Le chroni coeur BULLETIN OFFICIEL DE LA SOCIÉTÉ QUÉBÉCOISE D’INSUFFISANCE CARDIAQUE Vol. 7 no 3 Dans ce numéro Mot du président. Dr Serge Lepage p. 1 Mot de votre Président Mot de la rédactrice en chef. Dre Anique Ducharme p. 2 CSS-SQIC—Consensus 2011 Dre Marie-Hélène LeBlanc p2 Capsule pharmaceutique—Les interactions médicamenteuses d’importancde chez le patient insuffisant cardiaque. M. Denis Brouillette, Pharm. L’arrivée p3 Recommandation consensuelle du traitement du patient avec dysfonction ventriculaire gauche asymptomatique. Dr Serge Lepage p. 4 L’évaluation nutritionnelle du pâtient insuffisant cardiaque. Mme Joanne Larocque p. 5 Des nouvelles de Vision C+ Mme Carole Drouin p. 5 Dilemme éthique en insuffisance cardiaque—Le patient non collaborant Mme Delphine Roigt Mme Nathalie Nadon p. 6 ACLS 2010-2011—Mise à jour des lignes directrices. Mme Marie Pagé p. 7 L’année 2010-2011 en revue. Dr Serge Lepage Bonjour à tous, des jours plus courts et du refroidissement des températures, nous rappelle que l’automne est bien entamé et que la période hivernale s’approche. J’aimerais en débutant remercier l’ensemble de nos participants aux deux journées de la Société québécoise d’insuffisance cardiaque dont vous trouverez, dans les pages suivantes, les résumés. Si vous n’avez pu être avec nous, je vous invite à voir les résumés qui sont publiés dans ce numéro et également à la possibilité de voir et revoir non seulement les diapositives mais les présentations « live » sur notre site internet (www.sqic.org). Par ailleurs, Vision C+ est en développement progressif, avec l’augmentation du nombre de cliniques d’insuffisance cardiaque ayant maintenant accès à Vision C+, l’accélération du déploiement, ainsi que des octrois significatifs du Gouvernement et de nos partenaires pharmaceutiques. Citons notamment la contribution exceptionnelle des compagnies Pfizer et Servier. Finalement, j’aimerais profiter de l’occasion pour vous transmettre mes meilleurs vœux pour la nouvelle saison. Espérant que 2012 nous amènera des solutions au problème important de l’insuffisance cardiaque symptomatique chez nos patients. p. 7 Les pathologies rénales d’actualité chez le patient insuffisant cardiaque Dr François Madore p. 8 Les inhibiteurs de la phosphodiesterase 5 devraient être utilisés de routine chez les patients insuffisants cardiaques Dre Viviane Nguyen p. 8 Serge Lepage, MD Président de la SQIC [email protected] Les patients avec insuffisance cardiaque rapidement progressive devraient tous être référés pour une assistance ventriculaire ou une greffe. Dr Normand Racine p. 9 1 Un mot de la rédaction Par Anique Ducharme, MD, MSc. [email protected] l’évaluation nutritionnelle, les interactions médicamenteuses, les lignes directrices tant en insuffisance cardiaque qu’en réanimation avancée (ACLS), en passant par notre Newsletter. les dilemmes éthiques, cardiomyopathies rares, la Comme le veut la tradition, cette publication fibrillation auriculaire, l’insuffisance mitrale et l’atteinportera presque entièrement sur notre récent congrès, te rénale. Ouf! qui a eu lieu à Orford en septembre dernier. Elle se Surtout, n’oubliez pas de mettre à votre agenda le veut donc un recueil résumé des différentes présentations ayant eu lieu durant ces deux très belles journées. prochain congrès, les 14 & 15 septembre 2012. Si vous avez manqué ce congrès, vous pouvez toujours Il ne me reste plus qu’à vous souhaiter de très aller les regarder via le site de la Société (http:// Joyeuses Fêtes! www.sqic.org/?symposium=8e-symposium-2). Vous apprendrez alors tout ce que vous avez manqué, allant des débats épiques (les autres « vertus » du Viagra, le Anique Ducharme, MD, Msc rôle grandissant des supports mécaniques) jusqu’à Bienvenue à cette édition quasi-hivernale de CSS-SQIC — Consensus 2011 morbidité importante, mais chez qui la greffe n’est pas indiquée (destination therapy). L’assistance circulatoire revu quelques sujets abordés dans la mise à jour 2011 des mécanique à flot continu de type Heart Mate II est maintelignes directrices d’insuffisance cardiaque de la Société nant disponible et peut contribuer à améliorer la fonction canadienne de cardiologie. Les patients avec une insuffi- des organes vitaux de nos patients. sance cardiaque avancée représentent un groupe qui pose des difficultés majeures aux cliniciens. Nous avons discuté Chez les patients avec une insuffisance cardiaque en particulier de l’insuffisance cardiaque avancée compli- avancée, il est parfois important de considérer les soins quée par une insuffisance rénale, du rôle de l’assistance palliatifs, particulièrement lorsque tous les moyens théracirculatoire mécanique et également du rôle des soins peutiques existants ont été envisagés. Il est suggéré que les palliatifs. cliniciens s’occupant de patients en insuffisance cardiaque Pendant le dernier congrès de la SQIC, nous avons initient et facilitent des discussions régulières avec les Il est maintenant reconnu qu’il existe une interaction patients et leur famille quant aux désirs de ces patients sur complexe entre le cœur et le rein et, dans l’insuffisance leur qualité de vie et leurs soins de fin de vie. avancée, la pression intra-abdominale augmentée et la pression veineuse centrale augmentée sont reliées à l’augmentation de la créatinine. Le rôle de la dialyse et de l’ultrafiltration a été revu chez ces patients en même temps que la résistance aux diurétiques. L’avancement de la technologie nous permet maintenant de considérer une assistance circulatoire mécanique chez des patients qui présentent soit une insuffisance cardiaque aiguë potentiellement réversible ou une insuffisance cardiaque chronique avancée en vue d’une transplantation ou encore une insuffisance cardiaque chronique avancée avec une bonne espérance de vie et sans co- Marie-Hélène LeBlanc, MD Hôpital Laval [email protected] 2 Capsule pharmaceutique — Les interactions médicamenteuses d’importance chez le patient insuffisant cardiaque augmente avec le nombre de médicaments consommés par un patient ainsi que le nombre de co-morbidités présentes. Dans le contexte actuel, la population insuffisante cardiaque est donc particulièrement à risque de présenter une interaction médicamenteuse. Cette dernière peut se diviser en 2 grandes catégories : les interactions pharmacocinétiques et pharmacodynamiques. Les interactions pharmacocinétiques sont celles qui touchent une des phases du « devenir » du médicament comme son absorption, élimination, etc. Dans le premier cas, la combinaison des AINS avec les IECA est habituellement évitée particulièrement chez la clientèle insuffisante cardiaque, puisqu’on observe une incidence accrue d’insuffisance rénale. En effet, l’utilisation combinée des deux molécules diminue grandement la pression intra-glomérulaire et, comme c’est cette dernière qui permet la filtration glomérulaire de se produire, on peut observer une élévation de la créatinine et une insuffisance rénale aiguë. Plus précisément, l’effet des IECA diminue la pression intra-glomérulaire rénale en diminuant l’angiotensine et les AINS diminuent la production de prostaglandines rénales. Parmi les interactions touchant l’absorption, on note les interactions avec la cholestyramine qui limitera grandement l’absorption de plusieurs médicaments cardiaques dont les diurétiques. C’est dans la catégorie des interactions touchant l’élimination que l’on retrouve les médicaments éliminés par le cytochrome P450. Beaucoup de médicaments sont affectés par cette voie métabolique. On peut en citer quelques exemples comme le métoprolol avec le Paxil® (Cyp 2D6), ou l’éplérenone avec le Biaxin® (Cyp 3A4). Bien entendu, les recommandations de prise en charge de telles interactions seront variables selon les médicaments impliqués. Dans le deuxième cas, plus récemment plusieurs études ont démontré des cas de bradycardie importante avec l’utilisation des anti-cholinestérases comme le rivastigmine (Exelon®), donepezil (Aricept®) et galantamine (Reminyl®). Ces médicaments sont principalement utilisés dans le traitement de la maladie d’Alzheimer. Les résultats ont démontré une augmentation significative des chutes, d’implantations de pacemaker et de syncopes secondaires à la bradycardie. Comme le rythme cardiaque est une variable à considérer dans la titration des bêtabloqueurs, cette interaction peut devenir très significative pour la population insuffisante cardiaque. Les interactions pharmacodynamiques sont quant à elles plus subtiles. Elles ne touchent pas directement un médicament mais vont influencer l’effet thérapeutique recherché ou en exagérer les effets secondaires. Encore une fois, on retrouve beaucoup d’exemples en pratique clinique, mais pour en nommer que quelques unes citons : l’interaction inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IECA) et anti-inflammatoires nonstéroïdiens (AINS) et le cas des inhibiteurs de l’acetylcholinestérase (IAC) et les béta bloqueurs. En résumé, les interactions médicamenteuses sont multiples et nos connaissances continuent d’évoluer avec l’arrivée de nouveaux médicaments sur le marché. Il faudra toujours demeurer vigilant face aux interactions médicamenteuses sachant que l’on doit en premier lieu ne pas nuire au patient. Il est acquis de nos jours que le risque d’interaction Comité exécutif—2011-2012…. suite de la page 3 Dr Serge Lepage, Président Dr Normand Racine, Président sortant Dr Marc Frenette, Secrétaire-Trésorier Dre Marie-Hélène LeBlanc Dre Anique Ducharme Dre Viviane Nguyen Denis Brouillette Pharmacien, D.Ph. Institut de cardiologie de Montréal a/s Dr Serge Lepage 688, rue Prospect, Bureau 209 Sherbrooke, Qc J1H 1A8 Tél. : 819-542-2750 Les textes et illustrations ne peuvent être reproduits sans l’autorisation écrite de l’éditrice de la SQIC. Les opinions exprimées dans le bulletin d’information SQIC ne reflète pas nécessairement celles de l’éditrice ou de la SQIC. De plus, les produits et services dont il est fait mention dans le bulletin d’information ne sont ni approuvés, ni recommandés par la SQIC, sauf quand il en est fait mention formellement. 3 Recommandation consensuelle du traitement du patient avec dysfonction ventriculaire gauche asymptomatique. J’ai eu le plaisir de revoir les recommandations actuelles du patient avec dysfonction ventriculaire gauche asymptomatique. Nous avons déterminé par ailleurs les modes de présentation de cette dysfonction soit par la présence de facteurs de risque, la cardiomyopathie ou les événements cardiovasculaires dans l’aire pré-angioplastie primaire ainsi que dans l’aire post-angioplastie primaire. Une revue de l’importance des contrôles des facteurs de risque pour la prévention de l’insuffisance cardiaque, en particulier selon les nouvelles recommandations de l’American Heart , soit les stades A d’insuffisance cardiaque, la prise en charge surtout de l’hypertension artérielle et du diabète. Nous avons aussi revus le pronostic cardiovasculaire des ces patients. Il est à noter qu’en l’absence de tout symptôme, les patients présentent une morbidité et une mortalité qui se révèle hâtivement équivalente aux patients de classe II. Nous avons également parlé de la reconnaissance de cette maladie. En effet, comme médecins, nous sommes relativement habiles pour reconnaître l’insuffisance cardiaque lorsque le patient est hospitalisé à l’urgence avec un œdème pulmonaire franc, mais probablement moins habiles pour reconnaître la détérioration fonctionnelle avec dyspnée, fatigue ainsi qu’un œdème des membres inférieurs. De ce fait, une revue des critères de Framingham a été faite. Par ailleurs, nous avons parlé aussi de la prévalence de la dysfonction ventriculaire gauche, en particulier la dysfonction ventriculaire gauche progressive, soit les strates de fraction d’éjection <50%, < 40% et < 30%. Étant convaincus que l’approche primaire pour le patient avec dysfonction ventriculaire gauche asymptomatique était une combinaison ACE et bêtabloqueurs, les approches canadienne et américaine ont été comparées. Il est à noter que pour les patients du stade B au niveau américain, donc dysfonction ventriculaire gauche structurale asymptomatique, les recommandations usuelles sont le contrôle des facteurs de risque, un inhibiteur de l’enzyme de conversion chez les patients appropriés ainsi qu’un bêtabloqueur chez les patients appropriés. Pour ce qui est des recommandations publiées dans le New England Journal of Medicine on recommande un inhibiteur de l’enzyme de conversion à tous et les bêtabloqueurs chez les patients sélectionnés. Si on regarde maintenant au consensus canadien, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion sont recommandés chez tous les patients avec dysfonction ventriculaire gauche post-infarctus et chez tous les patients asymptomatiques avec un bémol de fraction d’éjection < 35%. Donc, un seuil de traitement à 40% chez le patient symptomatique, 35% chez le patient asymptomatique. Pour ce qui est des bêtabloqueurs, le consensus canadien recommande que chez les patients avec dysfonction ventriculaire gauche symptomatique (< 40%) devraient être placés sous bêtabloqueurs. Les patients en classe I et en classe II devraient pouvoir être traités par le non spécialiste. Devrait-on traiter tous les patients avec dysfonction ventriculaire gauche asymptomatique avec un bêtabloqueur ? Ceci demande réflexion, mais les consensus étaient de traiter ces patients avec les deux agents. Donc, finalement, peu de controverse sur ce sujet. Une revue de la littérature a été faite. Je vous invite à voir l’intégrale de Nous avons également revus les tables de prédic- la conférence sur le site internet de la SQIC. tion du risque d’insuffisance cardiaque dans les quatre années subséquentes. Ces tables sont ajustée pour l’âge, la capacité vitale forcée, la TA systolique, la fréquence cardiaque, la présence d’hypertrophie ventriculaire gauche, la présence de maladie coronarienne, la présence Serge Lepage, MD d’autres problèmes valvulaires significatifs, la présence de Cardiologue diabète et de cardiomégalie. CHUS Nous avons revu rapidement les méthodes diagnostiques basées sur le consensus canadien sur l’insuffisance cardiaque soupçonnée, soit l’examen physique, les paramètres d’investigation, l’évaluation de la fonction ventriculaire et les investigations complémentaires ciblées. Nous avons revu l’utilisation des médicaments probants de la dysfonction ventriculaire gauche, soit les inhibiteurs de l’enzyme de conversion et les bêtabloqueurs, de même que l’utilisation potentielle des ARA, des vasodilatateurs et des antagonistes de l’aldostérone. 4 L’évaluation nutritionnelle du patient insuffisant cardiaque. La prévalence de la dénutrition est élevée chez les insuffisants cardiaques. En effet, plus de 50% des patients insuffisants cardiaques hospitalisés sont dénutris. La dénutrition est associée à une augmentation de la morbidité et de la mortalité. Les besoins nutritionnels des insuffisants cardiaques sont accrus et difficiles à combler. On évalue à 18 % l’augmentation du métabolisme basal. Plusieurs facteurs contribuent à la dénutrition tels que : anorexie, satiété précoce, inconfort abdominal, nausée, vieillissement de la population, poly-médication, malabsorption, présence de nombreuses comorbidités et restrictions alimentaires. La cachexie cardiaque est présente chez 5 à 15 % des insuffisants cardiaques. Il s’agit d’un état de sousalimentation caractérisée par une perte importante de tissus adipeux et musculaire. Elle se manifeste graduellement chez le patient souffrant d’insuffisance cardiaque grave depuis longtemps. La cachexie est associée à un mauvais pronostic; la mortalité à 18 mois est de 50%. interventions nutritionnelles est supérieure aux stades précoces de la dénutrition. Donc, afin de repérer rapidement les patients dénutris, un dépistage nutritionnel systématique doit être instauré. Le Mini Nutritionnal Assessment, version abrégée (MNA-VA), est un outil de dépistage pour les personnes de 65 ans et plus. Il s’agit d’un questionnaire simple, validé et peu coûteux qui est utilisé par des intervenants désignés. Les patients ciblés sont référés à la diététiste. Elle procédera à l’évaluation nutritionnelle et à la détermination du plan de traitement selon l’analyse des données diététiques, anthropométriques, biochimiques et cliniques du patient. L’évaluation nutritionnelle est le champ d’exercice des diététistes en nutrition clinique. Il est donc recommandé pour chaque institution d’établir avec le service de nutrition clinique, une procédure de dépistage (type d’outil, fréquence d’utilisation) et de traitement selon les ressources humaines et financières. Le dépistage des patients à risque de dénutrition et leur prise en charge rapide sont essentiels. Ces actions permettent de réduire les répercussions de la dénutrition chez le patient et sur le système de santé. L’efficacité des Joanne Larocque dt.p. Nutritionniste clinicienne Institut de cardiologie de Montréal Des nouvelles de Vision C+ Subventions sans restrictions Nouveau : Comité d'utilisateurs de VisionC+ Les utilisateurs verront apparaître dans la portion inférieure de la page d'ouverture de VisionC+, les logos des compagnies pharmaceutiques Pfizer et Servier. Vous aurez directement accès à leur site internet en cliquant sur ces logos. Pfizer et Servier ont tous deux généreusement donné une subvention sans restriction pour la poursuite du développement de VisionC+. Nous les remercions chaleureusement, au nom de tous les utilisateurs, de nous permettre de continuer à faire évoluer cet outil clinique informatisé afin qu'il réponde davantage à vos besoins et à ceux de vos patients. Au printemps dernier, un appel de candidatures a été lancé par la SQIC à tous les utilisateurs de VisionC+ pour constituer un comité d'utilisateurs représentatif de l'ensemble des professionnels des différentes régions du Québec. Globalement, l'objectif principal de cette démarche vise à revoir régulièrement, avec des représentants d'utilisateurs, les difficultés rencontrées avec VisionC+ ainsi que d'analyser toutes les demandes qui nous sont soumises par vous tous. Ce comité s'est réuni à 2 reprises à ce jour. Dans le prochain numéro, nous vous présenterons les membres de ce comité, leur mandat, et nous vous tiendrons au courant des grandes orientations de priorisation des changements à venir. Merci encore ! À bientôt ... Dr Serge Lepage Carole Drouin Superviseur provincial, volet clinique VisionC+ 5 Dilemmes éthiques en insuffisance cardiaque Le patient non collaborant. L’assiduité au traitement est un défi de taille pour les Est-ce que le patient comprend la nature et le but du professionnels de la santé, surtout en présence de maladie chronique. Malheureusement, les professionnels de la santé sont trop souvent amenés à donner des soins à des patients qui refusent de collaborer. Que ce soit parce qu’ils ne prennent pas leur médication, ne changent pas leurs habitudes de vie ou parce qu’ils ne se présentent pas à leurs rendez-vous médicaux, les patients non collaborants laissent rarement indifférent. Bien que les professionnels soient généralement tolérants en regard d’un certain écart en regard de l’assiduité au traitement, ils tolèrent mal que le patient n’observe pas un traitement qui a un impact sur la survie ou qui, lorsque non observance, entraîne de nombreuses réadmissions. Ces situations difficiles pour les soignants suscitent de la frustration et contribuent à l’épuisement des professionnels impliqués. Comprend-t-il les risques associés au traitement? Comprend-t-il les risques associés à ne pas recevoir le Les professionnels agissent dans le meilleur intérêt du patient alors que le patient effectue ses propres choix selon ses croyances, ses expériences. Survient alors le dilemme entre la bienfaisance et l’autonomie des patients. Qu’en est-il des patients qui refusent des investigations, des traitements? Le réflexe du clinicien est d’abord de se demander si le patient est apte. Notons que le patient est apte jusqu’à preuve du contraire. Quelle est notre responsabilité professionnelle en présence de telles situations? Doit-on respecter l’autonomie du patient ? Le concept de consentement éclairé n’a de sens que si le refus est accepté. Le professionnel doit s’assurer que le patient est apte à consentir (ou refuser). Les critères de la Nouvelle-Écosse nous guident pour cette évaluation: Est-ce que le patient comprend la nature de son problème de santé? traitement proposé? traitement? Le médecin doit engager le dialogue et comprendre les raisons motivant le refus. Il doit s’assurer que le refus n’est pas tributaire de l’opinion d’un tiers. Il doit reconnaître le droit du patient à refuser un traitement qui peut contribuer à le guérir ou à améliorer sa qualité de vie. Enfin, en aucun cas le patient ne doit être abandonné par l’équipe. Lorsque l’équipe a tout tenté pour amener un patient à collaborer, il est suggéré de prendre un temps d’arrêt. Une rencontre interdisciplinaire peut aider à décider ce qui doit être fait, quelles actions sont éthiques ou acceptables pour ce patient. Bien qu’une décision faisant l’unanimité ne soit pas toujours possible, il importe d’expliquer pourquoi cela doit être fait et de décrire comment cela doit être fait. L’équipe doit avoir la même perspective et tenir la même ligne de conduite. Le contrat thérapeutique est un exemple d’outil qui peut alors être utilisé en pareille circonstance. Delphine Roigt, Avocate et consultante en éthique clinique CHUM Nathalie Nadon Infirmière praticienne spécialisée CHUM Merci à nos membres partenaires pour leur don sans restriction à l’EMC 6 ACLS 2010-2011—Mise à jour des lignes directrices À tous les 5 ans, une mise à jour des lignes directrices en matière de réanimation cardiorespiratoire (RCR) et en soins d’urgence cardiovasculaire (SUC) est effectuée suite à un processus rigoureux de révision de milliers d’études sur la réanimation. Voici un résumé des principaux changements et/ou points saillants: · Maintien de compressions cardiaques de haute qualité; · Changement dans la séquence initiale d’intervention : Compressions-Airway-Breathing; · Possibilité de faire de la réanimation à mains seules (sans ventilation); · Ajout d’un algorithme et d’un maillon à la chaîne de survie sur les soins intégrés post réanimation; · «Retour» du coup précordial pour les patients avec tachyarythmies hémodynamiquement instables ou sans pouls, dont l’arrêt est témoigné et qui sont sous monitoring cardiaque; · Détermination de l’énergie biphasique nécessaire à la cardioversion des tachycardies instables; · Utilisation de paramètres physiologiques (capnographie et tension artérielle diastolique) pour monitoriser la qualité des compressions cardiaques; · Simplification des différents algorithmes de soins avancés; · Retrait de l’Atropine dans l’asystolie et l’activité électrique sans pouls; · Nouvelles recommandations sur l’utilisation de l’oxygène post-réanimation et pour le SCA non compliqué; · Précautions émises sur l’utilisation de la Morphine pour le soulagement de la douleur dans les angines instables et les NSTEMIs; · Ajout de recommandations sur 5 nouvelles situations particulières en réanimation; · Augmentation de la fenêtre d’intervention de 3 à 4,5 heures pour le traitement de l’AVC ischémique; · Emphase sur le travail d’équipe et sur le leadership en soins avancés et mise en évidence recommandations sur l’apprentissage des techniques de réanimation. Marie Pagé IPSC et MI-ACLS Institut de cardiologie de Montréal L’année 2010-2011 en revue envergure a démontré le peu de place pour cette thérapie en présence d’insuffisance cardiaque symptomatique avec une fois cette année, de revoir les études importantes de aucun bénéfice clinique net à 30 jours tant pour l’hospitacette année. Celles-ci portaient sur l’insuffisance cardia- lisation que la mortalité. que aiguë et chronique de même que de la possibilité Du côté plus encourageant, les résultats de l’étude d’approche chirurgicale. Nous avons discuté de l’approche chirurgicale en insuffisance cardiaque ischémique EMPHASIS ont été revus, soit le bénéfice en insuffisance avec les résultats de l’étude SHIFT. Ces résultats ont été cardiaque classe II, de l’utilisation de l’Éplérénone. Cette mitigés et plutôt que d’aller vers une approche systémati- étude nous rassure quant au devenir de nos patients. En que chirurgicale, une analyse du risque-bénéfice devra complément à un traitement standard, l’Éplérénone a être effectuée chez nos patients compte tenu de l’apport permis de réduire la survenue d’hospitalisation et de décès important du traitement médical pour la prévention des de cause cardiovasculaire, et également, de façon intéressante, malgré le faible taux d’événement chez une clientèle événements cardiovasculaires chez ces patients. de classe II, une diminution de la mortalité non seulement Les résultats échographiques de l’étude SHIFT ont cardiovasculaire mais toute cause. Il sera intéressant de également été discutés brièvement. De façon intéressante, suivre l’approbation de cette thérapie au Québec compte non seulement la médication chronotrope négative a été tenu des échecs antérieurs. démontrée efficace pour éviter les complications cardioNous avons finalement revus les études d’utilisation vasculaires notamment l’hospitalisation mais également a BNP pour la guidance de la thérapie avec des résultats permis, via cette sous-étude, de démontrer un remodelage controversés sur l’utilité de cette approche. Je vous inverse favorable (« reverse remodeling»). rappelle que l’ensemble de cette présentation est disponiLes résultats de l’étude RAFT ont été également pré- ble sur notre site internet. sentés confirmant la place de la resynchronisation en insuffisance cardiaque peu symptomatique. Serge Lepage, MD Lors de la réunion annuelle, il m’a fait plaisir, encore Nous avons revu les résultats de l’étude ASCEND sur l’utilisation de la Nesiritide. Cette étude d’importante Cardiologue CHUS 7 Les pathologies rénales d’actualité chez le patient insuffisant cardiaque Il est bien reconnu depuis plusieurs années que taux de mortalité annuel pouvant atteindre 10% chez les sujets en hémodialyse. des liens intimes unissent le cœur et les reins au niveau physiologique et physiopathologique. CepenLe traitement des syndromes cardio-rénaux demeure dant, aucune classification des différents syndromes controversé par certains aspects. Par exemple, plusieurs cardio-rénaux n'avait été proposée. néphrologues sont réticents à utiliser certains agents Récemment, suite à un consensus d'experts internationaux, une classification des syndromes cardiorénaux a été proposée. Cette classification sera certainement des plus utiles en recherche afin de mieux catégoriser les sujets participant aux études cliniques. Par ailleurs, l'impact des différents syndromes cardio -rénaux en termes de morbidité et de mortalité est majeur au niveau épidémiologique. Par exemple, chez les sujets souffrant d'insuffisance rénale chronique, les maladies cardio-vasculaires constituent la première cause de mortalité avec un pharmacologiques puisque les études publiées dans la littérature ont exclus les sujets avec insuffisance rénale chronique. Il est donc difficile d'appliquer aux insuffisants rénaux chroniques les recommandations thérapeutiques émises pour la population générale. François Madore, M.D., M.Sc. Professeur titulaire, Faculté de Médecine Université de Montréal et Directeur intérimaire, centre de recherche Hôpital du Sacré-Coeur de Montréal Les inhibiteurs de la phosphodiesterase 5 devraient être utilisés de routine chez les patients insuffisants cardiaques symptomatiques L’hypertension pulmonaire secondaire est fréquente chez les patients souffrant d’une dysfonction ventriculaire gauche (VG) sévère et est souvent associée à une dysfonction ventriculaire droite (VD). La résistance vasculaire pulmonaire et la performance du VD sont des déterminants importants de la tolérance à l’effort, de la qualité de vie et du pronostic chez les patients avec dysfonction du VG. Dans des études précliniques et dans des essais cliniques préliminaires, les PDE5-I ont démontré une amélioration de la tolérance à l’effort, de la capacité respiratoire et de la qualité de vie chez les patients souffrant d’insuffisance cardiaque due à la dysfonction systolique du VG, surtout chez ceux présentant de l’hypertension pulmonaire secondaire. Les PDE5-I sont utilisés depuis près de 20 ans pour la dysfonction érectile et affichent très peu d’effets secondaires significatifs. Par conséquent, en attendant les résultats de grandes études randomisées, il serait justifiable d’utiliser les PDE5-I chez les patients souffrant d’insuffisance cardiaque sévère symptomatique avec hypertension pulmonaire secondaire. Les inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5 (PDE5-I), par l’entremise de l’augmentation des niveaux de cGMP, accroissent la vasodilatation pulmonaire médiée par le NO, et augmente le débit cardiaque généré par le VD, et ce, sans élévation du Pw ni diminution de la pression artérielle. De plus, ils améliorent la fonction endothé- liale, favorisant une meilleure perfusion des muscles squelettiques. Viviane Nguyen, MD Cardiologue McGill 8 Les patients avec insuffisance cardiaque rapidement progressive devraient tous être référés pour une assistance ventriculaire ou une greffe. L’évolution naturelle de l’insuffisance cardiaque (I.C.) est caractérisée par des épisodes d’exacerbations récurrentes habituellement stabilisées par l’ajustement du traitement médical. Néanmoins, une détérioration progressive est fréquemment inévitable et la survie à long terme est réduite. En 2004-05 au Québec, 15 à 20% des 8500 hospitalisations pour I.C. décompensée furent chez des patients âgés entre 16 et 65 ans. Annuellement, dans ce groupe d’âge, il y a seulement entre 35 et 40 patients qui bénéficient d’une transplantation cardiaque au Québec. Ainsi, pour la majorité des autres patients de nouvelles options thérapeutiques telle l’implantation d’un DAV est à considérer. Compte tenu de la limitation des budgets disponibles, il est important que les patients n’ayant pas de pathologies médicales terminales ou rapidement progressives puissent bénéficier d’une évaluation dans un centre quaternaire de transplantation cardiaque pour déterminer si l’une de ces options est possible. En octobre 2010, Le groupe de travail du Réseau de cardiologie tertiaire a déposé un rapport sur l’utilisation des dispositifs d’assistance ventriculaire. Les diverses options thérapeutiques des DAV sont : 1) Pont à la transplantation : pour les patients éligibles à une greffe mais trop instables malgré un traitement médical avec inotropes; 2) Pont à la récupération : pour les patients avec une cardiomyopathie potentiellement réversible; 3) Sauvetage et traitement temporaire; 4) Pont permettant l’évaluation et l’observation; 5) Traitement définitif de l’I.C. (http://publications.msss.gouv.qc.ca/acrobat/f/ documentation/2010/10-906-07F.pdf) (Wilson SR et al. Circulation 2009;119:2225) En résumé, pas tous les patients mais un nombre important d’entre eux avec I.C. rapidement progressive bénéficient d’être référés dans un centre quaternaire. Les indications absolues pour une transplantation L’équipe multidisciplinaire évalue la sévérité de l’I.C., la présence de comorbidités, la compliance et la capacité cardiaque incluent : d’adaptation du patient et de sa famille. Par la suite, 1) Compromis hémodynamique 2e à I.C. l’équipe informe le patient et sa famille des choix théra(choc cardiogénique réfractaire, nécessité d’inotropes peutiques disponibles basés sur l’éligibilité du patient et I.V. pour maintenir une perfusion adéquate et/ ou VO2 des résultats cliniques (avantages et risques) de l’implanmax < 10 ml/Kg/min.) tation d’un DAV ou d’une transplantation cardiaque. 2) Ischémie sévère non-revascularisable 3) Arythmies ventriculaires symptomatiques récurrentes réfractaires à toutes les modalités thérapeutiques Normand Racine, MD Cardiologue Institut de cardiologie de Montréal 9