LA GUERRE DE SECESSION DES ÉTATS-UNIS THE CIVIL WAR Par Michel Fustier (toutes les pièces de M.F. sur : http://theatre.enfant.free.fr ) PERSONNAGES L'historien de service, l'oncle Tom, deux Sudistes: Smith et Gordon, le président Buchanan, le président Lincoln, le général Lee, le général Hunter, le général Hooker, le général Meade le général Ulysses Grant, le général Sherman 1 - Un Esclave! L'ONCLE TOM – Je suis l'oncle Tom. J'habite ici en Virginie. Je suis un nègre qui vit dans une petite maison avec sa femme. Nous sommes bien installés, nous avons même des chaises et un petit fourneau. Je sers un bon maître, auquel je rends beaucoup de services... Il a d'immenses propriétés sur lesquelles on cultive du coton... du coton, du coton à perte de vue. Bien sûr je suis un esclave, comme on dit, mais je suis un esclave heureux et je rends grâce à Dieu d'avoir ainsi été amené en Amérique, où j'ai découvert la vraie foi. Et aussi, avec l'aide du prêcheur qui passe souvent par ici, j'ai appris à lire. Et tous les soirs nous lisons la Bible et je sais maintenant grâce à elle que l'homme ne doit pas chercher à changer sa condition et qu'il faut qu'il se soumette à l'autorité établie... Cela plaît à Dieu. Naturellement, il y a partout ici d'autres esclaves qui travaillent dans les champs de coton, sous le soleil, et leur sort n'est pas aussi agréable que le mien. Ils sont battus quelquefois et on les enchaîne ou parfois même on les pend, mais c'est parce qu'ils refusent d'accepter leur condition et se révoltent contre l'autorité. Bien sûr, je ne dis pas qu'il n'y ait pas de mauvais maîtres, mais c'est la volonté de Dieu, on n'y peut rien... Allons si je ne veux pas être en retard à mon travail, il faut que je vous quitte. J'espère que je ne vous ai pas ennuyé à vous raconter mes histoires! Si, j'oubliais... Dans le Nord du pays, il y a des gens qui ont des préjugés. Ils ne peuvent pas supporter qu'il y ait ici des esclaves... Mais qu'est-ce que ça peut bien leur faire? Et on dit qu'ils veulent déclarer la guerre à nos maîtres pour nous libérer de force... Nous libérer de force! Ça va encore faire l'affaire de ceux qui n'acceptent pas leur condition. Ils sont fous! La belle pagaille que ça serait. Mon Dieu, ayez pitié de nous! 2 - Les Blancs et les Noirs. L'HISTORIEN DE SERVICE - La guerre de Sécession est donc sur le point d'éclater dans les États-Unis d'Amérique, qui ne se sentent donc plus aussi "Unis" qu'ils ne le disaient. Pourquoi? Parce que les États du Sud, essentiellement agricoles... (coton, sucre, maïs...), sont aux mains de riches planteurs qui fondent leur prospérité sur l'exploitation d'une vaste et misérable main d'œuvre d'esclaves noirs, arrachés autrefois à leur Afrique. Et parce que les États du Nord, plus industriels, emploient majoritairement une main d'œuvre blanche et libre, d'origine européenne, à laquelle l'idée même de l'esclavage est insupportable. La tension était devenue telle entre les deux partenaires que certains États du Sud décidèrent à la fin de « faire sécession », ce qui se produisit le 20 décembre 1860. Le président Lincoln était sur le point de succéder au président Buchanan. BUCHANAN – Mon cher Lincoln, Je viens de recevoir cette lettre... Voici le cadeau qu'ils vous font pour votre élection: la Sécession! LINCOLN – Je ne pensais pas que cela arriverait si vite. Mais je savais que cela arriverait... Que disent-ils exactement? BUCHANAN – Qu'en vertu de la décision que les citoyens de la Caroline du Sud viennent de prendre, l'union existant entre la Caroline du Sud et le reste des États-Unis est définitivement rompue. LINCOLN - Ah, carrément! Mais ce serait la fin de notre Nation, ils ne savent pas ce qu'ils font.... Ils ont élu une nouvelle Assemblée? BUCHANAN - Oui. Une nouvelle assemblée qui a voté une nouvelle constitution... Ils sont en pleine rébellion. Et, vous le savez aussi bien que moi, d'autres États vont les suivre... Le Mississippi, je pense, la Floride, la Géorgie, l'Alabama, le Texas... D'autres encore! La tension monte. Ils ont tous beaucoup d'esclaves! LINCOLN - Pourtant je n'ai pas dans mon programme promis d'interdire l'esclavage, mais seulement de l'empêcher de s'étendre aux autres États! BUCHANAN – Votre programme, parlons-en! Comment ne devineraient-ils pas que d'État en État l'interdiction ne se propagerait...? Ils ont peur. Leurs fortunes, considérables, et leurs vies, fort agréables, reposent sur l'esclavage! Vous, vous avez été élu, et bien élu... Quand, dans quelques semaines, le moment sera venu de vous transmettre effectivement mes pouvoirs, c'est avec un profond soulagement que moi, Buchanan, je le ferai. Je vois se lever des tempêtes! LINCOLN - De toute façon, je ne m'attendais pas à une présidence tranquille... Mais je n'ai pas pour habitude de me dérober. Nous ferons face. 3 - Deux Sudistes évaluent leurs chances SMITH - Alors, c'est la guerre? GORDON - Oui, cette fois je crois bien qu'il va falloir qu'on y aille! SMITH - Moi, je ne m'inquiète pas trop. Les gars du Nord ne savent pas faire la guerre... GORDON - Oui, bien sûr on les battra. La plupart étaient des pauvres gars, des laborieux, venus durement chercher fortune en Amérique. Maintenant, ils cherchent à gagner de l'argent et ils ne pensent qu'à ça. Mais pour se battre... ce sont des amateurs et en fait d'armée, ils ne peuvent guère compter que sur des volontaires sans expérience, sans enthousiasme et sans discipline. SMITH – C'est évident! Nous, les armes, on connaît. Dans nos forêts nous nous sommes déjà d'excellents chasseurs... Et avec tous les fusils que nous avons dans nos placards! ...Sans compter que même si l'école militaire de West Point est installée chez les Nordistes, ce ne sont pas leurs fils qui s'y instruisent, mais les nôtres. Ce qui fait que maintenant tous les officiers des États-Unis, ou presque, sont avec nous. Et parfaitement entraînés! GORDON - Quant à notre armée, elle est pour ainsi dire prête à partir en campagne... Le temps de claquer des doigts et l'affaire sera réglée! SMITH – Et tout ça parce que nous avons des esclaves noirs! Et alors, ça n'est pas défendu! Et il n'est pas non plus défendu de les faire travailler dur. Et ce qui est permis et même recommandé, c'est de s'enrichir, et nous nous sommes enrichis, plus vite qu'eux... C'est à cause de ça qu'ils nous en veulent. Est-ce que ça les regarde? Le jour où nous leur dégringolerons dessus... GORDON - On ne leur veut pas de mal, mais... On veut simplement vivre à notre façon? SMITH – Ils la sentiront passer! GORDON - Le seul ennui, c'est que les usines d'armes et de munitions, elles sont aussi chez eux. SMITH – Oui, mais nous avons des ports sur l'Atlantique par lesquels on peut faire venir tout ce qu'on veut. Et en plus, grâce à tout ce que nous exportons dans le monde entier en fait de coton, de blé, de maïs, nous avons tout ce qu'il faut pour payer rubis sur l'ongle! 4 - Rappel historique L'HISTORIEN DE SERVICE - En effet, les États du Nord n'avaient jamais envisagé la guerre. Les États du Sud, eux, qui subissaient la pression antiesclavagiste du monde entier, s'y préparaient depuis longtemps. Quand elle éclata, les rebelles, appelés "Insurgents", ou "Confédérés", ou "Sudistes", très décidés et déjà très militarisés, remportèrent les premières victoires. Ils allèrent jusqu' à menacer Washington, la capitale de leurs adversaires. Ceux-ci, les "Unionistes", ou "Nordistes", ou "Fédérés" se reprirent et il s'en suivit une longue guerre où, se poursuivant l'un l'autre sur un territoire plus grand que celui de l'Europe, les deux adversaires s'infligèrent des pertes terribles. Cette guerre, dite "Guerre de Sécession" ou encore "Guerre Civile" dura cinq ans, mobilisa plus de deux millions de combattants et les 325 grandes batailles rangées que les Américains se livrèrent à eux-mêmes leur coûtèrent plus de six cent mille hommes... Sans compter les blessés! Pour ne pas parler des innombrables escarmouches qui, à chaque carrefour, furent leur pain quotidien. Pour ne pas parler non plus des combats sur la mer et sur les fleuves, le Mississipi en particulier, où les balbutiantes marines des deux partis s'engagèrent follement. Ni de la dévastation des territoires... Comme toutes les guerres civiles, surtout lorsqu'il s'y mêle des problèmes raciaux, celle-ci fut particulièrement violente et cruelle. Pendant tout le temps qu'elle dura, Abraham Lincoln fut non seulement le président des États-Unis, mais, sur ce vaste champ de bataille, il fut aussi le véritable commandant en chef et le stratège des armées du Nord. Il nommait les généraux et dirigeait les opérations aussi bien maritimes que militaires. Il avait décidé en particulier d'adopter la tactique de l'anaconda, ou du boa constrictor, c’està-dire d'enfermer les Confédérés dans leur territoire, bloquant entre autre les ports de l'Atlantique par où pouvaient passer armes et approvisionnement... Et progressivement le nœud se resserra.. 5 - Stratégie et politique. L'HISTORIEN DE SERVICE - Nous sommes en 1862... On se bat depuis deux ans déjà. Des batailles dont il serait trop long de raconter les mille retournements sous les ordres de généraux qui apprenaient leur métier sur le terrain... Cependant un jour, parmi tant d'autres, il se produisit un incident significatif. Lincoln convoqua le général Hunter qui en avait pris l'initiative d'une opération qui ne lui plaisait qu'à moitié... LINCOLN - Général Hunter, qu'avez-vous fait? GENERAL HUNTER - Qu'ai-je fait...? LINCOLM - Comme si vous ne le saviez pas? Vous avez pris la liberté, après la prise du Fort Puslaski, dont je vous félicite, de constituer avec les esclaves libérés, un régiment noir. GENERAL HUNTER - Je manquais de bras, les Noirs ne demandaient que ça... LINCOLN - C'est une décision politique que vous avez prise là... GENERAL HUNTER - Je n'y voyais que du militaire! LINCOLN - J'entends bien, et à votre place, sur le champ de bataille, j'en aurais peut-être fait autant... D'ailleurs le congrès a fini par vous apporter son soutien. Mais reconnaissez que c'est une décision qui dépasse les responsabilités du simple général que vous êtes.. GENERAL HUNTER - Sans doute, sans doute... Cette guerre dure depuis deux ans et elle est si pleine de fureur et ce confusion... LINCOLN - En effet, pleine de confusion... Tâchons au moins d'y mettre de la clarté! GENERAL HUNTER - Il faut bien faire face aux circonstances, qui ne sont jamais évidentes! LINCOLN – Oui, mais lorsque, faisant un pas de plus, vous déclarez que sont "libres et définitivement libres tous les esclaves de trois des États du Sud", là, vous passez vraiment la borne. Je suis d'accord sur le fond, mais le moment n'est pas encore venu de le proclamer GENERAL HUNTER - Je pensais qu'anticiper un peu... ne pouvait pas être mauvais. LINCOLN - Général, regardons les choses d'un peu plus haut. Nous avons un double objectif, la suppression de l'esclavage, bien sûr, mais aussi et par-dessus tout la sauvegarde de l'Union. L'Union d'abord... Que les États-Unis ne perdent aucun de leurs États, c'est mon obsession! Même s'il faut pour cela tolérer encore un peu l'esclavage ou lui faire quelques concessions provisoires. Or voilà qu'avec vos décisions irréfléchies vous offrez aux États du Sud un prétexte pour rompre cette Union. Ils n'attendaient que ça. Un régiment noir! GENERAL HUNTER - Ne faut-il pas parfois bousculer un peu les choses? LINCOLN - Au risque de tout casser? Sauver l'Union, encore une fois, c'est le plus important. Les décisions que vous avez prises ne sont pas d'un général, elles reviennent au Congrès, c’est-à-dire à l'instance politique supérieure de notre Union. GENERAL HUNTER – Oui, mais avec les politiques, quel temps perdu! LINCOLN – Vous les militaires, bien que parfois d'une lenteur désespérante, vous êtes souvent trop pressés,... Mais rassurez-vous, le Congrès fait son travail aussi vite qu'il le peut et pour le moment il prépare une loi selon laquelle... Si les planteurs de Sud veulent, eux, utiliser leurs esclaves à des fins militaires, c’est-à-dire les faire combattre à leurs côtés, ces esclaves sont automatiquement "émancipés", c’est-à-dire qu'ils deviennent juridiquement libres, ainsi que leurs familles. Ils pourraient même s'engager dans notre armée. D'ailleurs, nous avons déjà décidé, pour combattre ces esclavagistes blancs, de lever nous-mêmes dans nos États cent régiments noirs. GENERAL HUNTER – Que dites-vous? Mais alors, je suis un précurseur! Et convenez que ce que fait le Congrès, ce n'est qu'un tout petit pas dans la bonne direction. LINCOLN – Encore une fois, à vouloir trop vite libérer les esclaves, ce serait l'anarchie dans le Sud et c'est l'Union que nous mettrions en danger. De toute façon, je veux d'abord tenter de persuader chaque État de prendre lui-même l'initiative de libérer ses esclaves. Et ce n'est que dans un deuxième temps, si ce que nous venons de dire ne marche pas, que nous prendrons des décisions fédérales et amenderons la Constitution. Définitivement! Ces propriétaires terriens du Sud sont tellement excités et se moquent tellement de nos demandes qu'il vaut mieux mettre le droit de notre côté... GENERAL HUNTER - Faut-il que je dissolve mon régiment noir? LINCOLN - Non, gardez-le, mais soyez discret... J'allais dire: peignez-le en gris! 6 - Déclaration d’Émancipation... L'HISTORIEN DE SERVICE - Nous ne pouvons pas raconter le détail de tout ce qui se passa ensuite... Batailles, chevauchées, poursuites, sièges, massacres... il y en eut tellement! Mais le 1er janvier 63, Lincoln, profitant de l'émoi suscité par la victoire d'Antietam et sentant que les feux devaient être poussés, non seulement sur le plan militaire mais aussi sur le plan politique, Lincoln donc rendit publique la déclaration d'émancipation qu'il méditait depuis longtemps. Ce fut un coup de tonnerre... LINCOLN - "Dès ce jour et pour toujours, tous les esclaves vivant dans un État en rébellion seront considérées comme libres. Toutes les autorités de l'État devront reconnaître cette liberté et faire tout ce qui sera en leur pouvoir pour que ces esclaves soient effectivement libérés. Il est d'autre part demandé à ces nouveaux citoyens de se mettre au travail dès qu'ils le pourront et d'exiger pour cela un salaire raisonnable. Ils pourront en outre être enrôlés dans tous les postes de l'armée des États-Unis avec de bonnes conditions. En agissant ainsi je crois sincèrement accomplir un acte de justice conforme à l'esprit de la Constitution. J'espère également obtenir l'appui du Tout-Puissant et l'approbation réfléchie de toutes les nations civilisées. En foi de quoi, je signe ce document de ma main et y fait apposer le sceau officiel des États-Unis." L'HISTORIEN DE SERVICE - La bataille n'était pas finie, mais ainsi était donné un cadre légal à la libération des esclaves. Geste symbolique aux yeux du monde, qui avait aussi pour conséquence de semer la confusion dans les États du Sud, dont les tous les esclaves n'étaient pas aussi soumis que notre bon oncle Tom. Il permettait en outre aux armées de l'Union, au fur et à mesure qu'elles pénétraient en territoire confédéré, de libérer immédiatement les esclaves et même de les enrôler, ce qui n'était pas sans conséquences militaires 5 - La bataille de Chancellorsville L'HISTORIEN DE SERVICE - Les Confédérés avaient un grand général, le général Robert Edward Lee. Dans cette guerre, où les armées se couraient les unes après les autres, guerre de mouvement s'il en fut, tout à fait différente de ce que sera la guerre de tranchées de la première Guerre mondiale, le général Lee était considéré comme le meilleur des stratèges... Avec sa déclaration d'émancipation, Lincoln avait marqué un point, il fallait répliquer... GENERAL LEE – Maintenant, le moment est venu. Nous allons nous emparer de Washington, capitale de l'Union. Ils verront ce dont nous sommes capables! L'HISTORIEN DE SERVICE - Le général Lee réunit donc ses troupes, jusque-là dispersées, et se mit en route. Bien que l'armée ainsi constituée ait été assez inférieure en nombre à celle des Fédérés, il commença par les bousculer vigoureusement dans les environs de Chancellorsville... Grande victoire des Confédérés, ils ne sentent plus leurs limites. Le général Hooker, qui commandait les troupes de l'Union, se fait laver la tête par le président... LINCOLN - Général Hooker, qu'avez-vous fait? Vous aviez la supériorité numérique et vous vous êtes laissé bêtement disperser...! Et savez-vous que le mécontentement monte parmi vos officiers, qui sont indignés de la façon dont vous les conduisez au combat. GENERAL HOOKER – Monsieur le Président, Je fais de mon mieux, mais la situation est tellement complexe et nos adversaires sont tellement imprévisibles... Et ce général Lee sait si bien s'y prendre pour vous embrouiller la tête! Mais je vais reprendre en main la situation et marcher sur Richmond, qui est la capitale de l'adversaire... LINCOLN - Richmond! Vous faites une erreur complète! A quoi est-ce que ça nous servirait que vous preniez Richmond? Richmond n'est rien et vous vous y casseriez les dents. Votre seul objectif doit être de battre l'armée du général Lee. Si Lee est vaincu, la guerre est finie... Vous n'avez plus votre tête à vous. Je crains que vos nerfs n'aient craqué! GENERAL HOOKER - Mais, monsieur le Président... LINCOLN - Cela suffit. Je vous révoque. Le général Meade vous remplacera.. GENERAL HOOKER - En plein combat...? LINCOLN - Nous ne pouvons pas perdre plus de temps. Meade n'est ni commode ni aimable, mais c'est un fin stratège... Hooker, vous avez tellement de peine à prendre des décisions que... Meade fera toujours mieux que vous... Je vous remercie, général... 6 - La bataille de Gettysburg L'HISTORIEN DE SERVICE - Le général Meade avait la quasi-certitude que le général sudiste Lee ne pouvait décemment se retirer sans combattre. C'eut été déshonorant. Mais, prudent, au lieu de le provoquer en bataille rangée ou d'essayer de le poursuivre, Meade massa ses troupes sur les collines rocheuses qui dominent la ville de Gettysburg et s'y fortifia. La position se prêtait parfaitement à la défense. L'honneur de Lee étant donc en jeu et l'attaque des Sudistes ne tarda pas... Elle commença le 1er Juillet 1863... 99 000 soldats pour l'Union, 64 000 pour les Confédérés! Trois jours de manœuvres confuses, acharnées et sanglantes, marqués en particulier par la fameuse Pickett's charge... Le soir du. 3 juillet, le général Lee épuisé et incapable de soutenir l'assaut, se retira... LINCOLN - Général Meade, il n'y a que quatre jours que vous avez pris votre commandement, mais vous avez remporté la victoire. Je vous félicite... GENERAL MEADE - Merci, monsieur le président. LINCOLN - Mais je vous fais un virulent reproche: pourquoi diable n'avez-vous pas poursuivi les Confédérés, qui s'enfuyaient battus est découragés? GENERAL MEADE - Poursuivre, oui, poursuivre... La bataille avait été tellement violente et j'étais tellement occupé à rassembler mes hommes et à reformer des régiments décimés... Et puis nous étions tous comme... choqués, épuisés, stupéfaits! LINCOLN - Un bon soldat n'est jamais choqué, épuisé, stupéfait... GENERAL MEADE – Parole de civil, monsieur le président! Vous ne savez pas ce que c'est... LINCOLN – Pour rester civil, je... Non, je vous exprime simplement mon mécontentement. Si vous aviez poursuivi Lee, vous auriez pu détruire une fois pour toutes l'armée des Confédérés... Songez-y! Et mettre fin à la guerre... Mettre fin à la guerre! Maintenant, nous en aurons pour deux ou trois ans à terminer la besogne... L'HISTORIEN DE SERVICE - A Gettysburg, le président organisa une grande cérémonie en l'honneur des morts de la bataille. Les deux camps confondus, il y en avait eu plus de soixante mille. Lincoln y prononça un discours aussi émouvant que bref. Il dit en particulier: LINCOLN - Venons-nous pour honorer nos morts? En réalité, ce sont eux qui nous ont honorés et que nous remercions... Ce lieu a été consacré par leur sacrifice. Nous ne pouvons que nous incliner devant lui! 8 – Propositions de paix L'HISTORIEN DE SERVICE - Lincoln ne se perdait pas en vaines paroles... Quant à finir le conflit, cela prit effectivement deux ans. Entre temps, le Général Ulysses Grant avait reçu le commandement de l'armée des Fédérés. Sous ses ordres, le général Sherman avait, comme dernier argument, d'un vaste coup de faucille dévasté la Virginie et coupé les lignes d'approvisionnement des Confédérés. Le Sud savait qu'il avait perdu mais la violence des passions était telle qu'il ne reconnut sa défaite que lorsque, enfin! Richmond fut tombée. La ville avait été puissamment fortifiée et résista pendant huit mois aux attaques de Grant, qui dut se résoudre à la réduire par la famine... A bout de forces, Lee rencontra Grant le 9 avril 1865 dans le village d'Appomattox. GENERAL LEE - Général Grant, merci d'être venu jusqu'à moi. Je n'irai pas par quatre chemins: l'armée du Sud est épuisée, nos combats n'ont plus d'objet et je viens vous demander dans quelles conditions vous accepteriez notre reddition. GENERAL GRANT - C'est bien ce que je pensais que vous veniez me dire... Mais vous souvenezvous, général, que nous nous sommes déjà rencontrés, il y a bien longtemps...? GENERAL LEE - Vraiment? GENERAL GRANT - Pendant la guerre du Mexique, vous avez passé en revue la brigade de Garland... je ne sais plus bien où... GENERAL LEE - Je m'en souviens. GENERAL GRANT - J'étais là et je n'oublierai jamais la fière impression que vous m'avez faite. GENERAL LEE - Je vous remercie... Donc, j'ai dû vous voir, moi aussi... GENERAL GRANT - Oui, mais je n'ai pas une allure à me faire remarquer... Et je ne me doutais pas que nous nous rencontrerions ici, après cinq ans de guerre, dans de si dramatiques circonstances. Quant à votre reddition, voici ce que je vous propose... Nous avons trop combattu, l'un et l'autre, pour ne pas vouloir chercher à faire cela le plus... pacifiquement possible. GENERAL LEE – C'est bien mon avis... GENERAL GRANT - Nous vous proposons d'abord que l'armée du Nord, évidemment, prenne possession de vos armes et de vos fournitures... GENERAL LEE – Comment faire autrement? GENERAL GRANT - Mais nous envisageons, sous le serment de ne plus combattre, de laisser tranquillement vos hommes rentrer chez eux... Nous ne voulons pas de prisonniers et la vie normale doit reprendre le plus vite possible. Quant aux officiers nous leur laisserions leurs chevaux et leurs armes personnelles. GENERAL LEE - C'est une proposition tout à fait propre à calmer les esprits... GENERAL GRANT - Il faut savoir rapidement solder les comptes. Nous n'avons aucun désir de vengeance ni de représailles. GENERAL LEE – C'est sans doute la voie la plus raisonnable vers la paix. La nation a besoin de mettre toutes ses forces au travail. Mais savez-vous que, au contraire de l'armée du Nord, dans l'armée du Sud les simples soldats sont eux-aussi propriétaires de leur cheval...? GENERAL GRANT - Je ne le savais pas. Vous souhaitez donc qu'ils puissent repartir sur leur selle? GENERAL LEE - Ils seraient ainsi plus vite rentrés et pourraient ainsi reprendre plus vite cette "vie normale", que vous souhaitez, et moi aussi. Et remettre le pays en marche. GENERAL GRANT – Vous avez raison. Et comme je crois savoir aussi que vos hommes n'ont pas eu ces derniers temps grand-chose à de mettre sous la dent, je demanderai aussi à notre intendance de vous fournir... toutes les rations qu'il sera possible. GENERAL LEE – Elles seront hautement appréciées. GENERAL GRANT - Il n'y a pas de meilleur moyen de procéder. Il faut cesser de répondre à la violence par la violence... GENERAL LEE – Nous sommes bien d'accord! GENERAL GRANT – Si seulement nous avions pu nous en apercevoir il y a six ans. Mas il fallait probablement en passer par où nous avons dû en passer... GENERAL LEE – Quel est l'imbécile qui a dit que l'homme est un animal raisonnable! Nous aurons l'occasion de nous revoir. A bientôt, général Grant!. GENERAL GRANT – Je le pense aussi. A bientôt, général Lee. Vive la paix! 9 - La fin L'HISTORIEN DE SERVICE - Malheureusement, tous les gens du Sud n'étaient pas d'accord, loin de là. Et quelques-uns décidèrent pour se venger et d'assassiner le président Lincoln, qui venait d'être réélu. Ils s'introduisirent dans le théâtre où le président était venu passer la soirée (enfin un peu de distraction!) et lui tirèrent une balle de pistolet dans la nuque, le 14 avril 1865... Le tireur était un acteur connu qui avait souvent joué les premiers rôles dans ce même théâtre... Ce soir-là, il se surpassa! Quelque temps auparavant, le 31 janvier de la même année, Lincoln avait réussi à faire voter par la chambre des représentants le XIIIème amendement à la Constitution, qui supprimait définitivement et immédiatement l'esclavage aux États-Unis. Et peu de temps après furent votés les XIVème et XVème amendements qui garantissaient à tous les citoyens des droits égaux et établissaient que ces droits ne pouvaient être refusés ou restreints "en raison de la race, de la couleur de la peau ou de la condition antérieure de servitude." 10 – L'oncle Tom L'ONCLE TOM – Maintenant, je ne suis plus un esclave et au lieu de lire la Bible, je lis le journal... Ils ne sont pas tout à fait d'accord... quoique parfois je me demande si je l'avais vraiment bien lue, cette Bible. Cependant, le journal, je le lis en cachette car c'est plus ou moins mal vu pour un négro de lire le journal: ça pourrait lui donner encore des idées. Et savez-vous, ce n'est plus le prêcheur qui passe, mais mon représentant au Congrès. Un bon baratineur, lui-aussi! Il me dit qu'il faut que je sorte de ma condition, que je devienne quelqu'un, que je sois enfin un citoyen et que l'autorité, c'est à moi de l'établir. Tu parles! De toute façon je suis trop vieux et malheureusement je crois que, mes enfants et mes petits-enfants, cela leur prendra plus de temps pour digérer cette guerre que ça ne nous en a pris pour la faire...