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Relations interculturelles et construction de l’identité enseignante.
Magali Jeannin-Corbin
de l’interaction de l’homme avec son environ-
nement6 ».
L’identité est également un concept poly-
morphe, et dans le cadre de cette étude, nous
choisirons de l’envisager dans son rapport dia-
lectique entre le même et l’autre, tels qu’ils se
trouvent objectivement posés, en intégrant
l’articulation dialogique entre l’individuel et le
collectif : « on peut avancer que l’identité est
dépendante à la fois de la conscience de soi et
de la reconnaissance par autrui7 ». L’identité
culturelle peut alors être dénie par l’ensemble
des schèmes interprétatifs produits par chaque
individu, au sein d’une société donnée, confé-
rant du sens à la réalité et se structurant sur des
représentations mentales relevant d’une forme
d’imaginaire ou du moins de transformation de
cette réalité, en dialogue constant (conscient ou
inconscient) avec des systèmes de valeurs et de
normes considérés comme autres. Précisons que
l’identité culturelle n’est pas une donnée stable
mais en constante évolution ; la question de l’in-
terculturalité pose alors celle du degré d’hété-
rogénéité que l’individu est prêt à intégrer dans
la construction de son identité culturelle. Du
point de vue de la didactique de l’interculturel,
la rencontre avec un autre système aboutit à une
prise de conscience de l’arbitraire du système de
référence maternel alors que « lors de l’éduca-
tion les faits de culture apparaissent comme
des faits de nature tout à fait normaux et uni-
versels8 ». C’est alors que l’individu se trouve
confronté au concept de « choc culturel », lorsqu’il
6 Ferréol G., Jucquois G. (Eds) (2003). Dictionnaire de l’al-
térité et des relations interculturelles. Paris : A. Colin, p. 157
7 Ibid., p. 157.
8 Ibid., p. 125.
se trouve « coincé entre deux modèles », et au
phénomène de dissonance cognitive, malaise
provoqué lorsqu’un élément de la culture cible
entre en contradiction avec la culture source.
Leon Festinger9 montre ainsi que l’individu tend
alors à éviter tout élément créant de la disso-
nance. Selon Ferréol et Jucquois, la démarche di-
dactique consiste précisément à « utiliser la dis-
sonance elle-même pour la réduire et parvenir à
un changement qui ne soit pas conictuel pour le
sujet mais au contraire positif10 ».
Ces éléments ont servi de cadre conceptuel
aux analyses des représentations des étudiantes
étrangères et de leur évolution, et nous avons
tenté de les articuler aux modèles hérités de la
psychologie sociale, qui fondent la réexion sur
le concept d’identité professionnelle, et plus
précisément d’identité enseignante.
Divers questionnements et hypothèses de
départ : quelle identité enseignante ?
Il nous a paru fécond de questionner l’iden-
tité professionnelle à la lumière de la probléma-
tique interculturelle, à partir des dénitions de
Gérald Boutin qui envisage l’identité profession-
nelle, à la suite de Philipps11, comme « cette partie
de soi qui est investie dans l’activité profession-
nelle en lui étant intimement reliée12 ». G. Boutin
9 Festinger L. (1962). A Theory of cognitive dissonance,
Stanford : Stanford University Press
10 Ferréol G., Jucquois G. (2003). Op. cit., p. 177
11 Philipps S.D. (1992). Career counseling : Choice and
implementation, Handbook of Counseling Psychology,
S.D. Brown et R. W. Lent (Eds), p. 513-547. New York:
John Wiley and Sons, Inc.
12 Boutin G. (1999). Le développement de l’identité
professionnelle du nouvel enseignant et l’entrée dans