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Toute société en secrète. Ceux-ci jouent un rôle de catharsis sociale, expliquant les
événements incontrôlables qui peuvent frapper les hommes. Alors que, pendant
des siècles, la nature hostile était le creuset de tous les mythes, aujourd’hui, c’est la
«techno-nature» qui en fournit le substrat.
Le mythe de la technique est le mythe moderne par excellence. Il s’avère ainsi qu’une
société, pour autant rationnelle qu’elle soit, n’est pas exempte de productions
mythiques: au contraire, ceux-ci restent des échappatoires indispensables à
l’imaginaire.
Le mythe du progrès recouvre divers aspects dont la manifestation la plus
frappante est sans doute sa propension à souligner avec force combien la
technologie délivre l’homme des lourdes tâches qui jusque-là lui étaient infligées,
comme par fatalité. Il est ainsi mis «fin à l’enfermement de l’homme déchu dans le
travail-punition issu du péché originel4».
Par ailleurs, le mythe du progrès stimule le rêve humain de la connaissance
universelle, aisée à posséder et facile à consulter comme en témoigne la
construction en France de la Très Grande Bibliothèque, enfermant le savoir dans
une immense banque de données accessible à tous, et devenant ainsi le sanctuaire
de la culture universelle.
Enfin, autre prophétie: la reconstitution du lien social détruit par
l’industrialisation. Les nouvelles technologies de la communication vont permettre
à l’humanité de retrouver les traces de la convivialité malmenée par le capitalisme
et l’éclatement des famille qui est en résulté. Le rêve du «village planétaire» prend
ici toute sa signification.
Ce rêve de la communication retrouvée se heurte cependant à de nombreux
barrages: outre le fait qu’une bonne communication passe plus difficilement sans
un contact physique entre les personnes, le coût important des technologies de
pointe en limite l’utilisation.
4. Scardigli, V., Nouvelles technologies, l’imaginaire du progrès, in: L’imaginaire
des techniques de pointes, recueil d’articles sous la direction d’Alain Gras et
Sophie-L. Poirot-Depech. Éd. Soc. Paris, l’Harmattan, 1989, p. 101.