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Les anneaux Z/nZ
25.1 Congruences dans Z.Anneaux Z/nZ
On rappelle que si nest un entier naturel et a, b deux entiers relatifs, on dit que aet bsont
congrus modulo n, si baest un multiple de n, ce qui se note ab(n)(voir le paragraphe
23.2).
Cette relation de congruence modulo nest une relation d’équivalence sur Zet pour tout
entier relatif a, on note :
a={bZ|ba(n)}={bZ|ndivise ba}
={b=a+qn |qZ}=a+nZ
sa classe d’équivalence modulo n.
L’ensemble de toutes ces classes d’équivalence modulo nest noté Z
nZ.C’est l’ensemble quo-
tient de Zpar le sous-groupe nZ.On dit aussi que c’est l’ensemble des classes résiduelles modulo
n.
Pour simplifier, on note :
Zn=Z
nZ={a|aZ}.
Dans le cas particulier où n= 0,la congruence modulo 0est tout simplement la relation
d’égalité et pour tout entier relatif a, on a :
a=a+ 0Z={a}
de sorte que :
Z0={{a} | aZ}
est en bijection avec Z.On identifie alors Z0àZ.
Dans le cas particulier où n= 1,deux entiers relatifs quelconques sont toujours congrus
modulo 1et pour tout entier relatif a, on a :
a=a+Z=Z
de sorte que :
Z0={Z}=©0ª
est identifié à {0}.
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448 Les anneaux Z/nZ
Théorème 25.1 Pour tout entier naturel non nul n, on a :
Zn=©0,1,··· , n 1ª.
Cet ensemble est donc de cardinal égal à net il est en bijection avec l’ensemble de tous les
restes modulo n.
Démonstration. Le théorème de division euclidienne nous permet d’écrire tout entier relatif
asous la forme a=qn +ravec 0rn1,ce qui entraîne que a=r. On a donc
Zn=©0,1,··· , n 1ª.Pour montrer que cet ensemble est de cardinal égal à n, il nous reste à
montrer que tous ses éléments sont distincts. Si r=savec ret scompris entre 0et n1,on a
alors sr=qn avec qZet l’encadrement 0≤ |sr|=|q|nn1dans Nimpose q= 0,
ce qui équivaut à r=s.
Considérant qu’un anneau a au moins deux éléments et que Z1=©0ª,on suppose dans ce
qui suit que n2.
La compatibilité de la relation de congruence modulo navec l’addition et la multiplication
sur Z(voir le paragraphe 23.2) va nous permettre de transporter la structure d’anneau de Zà
Zn,un tel prolongement étant unique.
On désigne par πnla surjection canonique de Zsur Zn,c’est l’application qui associe à tout
entier relatif sa classe modulo n.
Tout antécédent par πnd’un élément xde Znest appelé un représentant de x.
Théorème 25.2 Il existe une unique structure d’anneau commutatif unitaire sur Zntelle que
la surjection canonique πnsoit un morphisme d’anneaux.
Démonstration. On vérifie tout d’abord qu’on définit deux opérations internes sur Znavec :
(x, y)Z2
n,½x+y=a+b
xy =ab
aZest un représentant de xet bZun représentant de b. En effet, si a0est un autre
représentant de xet b0un représentant de y, on a alors aa0et bb0modulo n, ce qui
entraîne a+ba0+b0et ab a0b0modulo n, soit a+b=a0+b0et ab =a0b0,ce qui prouve
que ces définitions de x+yet xy ne dépendent pas des choix des représentants de xet y.
On vérifie ensuite facilement que ces deux lois confèrent à Znune structure d’anneau com-
mutatif unitaire et que πnest bien un morphisme d’anneaux.
Réciproquement s’il existe une structure d’anneau commutatif unitaire sur Znqui fait de πn
un morphisme d’anneaux, on a alors pour tous x=πn(a), y =πn(b)dans Zn:
½x+y=πn(a) + πn(b) = πn(a+b) = a+b
xy =πn(a)πn(b) = πn(ab) = ab
ce qui prouve l’unicité.
25.2 Groupes cycliques
L’entier nest toujours supposé au moins égal à 2.
Si Gest un groupe ayant un nombre fini d’éléments son cardinal est appelé l’ordre de G.
On rappelle que si Gest un groupe et aun élément de G, on définit alors le sous-groupe de
Gengendré par apar :
hai=©ak|kZª
Groupes cycliques 449
dans le cas où la loi est notée multiplicativement ou :
hai={ka |kZ}
dans le cas où la loi est notée additivement.
On dit que aest d’ordre fini dans Gsi ce groupe haiest fini et l’ordre de aest alors l’ordre
de hai(voir le paragraphe 23.5.1).
Définition 25.1 On dit qu’un groupe Gest monogène s’il est engendré par l’un de ses éléments,
c’est-à-dire s’il existe adans Gtel que G=hai.Un groupe monogène fini est dit cyclique.
Remarque 25.1 Un groupe cyclique est nécessairement commutatif.
Remarque 25.2 Un groupe cyclique engendré par un élément a6= 1 (le neutre de G) a au
moins deux élément, 1et a.
Exemple 25.1 Tout élément xde Zns’écrivant :
x=k= 1 + ··· + 1
| {z }
kfois
=k1
avec k= 0 si, et seulement si, kest multiple de n. Il en résulte que (Zn,+) est un groupe
cyclique d’ordre (ou de cardinal) n. En fait, à isomorphisme près, c’est le seul.
Exemple 25.2 Le groupe :
De2
nE=ne2ikπ
n|0kn1o
des racines n-ièmes de l’unité est cyclique d’ordre n.
Exemple 25.3 Si θest un réel tel que θ
2πn’est pas rationnel, alors le groupe :
e®=©eikθ |kZª
est monogène infini puisque eikθ 6= 1 pour tout kZ.
Théorème 25.3 Tout groupe cyclique d’ordre nest isomorphe à Zn.
Démonstration. Soit G=hai={1, a, a2,··· , an1}un groupe cyclique d’ordre n. L’ap-
plication ϕa:k7→ akréalise un morphisme surjectif de groupes de (Z,+) sur (G, ·)de noyau
ker (ϕa) = nZ(par définition de l’ordre de a).
Si j, k sont deux entiers relatifs tels que jk(n)on a alors kj=qn et ak=ajaqn =aj.
On peut donc définir l’application ϕade Zndans Gpar ϕa:k7→ ak.
On vérifie facilement que ϕaest un morphisme de groupes surjectif de (Zn,+) sur (G, ·)de
noyau ker (ϕa) = ©0ª.Cette application réalise donc un isomorphisme de groupes de (Zn,+)
sur (G, ·).
Dans le cas où nest premier, on a le résultat plus précis suivant qui est une conséquence du
théorème de Lagrange (théorème 20.9).
Théorème 25.4 Soit pun nombre premier. Tout groupe Gd’ordre pest cyclique, donc iso-
morphe à Zp.
450 Les anneaux Z/nZ
Démonstration. Tout élément de G\ {1}est d’ordre p(puisque son ordre divise pet est
différent de 1), il en résulte que Gest cyclique d’ordre p, donc isomorphe à Zp.
Le résultat qui suit nous dit que les sous groupes d’un groupe cyclique sont cycliques.
Théorème 25.5 Tous les sous groupes de Znsont cycliques d’ordre qui divise n. Réciproque-
ment pour tout diviseur dde n, il existe un unique sous groupe de Gd’ordre d, c’est le groupe
cyclique engendré par q=n
d:
H=hqi=©0, q, ··· ,(d1) qª.
Démonstration. Soit Hun sous-groupe de Zn.Le théorème de Lagrange nous dit que son
ordre dest un diviseur de n. On note q=n
d.
Pour tout adans H, on a da = 0,soit da =kn, ou encore a=kq, c’est-à-dire que a=kq est
dans le sous-groupe hqide Znengendré par q. On a donc H⊂ hqi,ce qui entraîne card (hqi)d.
Mais dq =n= 0 nous dit que qest d’ordre au plus égal à d. En définitive, hqiest d’ordre d,
donc égal à H. Un sous-groupe d’ordre dde Zn,s’il existe, est donc unique.
Réciproquement, soit dun diviseur de n, q =n
det H=hqile sous groupe de Znengendré
par q. Si δest l’ordre de H, on a δq = 0,soit δq =kn =kqd et δ=kd d. Mais on a aussi
dq = 0,ce qui entraîne δdet donc δ=d.
Il existe donc un unique sous-groupe d’ordre dde Zn,c’est hqi.
25.3 Fonction indicatrice d’Euler
Définition 25.2 On dit qu’un élément ade Znest inversible s’il existe bdans Zntel que
ab = 1.
On note Z
nl’ensemble des éléments inversibles de Zn.C’est un groupe pour la loi multipli-
cative.
Théorème 25.6 Soit aun entier relatif. Les propriétés suivantes sont équivalentes :
1. aest inversible dans Zn;
2. aest premier avec n;
3. aest un générateur de (Zn,+) .
Démonstration. Dire que aest inversible dans Znéquivaut à dire qu’il existe bdans Zntel
que ab = 1,encore équivalent à dire qu’il existe b, q dans Ztels que ab +qn = 1,ce qui équivaut
à dire que aet nsont premiers entre eux (théorème de Bézout).
En traduisant le fait que aest inversible dans Znpar l’existence d’un entier relatif btel que
ab =ba = 1,on déduit que cela équivaut à dire que 1est dans le groupe engendré par aet
donc que ce groupe est Zn.
Définition 25.3 On appelle fonction indicatrice d’Euler la fonction qui associe à tout entier
naturel non nul n, le nombre, noté ϕ(n),d’entiers compris entre 1et nqui sont premiers avec
n.
Le théorème précédent nous dit que pour tout entier n2, ϕ (n)est le nombre de générateurs
du groupe cyclique (Zn,+) (ou de n’importe quel groupe cyclique d’ordre n) ou encore que c’est
le nombre d’éléments inversibles de Zn.
Du théorème de Lagrange, on déduit immédiatement le résultat suivant.
Fonction indicatrice d’Euler 451
Théorème 25.7 (Euler) Pour tout entier relatif apremier avec n, on a aϕ(n)1 (n).
Démonstration. Si aest premier avec n, alors aappartient à Z
nqui est un groupe d’ordre
ϕ(n)et en conséquence son ordre divise ϕ(n)(théorème de Lagrange), ce qui entraîne aϕ(n)= 1,
ou encore aϕ(n)1 (n).
Si nest premier, alors tout entier compris entre 1et n1est premier avec n, ce qui implique
que ϕ(n) = n1et le théorème d’Euler devient le petit théorème de Fermat.
Théorème 25.8 (Fermat) Soit pun entier naturel premier. Pour tout entier relatif aon a :
apa(p).
Démonstration. Le théorème d’Euler nous dit que ap11 (p)si aest premier avec n,
c’est-à-dire si an’est pas multiple de p, ce qui entraîne apa(p).Pour amultiple de p, on a
apa0 (p).
La réciproque de ce théorème est fausse comme nous le montrera l’étude des nombres de
Carmichaël au paragraphe ??. Par exemple on a a561 a(561) pour tout entier relatif aavec
561 = 3 ·11 ·17 non premier.
Le théorème de Fermat peut être utilisé pour calculer des congruences avec des grands
nombres. Si pest un nombre premier impair, n, m deux entiers naturels, l’entier nn’étant
pas multiple de p, en effectuant les divisions euclidiennes par pet par p1,on n=qp +r,
m=q0(p1) + savec 1rp1,0sp2et :
nmrs(p)
Par exemple on a 20032003 4 (5) .En effet 2003 = 5 ·400 + 3 et 2003 = 4 ·500 + 3.
Dans le cas où nest premier tous les éléments de Zn\©0ªsont inversibles et en conséquence
Znest un corps. En fait on a le résultat plus précis suivant.
Théorème 25.9 Pour n2il y équivalence entre :
1. nest premier ;
2. Znest un corps ;
3. Znest un intègre.
Démonstration. On vient de voir que pour npremier Znest un corps.
De manière générale, tout corps est intègre.
Supposons Znintègre et soit dun diviseur de ndifférent de ndans N.Il existe donc un
entier qcompris entre 2et ntel que n=qd et dans Znon a qd = 0 avec d6= 0,ce qui impose
q= 0,donc q=net d= 1.L’entier nest donc premier.
Remarque 25.3 L’implication (3) (2) est aussi conséquence du fait que tout anneau uni-
taire fini et intègre est un corps (théorème de Wedderburn). Si Aest un anneau fini intègre,
alors pour tout aA\ {0}l’application x7→ ax est injective de Adans A, donc bijective, ce
qui entraîne l’existence de a0Atel que aa0=e(eest le neutre pour la multiplication).
Ce résultat nous permet de retrouver le petit théorème de Fermat.
On peut également en déduire le théorème de Wilson.
Théorème 25.10 (Wilson) Un entier nest premier si et seulement si (n1)! ≡ −1 (n).
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