Impossible de décrire (ou d’expliquer ?) des phénomènes biologiques sans parler de
fonction. Une machine ou un artefact est un tout constitué de parties fonctionnelles,
les fonctions pouvant être à première vue déterminées comme le rôle que les
ingénieurs assignent aux parties. Pour les organismes, les parties ont des fonctions
mais il n’y a pas d’ingénieur. Quelle est la légitimité du discours fonctionnel ? Est-il
métaphorique ou empiriquement fondé ?
•Une illustration : dès le début de la physiologie moderne, au XVIIème
siècle "On trouve dans le corps des appuis, des colonnes, des poutres, des
bastions, des leviers, des coins, des téguments, des pressoirs, des
soufflets, des filtres, des canaux, des auges, des réservoirs. La faculté
d'exécuter des mouvements par le moyen de ces instruments s'appelle
fonction; ce n'est que par des lois mécaniques que ces mouvements se
font, et ce n'est que par ces lois qu'on peut les expliquer.” (Boerhaave,
Institutions de médecine, I, 121.) Question : est-ce que certaines parties
sont des soufflets, ou est-ce qu’elles fonctionnent comme des soufflets ?
•Autre illustration : l’usage du terme de « design » dans la philosophie de
la biologie évolutionniste.
a. Par exemple: Williams sur les contraintes phylogénétiques et
l’optimisation: “organisms are never optimally designed.
Designs of organs, developmental programs etc. are legacies
from the past and natural selection can affect them in two ways.
It can adjust the numbers of mutually exclusive designs until
they reach frequency dependent equilibria, often with one
design that excludes alternatives. It can also optimize a
design’s parameter so as to maximize the fitness attainable with
that under current conditions. This is what is meant by
optimization in biology.” (1992, 56) Lauder (1996) examine les
limites de l’appréciation d’un trait comme adaptation sur la
base de son caractère « designed ».
b. Ou encore Williams sur les phéromones femelles : « The
chemical stimulus that recruit the male is a communicative
adaptation only if it is produced by machinery designed by
selection to produce that response.” (1992, 112).
Ici la sélection naturelle est “au moins” l’analogue de l’ingénieur
(ou, mieux, du bricoleur, cf. Jacob). (Noter que le concept de
sélection naturelle a été construit en analogie, non pas avec
l’ingénieur, mais avec l’éleveur ou l’agriculteur, ceci précisément
pour exclure la dimension de plan : l’éleveur doit faire avec ce qu’il
a.) Le vocabulaire du design induit une heuristique, qui inclut tout