Une politique économique ne se fait pas à la corbeille

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Une politique économique ne se fait pas à la corbeille ! Patrick Artus est chef économiste,
membre du comité exécutif de Nataxis
Beaucoup de pays de l’OCDE ont une politique économique qui favorise la Bourse. Il faut veiller à
ce que cette tendance ne joue pas en défaveur de la croissance.
On devrait s'inquiéter de ce que les politiques économiques menées au Japon, au Royaume-Uni,
dans la zone euro ou annoncées aux États-Unis ont clairement un effet positif sur les Bourses, mais
pas nécessairement sur les économies, et peuvent même au contraire être défavorables à
l'économie réelle.
Aux États-Unis, Donald Trump a annoncé une politique budgétaire expansionniste, consistant
essentiellement en une forte baisse des impôts des entreprises (en principe le taux d'imposition des
profits des entreprises doit passer de 35 à 15 %). Mais cette politique va être mise en place dans une
économie qui est au plein-emploi : le taux de chômage est de 4,7 % et les salaires accélèrent : le
salaire médian a augmenté de près de 3 % en un an, celui des Américains les moins bien payés a
augmenté de 6 % en un an.
Mettre en place une politique budgétaire expansionniste dans un tel contexte ne peut pas stimuler
la production (il n'y a plus de chômeurs à embaucher pour accroître la production) mais conduit à
des pressions inflationnistes, à la hausse des taux d'intérêt et au déficit extérieur.
Idée reçue
Dans les autres grandes régions de l'OCDE (Japon, zone euro, Royaume-Uni), une des
composantes essentielles de la politique économique menée depuis quelques années est d'essayer
de déprécier le taux de change, avec les taux d'intérêt très bas (même négatifs), avec le «
quantitative easing » (la hausse rapide de la quantité de monnaie créée par la Banque centrale).
On croit souvent que dévaluer le taux de change est favorable à l'économie : ce n'est pas vrai pour le
Japon, le Royaume-Uni, la zone euro prise dans son ensemble. Ces trois régions ont une sensibilité
faible de leur commerce extérieur en volume au taux de change ; ce qu'ils importent n'est plus
produit domestiquement avec la segmentation entre différents pays des processus de production ;
ils exportent des biens et services sophistiqués, dont la demande est peu sensible à leurs prix.
Lorsque le yen, la livre sterling et l'euro s'affaiblissent, l'effet dominant sur le Japon, le RoyaumeUni et la zone euro est alors la perte de pouvoir d'achat des revenus venant de la hausse du prix des
importations.
Soutien explicite
Dans ces trois pays, la dépréciation du change réduit l'activité réelle, mais soutient les cours
boursiers, pour une raison mécanique : les entreprises cotées réalisent une partie importante de
leurs profits à l'étranger, donc en devises, et la valeur dans la monnaie du pays de ces profits
s'accroît lorsque la monnaie du pays se déprécie.
Le soutien de la Bourse est-il un objectif explicite, volontaire, de la politique économique de ces
pays, ou est-il une conséquence de politiques qui sont par ailleurs mal conçues et n'ont pas d'effet
sur la croissance ? Aux États-Unis, il est possible que Donald Trump veuille faire monter la Bourse
; la Banque du Japon a clairement une politique de soutien du Nikkei puisqu'elle achète des ETF («
exchange-traded funds », des fonds cotés) investis en actions. Il est plus douteux que la BCE et la
Banque d'Angleterre aient un objectif de soutien du marché boursier ; plus probablement, elles
évaluent mal l'effet de la dépréciation du taux de change sur l'économie.
Peut-on espérer que la hausse des cours boursiers ait indirectement un effet favorable sur
l'économie ? Les effets de richesse liés aux actions sont élevés aux États-Unis, au Royaume-Uni, au
Japon, faibles dans la zone euro. Les États-Unis sont au plein-emploi, donc, même si la hausse de
la Bourse soutient la demande, l'effet sur la croissance sera faible. Au Royaume-Uni et au Japon,
probablement, des cours boursiers plus élevés peuvent avoir un effet positif sur l'activité. Mais il ne
faut pas oublier qu'ils sont obtenus par une dépréciation du change, qui a, elle, un effet négatif sur
l'activité.
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