La lettre du neurologue - n° 3 - vol. V - mars 2001 119
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le diagnostic étiologique. Un déficit
brutal à la suite d’un effort ou d’un faux
mouvement orientera vers une hernie
discale ; un traumatisme pourra être
responsable d’une fracture rachidienne
et un traitement anticoagulant pourra
favoriser une hématomyélie ou un
hématome épidural. Dans les formes
progressives, une épidurite infectieuse
sera suspectée sur un terrain septique,
une altération de l’état général évoquera
une épidurite métastatique. Des antécé-
dents comme une néoplasie, une neuro-
fibromatose de Recklinghausen avec des
taches café au lait, une dépression
immunitaire sont aussi des éléments
d’orientation du diagnostic étiologique.
Le déficit moteur peut être précédé de
douleurs rachidiennes, radiculaires ou
cordonales ou de crampes et de myalgies
(1). Le patient consulte parfois pour
l’aggravation de signes moteurs préexis-
tants : le dérobement d’un membre, une
fatigabilité musculaire, des troubles de la
marche, une maladresse gestuelle avec
lâchage d’objets ou une claudication
médullaire intermittente. L’interrogatoire
peut mettre en évidence des signes défi-
citaires sensitifs comme des pares-
thésies en territoire radiculaire ou des
troubles de la sensibilité profonde. Les
troubles sphinctériens d’une compression
médullaire sont plutôt à type de dysurie.
L’examen neurologique doit rechercher
des signes associés au déficit moteur
comme un syndrome pyramidal, des
troubles sensitifs objectifs, des troubles
sphinctériens, un syndrome cérébelleux,
une anomalie du tonus musculaire, une
atteinte des paires crâniennes, des
troubles de conscience ou des fonctions
supérieures, des fasciculations ou des
anomalies des réflexes (1, 2).
Cet examen clinique minutieux conduit à
formuler un diagnostic de syndrome
pyramidal, écartant ainsi une atteinte
neurogène périphérique ou myogène.
Les signes sensitifs ou d’atteinte des der-
niers nerfs crâniens qui peuvent accom-
pagner une faiblesse musculaire généra-
lisée ont une grande valeur localisatrice.
Cependant, c’est souvent le profil tempo-
rel et évolutif des symptômes qui contri-
bue le plus au diagnostic final ; un début
soudain évoque une pathologie vasculai-
re, alors qu’un tableau progressif peut
révéler une compression médullaire.
Le tableau II (3) propose une démarche
diagnostique basée sur les données de
l’examen clinique.
Tétraparésie avec signes sensitifs
Des anomalies sensitives sont fréquem-
ment associées au déficit moteur prédo-
minant. Ce déficit moteur peut être
flasque avec des réflexes diminués, ou
spastique avec un syndrome pyramidal.
Dans les atteintes aiguës du cordon
médullaire, le syndrome pyramidal peut
être initialement absent. Les troubles
sphinctériens sont habituels dans les
atteintes médullaires à l’inverse des
affections du motoneurone ␣. Enfin, il
ne faut pas ignorer une exceptionnelle
mais classique lésion cérébrale à l’origine
d’une paraparésie spasmodique (ménin-
giome de la faux du cerveau).
La lésion du faisceau pyramidal peut ou
non s’accompagner d’une douleur.
Lorsqu’elle est présente, l’origine trauma-
tique, mécanique (protrusion discale, dis-
location de l’odontoïde) ou inflammatoire
(méningomyélite ou abcès) est probable.
Cependant le traumatisme n’est pas tou-
jours violent ou évident dans l’histoire
clinique. C’est en particulier le cas des
fractures de l’odontoïde dans la polyar-
thrite rhumatoïde. Le syndrome rachidien
est inconstant dans les myélopathies
compressives et, au niveau dorsal, le syn-
drome lésionnel est absent. Dans les scia-
tiques paralysantes, la sémiologie est
trompeuse : la paralysie se manifeste
alors que la douleur disparaît.
En l’absence de douleur, c’est le profil
temporel qui devient primordial, ainsi la
cause la plus probable d’un déficit sou-
dain est un accident vasculaire cérébral.
À l’inverse, l’accident vasculaire médul-
laire s’accompagne presque toujours
d’une douleur rachidienne intense.
Une tétraparésie sensitivo-motrice flasque
avec des réflexes diminués mais présents
est en général due à une polyneuropathie
qui justifie le plus souvent l’admission en
soins intensifs (porphyrie, diphtérie,
métaux lourds, médicaments, etc.).
Tétraparésie sans signe sensitif
Une tétraparésie hypertonique est rare et
se rencontre dans une hypoparathyroïdie
sévère ou un tétanos. L’hypotonie est en
faveur d’une neuropathie, d’une myopa-
thie ou d’une anomalie de la transmission
neuromusculaire. La faiblesse musculaire
est généralement plus marquée dans les
jambes et en distalité dans les neuropa-
thies, alors qu’elle prédomine au niveau
des ceintures dans les myopathies.
Devant un déficit moteur aigu avec des
réflexes abolis, il faut évoquer une hypo-
kaliémie bien qu’un choc spinal soit pos-
sible. Les paralysies hyperkaliémiques
sont la plupart du temps de durée plus
brève et ne nécessitent que rarement une
ventilation artificielle. En général, une
tétraparésie flasque d’évolution ascendan-
te avec des réflexes diminués ou abolis et
parfois des troubles sensitifs mineurs est
due à un syndrome de Guillain-Barré.
Le syndrome de la queue de cheval asso-
cie dans sa forme habituelle une paraplé-
gie ou une paraparésie flasque évoluant
vers l’amyotrophie avec abolition des
réflexes ostéotendineux, des douleurs
radiculaires suivies d’une anesthésie en
selle et des membres inférieurs, des
troubles sphinctériens précoces (réten-
tion aiguë, miction par regorgement) et
une abolition des réflexes sacrés. La pré-
sence d’un signe de Babinski caractérise
une atteinte du cône terminal. Les dou-
leurs radiculaires, l’asymétrie de la para-
lysie, la présence de troubles sphincté-
riens et le déficit sensitif périnéal per-
mettront de distinguer ce tableau d’une
polyneuropathie aiguë.
Des douleurs musculaires avec des
réflexes conservés font évoquer une
rhabdomyolyse dont la gravité est fonc-
tion des risques d’insuffisance rénale par
myoglobinémie et des risques d’arythmie
cardiaque par hyperkaliémie et hypo-
phosphorémie. Dans l’attente des résul-
tats de laboratoire, une myoglobinurie
peut être retenue si la bandelette uri-
naire est positive pour l’hémoglobine en
l’absence de globules rouges.
Dans les myopathies et les affections de
la transmission neuromusculaire, les
douleurs sont absentes. L’élévation
sérique de la créatine-kinase signe la
myopathie, alors que son taux est nor-
mal dans la myasthénie et les syndromes