Déconstruction du concept de troubles de l'humeur
Avertissement
Déconstruire un concept dans le champ psy peut avoir un effet pervers, à savoir entamer sa crédibilité. Or, le
concept peut avoir un rôle très important et celui de la dépression et des troubles de l'humeur sert journellement
à reconnaître, à prendre en compte et à soigner des souffrances affreuses. Si le résultat de la
déconstruction est d'empêcher un tant soit peu la prise en charge de ces souffrances, il vaut mieux ne rien faire.
La légitimité d'une telle action n'existe que si l'on espère, non seulement, que les souffrances décodées
auparavant resteront reconnues, mais que d'autres pourront accéder, par là , à une prise en charge négligée
auparavant. C'est ce que nous espérons de ce qui va suivre. Le concept de troubles de l'humeur a atteint
aujourd'hui ses limites pratiques et il faut le resituer dans une vision clinique plus large, qui ne le fera pas
disparaître pour autant. Cette déconstruction sera réalisée selon trois directions que nous allons préciser.
Les troubles de l'humeur actuels
En clinique, les troubles de l'humeur ou troubles thymiques ne sortent guère de l'espèce de tautologie qui sert de
définition dans les classifications pragmatiques comme le DSM IV : "La section des troubles de l'humeur comprend
des troubles dont la caractéristique principale est une perturbation de l'humeur" (sic). Cela comporte surtout des
tableaux cliniques de tristesse ou de gaieté exagérée. On y associe, toutefois, l'irritabilité grincheuse qui peut
remplacer la tristesse ou la gaieté chez les enfants et les adolescents. On note bien, dans la dépression, la perte
de plaisir ou d'intérêt pour toute activité, ainsi que le ralentissement des pensées. Et, dans la manie,
l'exaltation n'est pas seulement celle de l'expansivité thymique, mais est aussi idéique.
Esquirol, au début du 19 ème siècle, partait, lui, plutôt du côté "perturbation de la sensibilité, de
l'intelligence et de la volonté" (in "De la manie" - 1818). Il y aurait une étude à faire de cette dérive séculaire,
en clinique, de troubles, que l'on dirait aujourd'hui cognitifs, à des troubles considérés maintenant comme
d'abord thymiques. L'importance des facteurs endogènes et génétiques, découverts progressivement dans
ces affections, a sûrement contribué à accentuer cette dérive. La découverte des noyaux centraux dans la
zone de la protubérance, noyaux de neurones à neuromédiateurs divers, vraisemblablement impliqués dans
ces troubles et leurs relations avec les zones limbiques, a aussi sûrement contribué à ce que l'on "neurologise"
ces affections de plus en plus, vers des troubles des régulations basales et, notamment, thymiques.
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