MALADIE DE LYME MALADIE DE LYME DEFINITION La maladie de Lyme, due à un spirochète, Borrelia burgdorferi, est prévalente dans l’hémisphère nord (rares cas suspectés en Australie et Amérique du sud). C’est une anthropozoonose, transmise par piqûre de tiques femelles du genre Ixodes, dont il existe plusieurs espèces : I. ricinus en Europe occidentale, I. persucaltus en Europe de l’est et Asie, I. pacificus et I. scapularis en Amérique. Une seule espèce de Borrelia est présente en Amérique : B. burgdorferi ss ; en Asie et en Europe de l’est, sont retrouvées B. garinii et B. afzelii ; et en Europe de l’ouest, B. burgdorferi ss , B. garinii, B. afzelii, B. spielmanii, B. valisiana et B. lusitaniae. BIOPATHOLOGIE EPIDEMIOLOGIE C’est une maladie à répartition mondiale surtout rencontrée dans les régions tempérées et froides de l’hémisphère Nord. En France, l’incidence moyenne de la maladie est estimée à 9 cas par an pour 100 000 habitants. La maladie de Lyme est une zoonose transmise par les tiques dont l’espèce diffère selon le lieu géographique concerné : l’espèce Ixodes ricinus est très largement présente sur l’ensemble du territoire français avec des zones plus ou moins endémiques. Elle est particulièrement retrouvée dans les espaces boisés au printemps et à la fin de l’été. Les tiques parasitent une grande variété d’hôtes : petits mammifères (rongeurs essentiellement) ou plus gros (cervidés, ovins, bovins), reptiles et oiseaux. L’homme et les animaux domestiques constituent des hôtes accidentels. Le risque de contamination à l’homme est fonction de la densité en tiques et du temps d’attachement à celles-ci. CYCLE EVOLUTIF Ixodes ricinus possède un cycle comprenant 3 stades : la larve, la nymphe et l’adulte, toutes les 3 capables de transmettre la maladie. Les femelles adultes pondent des oeufs dans un abri du sol, qui vont éclore et libérer des larves. Les larves attendent 2 à 3 semaines pour chercher un hôte et se gorger de leur sang en un seul repas. La larve se transforme en nymphe qui, à son tour, va chercher un hôte 2 à 3 semaines après. Elle va prendre un repas sur l’hôte puis s’en détachera. La nymphe va muer 3 à 5 mois plus tard et se transformer en une tique adulte dont seule la femelle se nourrira du sang d’un nouvel hôte (homme ou animal). CLINIQUE Après une période d’incubation de 3 à 30 jours, la maladie évolue en 3 phases. Phase primaire : elle comprend un érythème migrant (EM) : macule ou papule érythémateuse indolore se propageant de façon centrifuge, le plus souvent au niveau des membres inférieurs. Cette lésion est caractéristique de la maladie et constitue la forme clinique prédominante en France. Sa présence permet d’affirmer le diagnostic, mais l’EM n’est observé que dans 65 à 75 % des cas. Il est parfois accompagné de signes généraux (fièvre, douleurs, asthénie). Phase secondaire : elle n’apparaît qu’en l’absence de traitement antibiotique ou lorsque la phase primaire est passée inaperçue. Elle comprend une fièvre inconstante et des manifestations variées de type neurologique, rhumatologique, cardiaque ou cutané. Les manifestations neurologiques (neuroborrélioses) sont les complications les plus fréquentes en Europe. Il peut s’agir d’atteintes radiculaires à prédominance sensitive, d’atteintes motrices périphériques, d’une atteinte des nerfs crâniens comme une paralysie faciale périphérique uni ou bilatérale, d’une atteinte centrale ou méningée. Les manifestations rhumatologiques comprennent des arthralgies précoces suivies par des arthrites touchant les grosses articulations (le genou en particulier). Plus rarement sont observées : - des manifestations cardiaques : liées principalement à des troubles de la conduction auriculo-ventriculaire pouvant aller jusqu’au bloc. Ce sont parfois des péricardites ou des myocardites. - des manifestations cutanées : un lymphocytome des oreilles, des mamelons ou des organes génitaux, dont le diagnostic est anatomo-clinique (biopsie cutanée). Phase tertiaire : elle correspond à l’installation chronique des troubles. Les manifestations neurologiques : il s’agit d’encéphalomyélites qui correspondent à des atteintes médullaires isolées ou des atteintes cérébrales. Les manifestations rhumatologiques sont des arthrites chroniques touchant les grosses articulations, surtout le genou, survenant des mois voire des années après le contage. Les manifestations cutanées sont atypiques en dehors des lésions caractéristiques de la maladie de PickHerxeihmer, également connue sous le nom d’acrodermatite chronique atrophiante (ACA). Il s’agit d’une lésion cutanée inflammatoire, limitée au début, qui va devenir atrophique en quelques années. Elle est rarement décrite en France. Le lymphocytome cutané bénin (LCB) est une autre forme d’affection cutanée spécifique caractérisée par la présence d’un infiltrat lympho-histiocytaire. © 2012 Biomnis – PRÉCIS DE BIOPATHOLOGIE ANALYSES MÉDICALES SPÉCIALISÉES 1/4 MALADIE DE LYME Diagnostic de maladie de Lyme chez un sujet qui présente des signes cliniques compatibles avec une notion de piqûre de tique ou ayant séjourné dans un endroit susceptible d’abriter des tiques infectées (sousbois). Diagnostic différentiel avec d’autres pathologies bactériennes ou virales. En France, la Conférence de Consensus sur les Borrélioses (13-12-2006) a précisé que la sérologie n’avait pas d’indication dans les situations suivantes : – EM (Erythème migrant typique) – Contrôle sérologique systématique des patients traités – Sujets asymptomatiques – Dépistage systématique des sujets exposés - Piqûre de tique sans manifestation clinique. RECOMMANDATIONS PREANALYTIQUES PRELEVEMENT – CONSERVATION - TRANSPORT LCR, biopsie cutanée, liquide articulaire et/ou biopsie synoviale pour diagnostic direct. Sérum, LCR, éventuellement liquide articulaire pour diagnostic sérologique. Se reporter au référentiel des examens de biologie médicale Biomnis en ligne pour les conditions précises de prélèvement et conservation-transport. QUESTIONS A POSER Notion de piqûre de tique ? Manifestations cliniques ? Patient exposé (profession à activité forestière, chasseur, randonneur…) ? Traitement antibiotique en cours ? Les performances minimales recommandées par l’EUCALB sont une spécificité ≥ 90 % en ELISA et IFI et un « cut-off » établi sur 100 échantillons de donneurs sains. Le marquage CE est insuffisant pour garantir la qualité des trousses commerciales ; l’évaluation de la spécificité doit se faire en population locale et celle de la sensibilité, sur des cas confirmés de borréliose. Attention aux différences de sensibilité des trousses ELISA : globalement, la sensibilité de la sérologie dans le sérum, est de 50 % au stade d’érythème migrant, de 70 % au stade de neurroborréliose et proche de 100 % en cas d’acrodermatite chronique atrophiante ou d’arthrite de Lyme. L’immuno-empreinte ou Western blot (WB) est un test qualitatif qui objective la spécificité des Ac. Il existe des tests maisons ou commercialisés (Ag natifs ou recombinants) dont l’interprétation varie selon le type et le nombre d’Ag immunoréactifs. Le manque de standardisation impose à chaque laboratoire de valider son propre test ; la norme minimale requise est une spécificité de 95 %. DIAGNOSTIC DIRECT Diagnostic direct par culture : elle nécessite des milieux spécifiques (BSK Barbour-Stoenner-Kelly ou MKP Kelly Pettenkofer Modifié). Sa sensibilité est de 50 % en cas d’EM ou ACA (sur prélèvement cutané), mais elle est trop faible dans le LCR ou le liquide synovial. Après culture, les bactéries sont observées au microscope à fond noir ou fluorescence. Toutefois, la croissance bactérienne est lente et la culture, non utilisée en diagnostic courant. Diagnostic direct par PCR La bactérie étant peu représentée dans certains tissus, la sensibilité de la PCR est variable. Toutefois, elle a un intérêt dans l’arthrite de Lyme, sur biopsie ou liquide synovial. METHODES DE DIAGNOSTIC Le diagnostic de la maladie de Lyme est essentiellement clinique si les signes caractéristiques comme l’EM ne sont pas passés inaperçus. Mais les difficultés diagnostiques sont également liées à la diversité des formes cliniques. C’est pourquoi le diagnostic biologique apporte une aide précieuse. En pratique, il est essentiellement sérologique car la culture est de réalisation délicate et les techniques de biologie moléculaire sont réservées à quelques laboratoires spécialisés. La détection d’Ac s’effectue dans le sang ou le LCR, par technique ELISA le plus souvent, avec confirmation par Western blot (WB), si l’ELISA est positif ou douteux (pas d’indication du WB si l’ELISA est négatif). Il faut préciser, sur le compte-rendu du résultat, les performances du réactif utilisé et proposer une aide à l’interprétation. Sensibilité en % Peau 68 Plasma 26 Liquide synovial 73 LCR 19 DIAGNOSTIC INDIRECT : SEROLOGIE C’est la méthode diagnostique la plus utilisée et il existe des recommandations pour son interprétation (conférence de consensus, décembre 2006). Au stade primaire, sa sensibilité est extrêmement variable d’une trousse à l’autre (20 à 70 %) et en fonction de la précocité du prélèvement, par rapport à l’apparition de l’érythème migrant, qui lui, est pathognomonique. De fait, elle n’est pas recommandée. Au stade secondaire, sa sensibilité est de plus de 80 % et elle est utilisée comme critère d’exclusion pour le stade © 2012 Biomnis – PRÉCIS DE BIOPATHOLOGIE ANALYSES MÉDICALES SPÉCIALISÉES 2/4 MALADIE DE LYME tertiaire car sa sensibilité atteint 100 % pour les IgG (en revanche, les IgM sont absentes). Les IgM apparaissent en 3 à 5 semaines, les IgG, en 6 à 8 semaines. En cas de traitement précoce, les IgM et IgG peuvent diminuer, voire ne jamais être détectées. Une fois apparues, les IgM peuvent persister longtemps après un traitement précoce. La sérologie s’effectue en deux temps : test de dépistage, puis test de confirmation, uniquement en cas de dépistage positif. Les tests de dépistage de 1e génération utilisaient des antigènes cellulaires complets comme l’IFI, puis les tests ELISA de 2e génération ont été enrichis en antigènes purifiés afin de minimiser les réactions croisées, puis des Ag recombinants peu représentés en culture (comme la protéine VlSE) ont été ajoutés aux tests de 3e génération augmentant ainsi leurs sensibilité et spécificité. Les tests de confirmation (selon le CDC) : le WesternBlot ou l’immunoblot. Les réactifs sont mal standardisés. L’interprétation est fondée sur les critères de l’EUCALB, pour déterminer les protéines les plus intéressantes : pour les IgM : p41 OspC et VlSE ; pour les IgG : VlSE, p23, p83/P100, p18 p58, p39 et p30 (OspA) qui est en faveur d’une infection remontant à plusieurs mois. La positivité de 2, 3 ou 4 bandes parmi celles-ci est nécessaire pour affirmer le diagnostic. L’interprétation de la sérologie est difficile en raison de la prévalence relativement élevée des Ac dans la population générale (3 à 5 % et jusqu’à 30 % chez les bûcherons et les chasseurs). Le titre des anticorps permet donc en partie de distinguer une « cicatrice » sérologique d’une infection active. L’interprétation repose sur la distinction de l’isotype : la présence d’IgM évoque une infection à un stade précoce ; les IgM sont encore présentes en début de phase secondaire mais absentes en phase tertiaire ; les IgG apparaissent en fin de phase primaire et sont présentes à titre élevé en phase tertiaire. Des réactions croisées sont décrites avec la syphilis surtout, mais aussi d’autres spirochètes (leptospires en cas de maladie auto-immune) ou, pour les IgM, en cas d’infection à EBV, Herpes… De fait, une sérologie positive isolée ne constitue jamais une indication pour un traitement. Diagnostic de neuroborréliose de Lyme par calcul de l’index de synthèse intrathécale des anticorps IgG spécifiques En phase primo-secondaire de maladie de Lyme, la synthèse d’anticorps dans le LCR est activée dès les premiers symptômes de neuroborréliose ; lors des manifestations de neuroborréliose chronique, la production d’IgG anti-Borrelia est élevée dans le compartiment intrathécal. Cependant, la seule détection d’anticorps anti-Borrélia dans le LCR ne suffit pas pour porter le diagnostic de neuroborréliose, car les immunoglobulines spécifiques peuvent provenir du sérum par transsudation, la barrière hématoencéphalique devenant perméable lors de toute inflammation des méninges. Pour distinguer la diffusion passive de la formation in situ d’IgG spécifiques dans le LCR, un index de synthèse intrathécale des IgG antiBorrelia est calculé selon le concept de Reiber : les taux d’IgG anti-Borrelia sont mesurés dans le LCR et le sang et comparés en rapport des concentrations en IgG totales de chaque compartiment. Index = titre LCR x IgG totales sérum / titre sérum x IgG totales LCR. Toutefois, dans certaines conditions - synthèse oligoclonale d’immunoglobulines dans le LCR -, le rapport des IgG anti-Borrelia doit être comparé à un rapport prenant en compte les concentrations en albumine de chaque compartiment. Selon la conférence de consensus de décembre 2006 portant sur le diagnostic et le traitement de la maladie de Lyme et l’EUCALB, le calcul de l’index de synthèse intrathécale des IgG anti-Borrelia est la meilleure approche diagnostique des formes neurologiques de maladie de Lyme. En effet, le nombre de bactéries dans le LCR étant trop faible, la recherche par PCR ne permet pas le diagnostic de neuroborréliose. RECOMMANDATIONS POUR LE DIAGNOSTIC BIOLOGIQUE EN FONCTION DES FORMES CLINIQUES D’après la 16ème Conférence de consensus en Thérapeutique anti-infectieuse (décembre 2006) Formes cliniques Indications et résultats des examens essentiels au diagnostic Examens optionnels (2e intention si contexte clinique évocateur et examens de 1ère intention négatifs) Erythème migrant - AUCUN examen - AUCUN Neuroborréliose précoce - réaction cellulaire lymphocytaire dans le LCR et/ou hyperprotéinorachie - sérologie + dans le LCR, parfois retardée dans le sang - Synthèse intrathécale d’IgG spécifiques - Culture et PCR du LCR - Séroconversion ou ascension du titre sérique des IgG Lymphocytome borrélien - Aspect histologique du lymphocytome - Sérologie positive (sang) - Culture et PCR du prélèvement cutané Atteinte cardiaque - Sérologie positive (sang) - Sur avis spécialisé Arthrite - Sérologie positive (sang) : titre IgG habituellement élevé - Liquide articulaire inflammatoire - Culture et PCR sur liquide et/ou tissu synovial Neuroborréliose chronique - Synthèse intrathécale d’IgG spécifiques - Culture et PCR du LCR Acrodermatite chronique atrophiante - Aspect histologique évocateur - Sérologie positive à titre élevé (IgG) - Culture et PCR du prélèvement cutané Formes oculaires - Sérologie positive - Confirmation par avis spécialisé - Sur avis spécialisé TRAITEMENT Chez l'adulte, le traitement de 1e ligne est l'amoxicilline per os : 1 g x 3/j ou la doxycycline 100 mg x 2/j pendant 14 à 21 j. Le traitement de 2e ligne est le céfuroxime- © 2012 Biomnis – PRÉCIS DE BIOPATHOLOGIE ANALYSES MÉDICALES SPÉCIALISÉES 3/4 MALADIE DE LYME axetil, 500 mg x 2/j, 14 à 21 j. En cas d'allergie ou contreindication, peut être utilisée l'azithromycine, 500 mg x 1/j pendant 10 j. Plus le traitement est débuté tardivement, moins il sera efficace et plus le risque de séquelles est élevé. Des modalités thérapeutiques particulières chez l'enfant ou dans certaines situations cliniques sont précisées dans la conférence de consensus de 2006. L’antibioprophylaxie systématique après piqûre de tique n’est pas recommandée. Elle est toutefois prescrite en cas de risque élevé : piqûres multiples, long délai d’attachement, fort taux d’infestation des tiques. Elle utilise la doxycycline per os, 200 mg en monodose ou l'amoxicilline per os : 3 g/j pendant 10 à 14 j. European Union Concerted Action on Lyme Borreliosis (EUCALB) (http://meduni09.edis.at/eucalb/cms/index.php) Société française de microbiologie, Borrelia burgdorferi sensu lato, In : REMIC : Société Française de Microbiologie Ed ;2015 :465-470. Suivi après traitement Il repose principalement sur la régression des signes cliniques. Au plan sérologique, la diminution du titre des Ac est d’autant plus lente qu’il était élevé initialement. En général, une diminution significative des IgM est observée 3 à 6 mois après la régression des signes cliniques (souvent, l'IFI reste positive plus longtemps que l'Elisa), mais elles peuvent persister des années, comme c'est le cas pour les IgG. Le suivi sérologique est intéressant uniquement pour les formes tardives, pour évaluer l'efficacité du traitement car des séquelles peuvent perdurer. Prophylaxie Elle repose sur l’information du public et des professionnels de santé en zone à risque, ainsi que sur le port de vêtements couvrants, en particulier au niveau des jambes et bras (les vêtements de couleur claire facilitent le repérage des tiques). L'utilisation de répulsifs insecticides est recommandée, ainsi que l'observation au retour de la zone à tiques. Comment retirer une tique ? 1-Retirer la tique le plus vite possible. 2- Eviter d'appliquer tout produit (éther, …) qui risque de faire régurgiter la tique. 3- La tirer au plus près de la peau (pinces fines). 4- Eviter le contact direct des doigts avec la tique ou son régurgitat. 5- Toujours faire suivre d'une désinfection à l'alcool le point de piqûre après arrachage. POUR EN SAVOIR PLUS Rogeaux O., Bourrel M., Maladie de Lyme, Encycl Med Biol. Elsevier Paris ; 1997. Assous M.V., Borréliose de Lyme, Cahier Bioforma ; numéro 34. XVIe Conférence de Consensus en Thérapeutique antiinfectieuse : Borréliose de LYME ; 13 décembre 2006 (Texte court) : www.infectiologie.com © 2012 Biomnis – PRÉCIS DE BIOPATHOLOGIE ANALYSES MÉDICALES SPÉCIALISÉES 4/4