Décarboner l’Union européenne pour la relancer A la fin 2012 s’est tenu à Doha, au Qatar, la 18ème conférence des parties de la Convention Climat, descendante directe du Sommet de la terre dont Rio a récemment célébré le 20ème anniversaire. Nous voyons souvent ce rendez-vous annuel comme l’occasion de se rappeler que nous sommes de grands pécheurs, et que « l’environnement », entité que nous avons du mal à convertir en enjeux vitaux de court terme, n’apprécie que modérément notre comportement. Mais pourquoi ne pas voir aussi le bon côté de la médaille, à savoir cette superbe opportunité de nous réinventer que nous offre la lutte contre le changement climatique ? L’Union européenne, première puissance économique au monde, dispose déjà d’un leadership établi en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) sur lequel elle pourrait rebâtir son économie, si elle acceptait d’accélérer et non de ralentir, comme trop de voix l’y invitent. Dans le cadre du Protocole de Kyoto, elle s’est fixée unilatéralement l’objectif le plus exigeant en matière de réduction des émissions de GES : - 8 % entre 1990 et fin 2012. En 2009, elle a adopté un « paquet énergie climat » qui lui assigne trois autres objectifs clés pour 2020 : - 20 % d’émissions de GES, + 20 % d’efficacité énergétique et une part de 20 % d’énergies renouvelables dans le mix énergétique global. Et, d’ores et déjà, les émissions de GES de l’Union européenne ont diminué de 20 % depuis 1990 alors que, dans le même temps, son PIB augmentait de 48 %. Telle n’est pas la situation du reste du monde, puisque, si nous prenons l’ensemble des pays de la planète, les émissions de GES ont augmenté de 24 % depuis 1990, en conséquence de quoi la teneur de l’atmosphère en CO2 et méthane a atteint, en 2011, des niveaux jamais enregistrés depuis l’époque préindustrielle. Pour l’avenir, la « ligne de pente » nous entraîne vers une croissance de la consommation d’énergie, en particulier de charbon et d’hydrocarbures non conventionnels, qu’un déclin du nucléaire ne pourrait qu’accélérer. Tout cela engendrerait une progression significative des émissions de GES, et du changement climatique à suivre. Dans ce contexte, l’Union européenne aurait tort de se satisfaire de sa situation de bonne élève, pour renoncer à amplifier ses efforts dans un combat jugé difficile d’autant qu’une part non négligeable de ses émissions sont produites dans les Etats, comme la Chine, d’où elle importe ses biens de consommation. Cette tentation du renoncement est hélas renforcée par les argumentaires en faveur de l’exploitation de tout ce que la terre recèle encore comme hydrocarbures, gaz et huiles de schiste en tête. Il lui faut, au contraire, accélérer dans la bonne direction en travaillant à renforcer notre avance en matière de lutte contre le changement climatique et d’efficacité énergétique, car cette avance va s’avérer décisive dans le futur, y compris d’un point de vue strictement économique. Aujourd’hui, le « paquet énergie-climat » négocié sous présidence française en décembre 2008 commence à porter ses fruits. L’Union européenne et ses Etats membres sont les premiers à avoir mis en place un système d’échange de quotas d’émission de GES. Le marché européen du carbone est certes imparfait, mais il existe, et il peut assez facilement être perfectionné pour se rapprocher d’un système prévisible. 1 Alors que les importations de pétrole et de gaz pèsent de plus en plus lourd dans la balance des paiements, il faut aller plus loin en direction de l’efficacité énergétique et de l’économie décarbonée. Dès 1952, avec la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier (CECA), l’Europe que nous connaissons a été bâtie sur le partage de l’énergie. Pourquoi ne pas marier passé et avenir, et mettre l’atteinte d’une économie décarbonée au cœur de notre projet d’avenir ? Nous subordonnerions alors toutes nos priorités économiques et sociales à cet objectif porteur de paix, d’espoir et de projets enthousiasmants, sans craindre l’incohérence tout de suite, ni les regrets ou la honte plus tard. Une toute petite formalité sera toutefois nécessaire pour en arriver là : revoir fondamentalement les traités régissant le destin européen, qui, bâtis à l’époque du monde infini, ne sont plus adaptés au défi que nous devons relever. Mais quand on veut, on peut ! Christophe Sanson Docteur en Droit Public Maître de Conférences (HDR) à l'Université Paris I (Panthéon-Sorbonne) Directeur du Master 2 Professionnel Administration et Gestion Publique Membre du Conseil de l’UFR 01 Délégué de la Direction Partenariat Entreprise Insertion Professionnelle [email protected] 2 3