i- la publicite et ses cibles

publicité
COURS DE M. D’AIGUILLON
NOVEMBRE 2007
CONNAISSANCE
DES PUBLICS
ET PUBLICITE
D.CHETTOUANE
A.KASSA GAZARD
E.PERCHE
F.DAGUILLON
EJCM 2007/2008
Introduction
Public… publicité. Assurément, les deux mots sont cousins, et la seconde est
indissociable du premier. L’objectif de la publicité n’est-il pas en effet de se mettre en
scène pour séduire et influencer simultanément le plus grand nombre de personnes
possibles ? Et cela ne date pas d’hier : Eve n’a-t-elle pas fait la promotion de la
pomme à Adam ? Cela étant, de spontanée et artisanale, la publicité est devenue au
fil du temps de plus en plus structurée, professionnelle. Comment s’articule la
relation entre la publicité et son public, de quoi est-elle faite, pourquoi est-elle
aujourd’hui omniprésente ? Jeux d’influences ou jeu de dupes ? Miroir de notre
société consumériste, ou reflet intemporel de l’humain ? Ces définitions sont-elles
intangibles, ou bien varient-elles en fonction des époques ? La sophistication et les
recherches dont elle s’entoure aujourd’hui la rend-elle plus efficace ? Et tout d’abord,
qu’est-ce qu’un (ou des) public, et qu’est-ce que la publicité ? C’est à ces questions
que nous allons nous efforcer de répondre.
I- LA PUBLICITE ET SES CIBLES
A- Généralités sur la publicité et les publics
Les points de vue sur la publicité varient selon la position que l’on occupe, que l’on
soit consommateur ou entreprise proposant une offre. Dans tous les cas, certaines
considérations font l’unanimité lorsque l’on parle de publicité.
1- Définitions
1-1- La publicité
La publicité peut être définie comme un moyen de communication qui crée un lien
entre le consommateur et le vendeur. Elle a pour but de fixer l’attention de sa cible
(public) :
-
sur un objet en jouant sur la séduction ;
-
sur des valeurs considérées comme positives ou bénéfiques pour la société ;
et de l’inciter à adopter un comportement vis-à-vis de cet objet ou des valeurs
promues.
La publicité peut concerner par exemple :
-
un bien de consommation (appareils électroménagers, produits alimentaires,
etc.) ;
-
un service (banque, assurance, etc …) ;
-
une personne, un lieu, une organisation, un projet ou une action (même si
dans le cas d’une action, on parlera beaucoup plus d’une promotion) ;
-
une idée, une idéologie, un concept, une information d’origine officielle ou
privée.
La publicité, une bonne publicité doit faire primer l’envie sur le besoin, de sorte qu’un
besoin secondaire devienne prioritaire.
Pour cela, elle doit particulièrement tenir compte du/des public(s) au(x) quel(s) elle
s’adresse.
1-2 Le public
Le public peut être défini comme la composante de la société qu’une action - en
l’occurrence la publicité - veut atteindre. On peut également parler de cible pour être plus
précis.
Le public ou la cible est un élément important dans la publicité. On pourrait même
dire qu’il n’y a pas de publicité sans public, sans cible. Une publicité peut être sans
effet ou totalement négative parce qu’on n’aurait pas étudié et bien ciblé son public.
Les publics peuvent être internes ou externes, selon que veut agir sur les
actionnaires, les collaborateurs d’une entreprise, ou les clients actuels ou potentiels,
les distributeurs, les leaders d’opinion ou d’autres partenaires.
Les types de support varient selon le public à atteindre, le produit à vendre, etc.
2- Distinction entre publicité et propagande
Il est important de faire la distinction entre la publicité et la propagande parce que,
bien qu’utilisant les mêmes outils de communication, les deux présentent des
divergences quant à leur finalité.
2-1 Les points de similitude
Publicité et propagande essaient de convaincre leur cible en contrôlant du début à la
fin, la production et la diffusion du message.
Elles utilisent les mêmes médias pour faire adopter un comportement à leur cible.
Elles s’inscrivent dans la durée en raison du caractère continu et constant de leur
activité.
2-2
Les points de distinction
Publicité et propagande ne disposent pas des mêmes moyens.
La propagande est une technique utilisée dans tous les régimes politiques. Parfois,
elle utilise la force, surtout dans un régime autoritaire. La propagande se donne les
moyens de contrôler les médias et tous autres secteurs utiles pour asseoir son
autorité à savoir l’éducation, le pouvoir d’Etat. La propagande a une visée politique,
l’adhésion du citoyen à une cause nationale.
Quant à la publicité, elle a une visée commerciale. Elle essaie de convaincre le
consommateur en l’informant, cherche à l’influencer en le séduisant par une image
agréable, en le choquant par une image forte, émouvante. Le consommateur est a
priori libre du choix qu’il fera.
B- La publicité et les publics au fil du temps
Selon certains auteurs, « la publicité est au départ une écriture, puis une écriture
illustrée, enfin un message visuel destiné à rendre accessible, de la manière la plus
immédiate, la plus concise, un slogan, un produit, une marque … ».
1- « Le règne de l’affiche » (1850 – 1920)
Cette période considérée comme « le règne de l’affiche » a
eu pour principale cible, la société émergente capable de lire
et surtout de comprendre les messages véhiculés par la
presse (affiche de Eugène Grasset vers 1898 « Nouveau
Larousse illustré en 6 volumes »).
La guerre de 1914 favorise également l’émergence d’une
cible particulière que sont les enfants, agents de la
propagande. Les citoyens, autre cible durant la période de la
guerre, ont été appelés notamment à boycotter l’utilisation
des produits allemands et à souscrire des emprunts d’Etat
pour financer la guerre et vaincre l’ennemi (affiche de Abel
Faivre en 1916, 2è emprunt de la défense nationale intitulée
« On les aura ! »)
2- « La voix de la publicité » (1920 – 1950)
Cette période est considérée comme « la voix de la publicité ». C’est au cours de
cette période que la radio est apparue (1922 en France).
La radio a été utile vers la fin de la deuxième guerre mondiale. En effet, le maréchal
Pétain s’en est servi le 17 juin 1940 pour annoncer « il faut cesser la guerre », et le
Général de Gaulle, le 18 juin 1940 à Londres pour lancer un appel aux combattants :
«A tous les officiers ou soldats français ».
Les premiers spots publicitaires sont diffusés en 1928. En 1923,
Citroën cible la classe moyenne à qui elle propose – en se servant
des enfants - à travers une campagne publicitaire mêlée de
propagande, l’achat à crédit de ses voitures. « Intéresser l’enfant à
l’automobile, l’accoutumer à la Citroën, se servir de lui comme
propagandiste vis-à-vis de ses parents, tel a été le mobile qui nous
incité à adjoindre à notre publicité la propagande par le jouet » (André
Citroën).
On se souvient également de la publicité radiophonique au profit du
Café des Gourmets sur l’air de « J’ai deux amours », de Joséphine
Baker en 1936.
Les travailleurs (nouveaux touristes) ont été également une cible
importante au cours de cette période avec l’apparition des congés
payés (affiche de Roger de Valério en 1938, intitulée « Air France,
Paris Londres 75 minutes »).
L’exposition internationale de 1937 ouvre la porte d’une société de masse. Elle
donne de la voix à la publicité.
La période 1920 – 1950 a ouvert en outre l’ère de :
•
l’étalage de présentation (présente les articles en magasin) qui
a pour principal public les ménages ;
•
l’étalage d’attraction (attire l’œil des passants) qui cible
principalement les jeunes ;
•
l’étalage de prestige (donne aperçu du standing
magasin) dont la cible principale est la bourgeoisie ;
•
l’étalage de notoriété dont la principale cible est la classe
bourgeoise (vend les noms de marques).
du
3- « Les années glorieuses de la publicité » (1950 – 1970)
Marquée par quatre événements, cette époque est considérée comme « les années
glorieuses de la publicité ». Il s’agit :
- du Plan Marshall d’aide à la reconstruction marqué
par un nouveau symbole dans la publicité, la pinup (star anonyme du cinéma américain) ;
- des sciences humaines qui apparaissent dans la
publicité (1955) ;
de la création d’un outil de mesure des audiences, le
Centre d’Etudes des Supports de Publicité, CESP
(1956) par exemple ;
- des débuts de la télévision (1960).
Les soldats sont la principale cible des publicités de boissons et de cigarettes de
l’époque (Clément Hurel, « Catalunya » vers 1960). Puis, il y a les ouvriers, les
travailleurs avec les congés payés gagnés en 1936 (Henri Sjöberg, dit Abel,
« Prenons le train, SNCF », 1952). Enfin, la publicité vise les ménages avec les biens
de consommation (Bernard Villemot « Orangina », 1965).
4- 1970, aujourd’hui et demain
L’étude minutieuse des cibles (appartenances sociale, ethnique, culturelle, tribale,
etc.) et même des micro cibles (tranche d’âge, gay, etc.) devient indispensable pour
que la cible soit atteinte, l’image très importante, et la publicité, un événement.
La publicité - événement est favorisée par le pluralisme radiophonique et télévisuel,
les nouvelles technologies de l’information et de la communication, et ce, en dépit de
la législation rigoureuse, la loi Evin en particulier.
Déterminer les publics devient de plus en plus difficile. Ceux-ci étant
sollicités par une offre pléthorique deviennent plus exigeants et infidèles
mais plus faciles à séduire.
Plusieurs statistiques existent et montrent qu’un Japonais voit plus de
1045 publicités par semaine, un Américain, 948 et un Français, 363.
Elles sont contredites par d’autres qui estiment le « mitraillage
publicitaire » à 2500 impacts par personne et par jour. La télévision
française, toutes chaînes confondues, a diffusé, en 1999, plus de
500 000 spots, ce qui fait environ 1400 spots par jour (non compris les
autres médias) !
Il n’existe pas de très grandes précisions actuellement sur le nombre de
publicités que voit un Africain par jour. Cependant, on sait, avec les
informations de Mission économique de l’Ambassade de France en
Afrique du Sud, que la marché de la publicité est en pleine expansion :
une augmentation de 17,7% des investissements depuis 2002 et un
montant estimé à 2 milliards d’euros en 2006
On sait également, grâce à Sigma Conseil qui travaille dans la région nord de l’Afrique, que le
mois du Ramadan est une période propice aux annonces publicitaires : 1 heure de publicité sur 2
chaînes de Tunisie, soit 4905 spots en 30 jours contre 1 heure 25 de publicité sur une chaîne
algérienne.
Dans les années 90, l’apparition du concept du « packaging » a permis de mettre en valeur un
produit grâce à son emballage. La publicité s’associe de plus en plus avec un événement ou une
émission (sponsoring), la politique ou les faits de société (mécénat).
A l’heure actuelle, le « shockvertising » (né de la contraction des mots anglais « shock » et
« advertising ») nouvelle forme de publicité basée sur l’aspect choquant des images et / ou sons
de la publicité annonce des lendemains encore plus critiques à la publicité face aux anti –
publicités.
C- Formes et supports de la publicité
Les résultats de certaines recherches en psychologie réalisées durant le xxème siècle
ont été bénéfiques à la publicité. Ces études distinguent la publicité en trois étapes :
la publicité mécaniste, la publicité suggestive et la publicité sociologique.
1- Les étapes de la publicité
11- La publicité mécaniste
C’est celle qui part des théories sur le réflexe conditionné et pratique le
« matraquage » intensif du consommateur à l’aide des médias. La finalité, c’est de
frapper l’attention et de favoriser la mémorisation en usant de la répétition.
Dans ce genre de publicité, le consommateur est passif et malléable.
1-2- La publicité suggestive
C’est elle qui prend désormais en compte les motivations
conscientes et inconscientes des consommateurs. Elle est
d’inspiration freudienne et elle considère que l’acte d’achat
n’est pas qu’économique mais qu’elle est aussi symbolique
parce qu’il se rapporte aux désirs, aux fantasmes et aux
affects du consommateur.
Ainsi, pour emporter l’adhésion d’un consommateur, on
représentera à côté d’un modèle de voiture une belle femme
pour faire appel à ses motivations inconscientes.
1-3- La publicité sociologique
Elle est apparue suite aux limites de la publicité suggestive. La publicité sociologique
s’intéresse à l’individu inséré dans des groupes sociaux, dans son environnement
social : on estime que derrière les demandes du consommateur se dessinent des
valeurs, des goûts et des attitudes, variables en fonction du milieu d’appartenance.
Cette forme de publicité a connu beaucoup de succès ces dernières décennies.
Les exemples les plus évocateurs la publicité des cigarettes Marlboro lancées en
1950 et celle de la firme Benetton spécialisée dans le prêt-à-porter.
Dans le premier cas, on a associé l’usage de cette marque de cigarettes (auquel le
public masculin était réticent) à l’idée de masculinité, de vigueur et de rusticité.
Dans le second cas, on a relié le produit à un prêtre et une religieuse qui
s’embrassant, à des visages de malades du sida ou de condamnés à mort pour faire
mémoriser le produit à l’auditoire avec le plus d’efficacité possible.
2- Les supports de la publicité
Ils sont généralement fonction du message à faire passer et de la cible à atteindre.
Ils sont de plus en plus affinés grâce au développement des nouvelles technologies
de l’information et de la communication.
2-1- Les plus courants
-
Les affiches : elles sont compatibles avec la consommation de masse. Les
cibles varient selon les catégories socioprofessionnelles aux revenus élevés,
le public modeste (passagers d’un métro, automobilistes, etc.).
-
Les crieurs : ce sont des supports traditionnels à une époque où les cibles
savaient peu lire et écrire, et à une époque marquée par l’absence des
supports de masse comme la télévision et la radio. On les a surtout vus à
l’époque de la « réclame ».
-
Les dépliants : ils sont compatibles avec la consommation de masse (jeunes,
hommes, femmes, moins jeunes).
-
Les catalogues : selon l’objet de la publicité (mode par exemple), ils
s’adressent aux jeunes ou aux moins jeunes (pour les équipements).
-
Les mailings : ils s’adressent aux consommateurs abonnés à un service
spécifique. Mais de plus en plus, on note une intrusion auprès même des
consommateurs non abonnés.
-
Les objets et vêtements publicitaires : ils visent les consommateurs du
produit dont la marque est imprimée sur les objets. Ils sont compatibles avec
une consommation de masse.
-
La télévision : elle vise le plus grand nombre (enfants, jeunes, personnes
âgées) selon la thématique, les jours et les heures. Est très compatible avec la
consommation de masse. On trouvera par exemple un grand nombre
d’enfants (4 – 10 ans) attirés par les publicités se rapportant à l’alimentaire,
les jouets, alors que les adultes d’une catégorie sociale supérieure seront
influencés par celles relatives aux achats de voiture, aux choix des lieux de
vacances.
–
La radio : en raison du programme, on distinguera les cibles par catégorie
socioprofessionnelle (ménagères, ouvriers, cadres, hommes, femmes,
jeunes). On estime par exemple à plus de 86% (sans distinction de la tranche
horaire) le nombre de jeunes de 15 ans qui écoutent la radio.
-
La presse : sa cible se réduit de plus en plus en raison des nouvelles
technologies de l’information et de la communication et surtout de l’Internet.
Sa cible est diversifiée (jeunes, femmes, professionnels, adultes) selon sa
spécificité (presse nationale, régionale, magazine, gratuite, professionnelle).
-
Le cinéma : il cible les jeunes et les catégories sociales supérieures mais en
fonction de la situation géographique, la cible peut varier.
-
Internet : il cible surtout les jeunes (15 – 24 ans) et les CSP +. Il tend à
devenir un média de très grande consommation grâce à ses attractions
(images, graphisme sons). Mais Internet est toujours derrière la télévision.
2-2- Quelques nouveaux supports
-
L’architecture et la décoration : elles constituent la vitrine de la marque et
incarnent son identité. Elles visent la cible la plus large que possible, comme
les affiches.
-
Le MediaPLAQ : c’est un matériau et un support de publicité et signalétique
associé à l’impression numérique. Ses applications sont infinies (panneaux,
stands, enseignes, mobilier publicitaire, etc.).
-
L’événementiel : ce nouveau média de proximité « a pour objectif d’étonner,
de faire vivre des émotions et de créer des liens avec un public » (cueillette de
fraises à la Défense organisée par Pro Déo en 2003 pour tester le nouveau
sucre Canderel).
D’autres supports publicitaires dits alternatifs ou « médias tactiques » sont en vogue
aux Etats-Unis. Il s’agit des boîtes à pizza, tables de bistrot, voitures, gobelets en
plastique, etc. L’objectif, c’est « d’atteindre une cible de consommateurs précise avec
un minimum de déperdition ».
Avec le rythme effréné des nouvelles technologies de l’information et de la
communication, des supports de publicité aussi variés, des investissements de plus
en plus croissants mis en jeu par les entreprises, la publicité investit tous les milieux,
touchant des cibles, les unes aussi sensibles et difficiles que les autres.
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