scientifique mais, en même temps, force est de reconnaître que nombre de chercheurs ont 
puisé chez leurs « bonnes fées »1 les pistes de découvertes fécondes.  
Pour  dépasser  le  mystère  que  cela  représente  pour  notre  intelligence  cartésienne,  il  est 
possible de regrouper des éléments d’une preuve négative. Dans le domaine des sciences 
dures,  où  la  démonstration  scientifique  repose  sur  la  capacité  à  reproduire  la  même 
expérience  quelles  que  soient  les  circonstances  de  temps  et  de  lieu  et  quel  que  soit 
l’opérateur, la preuve négative, c’est l’échec pur et simple de l’expérience. Dans le domaine 
des  sciences  molles,  au  demeurant  de  plus  en  plus  nombreuses  au  fur  et  à  mesure  que 
s’affine  notre  connaissance  du  monde  matériel,  la  preuve  négative  peut  se  faire  attendre. 
Ainsi,  Karl  Popper  a  pu  défendre  l’idée  qu’une  théorie  était  juste  aussi  longtemps  qu’elle 
n’avait  pas  été  montrée  fausse.  Dans  le  domaine  des  sciences  humaines,  il  n’est  pas 
déraisonnable  de  prendre  comme  indicateur  de  l’erreur  la  souffrance  humaine  et  sociale. 
Cela suppose que l’erreur blesse le cœur avant d’avoir été identifiée par l’intelligence. 
Sur cette base, on peut dire que l’intelligence sans amour aboutit à des systèmes politiques 
qui blessent l’homme. L’imaginaire occidental est plein de ces  êtres surdoués qui ont voué 
leurs  découvertes  scientifiques  à  l’asservissement  de  l’homme  et,  pour  ne  prendre  qu’un 
exemple, la plupart des James Bond sont construits sur ce principe. Mais le réel n’est pas en 
retard sur l’imaginaire et l’on peut lire l’histoire de deux siècles de conflits aujourd’hui 
dépassés  comme  celle  de  deux  siècles  où  la  charité  a  été  exclue  des  principes  de 
gouvernement  et  de  construction  sociale.  Au  XIX°  siècle,  le  libéralisme  philosophique  a 
dégénéré en lutte des classes parce qu’il n’a pas tenu ses promesses d’égalité des chances 
et  des  situations  mais  son  fondement  est  bien  l’individu  dégagé  de  toute  allégeance, 
spirituelle ou même sociale. Selon le mot de Jean Jaurès, « dans le socialisme, l'individu se 
proclame le centre et le but, il ne se subordonne à rien et il subordonne toute chose... »2. Au 
XX° siècle, le nationalisme – qui absolutise un regroupement partiel de peuples, le fascisme 
                                                 
1 « Toute sa vie, le chercheur reprend, développe et refond un ensemble d’hypothèses semi-conscientes, de pistes 
de recherche personnelles qui sont ses bonnes fées pour avancer vers la maîtrise de son sujet », Michaël Polanyi 
(1951), La logique de la liberté, Paris, PUF, 1985 
2 (1896), La Revue de Paris