Le Gabon et l`intégration économique à travers le modèle de GHIO

Le Gabon et l’intégration économique à travers le modèle de GHIO et Van
HUFFEL
Auteur : Raïssa ADA ALLOGO
Résumé : la situation du Gabon et plus largement de lunion douanière de la
CEMAC est celle d’une carence en infrastructures de transport qui limite de
beaucoup la dynamique d’échanges à l’intérieur du Gabon et de l’Union
Douanière. La contribution discute les résultats des modèles de l’économie
géographique appliquée aux spécificités de cette région africaine.
Mots clés : Intégration économique, agglomération, urbanisation, économie géographique
Le Gabon est un petit pays jeune aux multiples facettes. Situé à l’Ouest de l’Afrique Centrale, de
part et d’autre de l’équateur, en bordure de l’Océan Atlantique, son territoire s’étend sur une
superficie de 267 667 km². Cette étendue avoisine celle de l’Italie (301 230 km²), et approche
celle de la moitié de la France (675 417 km²). 85% du territoire gabonais est occupé par la forêt
équatoriale. Le Gabon reste marqué par une faible densité de la population (6,1 habitants/km²)
avec une population globale de 1 640 286 habitants (2013). La répartition de l’activité
économique et des infrastructures de transport en est l’une des conséquences. Le Gabon est un
pays atypique dAfrique Centrale, qui offre à la fois un contraste entre richesse et pauvreté, et
dont léconomie réelle reste liée à la production de ses ressources naturelles. Il faut dire quon a
longtemps magnifié la survivance de léconomie gabonaise par les richesses de son sous-sol jugé
exceptionnel et avantageux comparé à certaines régions dAfrique Subsaharienne. La
mystification du schéma de lindustrie a dominé les premiers plans de développement.
Après les indépendances, la voie la plus rapide au développement reposait sur les mécanismes
phares de lindustrialisation. Un slogan fort apprécié par les décideurs politiques et économiques
de l’époque. Face à cette tendance, les discours politiques au Gabon ont longuement été
influencés par le fait que lindustrialisation était la seule issue au développement et que celle-ci
reposait principalement sur la modernisation de lappareil productif.
Ce discours a amplifié le paradoxe de labondance, et renforcé les inégalités de concentration
dactivités économiques entre les neuf provinces. Comme la plupart des pays africains, au sein
de l’espace gabonais, on note une forte concentration au sein des grandes villes : Libreville et
Port-Gentil. L’inexistence de petites villes intermédiaires ou encore locales, influence la
polarisation de l’activité économique autour de ses principales villes. Le présent travail tente
dexpliquer les mécanismes de concentration des populations autour des grandes métropoles en
analysant limportance dune union douanière dans le processus de développement des
infrastructures de transport.
1.1. Le modèle de Ghio et Van Huffel
L’article de Krugman et Livas Elizondo (1996) a introduit un modèle explicatif des liens entre
hyper concentration urbaine et degré d’ouverture au commerce international. Le modèle de Ghio
et Van Huffel (2001) en est une extension introduisant les économies d’agglomération et
l’évolution des spécialités productives. Une lecture traditionnelle de ces contributions est d’en
retenir que l’ouverture au commerce international va permettre d’avoir une meilleure répartition
des activités productives dans le territoire. Avant d’entrer plus avant dans la discussion, il nous
semble intéressant d’apporter des éléments empiriques sur les phénomènes d’agglomération
urbaine en Afrique Centrale.
Ghio et Van Huffel (2001), à partir des modèles développés de la nouvelle économie géographique
inspirés de Krugman et Livas Elizondo (1996) montrent que les politiques publiques, à travers le
financement des infrastructures de transport jouent de manière différenciée sur la concentration spatiale
des activités et, partant, sur la spécialisation des territoires, selon qu’elles visent à faciliter le déplacement
des personnes au sein des centres urbains ou le transport des biens entre les villes. L’existence d’effets de
seuil peut rendre moins efficace la mise en place de ce type de politiques au-delà d’une certaine
convergence des structures urbaines.
1.2.1 Quelques éléments empiriques : taxes, agglomérations et spécialisations productives
en Afrique Centrale
La réflexion initiale de Krugman partait du cas du Mexique, alors qu’une intégration régionale
nord-américaine était réalisée par une zone de libre-échange. L’intégration régionale du Gabon
est réalisée en particulier à travers les accords qui ont créé la zone du marché commun de la
CEMAC. Dans le programme de la CEMAC figure, outre le partage d’un tarif douanier
commun, l’amélioration des infrastructures. Le tarif douanier de la CEMAC impose une taxe de
30% pour des biens de consommation courante en provenance d’un pays extérieur à l’union. En
pratique, les taxes effectivement perçues peuvent être plus élevées, en raison d’une marge
d’évaluation par l’administration douanière locale et la persistance d’autres taxes locales. A
l’intérieur de la CEMAC, les liaisons régionales sont parfois inexistantes pour des transports de
marchandises par camion, en raison du mauvais état des pistes.
Figure 1 : Zone CEMAC
Source : Google images
Les revenus des taxes douanières restent une rentrée fiscale importante pour les Etats d’Afrique
centrale. Dans le reste du monde, ce type de profil des recettes publiques est exceptionnel. Une
évolution vers un profil plus standard semble probable, ce qui donne toute sa pertinence à la
réflexion de l’article de Krugman et Elizondo.
La situation initiale de ces Etats douaniers dépend de caractéristiques technologiques et
démographiques. Comparons les phénomènes d’agglomération, par exemple, entre le Rwanda et
le Gabon. L’aire urbaine majeure est d’une taille comparable, Kigali et Libreville sont des
capitales politiques d’environ 600000/700000 habitants. Les distributions des principales villes
diffèrent : le coefficient de la loi Rang Taille est de 0,612 pour le Gabon et de 0, 88 pour le
Rwanda. Le Gabon concentre la moitié de sa population dans les deux villes principales,
Libreville et Port Gentil. Le Rwanda est souvent cité comme l’exemple d’un ensemble
« égalitaire ». La taille de la ville principale n’est pas très grande vis-à-vis de l’ensemble de la
population et beaucoup plus de petites agglomérations existent. En fait, la densité très hétérogène
caractérise la situation urbaine du Gabon : elle est généralement inférieure à 10 habitants au km²,
sauf dans les deux aires urbaines principales où elle atteint 1800 habitants au km². Le Rwanda est
un pays beaucoup plus dense.
De ce fait, il est possible d’y parler de migrations alternées quotidiennes entre deux centres
urbains : peu de distance sépare les agglomérations, par conséquent, les bassins d’emplois tracés
à partir des trajets domicile-travail peuvent avoir des contours flous et recouper plusieurs aires
urbaines. La situation au Gabon est toute différente : toute aire urbaine y est bassin d’emplois,
c’est-à-dire qu’il n’est pas matériellement possible de résider dans une aire urbaine différente de
celle où l’on travaille. Cette situation limite la disponibilité locale de la main d’œuvre dans le cas
du Gabon. Le poids relatif des deux aires urbaines principales, Port Gentil et Libreville, par
rapport à la population totale du Gabon est passé de 10% à 52% entre 1960 et 2010. Cette
dynamique de concentration urbaine a été la plus importante au moment des taux élevés de
croissance de la population qu’a connu le Gabon entre 1970 et 1990.
Figure 2 : Dynamique des principales aires urbaines au Gabon
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