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Épisodes dépressifs mixtes : clinique et biomarqueurs neurophysiologiques S151
présents obligatoirement et simultanément pour déÀ nir
un épisode mixte. Ce qui ne correspond pas au continuum
symptomatique possible et à la réalité clinique rencontrée
chez bon nombre de patients [25,26].
Le DSM- 5 s’est rapproché des conceptions de
Kraepelin [5], et tenant compte des données épidémio-
logiques [3,15,16,19], a opté pour une perspective plus
dimensionnelle en transposant le concept de mixité de
« l’épisode » à celui de « spéciÀ cation » du trouble de
l’humeur [7]. La spéciÀ cation mixte s’applique désormais
s’il existe « presque tous les jours pendant la majorité de
la période de l’EDM actuel » au moins 3 caractéristiques
d’un épisode (hypo) maniaque, ce qui pourrait en soi être
insufÀ sant pour poser le diagnostic d’épisode maniaque [7].
Les symptômes « distractibilité » et « irritabilité » n’ont
cependant pas été inclus dans le DSM- 5 bien que mis en
évidence dans les études épidémiologiques [15,19] et bien
que présents dans les caractéristiques du DSM- 5 pour un
épisode (hypo) maniaque [7]. Par ailleurs les symptômes
d’humeur expansive et d’idées de grandeur ont été inclus
alors qu’ils n’étaient pas retrouvés fréquemment au niveau
épidémiologique [15] (Tableau 1).
Un épisode mixte selon les critères du DSM- IV TR permettait
de poser le diagnostic d’un trouble bipolaire de type 1 [13].
La spéciÀ cation mixte du DSM- 5 ne permet plus de poser
automatiquement le diagnostic d’un trouble bipolaire [7].
Deux situations sont à distinguer. Premièrement, si « tous les
critères de manie ou d’hypomanie » sont retrouvés associés à
l’EDM, alors « le diagnostic de trouble bipolaire de type 1 ou 2
doit être posé ». Il s’agit du critère C dans les caractéristiques
de la spéciÀ cation mixte, qui renvoie À nalement à l’épisode
mixte tel que déÀ ni dans le DSM- IV. Deuxièmement, si le
critère C n’est pas retenu, alors le diagnostic de trouble
dépressif majeur est à retenir. Cependant, le DSM- 5 a placé
une note importante, sous les critères de spéciÀ cation mixte,
indiquant que : « les caractéristiques mixtes spéciÀ ant un
épisode dépressif majeur sont un facteur de risque signi-
À catif pour le développement d’un trouble bipolaire de
type 1 ou 2 ». Cette note renvoie d’une certaine façon aux
données épidémiologiques que ont conduit à l’évolution du
DSM- 5 [3,5,15,19,24,27], à une approche plus dimensionnelle,
et souligne qu’« ainsi, il est cliniquement utile de noter la
présence de cette spéciÀ cation qui orientera le choix du
traitement et le suivi de la réponse thérapeutique » [7].
Il faut noter que la spéciÀ cation « mixte » et la spé-
ciÀ cation « détresse anxieuse » sont les spéciÀ cations
ajoutées au DSM- 5 [7]. Les autres spéciÀ cations d’un EDM
restent inchangées [13]. La spéciÀ cation « atypique »
a notamment été conservée dans le DSM- 5 bien que sa
pertinence clinique reste discutée [28,29]. La spéciÀ ca-
tion « atypique » s’applique s’il existe : une réactivité
de l’humeur et deux des symptômes ou signes suivants :
prise de poids ou augmentation de l’appétit signiÀ cative,
hypersomnie, membres « en plomb », sensibilité au rejet
dans les relations. La caractéristique la plus manifeste
de culpabilité et idées de mort), ii) un ralentissement
psychomoteur (ralentissement idéique, pauvreté de la
mimique, ralentissement moteur), et iii) des répercussions
neuro- végétatives (avec insomnie et anorexie) [3,4]. L’EDM
typique tend donc vers la spéciÀ cation mélancolique du
DSM- IV ou du DSM- 5 [7,12,13].
Cependant la spéciÀ cation mélancolique n’est pas la
règle et bien souvent un EDM présente des symptômes ou des
signes de manie ou d’hypomanie [5,14-19]. Ainsi la présence
d’au moins deux de ces symptômes ou signes a été retrouvée
associée à un EDM chez 73,1 % des patients avec un trouble
bipolaire de type 2 et 42,1 % des patients avec un trouble
dépressif récurrent [19]. Trois de ces symptômes (hypo)
maniaques ont été retrouvés chez près de la moitié des
patients avec un trouble bipolaire de type 2 [3,19]. Les
symptômes les plus fréquemment retrouvés sont l’irrita-
bilité, la distractibilité et la sensation que « les pensées
déÀ lent » [3,19]. Ces observations ont été conÀ rmées
également dans les troubles bipolaires de type 1 [15,20].
Dans toutes les études, la présence de ces symptômes ou
signes d’hypomanie était le plus souvent insufÀ sante pour
pouvoir poser le diagnostic d’EDM mixte suivant les critères
du DSM- IV, qui n’étaient remplis que pour environ 10 % des
cas [13,15,19].
La reconnaissance épidémiologique, plus large que la
déÀ
nition stricte du DSM- IV, d’un sous- groupe d’EDM carac-
térisé par la présence de symptômes ou de signes d’(hypo)
manie est importante cliniquement puisqu’elle est associée
à un pronostic et une réponse pharmacologique différents de
la sous- population d’EDM « typique ». Au niveau pronostique,
ces EDM mixtes sont associés à des troubles de l’humeur à
début plus précoce [21], à évolution plus sévère et à cycle
plus rapide [15,16,19] et augmentent le risque suicidaire [15]
et d’impulsivité [22]. Sur le plan pharmacologique ces EDM
mixtes présentent un facteur de mauvais pronostic pour
la réponse aux antidépresseurs qui peuvent aggraver la
symptomatologie [3,23].
ClassiÀ cations nosologiques : du DSM- IV
au DSM- 5
Ces données épidémiologiques ont permis d’éclairer et
de décrire une réalité clinique qui était ignorée par le
manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux
dans sa 4e édition (DSM- IV TR) [13-15,24]. Le DSM- IV TR
déÀ nissait un « épisode mixte » suivant une perspective
catégorielle. Dans un épisode mixte : « les critères sont
réunis à la fois pour un épisode maniaque et pour un
épisode dépressif majeur (à l’exception du critère de
durée) et cela presque tous les jours pendant au moins une
semaine » [13]. Il s’agit donc de critères restrictifs puisque
l’ensemble des symptômes ou signes permettant de déÀ -
nir un épisode maniaque et l’ensemble des symptômes
ou signes permettant de déÀ nir un EDM devaient être