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Cette augmentation de la liquidité s’explique par différents facteurs, dont en particulier la progression
très rapide des réserves de change des banques centrales des pays émergents (la Chine en particulier)
et des pays exportateurs de matières premières, en raison d’importants excédents commerciaux et d’un
fort taux d’épargne.
Cet excès d’épargne des pays émergents, et notamment de la Chine, vient s’investir dans les pays
riches, poussant les taux d’intérêt à la baisse. Par exemple, les achats de titres publics américains par
les non résidents représentaient 5 % du PIB en 2008 contre 1,8 % en 2002.
Cette ample liquidité et la baisse des taux d’intérêt qu’elle entraîne conduit certains acteurs
économiques à chercher des actifs plus rémunérateurs, et donc plus risqués, pour leurs placements.
Mais, toujours en raison de l’ampleur de la liquidité, le risque a tendance à être moins bien rémunéré
que par le passé : les spreads de taux (écarts de taux entre les actifs risqués et les actifs non risqués)
diminuent nettement. En particulier, sur la période 2001-2004, on assiste à une très forte diminution
des écarts de taux d’intérêt entre les emprunts prime (accordés à des emprunteurs dont la solvabilité
est jugée élevée) et subprime (emprunteurs dont la solvabilité est plus douteuse), une diminution non
justifiée par les fondamentaux.
La très forte liquidité mondiale a donc favorisé une baisse des taux d’intérêt et des primes de risque, a
permis l’expansion d’un crédit abondant et bon marché, et, si elle n’a pas eu d’incidences sur le prix
des biens et des services, a poussé à la hausse le prix des actifs (notamment immobilier) dont l’offre
est davantage limitée. Or, les caractéristiques des prêts hypothécaires américains font que cette hausse
du prix de l’immobilier alimente en retour l’expansion du crédit immobilier.
1.2.2. Les caractéristiques des prêts hypothécaires américains
En effet, aux Etats-Unis, c’est sur la valeur du patrimoine que sont adossés les prêts hypothécaires. On
prête donc plus en fonction de l’évolution de la valeur du bien immobilier qu’en fonction de la
capacité de l’emprunteur à rembourser son prêt.
Cette caractéristique favorise le mécanisme de l’accélérateur financier : comme les actifs servent de
collatéraux, la hausse du prix des actifs suscite une expansion du crédit, donc alimente la demande
pour ces mêmes actifs. Il s’ensuit une nouvelle hausse du prix des actifs, etc.
Les caractéristiques des prêts hypothécaires américains favorisent plus largement la consommation.
Lorsque la valeur de leur bien immobilier augmente, les ménages américains peuvent renégocier leurs
prêts et accroître leur endettement à proportion de cette augmentation. Les ménages récupèrent alors la
différence entre la valeur du nouvel emprunt et celle de l’ancien. Ces capitaux supplémentaires extraits
sont appelés cash out. La partie de ces liquidités supplémentaires qui n’est pas destinée à financer
l’achat (ou la rénovation) du logement est appelée mortgage equity withdrawal (MEW). Les capitaux
extraits peuvent servir à financer des dépenses de consommation, des achats d’actifs non immobiliers,
ou à rembourser d’autres crédits.
En tout état de cause, la hausse des prix des logements garantissait l’endettement de l’emprunteur,
même subprime, puisqu’elle avait tendance à l’enrichir et donc le rendre solvable, et que, en cas de
défaut de ce dernier, la banque qui avait accordé le prêt pouvait espérer récupérer sa mise en vendant
un bien dont la valeur avait augmenté.
Entre 2001 et 2006, les encours de crédits subprime ont donc été multipliés par 7, passant de 94 à 685
milliards de dollars. Durant la même période, la part des emprunts à taux variables a augmenté au
détriment des emprunts à taux fixe, les premiers passant de 1 à 13 % tandis que les seconds passaient
de 41 à 26 %. Le reste était composé de prêts hybrides (taux fixe les premières années puis taux
variable) et de prêts « ballons » qui prévoient le remboursement d’une partie importante du capital à la
dernière période.