Introduction : De l’épistémologie des sciences sociales à la
construction d’une nouvelle anthropologie éthique ?
L’épistémologie, étude essentiellement interne et pluridisciplinaire de
l’activité scientifique, se veut de plus en plus spécialisée, focalisée sur des
sciences précises. Mais elle s’élève en même temps des spécialisations outrées
vers une interépistémologie organisée en trois régions du savoir : les sciences
formelles, les sciences de la nature, et les sciences humaines, de plus en plus
dénommées « sociales » en raison de leur enracinement dans des contextes et
dans des enjeux liés à chaque contexte. C’est donc dire que l’épistémologie des
sciences sociales repose sur deux présupposés : d’une part le présupposé de
l’accès bien attesté de ces sciences à la scientificité, et d’autre part l’existence
d’une unité interne permettant de fixer des frontières, mais aussi de prononcer
des exclusions.
Depuis les années 1960, les sciences humaines ont fait l’objet d’un travail
d’interprétation éthique, méthodologique ou idéologique de la part des
philosophes. Ainsi Gilles-Gaston Granger estime qu’elles permettent une action
réfléchie de l’homme individuel sur lui-même ; Georges Gusdorf pense qu’elles
appliquent à l’homme le bénéfice de l’étude des sciences de la nature ; et Michel
Foucault pense qu’elles glissent d’une science de règles, notion qui réfère à des
conflits à surmonter, à une science de normes, qui réfère au pathologique à
contenir et à réprimer.
Leur objectif est-il d’outiller l’homme pour son autocompréhension ou de
faciliter la soumission économique et policière de l’homme ? Entre ces deux
pôles de l’alternative, il apparaît de plus en plus que l’épistémologie des
sciences sociales s’unifie autour d’une invite à inférer la conduite de l’homme à
partir de la connaissance de son lien originel avec la nature. L’épistémologie des
sciences humaines peut-elle se confiner à des questions internes de méthode et
de migrations conceptuelles, car elle ne se sépare jamais bien d’un rapport à la