques vérités sur le commerce à l`usage des partisans de Trump

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Quelques vérités sur le commerce à l’usage des partisans de Trump et du Brexit, Jim
O'Neill, a former chairman of Goldman Sachs Asset Management and… Project Syndicate
Jim O'Neill, a former chairman of Goldman Sachs Asset Management and former Commercial
Secretary to the UK Treasury, is Honorary Professor of Economics at Manchester University
and former Chairman of the Review on Antimicrobial Resistance. MAR 6, 2017. Traduit de
l’anglais par Timothée Demont
LONDRES – Voici une piqure de réalisme pour les décideurs britanniques et américains, ainsi que
pour les nombreux experts qui commentent souvent le commerce mondial sans comprendre ses
réalités: les données sur les exportations et importations totales de l'Allemagne en 2016 indiquent
que son principal partenaire commercial est désormais la Chine. La France et les États-Unis ont été
relégués à la deuxième et troisième place.
Cette nouvelle ne devrait pas être surprise. Il m’est souvent arrivé de penser que, d'ici 2020, les
entreprises (et les décideurs) allemands pourraient préférer une union monétaire avec la Chine
plutôt qu’avec la France, étant donné que le commerce germano-chinois continuerait
probablement à croître.
Et c’est bien ce qui s’est passé, principalement en raison de la vigueur des exportations chinoises
vers l'Allemagne. Mais les exportations allemandes vers la Chine ont également augmenté. Malgré
un récent ralentissement, l'Allemagne pourrait bientôt exporter davantage vers la Chine que vers
son voisin et partenaire crucial qu’est la France, et elle exporte déjà plus vers la Chine que vers
l’Italie. Pour les exportateurs allemands, la France et le Royaume-Uni sont les seuls marchés
nationaux européens plus grands que celui de la Chine.
Les observateurs aguerris du commerce international ont tendance à suivre deux règles générales.
Premièrement, le niveau des échanges commerciaux entre deux pays diminue souvent lorsque la
distance géographique augmente. Et, deuxièmement, un pays est susceptible de réaliser davantage
d'échanges commerciaux avec de grands pays qui ont une forte demande intérieure, plutôt qu’avec
de petits pays à faible demande.
Les données récentes sur le commerce allemand confirment ces deux règles, mais surtout la
seconde. Un pays qui est grand mais géographiquement éloigné diffère d’un plus petit pays non
seulement de par sa taille, mais aussi de par sa nature. Ceci est trop souvent oublié dans les
discussions sur les accords commerciaux, en particulier dans le contexte d’atmosphères politiques
chargées telles que celles prévalent actuellement au Royaume-Uni et aux États-Unis.
Au Royaume-Uni, la Chambre des communes a déjà adopté un projet de loi pour établir un
processus de sortie de l'Union européenne ; mais la Chambre des Lords exige maintenant que le
projet de loi soit modifié de façon à protéger les ressortissants de l'UE vivant au Royaume-Uni.
Lors de ma propre brève contribution au débat marathon qu’a tenu la Chambre des Lords le mois
dernier, j’ai expliqué que, même si le Brexit n’est pas le plus grand défi économico-politique actuel
au Royaume-Uni, il exacerbera probablement les autres problèmes, y compris la croissance de la
productivité toujours faible, les déficiences du système d’éducation et de formation professionnelle,
ainsi que les inégalités géographiques.
De plus, j’ai averti que le Royaume-Uni devra adopter une approche beaucoup plus ciblée et
ambitieuse en matière commerciale, un peu comme la Chine et l'Inde l’ont fait, s’il veut obtenir de
bons résultats après le Brexit. Malheureusement, la stratégie commerciale post-Brexit du
Royaume-Uni est déterminée par la politique intérieure, de telle sorte qu'elle est « patriotique » et
se concentre sur de nouveaux accords commerciaux avec l'Australie, le Canada, la NouvelleZélande et d'autres pays du Commonwealth, tout en ignorant les réalités économiques difficiles.
Nouvelle-Zélande est peut être un beau pays, mais elle ne représente pas une économie
particulièrement importante et se situe très loin du Royaume-Uni. En fait, en dépit de ses énormes
problèmes, l'économie de la Grèce est encore plus grande que celle de la Nouvelle-Zélande.
De nombreux responsables politiques britanniques – et tous les membres de la campagne du
« Leave » – ignorent les coûts probables liés à la sortie du marché unique européen. Mais ce seul
facteur exige une attention sérieuse, étant donné la taille du marché unique et la proximité
géographique. Il est très important que le Royaume-Uni entretienne des liens commerciaux étroits
avec de nombreux États membres de l'UE après le Brexit. À cette fin, la Grande-Bretagne devrait
consolider ses exportations de services, un secteur où elle a sans doute encore un réel avantage
naturel.
Dans le même temps, le Royaume-Uni devrait de toute urgence essayer de porter sa relation avec la
Chine – ou ce que l'ancien Premier ministre britannique David Cameron appelait la « relation
dorée » – à un niveau supérieur. S'il y a un pays avec lequel le Royaume-Uni devrait vouloir trouver
un nouvel accord commercial, c’est certainement la Chine. Pendant mon bref passage au sein du
gouvernement britannique, j'ai aidé le chancelier de l’époque George Osborne à persuader
Cameron que nous devrions aspirer à faire de la Chine notre troisième marché à l’exportation en
une décennie. Est-ce ceci fait encore partie des priorités du nouveau gouvernement ?
Au-delà de la Chine, la Grande-Bretagne a également besoin de se concentrer beaucoup plus sur
ses liens commerciaux avec l'Inde, l'Indonésie et le Nigeria, qui tous auront une influence notable
dans l'économie mondiale et la structure des échanges mondiaux dans les décennies à venir.
Aux États-Unis, le président Donald Trump et ses conseillers de politique économique doivent
revenir à la réalité, en particulier en matière commerciale. Ils peuvent commencer par étudier la
structure des échanges de l’Allemagne, en particulier vis-à-vis de la Chine. Bien sûr, la Chine a un
excédent commercial bilatéral avec les États-Unis; mais elle constitue également un marché à
l’exportation en expansion pour les entreprises américaines. Et si les tendances des 10-15 dernières
années se poursuivent, la Chine pourrait bientôt supplanter le Canada et le Mexique en tant que
principal marché à l’exportation de l'Amérique.
Si les revenus des ménages chinois continuent d'augmenter, la demande pour certains des produits
et services les plus compétitifs des États-Unis ne fera qu'augmenter. Trump, plutôt que de cracher
des non-sens à propos de la Chine manipulant sa monnaie, devrait encourager les forces du marché
pour rééquilibrer le commerce bilatéral.
On peut dire la même chose pour le déficit extérieur global des États-Unis. À moins que les ÉtatsUnis ne parviennent à augmenter leur taux d'épargne plus vite que les besoins d'investissement
internes, ils continueront à avoir besoin d’entrées de capitaux étrangers. Et cela, à son tour,
obligera le pays à maintenir un déséquilibre commercial et du compte courant.
Enfin, en poussant pour une renégociation de l'accord de libre-échange nord-américain, Trump
prend un risque similaire à celui pris par les pro-Brexit. Malgré les progrès récents de la Chine, le
Canada et le Mexique restent de proches voisins et des partenaires commerciaux cruciaux. En
perturbant potentiellement la structure des importations des trois pays, les politiques de Trump
sont susceptibles de faire monter les prix à l'importation, tout en mettant en péril la croissance des
exportations américaines.
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