Apprendre à se comprendre…
Un témoignage vécu de Laurence Martin
Fondatrice de « Prêtez l’Oreille ! »
Au départ, un handicap non décelé, parce qu’invisible.
Mal entendre ne se « voyait » pas bien il y a 50 ans, et ma sœur jumelle était comme
moi. Papa médecin ne s’est aperçu de rien. Pas très douées à l’école, considérées
longtemps comme étourdies, un peu gauches… nous avons grandi ensemble et
probablement avons développé notre langage propre. Notre surdité est découverte à
l’âge de 18 ans : –60 dB quand même ! les 40 dB restants nous ont aidé à parler
correctement, à chanter même, à apprendre l’anglais également. Bien non ? Mais le
manque est là. Difficile à évaluer.
L’appareillage est tout d’abord très mal accepté psychologiquement, mais très vite
améliore le quotidien, la rapidité, l’envie de communiquer etc… Je deviens secrétaire
médicale, puis assistante de direction dans une régie publicitaire, avec les aides
techniques je me débrouille.
Mais personne ne me parle encore de lecture labiale, ni mon ORL, ni mon
audioprothésiste.
Il faudra attendre l’âge de 47 ans pour découvrir la lecture labiale et encore… par
hasard.
Et là, miracle : alors que j’étais en situation de repli, de mal-être, je découvre que je
peux enfin comprendre ce que je n’entends pas. Je me passionne pour cette
découverte, je veux aller vite, j’observe, travaille devant la glace la forme de mes
lèvres… j’apprends la technique de Jeanne Garric, analytique, stages et apprentissage
chaque semaine depuis 5 ans ! Mon orthophoniste est formidable ! je vis une nouvelle
vie.
L’histoire pourrait s’arrêter là.
Mais voilà, je suis licenciée et retrouver un emploi à plus de 50 ans, avec une audition
qui baisse de plus en plus, est le parcours du combattant.
Je réfléchis : pouvoir aider les malentendants, faire découvrir la lecture labiale ?
Pourquoi pas ? Mais comment ? Les idées trottent, trottent…
Depuis longtemps je me suis aperçue que si parfois je ne comprenais pas ce que l’on
me disait, ce n’était pas seulement parce que je n’entendais pas bien, mais parce que la
personne en face n’articulait pas assez bien, ne faisait pas d’effort. Et la lecture labiale
n’est efficace que si elle est bien pratiquée, bien « donnée » pour pouvoir être lue.
Je décide alors de créer « Prêtez l’Oreille ! » association d’aide à la communication et
à la compréhension des malentendants en avril 2005. Le nom me plait, me porte,
j’avance à petits pas. Au fait, la lecture labiale pour les malentendants d’accord ! mais
pourquoi pas aussi pour les normo-entendants ?
Rien n’est facile. Je commence à prendre des rendez-vous dans les hôpitaux
gériatriques pour faire découvrir la lecture labiale aux personnes âgées (80 % de la
population de plus de 80 ans est malentendante et une personne sur deux à partir de 60
ans). Je crée les Ateliers Prêtez l’Oreille dans un Hôpital et je me prends au jeu car
après avoir signé un contrat d’association bénévole pour intervenir à l’hôpital, je
m’aperçois des manques énormes en matière de communication. Je propose alors une
intervention auprès du personnel soignant pour leur expliquer comment mieux parler