Guide relatif à l’usage de démarche carbone au
sein des marchés et des politiques publiques
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Guide relatif à l’usage d’une démarche carbone
au sein des marchés publics et des politiques
publiques
Synthèse du lot 2 de la mission « d’assistance à l’élaboration d’un outil d’évaluation des
émissions indirectes de gaz à effet de serre »
rédigée par Carbone 4 pour le Conseil Régional d’île de France
96 rue de la Victoire
75009 Paris
Contacts :
Julien Blanc : julien.blanc@carbone4.com
Roman Ledoux : roman.ledoux@carbone4.com
Juin 2015
Guide relatif à l’usage de démarche carbone au
sein des marchés et des politiques publiques
2
Table des matières
1.
Introduction ............................................................................................................................... 3
2.
Changement climatique et gaz à effet de serre .............................................................. 4
2.1. Les enjeux du changement climatique .................................................................................... 4
2.2. Qu’est-ce qu’une empreinte carbone ? ................................................................................... 5
2.2.1. Principe de base d’une empreinte carbone ............................................................................... 5
2.2.2. Gaz pris en compte .............................................................................................................................. 5
2.2.3. Une unité de mesure commune de l’impact des GES : l’équivalent CO
2
........................ 6
2.2.4. Postes d’émissions ............................................................................................................................... 6
3.
Le carbone dans les marchés publics ................................................................................ 7
3.1. Historique du carbone dans les marchés publics et enjeux ............................................ 7
3.2. Règles juridiques ............................................................................................................................ 7
3.3. Quelle action à mettre en place en fonction de la famille d’achat ?.............................. 8
3.3.1. Diagramme de classement des familles d’achats .................................................................... 9
3.3.2. Exemples illustratifs ......................................................................................................................... 11
3.3.3. Démarches non détaillées dans ce rapport ............................................................................. 14
3.3.4. Intégration d’un critère carbone : le CO
2
en tant que critère d’évaluation ................ 15
3.3.5. Utilisation d’une clause d’exécution carbone, pour réaliser le bilan GES de
l’opération ................................................................................................................................................................ 16
3.4. Expériences identifiées et collecte d’informations ......................................................... 17
3.5. Formalisme dans les cahiers des charges ........................................................................... 18
3.5.1. Rédaction d’un critère carbone de sélection des offres dans le DCE ............................ 19
3.5.2. Rédaction d’un marché avec utilisation d’une clause d’exécution pour la
réalisation d’une évaluation GES de la prestation dans un DCE ........................................................ 21
3.6. Risques de contradictions avec d’autres domaines environnementaux ................. 23
4.
Le carbone dans les politiques publiques ..................................................................... 24
4.1. Instruments de mise en place de politiques publiques ................................................. 24
4.2. Enjeux GES dans le processus de politiques publiques ................................................. 24
4.3. Hiérarchisation des politiques publiques .......................................................................... 27
4.3.1. Les émissions évitées ....................................................................................................................... 28
4.3.2. Catégorie 1 : peu d’émissions directes et pas d’émissions évitées ................................ 31
4.3.3. Catégorie 2 : beaucoup d’émissions directes et pas d’émissions évitées .................... 31
4.3.4. Catégorie 3 et 4 : peu ou beaucoup d’émissions directes et beaucoup d’émissions
évitées 31
5.
Conclusion ................................................................................................................................ 33
6.
Annexes ..................................................................................................................................... 34
6.1. Remerciements ............................................................................................................................ 34
6.2. Comparaison de bilans avec incertitudes ........................................................................... 34
6.2.1. Incertitude sur les résultats ........................................................................................................... 34
6.2.2. Incertitudes sur l’écart entre solutions ..................................................................................... 35
6.3. Facteur d’émissions monétaires (analyse tableaux entrées sorties de l’INSEE) .. 36
6.4. Bibliographie ................................................................................................................................ 37
6.5. Acronymes ..................................................................................................................................... 37
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1. Introduction
Le Conseil régional d’Ile de France mène depuis de nombreuses années des projets visant à
lutter contre le changement climatique et notamment:
Le bilan carbone territoires développé en 2005 par l’ADEME, projet pilote en 2007 sur
l’Ile de France, puis à nouveau en 2009
La création du Réseau d’Observation Statistique de l’Energie (ROSE) en 2008
La politique Energie Climat pour la maitrise de l’énergie, le développement des
énergies locales et renouvelables et la réduction des émissions de gaz à effet de
serre dans l’habitat et le tertiaire, lancé en 2010 puis renforcé en 2012
Le Plan Régional pour le Climat d’île de France adopté en 2011
Le Schéma Régional du Climat, de l’Air et de l’Energie (SRCAE) élaboré en 2012, en
partenariat avec l’Etat, ainsi que le Schéma Régional Eolien (SRE) francilien
approuvé en 2012 qui constitue une annexe au SRCAE.
En octobre 2014 la région a accueilli le sommet des régions pour le climat, le R20
En parallèle, la Région soutient les associations qui participent à l’éducation à
l’environnement et assiste les collectivités territoriales dans la réalisation de leurs Agenda
21.
2015 est une année charnière dans la lutte contre le changement climatique. En effet, la
21
ème
conférence des parties (COP21), rendez-vous majeur des négociations climatiques
internationales, se tient à Paris cette année.
C’est dans ce contexte que le Conseil régional a souhaité enrichir à nouveau ses actions
« climat » avec l’expertise de Carbone 4 pour la réalisation d’une mission d’assistance à
l’élaboration d’un outil d’évaluation des émissions indirectes de gaz à effet de serre,
découpée en 2 lots :
1) Le premier lot, en partenariat avec l’ADEME, consiste :
a. À dépasser les limites méthodologiques des démarches actuelles pour mieux
identifier et qualifier les émissions du territoire francilien en ce qui concerne
les émissions indirectes.
b. Offrir aux collectivités franciliennes, au travers d’un outil régional, un cadre de
référence standardisé (protocole), partagé et documenté (premier kit d’outil)
pour évaluer les émissions indirectes de gaz à effet de serre (GES) sur le
volet patrimoine et compétences.
2) Le second lot traite quant à lui les sujets suivants:
a. Développer une « culture » carbone des agents en charge des politiques
d’achats et de l’élaboration des politiques publiques : identifier les bonnes
pratiques, les blocages et répandre les bonnes pratiques.
b. Outiller les équipes en poste pour la prise en compte du carbone, en
complément des autres critères déjà pris en compte aujourd’hui.
Le présent rapport est un guide synthétisant les travaux réalisés pour répondre aux attentes
du lot 2 de la mission. Il rassemble les enseignements collectés et propose un ensemble de
bonnes pratiques et de conseils méthodologiques pour une prise en compte efficace des
enjeux climatiques dans le fonctionnement des collectivités publiques.
Le rapport est scindé en trois parties :
1. Une présentation succincte des enjeux du changement climatique et les principes
généraux d’une empreinte carbone
2. Prendre en compte le carbone dans les marchés publics;
3. Orienter les actions de politiques publiques en fonction de leur impact GES.
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2. Changement climatique et gaz à effet de serre
2.1. Les enjeux du changement climatique
Les données scientifiques et techniques disponibles sur le changement climatique et les
ressources en combustibles fossiles permettent d’affirmer, sans prendre trop de risques, que
nous sommes face à une contrainte climatique qui va trouver une place croissante dans
toute activité humaine, économique ou non. Quelques éléments, certains connus seulement
depuis une époque récente, et d’autres plus anciens, illustrent cette conclusion de manière
particulièrement forte :
- Au plus fort de la dernière ère glaciaire, il y a 20.000 ans, la température planétaire n’avait
baissé que de 5°C par rapport à l’époque actuelle. La déglaciation a pourtant conduit, en
France, au remplacement d’un paysage de type Nord-sibérien par celui que nous
connaissons aujourd’hui, et cette transition a mis environ 10.000 ans à se produire. Une
hausse de quelques degrés de la moyenne planétaire en un siècle se traduirait très
certainement par un bouleversement de l’environnement d’une brutalité sans précédent pour
notre espèce (et peut-être même sans précédent pour la biosphère),
- Pour parvenir à une stabilisation de la quantité de CO
2
dans l’atmosphère planétaire,
préalable indispensable à une stabilisation des températures « plus tard », il est nécessaire
de diviser par deux au moins les émissions humaines de ce gaz, et le plus tôt sera le mieux,
- La consommation d’énergie fossile de l’humani
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, et partant ses émissions de CO
2
, est de
toute façon inéluctablement appelée à passer par un maximum et à tendre vers zéro ensuite,
dès lors que la ressource de départ est disponible en quantité finie. En conséquence, cette
division par deux des émissions mondiales de CO
2
finira inéluctablement par survenir « un
jour », seule la date et les modalités de survenance de cet événement pouvant faire l’objet
d’un débat, débat qui n’est en rien secondaire il est vrai,
- A partir des estimations publiées par les opérateurs pétroliers et charbonniers sur les
ressources fossiles (et qui sont à peu près stables depuis 30 ans), une conclusion
raisonnable est de situer le pic pétrolier en 2020/2030 au plus tard, le pic gazier en 2040 au
plus tard, et le pic tous fossiles (même en tenant compte du charbon) pas très loin derrière
2050/2060 au plus tard. Le desserrement de la contrainte pesant sur le seul pétrole en se
reportant sur le gaz et le charbon ne permet donc pas de gagner quelques siècles de
croissance de la consommation, mais plutôt quelques décennies, au prix d’un accroissement
de la dette climatique qui risque d’être très difficilement gérable pour ceux qui auront à la
supporter.
Au vu de ce contexte, de mieux en mieux connu des « décideurs », même si l’information
diffuse lentement, il ne semble pas déraisonnable d’envisager que les émissions de CO
2
en
particulier, et de gaz à effet de serre en général, soient de plus en plus pénalisées pour les
acteurs économiques, qu’il s’agisse d’individus ou d’entreprises. Cette pénalisation pourrait
survenir de deux manières au moins, qui sont équivalentes sur le plan microéconomique
(mais assurément pas sur le plan macroéconomique).
Une première possibilité est que la puissance publique (au sens large : états ou échelons
administratifs sub-étatiques, organisation internationales, communauté européenne, etc.)
décide d’agir plus fortement qu’aujourd’hui, par le biais de taxes, ou par le biais de mesures
réglementaires (quotas ou limitations de toute nature, droits de douane, interdictions, etc.)
qui dans les faits aboutissent de manière identique à renchérir le coût d'usage de ce qui
engendre des émissions.
Une deuxième possibilité est que les combustibles fossiles, dont l’usage n’aura pas été
restreint suffisamment rapidement par des contraintes volontaires, fassent l’objet d’un
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On appelle « énergie fossile » l’ensemble charbon-pétrole-gaz
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renchérissement continu - ou brutal - par suite d’une offre incapable de répondre à une
demande qui voudrait croître indéfiniment
2
.
2.2. Qu’est-ce qu’une empreinte carbone ?
Lorsqu’on parle d’empreinte carbone d’une activité, ou d’impact climat, de Bilan carbone,
d’émissions de GES, de carbone ou de CO
2
, on parle en réalité de la même chose : il s’agit
de quantifier la contribution d’une activité au réchauffement climatique, à savoir la quantité
d’émissions de gaz à effet de serre engendrée par cette activité.
2.2.1. Principe de base d’une empreinte carbone
Une empreinte carbone comptabilise les émissions de gaz à effet de serre à partir des
données opérationnelles d’un projet ou d’une activité. L’estimation des émissions induites est
alors directement calculée sur la base de ces données opérationnelles.
La réalisation d’une empreinte carbone d’un projet consiste donc à recenser les données
physiques relatives à l’activité du projet (selon sa nature, il peut s’agir de la quantité
d’électricité consommée en kWh, de tonnes de fioul, de matériaux de base tels que ciment,
acier, plastique, de déchets produits ou encore du nombre de voyageurs transportés, etc.) et
de les inscrire dans un tableur qui indique alors directement les émissions correspondantes
en équivalent CO
2
.
Cette correspondance s’effectue via un « facteur d’émission », valeur scientifiquement
déterminée et préinscrite dans le tableur qui permet, par simple opération de multiplication,
de convertir les valeurs des données « observables » de l’activité en équivalent CO
2
.
Quelques exemples de facteurs d’émissions :
la consommation d’1 kWh électrique en Chine correspond à l’émission de 0,74 kg
d’équivalent CO
2
(source : Agence Internationale de l’Energie, 2009) ;
la production d’une tonne de ciment émet 862 kgeqCO
2
;
un voyage court courrier (sur une distance de 500 km) en classe affaire engendre
l’émission de 330 kgeqCO
2
.
Il est cependant important de garder à l’esprit qu’une incertitude plus ou moins importante
est attachée à ces facteurs. Par conséquent, le résultat du calcul reste une approximation.
L’objectif d’une empreinte carbone n’est pas la précision, mais la souplesse et la simplici
d’utilisation, permettant de fournir des renseignements en ordre de grandeur afin d’appuyer
l’analyse des projets et la prise de décision.
2.2.2. Gaz pris en compte
Les gaz à effet de serre pris en compte dans le recensement des émissions sont ceux
identifiés dans le protocole de Kyoto :
le Dioxyde de Carbone (CO
2
), résultant principalement de la combustion fossile, de
la production d’aluminium, d’acier, de ciment, et de verre.
le Méthane (CH
4
), résultant de la combustion ou décomposition de la biomasse, la
production ou traitement de pétrole et de gaz.
l'Oxyde Nitreux (N
2
O), résultant de l’incinération de déchets solides, d’engrais et des
transports.
Les Hydrofluorocarbures (HFC), induits dans les processus industriels d’isolation,
réfrigération et air conditionné.
les Perfluorocarbures (PFC), dans le cadre de la production d’aluminium.
2
Rappelons qu’il n’existe pas de monde où la production de pétrole irait en décroissant pendant que la «
demande » irait en croissant : une décroissance - subie ou voulue - de la production de pétrole signifiera
nécessairement une décroissance de sa consommation au même moment, puisque le pétrole ne fait l’objet que
de stocks minimes en surface.
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