Présenté et commenté par :
GORDON MOE, M.D.
Il existe de plus en plus de données démontrant que
l’activation du système immunitaire joue un rôle dans la
physiopathologie de l’insuffisance cardiaque. Par consé-
quent, la modulation du système immunitaire représente
une nouvelle approche pour traiter l’insuffisance cardiaque.
Jusqu’à présent, les études qui examinaient spécifiquement
le facteur de nécrose des tumeurs alpha (TNF-α) – le
médiateur inflammatoire le plus étudié – comme cible de
l’intervention ont été décevantes. Étant donné que la
réponse inflammatoire fait intervenir l’activation de
nombreux médiateurs en plus du TNF-α, il serait
probablement plus efficace d’adopter une approche plus
large à l’égard de la modulation immunitaire, incluant
l’augmentation du taux des cytokines anti-inflammatoires.
Dans ce numéro de Cardiologie – Actualités scientifiques,
nous examinons les résultats préliminaires d’études
récemment présentées sur les interventions axées sur le
TNF-α, les raisons potentielles de l’absence d’avantages
démontrée dans ces études et les résultats préliminaires
d’une approche prometteuse orientée sur l’activation du
système immunitaire sans cible spécifique dans l’insuf-
fisance cardiaque, notamment la modulation du système
immunitaire.
Le rôle de l’inflammation et de l’activation
du système immunitaire dans la pathogenèse
de l’insuffisance cardiaque
Bien que l’on ait pensé antérieurement que l’insuffisance
cardiaque était due principalement à un trouble de la fonction
de pompe du ventricule gauche (VG), notre compréhension de
la physiopathologie de cette maladie a évolué et l’on considère
actuellement qu’elle est due à un trouble de l’activation
neurohormonale. En fait, cette hypothèse a fourni la base du
traitement pharmacologique contemporain de l’insuffisance
cardiaque. Récemment, ce paradigme a été modifié et inclut
désormais le rôle de l’inflammation et de l’activation du système
immunitaire dans l’évolution de l’insuffisance cardiaque. Il existe
plusieurs sources de données à l’appui de l’importance des
cytokines inflammatoires, en particulier le facteur de nécrose des
tumeurs alpha (TNF-α), dans l’insuffisance cardiaque. Plusieurs
études ont démontré un taux circulant accru de cytokines
inflammatoires, de TNF-α, d’interleukine 1-ß (IL1-ß) et
d’interleukine-6 (IL-6) ainsi que l’expression cardiaque accrue
du TNF-αchez des patients atteints d’insuffisance cardiaque1-6.
En outre, les taux circulants de TNF-αet d’IL-6 ont augmenté
en proportion avec la gravité de l’insuffisance cardiaque1-3,6. Des
taux élevés de cytokines et de récepteurs des cytokines solubles
laissent présager un mauvais pronostic chez les patients atteints
d’insuffisance cardiaque1-3,6. Les souris transgéniques chez qui
l’on a introduit le gène du TNF-αsont la preuve la plus probante
confirmant l’hypothèse que les cytokines jouent un rôle. Ces
souris meurent d’insuffisance cardiaque et présentent le
phénotype de l’insuffisance cardiaque qui comprend la
réexpression du gène mortel, l’augmentation de l’expression des
métalloprotéinases dans la matrice (MPM) et l’activation des
voies apoptotiques1.
Approche ciblée dans le traitement anti-inflammatoire
Étant donné que le TNF-αest le médiateur inflammatoire
le mieux caractérisé, il n’est pas surprenant que les chercheurs
l’aient choisi comme cible spécifique de l’intervention
Le traitement anti-inflammatoire dans l’insuffisance cardiaque
Présenté initialement par : Milton Packer, M.D., Doug Mann, M.D., Eugene S. Chung, M.D. et Guillermo Torre-Amione, M.D.
Rapport de la séance sur les toutes dernières études cliniques tenue dans le cadre de la
réunion scientifique annuelle de la Heart Failure Society of America
22 au 25 septembre 2002, Boca Raton, Floride
et
Présentations originales présentés à la
75ième réunion scientifique de l’American Heart Association
17 au 20 novembre 2002, Chicago, Illinois
Actualités scientifiquesMC
Cardiologie
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OF TORONTO
ST. MICHAELS HOSPITAL
RAPPORT DE LA DIVISION DE CARDIOLOGIE
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Les opinions exprimées dans cette publication ne reflètent
pas nécessairement celles de la Division de Cardiologie,
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commanditaire de la subvention à l’éducation ou
de l’éditeur, mais sont celles de l’auteur qui se fonde sur
la documentation scientifique existante. On a demandé
à l’auteur de révéler tout conflit d’intérêt potentiel
concernant le contenu de cette publication. La publication
de Cardiology, Actualités scientifiques est rendue possible
grâce à une subvention à l’éducation sans restrictions.
Duncan J. Stewart, MD (chef)
Gordon W. Moe, MD (rédacteur)
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Juan C. Monge, MD (rédacteur-adjoint)
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Chi-Ming Chow, MD
Paul Dorian, MD
Michael R. Freeman, MD
Shaun Goodman, MD
Anthony F. Graham, MD
Robert J. Howard, MD
Stuart Hutchison, MD
Victoria Korley, MD
Michael Kutryk, MD
Anatoly Langer, MD
Howard Leong Poi, MD
David Newman, MD
Trevor I. Robinson, MD
Bradley H. Strauss, MD
Cardiologie
Actualités scientifiques
Dans l’étude RENAISSANCE, les patients ont été assignés
au hasard à :
• Étanercept à 25 mg SC deux fois par semaine
• Étanercept à 25 mg SC trois fois par semaine
• Placebo correspondant.
Le paramètre primaire dans les études RECOVER et
RENAISSANCE était la modification à 6 mois du score clinique
composé récemment établi12. Le suivi devait continuer après 6
mois, afin que l’on recueille les données sur la mortalité et la
morbidité. Le paramètre primaire pour tout le programme
RENEWAL était la mort et l’hospitalisation pour insuffisance
cardiaque combinées et le paramètre secondaire était la mortalité
toutes causes.
Les études ont été terminées prématurément en raison de
l’absence d’avantages. Le suivi médian était de 5,7 mois dans
l’étude RECOVER et de 12,7 mois dans l’étude RENAISSANCE.
Les résultats suivants n’ont pas encore été publiés et doivent donc
être considérés comme préliminaires. Dans les études RECOVER
et RENAISSANCE, on n’a noté aucune différence significative
entre le placebo et les deux doses d’étanercept en ce qui concerne
le nombre de patients dont l’état s’est amélioré, n’a pas changé ou
dont le score clinique composé était moins bon (p = 0,34 et 0,17,
respectivement). Pour l’ensemble du programme RENEWAL, le
risque relatif de mortalité et d’hospitalisation pour insuffisance
cardiaque combinées (2 doses d’étanercept vs placebo) était de
1,10 (IC à 95 %, 0,91-1,33, p = 0,33). Les risques relatifs pour
chaque dose sont indiqués dans le tableau 1. Dans ce cas
également, l’étanercept n’a offert aucun avantage discernable
quelle que soit la dose administrée. En fait, l’estimation
ponctuelle donnait apparemment l’avantage au placebo dans
l’étude RENAISSANCE où les patients ont été exposés à
l’étanercept pendant plus longtemps que dans l’étude RECOVER.
Les raisons de l’absence d’avantages avec l’étanercept chez les
patients atteints d’insuffisance cardiaque sont obscures. Les
mécanismes potentiels spécifiques à l’étanercept comprennent la
possibilité que le récepteur dimérique soluble du TNF fonctionne
dans certaines circonstances simultanément avec les « trans-
porteurs » du TNF (augmentant ainsi le taux sérique du TNF-α),
en outre d’être un antagoniste de l’activité biologique du TNF13.
L’infliximab dans l’insuffisance cardiaque : l’étude ATTACH
Une deuxième approche pour inhiber l’action du TNF-α
était d’utiliser l’infliximab, un anticorps monoclonal chimérique
Cardiologie
Actualités scientifiques
thérapeutique. Les résultats de deux études examinant l’effet
de l’inhibition de l’action du TNF-αont été présentés
récemment7,8.
L’étanercept dans l’insuffisance cardiaque : l’étude RENEWAL
L’étanercept est un récepteur chimérique soluble du TNF-α
produit par recombinaison composé du récepteur p75 lié à la
portion Fc de l’IgG humaine (TNFR:Fc). Cet agent a été
approuvé pour le traitement de la polyarthrite rhumatoïde aux
États-Unis. Seule une étude préclinique sur l’étanercept dans
l’insuffisance cardiaque a été effectuée. Dans cette étude
utilisant un modèle d’insuffisance cardiaque causée par un
cardiostimulateur chez le chien, l’étanercept a réduit
notablement les MPM tissulaires du VG et a parallèlement
atténué le remodelage du VG9. Dans une étude de phase I
menée auprès de patients atteints d’insuffisance cardiaque, une
seule dose intraveineuse d’étanercept a réduit les taux
plasmatiques de TNF-αbioactifs de 85 % pendant 14 jours10.
Une étude contrôlée ultérieure chez des patients atteints
d’insuffisance cardiaque sévère a démontré qu’une injection
sous-cutanée (SC) d’éternercept deux fois par semaine pendant
trois mois a entraîné une amélioration importante dépendante
de la dose de la fraction d’éjection du VG et une tendance à de
meilleurs scores cliniques composés11.
RENEWAL (Randomized Etanercept Worldwide Evaluation)
était une étude de phase III comprenant deux études dont le
plan était presque identique.
• L’étude RECOVER (Research into Etanercept : Cytokine
Antagonism in Ventricular Dysfunction) (n = 1123) a été menée
en Europe et en Australie.
• L’étude RENAISSANCE (Randomized Etanercept North
American Strategy to Study Antagonism of Cytokines) (n = 925)
a été menée en Amérique du Nord.
Les principaux critères d’inclusion étaient une fraction
d’éjection du VG < 30 %, des symptômes des classes III/IV de la
New York Heart Association (NYHA) et une distance de marche
pendant 6 minutes 375 m (425 m si le patient était
hospitalisé pour insuffisance cardiaque dans les 6 mois).
Dans l’étude RECOVER, les patients ont été assignés au
hasard à :
• Étanercept à 25 mg SC une fois par semaine
• Étanercept à 25 mg SC deux fois par semaine
• Placebo correspondant
Tableau 1 : L’étude RENEWAL – risques relatifs de mortalité ou d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque
25 mg x 25 mg 2x 25 mg 3x 25 mg 2x et 3x par semaine,
Etanercept SC par semaine* par semaine par semaine analyse combinée
RECOVER 1,01 (0,72,1,41) 0,17 (0,61,1,04)
RENAISSANCE 1,12 (0,92,1,58) 1,23 (0,94,1,61)
RENEWAL, analyse combinée 1,08 (0,87,1,33) 1,10 (0,91,1,33)
Les données correspondent au risque relatif (IC à 95 %) comparativement au placebo, < en faveur de l’étanercept, > 1 en faveur du placebo
* Non inclus dans l’analyse combinée des résultats cliniques en raison de l’exposition limitée au médicament
SC = sous-cutanée
Cardiologie
Actualités scientifiques
observée et s’est maintenue pendant la semaine 14. Ces résultats
préliminaires démontrent que l’infliximab à 5 et 10 mg/kg n’a
aucun effet sur le score clinique composé et la dose la plus élevée
est associée à des résultats cliniques défavorables, malgré ses
effets bénéfiques apparents sur le profil des marqueurs sériques
de l’inflammation.
Comme avec l’étanercept, les raisons pour lesquelles
l’infliximab n’offre pas d’avantages chez les patients atteints
d’insuffisance cardiaque sont obscures, étant donné qu’il n’existe
pas d’études précliniques publiées sur l’utilisation de l’infliximab
dans l’insuffisance cardiaque chronique. Les mécanismes potent-
iels spécifiques à l’infliximab comprennent la capacité de
l’infliximab (contrairement à l’étanercept) à se lier au TNF
soluble ainsi que transmembranaire. Cette dernière liaison peut
entraîner une cytotoxicité induite par le complément15 qui
pourrait expliquer l’effet néfaste du médicament. D’autres
explications qui s’appliquent autant à l’étanercept qu’à l’inflixi-
mab comprennent le concept que le TNF-αcause une hyper-
trophie cardiaque et retarde l’apoptose16. Par conséquent, il peut
jouer un rôle protecteur à un certain stade de la maladie17. Quel
que soit le mécanisme, jusqu’à présent, les résultats des études
cliniques indiquent que le ciblage spécifique du TNF-αn’est
probablement pas l’approche appropriée dans le traitement de
l’insuffisance cardiaque.
Approche élargie dans
le traitement anti-inflammatoire
Il existe plusieurs raisons potentielles expliquant l’échec de
l’approche ciblée adoptée dans le traitement anti-inflammatoire
(p. ex. l’utilisation de l’étanercept et de l’infliximab) pour
améliorer les résultats cliniques chez les patients atteints
d’insuffisance cardiaque au stade avancé. Tout d’abord, un
traitement ciblé (bloquer l’action du TNF-αuniquement) peut
être trop sélectif, étant donné qu’il ne résout pas le problème de
la redondance des agents inflammatoires dans le système
immunitaire. D’autres cytokines inflammatoires dont le nombre
augmente et qui jouent probablement un rôle tout aussi
important dans la pathogenèse de l’insuffisance cardiaque ne
sont pour la plupart pas inhibées. Deuxièmement, l’approche
ciblée n’entraîne pas une augmentation des médiateurs anti-
inflammatoires modulateurs potentiellement importants, tels
que l’IL-10. Par conséquent, une approche élargie pour
améliorer la réponse anti-inflammatoire naturelle ne restreignant
pas le ciblage des médiateurs potentiels peut être plus
souhaitable. Actuellement, il existe trois approches dans le
traitement anti-inflammatoire à large spectre en cours
d’investigation :
• Gammaglobuline intraveineuse (GGIV)
• Immunoadsorption
• Modulation du système immunitaire
GGIV
Les résultats de l’utilisation de la GGIV chez des patients
atteints d’insuffisance cardiaque ont été jusqu’à présent mitigés,
et l’on n’a pas noté d’effets bénéfiques chez ceux présentant une
Cardiologie
Actualités scientifiques
à base d’IgG1chez la souris/l’être humain contre le TNF-αqui a
une demi-vie d’environ 10 jours14. Dans une étude pilote récente
(ATTACH), 150 patients présentant une insuffisance cardiaque
des classes III et IV de la NYHA et une fraction d’éjection du VG
< 35 % ont été assignés au hasard à :
• un placebo (n = 49)
• l’infliximab à 5 mg/kg (n = 50)
• l’infliximab à 10 mg/kg (n = 51)
Ces doses ont été administrées en perfusion intraveineuse de
2 heures pendant les semaines 0, 2 et 6. Les évaluations ont été
effectuées pendant les semaines 14 et 28. Le paramètre primaire
était le score clinique composé lors de la semaine 14. Les
paramètres secondaires comprenaient la modification de la
fraction d’éjection pendant les semaines 14 et 28, et la mortalité
et l’hospitalisation pour insuffisance cardiaque combinées.
L’étude a été terminée prématurément en raison des craintes
émises concernant la nocivité du médicament. Les résultats
préliminaires non publiés en ce qui concerne le paramètre
primaire et les paramètres secondaires sont résumés dans le
tableau 2. Aucune des doses d’infliximab n’a eu d’impact sur le
score clinique composé, le paramètre primaire. La fraction
d’éjection du VG a augmenté significativement comparativement
avec le placebo pendant la semaine 14 avec l’infliximab à 5
mg/kg, mais pas avec la dose de 10 mg/kg. Pendant la semaine
28, aucun effet bénéfique sur la fraction d’éjection n’a été
observé à l’une ou l’autre des doses d’infliximab, mais l’absence
d’effet bénéfique était la plus notable à la dose la plus élevée.
Pendant la semaine 28, le risque de mortalité et d’hospitalisation
pour insuffisance cardiaque était significativement plus élevé
chez les patients traités avec la dose élevée que chez ceux traités
avec le placebo (risque relatif 2,84, IC à 95 %, 1,01-7,97,
p=0,043). Une diminution dépendante de la dose des taux
sériques de protéine C réactive et d’IL-6 a été néanmoins
Tableau 2 : Étude ATTACH – Principaux résultats
Infliximab Infliximab
Placebo 5 mg/kg 10 mg/kg
(n = 49) (n = 50) (n = 51)
Score clinique
Amélioré Semaine 0-14 33 % 38 % 39 %
Semaine 14-28 43 % 35 % 37 %
Inchangé Semaine 0-14 59 % 52 % 39 %
Semaine 14-28 43 % 48 % 31 %
Moins bon Semaine 0-14 8 % 10% 22 %
Semaine 14-28 14 % 18 % 31 %
Modification de Semaine 0-14 0,8±6 3,5±5,6† 2,1±6
la FE (absolue) Semaine 14-28 3,4±8,1 4,2±7,1 1,3±6,9
Mortalité/ Semaine 0-14 2 (4 %) 2 (4 %) 8 (16 %)
hospitalisation Semaine 14-28 5 (10 %) 4 (8 %) 13 (25 %)*
* p = 0,048
† p = 0,013 comparativement au placebo
FE = fraction d’éjection du ventricule gauche
TGFß
IL-10
TNFα
IL-10
IFNγ
Blocage de la
stimulation des
lymphocytes T1
auxiliaires
Réponse
anti-inflammatoire
Macrophage
APOPTOSE
Cellules testées
Cellule dendritique
immature
Th1
Th0
Th2
Cardiologie
Actualités scientifiques
nécrotiques ou des lignées cellulaires transformées provoque
une réponse inflammatoire des lymphocytes T1 auxiliaires.
Par opposition, la phagocytose des cellules apoptotiques
entraîne une réponse anti-inflammatoire des lymphocytes
T2 auxiliaires. Des études chez l’animal ont démontré que la
MSI réduit la sensibilité de contact d’origine allergique25,
l’athérosclérose26, l’ischémie rénale/les lésions dues à la
reperfusion27 et réduit les cytokines inflammatoires, tout en
augmentant les cytokines anti-inflammatoires28. Des études
cliniques ont démontré que la MSI améliore la fonction
endothéliale microvasculaire chez les patients atteints du
syndrome de Raynaud29 et améliore la distance de marche
chez les patients atteints de maladie vasculaire périphérique30.
Données cliniques sur l’utilisation
de la MSI dans l’insuffisance cardiaque
Une étude de faisabilité sur l’utilisation de la MSI a été
récemment terminée auprès de 73 patients atteints
d’insuffisance cardiaque grave. Dans cette étude
multicentrique, les patients atteints d’insuffisance cardiaque
et de symptômes des classes III/IV de la NYHA ont été
assignés au hasard à un traitement actif (n = 36) ou à un
placebo (n = 37). La MSI consistait en des interventions
ambulatoires qui comprenaient :
le prélèvement d’un échantillon de sang citraté de 10 mL
l’exposition ex-vivo de l’échantillon de sang au stress
oxydatif à une température élevée et
l’injection intramusculaire de sang autologue traité.
Le traitement a été administré les jours 1, 2 et 14, puis
une fois par mois pendant 6 mois et 8 injections ont été
administrées au total. Le critères d’inclusion clés com-
prennent les symptômes des classes III/IV de la NYHA, une
fraction d’éjection < 40 %, une distance de marche pendant
Cardiologie
Actualités scientifiques
cardiomyopathie dilatée d’apparition récente18 et l’on a
observé une augmentation de la fraction d’éjection chez les
patients atteints d’insuffisance cardiaque chronique19.
Immunoadsorption
L’immunoadsorption est une technique qui est supposée
éliminer des anticorps spécifiques de la circulation. Dans
une étude allemande de petite envergure menée auprès de
34 patients atteints de cardiomyopathie dilatée et présentant
un taux sérique élevé d’anticorps anti-ß1, pendant 5 jours
consécutifs, l’immunoadsorption était accompagnée d’une
amélioration de la fraction d’éjection et d’une réduction
frappante du volume du VG20. On n’a pas établi clairement,
toutefois, si cette amélioration était due à l’élimination des
anticorps anti-ß1ou à d’autres mécanismes non spécifiques.
La modulation du système immunitaire
dans l’insuffisance cardiaque chronique
La modulation du système immunitaire (MSI) repré-
sente une nouvelle approche non pharmacologique dans le
traitement anti-inflammatoire qui consiste à effectuer une
prise de sang au patient suivie d’un traitement ex vivo de
l’échantillon de sang avec divers stresseurs qui entraînent la
mort apoptotique des cellules. Les cellules sanguines traitées
sont ensuite administrées par voie intramusculaire au
patient pour moduler la réponse immunitaire. Le
mécanisme d’action proposé de la MSI est indiqué dans la
figure 1. La capture de cellules apoptotiques dans les
macrophages entraîne une réduction des cytokines
inflammatoires (comprenant le TNF-α, l’IL-1ß et l’IL-8),
accompagnée d’une production accrue de cytokines anti-
inflammatoires (TGF-ß et IL-10)21,22. L’IL-10 redirige les
réponses immunitaires vers une voie des lymphocytes T2
auxiliaires. Cela réduit l’inflammation causée par les
lymphocytes T1 auxiliaires en supprimant la production des
cytokines inflammatoires et en inhibant la chimiotaxie23,24.
Les cellules dendritiques sont des cellules dérivées de la
moelle osseuse qui sont capables de capturer et de présenter
les antigènes aux lymphocytes T. On notera que la
phagocytose par les cellules dendritiques des cellules
Figure 1 : Réponse immunitaire à l’apoptose Tableau 3 : Modulation du système immunitaire dans
l’insuffisance cardiaque : Données initiales
Traitement Placebo
actif (n = 36) (n = 37)
Âge (années) 63 60
Homme/Femme 25/11 25/12
Caucasien/Noir/autre (%) 70/27/3 68/24/8
Classes III/IV de la NYHA 36/0 36/1
Diabète 16 9
Fraction d’éjection (%) 23±8 22±8
Inhibiteurs de l’ECA ou
antagonistes des récepteurs
de l’angiotensine 32 33
Digitale 30 31
ß-bloquants 20 18
Spironolactone 15 19
surprenante et n’était pas significativement différente entre
les deux groupes, bien qu’il soit difficile de tirer des
conclusions à partir des données sur les taux plasmatiques.
L’intervalle QT corrigé en fonction de la fréquence cardiaque
(QTc) et la dispersion temporelle de l’intervalle QT (QTd)
ont été mesurés chez 20 et 15 patients dans les groupes de
traitement actif et placebo, respectivement22. Les deux
paramètres étaient comparables au départ dans les deux
groupes. Cependant, le QTc a été réduit de 18 msec dans le
groupe de traitement actif et a augmenté de 12 msec dans le
groupe placebo (p = 0,035). De même, la QTd a été réduite
de 16 msec dans le groupe de traitement actif, mais a
augmenté de 19 msec dans le groupe placebo (p = 0,035).
Une liste des événements indésirables est indiquée dans le
tableau 5. Les événements indésirables systémiques ainsi que
ceux liés au site d’injection étaient rares et la MSI est
apparemment très bien tolérée.
Résumé
Il ne fait aucun doute que l’activation du système
immunitaire joue un rôle important dans la physio-
pathologie de l’insuffisance cardiaque. En conséquence,
après l’inhibition neurohormonale, la modulation du
système immunitaire pourrait potentiellement être la
prochaine percée dans le traitement de l’insuffisance
cardiaque. Cependant, les études cliniques réalisées jusqu’à
présent ont révélé que les chercheurs ont été trop optimistes
en présumant que le ciblage d’une cytokine dans la cascade
inflammatoire entraînerait des avantages cliniques. Une
approche élargie dans le traitement anti-inflammatoire, telle
que la MSI, est théoriquement préférable et les résultats de
l’étude de faisabilité de la MSI présentés dans ce numéro de
Cardiologie – Actualités scientifiques sont encourageants
jusqu’à présent. Cependant, il faut souligner que l’étude de
faisabilité ne visait pas à évaluer les résultats cliniques, et les
Cardiologie
Actualités scientifiques
6 minutes < 300 m et un traitement médical de fond
optimal. Les paramètres primaires spécifiés dans le
protocole étaient la distance de marche pendant 6 minutes
et la classe fonctionnelle de la NYHA. Les paramètres
secondaires étaient la mortalité toutes causes,
l’hospitalisation toutes causes, la fraction d’éjection du VG et
la qualité de vie.
Les résultats de l’étude ont été récemment présentés aux
réunions de la Heart Failure Society of America et de
l’American Heart Association31. Les données présentées dans
le présent numéro de Cardiologie – Actualités scientifiques
n’ont pas encore été publiées et doivent donc être
considérées comme préliminaires et sujettes à révision. En
bref, comme le montre le tableau 3, au départ, les groupes
de traitement actif et placebo étaient comparables en ce qui
concerne l’âge, le sexe, la race, la classe de la NYHA et la
fonction du VG. L’utilisation de médicaments était optimale.
Pour les paramètres secondaires, la modification de la
distance de marche pendant 6 minutes au départ et après 6
mois, respectivement, n’était pas différente dans les deux
groupes de traitement (p = 0,57). On n’a pas noté de
différences significatives dans le pourcentage de patients
dont la classe de la NYHA s’est améliorée (p = 0,14). Les
résultats des paramètres secondaires sont indiqués dans le
tableau 4. L’analyse de la survie a démontré que la MSI a
réduit significativement le risque de mortalité ainsi que
l’hospitalisation toutes causes. Le paramètre composé
représenté par la mortalité toutes causes et l’hospitalisation
toutes causes a été réduit significativement (12 vs 22
événements, p = 0,005). On a noté une tendance à une
amélioration de la qualité de vie mesurée par le Minnesota
Living with Heart Failure Score. La fraction d’éjection du VG
n’a augmenté que légèrement dans les deux groupes (22,8 %
à 23,5 % dans le groupe de traitement actif, 21,5 % à 22,7 %
dans le groupe placebo).
Plusieurs analyses préalables ont également été
effectuées. Onze et 4 patients dans les groupes de traitement
actif et placebo, respectivement, ont signalé une amélioration
(p = 0,046), 13 et 9 patients, respectivement, ont signalé une
aggravation (p = 0,01) du score clinique composé spécifié à
l’avance. La modification par rapport au départ des taux
plasmatiques d’IFNγ, de TNF-α, d’IL-10, d’IL-6, de protéine
C réactive et de peptide natriurétique cérébral était
Cardiologie
Actualités scientifiques
Tableau 4 : Modulation du système immunitaire dans
l’insuffisance cardiaque – résultats secondaires du
protocole spécifiés à l’avance
Traitement Placebo
actif (n = 36) (n = 37) Valeur p
Mortalité 1 7 0,022
Hospitalisation 12 21 0,008
Modification du MLHF -12,2 - 4,5 0,110
MLFH = Minnesota Living with Hearth Failure Score
Tableau 5 : Modulation du système immunitaire dans
l’insuffisance cardiaque – événements indésirables
Traitement Placebo
actif (n = 36) (n = 37)
Hypotension 5 4
Aggravation de
l’insuffisance cardiaque 9 27
Arythmies 3 1
Insuffisance rénale 2 1
Douleur thoracique/angine 15 22
Infection 29 32
Site d’injection
(nombre d’injections) 290 256
Douleur 9 3
Œdème 1 0
Ecchymose 2 1
Paresthésie 0 1
1 / 6 100%
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