Plan Dysfonctions érectile et endothéliale ou dysfonction érectile = marqueur précoce d’atteinte cardio-vasculaire Introduction Arguments épidémiologiques La prévalence de la dysfonction érectile est plus élevée lors de cardiopathie notamment ischémique et de pathologie vasculaire périphérique. La dysfonction érectile est un marqueur cardio-vasculaire et un signal d’alerte. Des facteurs de risques communs Arguments physiopathologiques La dysfonction endothéliale L’hypothèse du diamètre artériel Arguments pharmacologiques Conclusion Dysfonctions érectile et endothéliale ou dysfonction érectile = marqueur précoce d’atteinte cardio-vasculaire Xavier Gamé, Bernard Malavaud, Pascal Rischmann Service d’Urologie, Transplantation Rénale et Andrologie, CHU Rangueil, Toulouse Introduction La prévalence de la dysfonction érectile (DE) est de 25 % en France. Cependant, elle augmente progressivement avec l’âge pour atteindre plus de 50 % des hommes après 50 ans. Cette dysfonction érectile peut avoir plusieurs origines : psychologique, médicamenteuse, neurologique ou vasculaire. Toutefois, l’atteinte vasculaire des artères péniennes en est la cause la plus commune représentant dans certaines études jusqu’à 80 % des cas. La dysfonction endothéliale est définie par l'incapacité des cellules musculaires lisses artériolaires à se relaxer ce qui empêche de ce fait toute vasodilatation. Cette dysfonction va être responsable d'une athérosclérose. Des études récentes basées sur des arguments épidémiologiques et physiopathologiques indiquent que cette dysfonction endothéliale atteint plus précocement les vaisseaux péniens que des vaisseaux de plus gros calibre. La dysfonction érectile serait alors un signe révélateur de maladie cardiovasculaire. Arguments épidémiologiques La prévalence de la dysfonction érectile est plus élevée lors de cardiopathie notamment ischémique et de pathologie vasculaire périphérique. Une étude australienne a montré que la prévalence de la dysfonction érectile était de 38,1% lors de cardiopathie ischémique et de 56,8% lors de pathologie vasculaire périphérique contre 18,6% dans la population générale. Une étude italienne a montré que la prévalence de la DE était de 33,7% lors de pathologie cardiovasculaire contre 12,8% dans la population générale. Une autre étude italienne a montré que 49 % des patients ayant une atteinte des artères coronaires documentée par angiographie présentaient une dysfonction érectile de manière concomitante. La dysfonction érectile est un marqueur cardio-vasculaire et un signal d’alerte. Cette même étude italienne a montré que l’apparition des symptômes angineux était précédée dans plus de 70% des cas de la survenue d’une DE. De plus, la DE pourrait constituer un marqueur de gravité témoignant d’une atteinte du réseau coronaire : 40 % des patients suivis en cardiologie et se plaignant de DE ont une coronaropathie et 30 % des patients atteints de DE et suivis en cardiologie ont un risque cardiovasculaire intermédiaire ou élevé obligeant à différer la prise en charge de leur DE. Une autre étude portant sur des hommes en bonne santé sans facteur de risque cardiovasculaire a mis en évidence des preuves formelles et précoces de maladie du réseau vasculaire en cas de DE. Des facteurs de risques communs La dysfonction érectile, comme les maladies cardio-vasculaires, est favorisée par le tabagisme, le diabète, une hypertension artérielle et la dyslipidémie. Ainsi, la prédominance d'une dysfonction érectile sévère ajustée à l'âge est 1,5 fois plus élevée chez les hommes atteints d’hypertension artérielle que dans la population générale. De même chez les patients ayant une dysfonction érectile, 37 % ont un profil lipidique anormal, 14 % des dosages d'hémoglobine glycosylée trop élevés, 17 % une hypertension artérielle non contrôlée et 6 % une angine de poitrine. Cela souligne l'importance de réaliser des dosages de cholestérol total et de cholestérol associé aux lipoprotéines à haute densité (cholestérol HDL) afin d'évaluer le profil de risque cardio-vasculaire du patient. Une étude récente, prospective, portant sur 1800 hommes a montré que l'âge, l'obésité, l’hypercholestérolémie et un taux élevé de triglycérides chez des hommes d'âge moyen pouvaient à la fois prédire les risques de maladies cardio-vasculaires et les probabilités de développer une dysfonction érectile. Chez les patients diabétiques, la dysfonction érectile pourrait, plus que dans tout autre situation, témoigner de l'existence d'une maladie cardiaque silencieuse. Une étude a comparé 133 hommes diabétiques sans complications liées au diabète mais présentant des lésions coronariennes asymptomatiques objectivées à la coronarographie à 127 autres diabétiques sans maladie cardiaque silencieuse. Parmi les hommes diabétiques atteints d'une coronaropathie silencieuse, 33,8 % avaient une dysfonction érectile alors que seuls 4,7 % des diabétiques indemnes de toute atteinte coronaire asymptomatique avaient une dysfonction érectile. L’évaluation statistique des meilleurs facteurs de risque de maladie coronaire silencieuse a conclu que la dysfonction érectile était le meilleur élément prédictif par comparaison aux facteurs de risque traditionnel. Arguments physiopathologiques La dysfonction endothéliale Furchgott et Zawadzki, au début des années 80, ont rapporté le rôle obligatoire de l’endothélium dans la relaxation vasculaire et la nécessité de son intégrité pour maintenir la possibilité d'une vasodilatation. Depuis de multiples études ont montré qu'en cas de maladies cardio-vasculaires, les réponses dépendant de l'endothélium étaient altérées. Cela a souligné que la dysfonction des cellules endothéliales jouait un rôle dans l’initiation et la progression des maladies cardiovasculaires. En effet, les cellules endothéliales régulent activement le tonus vasculaire basal et la réactivité dans des conditions physiologiques et pathologiques, en répondant aux forces mécaniques et aux médiateurs neuro-humoraux par la libération d’une variété de facteurs relaxants et contractants. Les facteurs relaxants issus de l'endothélium comprennent en particulier le monoxyde d’azote (NO). D’un autre côté, les cellules endothéliales peuvent produire des vasoconstricteurs et des promoteurs de croissance. En présence de facteurs de risque cardio-vasculaire, le rôle protecteur de l’endothélium est diminué, alors que la production de médiateurs vasoconstricteurs, pro-agrégants et pro-mitogènes est maintenue ou stimulée. L’hypothèse du diamètre artériel L'athérosclérose débutante n’atteint pas de façon significative les vaisseaux de gros calibre comme les artères coronaires, carotides ou fémorales. En revanche, les vaisseaux péniens de petit calibre montrent des signes d'obstruction plus tôt car ils sont plus sensibles aux modifications hémodynamiques, mêmes mineures. Quand l'athérosclérose s'aggrave et atteint un certain seuil d'obstruction évalué à 50 %, la lumière coronaire devient suffisamment petite pour entraîner des symptômes spécifiques (angine de poitrine) et au terme du processus, les autres artères de gros calibre sont suffisamment atteintes pour que des signes d'ischémie cérébrale ou périphérique se développent. Parallèlement, l'obstruction des vaisseaux péniens serait alors bien plus avancée atteignant un stade que l'on peut considérer comme dépasser : 44 % à 65 % des patients présentant une symptomatologie débutante de cardiopathie ischémique, ont en moyenne des signes de dysfonction érectile depuis trois ans. De plus, il y a une corrélation significative entre la sévérité de la dysfonction érectile et le nombre de vaisseaux touchés chez les patients porteurs d'une maladie coronarienne. Arguments pharmacologiques Le rôle et le bénéfice des inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5 dans le traitement de la dysfonction érectile sont bien établis. Leur mécanisme d'action est d'obtenir une vasodilatation pénienne en maintenant des concentrations élevées de monoxyde d'azote en empêchant son catabolisme. Une des futures indications des inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5 pourrait être les maladies cardio-vasculaires car cette classe thérapeutique pourrait avoir un intérêt dans l'amélioration de la fonction endothéliale en général et cardiaque en particulier. Le sildénafil permet de réduire la pression dans l'artère pulmonaire, d'améliorer le débit cardiaque et de réduire les symptômes des patients ayant une hypertension artérielle pulmonaire. De plus, les études préliminaires ont montré que le sildénafil permettait de réduire les symptômes, d'améliorer la tolérance à l'exercice, et de réduire la dysfonction endothéliale des patients ayant eu un arrêt cardiaque et en cas de diabète. Le tadalafil pourrait améliorer la fonction endothéliale des patients présentant de multiples facteurs de risque cardio-vasculaire. Les inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5 auraient ainsi un rôle bénéfique en augmentant le diamètre artériel coronaire, en améliorant la fonction endothéliale et en empêchant l'agrégation plaquettaire chez les patients porteurs d'une maladie coronaire, d'un syndrome de Raynaud et d'une drépanocytose. Conclusion La dysfonction érectile est associée à une haute prévalence de maladies cardio-vasculaires occultes. De nombreux patients peuvent présenter une DE comme premier symptôme d’une maladie cardiovasculaire sous-jacente et cette DE doit être considérée comme le signal d’alarme de l’existence potentielle d’une cardiopathie ischémique, non encore diagnostiquée. Il semble ainsi nécessaire que les facteurs de risque cardio-vasculaire soient connus et évalués chez les patients atteints de dysfonction érectile.