et la fonction de représentation de celle-ci, rapport interrogé en psycho-linguistique par les
travaux de Jean-Blaise Grize ou de Culioli, en philosophie par Habermas, en socio-
linguistique par Basil Bernstein et en psychologie par Vygotski. Je me suis ainsi intéressée
aux indices de conceptualisation des notions morales dans le discours et à la transformation
d’une notion, d’outil en objet d’une activité. Cette investigation conduit à la position
théorique selon laquelle on n’apprend pas seulement « par la pratique », comme le dit le vieil
adage selon lequel « c’est en forgeant qu’on devient forgeron » mais aussi par l’analyse de
celle-ci, en proposant ainsi, comme un moment important dans la conceptualisation d’une
norme socio-morale, la prise de conscience des propriétés qui permettent de la rendre
fonctionnelle dans l’activité.
La deuxième question soulevée par cette thèse était celle de la relation entre deux grands
champs conceptuels de la morale étudiés par la littérature spécialisée et notamment les
travaux de Kohlberg (1984) et de Gilligan (1982/1986) : le champ de la justice, qui accentue
la dimension généralisée et décontextualisée des valeurs, et le champ de la sollicitude qui
accentue la dimension contextualisée et relationnelle de celles-ci. La recherche a montré la
complémentarité existant, dans le discours des adolescents, entre ces deux grandes catégories
de concepts et leurs propriétés, ainsi que le rôle important de la valeur de la sincérité dans
cette intégration. Ces résultats contribuent à l’éclaircissement de certains conflits de normes
qui peuvent être rencontrées par les jeunes par rapport à la double fonction qui caractérise les
normes socio-morales : elles structurent les relations interpersonnelles et notamment l’amitié
et la coopération ; elles structurent le groupe et son organisation démocratique et égalitaire.
Cette double fonction des valeurs peut provoquer des tensions dans les choix et la
construction de la personnalité de l’enfant ou du jeune adolescent, ce qui apparait dans les
recherches concernant le fonctionnement des conseils de coopérative à la fin de l’école
primaire : tension, par exemple, rencontrée par un délégué des élèves entre favoriser ses amis
d’une part et adopter un comportement égalitaire envers tous les camarades de classe en
respectant la fonction qu’il exerce au sein du collectif, d’autre part.
Ces conclusions et questionnements ont alimenté ma réflexion sur la relation qui existe
entre les trois registres de l’activité qui construisent la signification des concepts, à savoir le
registre prescriptif, le registre pragmatique et le registre conceptuel au sein des situations
éducatives dans les établissements scolaires. Dans quelles conditions un milieu éducatif peut-
il contribuer à la construction de la signification des normes qu’il génère ? Cette question a
été examinée dans le cadre d’une recherche analysant les processus et les effets de
socialisation scolaire des élèves dans une école primaire fonctionnant selon les principes de la
pédagogie Freinet.
Méthodologie*de*recherche*
La recherche se base sur la monographie d’une école primaire située dans une zone REP
(Réseau d’Education Prioritaire) à Mons-en-Baroeul dans la banlieue lilloise. Cette école
accueillant une population d’élèves issue essentiellement de milieu populaire et présentant des
difficultés scolaires et comportementales importantes, l’Inspection Académique a demandé à
une équipe d’enseignants faisant partie du mouvement Freinet (ICEM : Institut Coopératif de
l’Ecole Moderne) de prendre en charge le projet de l’école pour une période de cinq ans avec
l’objectif d’améliorer les résultats des élèves dans tous les domaines d’apprentissage.
L’équipe d’accueil Theodile-CIREL a assumé l’évaluation de ce projet (Reuter 2007). Ayant
comme objectif d’étudier les processus de socialisation des élèves au sein de cet établissement
scolaire, j’ai eu l’occasion de réunir, pendant plusieurs années, différents types de données
concernant ce processus, dans une perspective de comparaison avec d’autres établissements
scolaires situés soit dans la même ville mais utilisant une pédagogie dite « traditionnelle » soit