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SANTÉ MENTALE ET PSYCHANALYSE
Structure et personnalité
I. Du concept de structure.
La notion de structure, est empruntée à Bergeret (1985) qui considère cette dernière comme une "organisation
primaire de base," régie par des règles d'assemblage, de liaison et de transformation. Il s'agit donc d'un
ensemble organisé de rapports, interagissant en créant une dynamique propre et une manière d'entrer en
contact avec le réel.
Lorsque l'on considère la structure d'un individu donné, l'épithète psychotique perd son aspect pathologique
voir même menaçant qu'il lui a été trop longtemps associé. Quand un individu se comporte selon son
organisation structurelle psychotique, en relation avec le monde extérieur et son monde intérieur, il est en
mesure de connaître une vie tout à fait adaptée et satisfaisante. Cependant, si les exigences de son
environnement devenaient par trop intenses, trop fortes, alors sa structure tendrait vers l'instabilité, causant
des comportements inadaptés et parfois dangereux pour l'individu ou son entourage. Il en va de même de la
structure névrotique décompensée, elle entraîne l'individu dans des comportements inhabituels et
destructeurs.
Bergeret (1985) fait état de deux structures psychiques stables: la structure psychotique et la structure
névrotique. Ces deux structures se subdivisent en infrastructures; chez les psychotiques: schizophrénique,
paranoïaque et mélancolique et chez les névrotiques: obsessive, et hystériques (d’angoisse et de conversion).
S’ajoutera à ces deux structures une organisation plus instable de la personnalité que l’on désignera sous les
termes d’état limite, de borderline ou de personnalité anaclitique1. Comme nous le verrons un peu plus loin il
s’agit d’un vaste continuum où l’on retrouve des individus qui se distinguent par la difficulté à s’investir dans les
rapports avec l’Autre ; eux-mêmes n’étant vraiment pas rassuré voir assuré de leur différence, de leur identité.
1
Le terme anaclitique provient du mot grec anaclè qui signifie support
De telles structures impliquent un type d'organisation qui, selon Bergeret s'aménageront en trois grandes
étapes
A. Première étape :
Cette première étape ces premiers instants de vie selon Freud (1913), se caractérisent par la toute puissance
narcissique visant à la satisfaction immédiate du besoin primaire de l'absorption de nourriture. Tout délai
entre la demande et la satisfaction est perçu par le nourrisson comme une menace de survie. A cette première
étape correspond la phase orale, pendant laquelle la mère se porte garante de la survie de l'enfant, agissant
comme trait d'union entre les besoins de l'enfant et la richesse du monde.2
B. Deuxième étape
Lors de la deuxième étape, l'enfant maîtrisant petit à petit ses besoins primaires, développe sa capacité de
percevoir le monde extérieur, l'Autre, comme différent de lui-même, établissant ainsi ses premières relations
objectales; celles-ci seront assurées par la formation d'un "Moi peau"3 (Anzieu 1973), qui assure le passage
entre l'intérieur et l'extérieur, frontière qui permet à l'enfant de régulariser ses pulsions destructrices tout en
activant ses données héréditaire et congénitales. La formation de ce "Moi peau" assure également l'élaboration
des premiers systèmes de défenses grâce auxquels toute menace sera niée ou expulsée comme intrus.
Semblable à la formation d'un cristal, nous sommes en présence du développement des "lignes de clivage"
(Freud 1934) organisant la structure.
C. Troisième étape
2
D'ou l'importance comme le mentionne Khan du rôle d'écran protecteur que la mère doit assumer. Ecran qui doit permettre d'une part à l'enfant
d'apprivoiser le monde extérieur et d'autre part d'empêcher toute situation périlleuse de traumatiser l'enfant. L'échec de l'une ou l'autre de ces
fonctions peut avoir des conséquences importantes sur l'organisation structurelles de la personnalité. La surprotection entraînant une incapacité de faire
face dans le futur à toute situation inquiétante alors que le manque de protection provoquera un état de tension chronique dont souvent le corps fera
écho par la somatisation
3
"Par moi-peau nous distinguons une figuration dont le Moi de l'enfant se sert au cours des phases précoces de son développement pour se représenter
lui-même comme Moi à partir de son expérience de la surface du corps." Anzieu, D. " LE MOI-PEAU ", in Nouvelle revue de Psychanalyse, 1974, No 10,
p.207
C'est lors de la troisième étape que la structure se stabilise pour prendre sa forme définitive. La structure, en se
complexifiant perd de sa rigidité, gagnant en souplesse et en organisation. Cette dernière étape établira le
mode d'organisation qui prévaudra tout au long de la vie d'un individu. La structure achevée, devient le support
psychique qui aménage la façon dont un individu aborde le réel, y fait face et lui donne sens. Cependant, selon
Bergeret, même une fois stabilisée, la structure psychotique ou névrotique, conserve suffisamment d'élasticité
permettant à chaque individu de se différencier par un caractère dont il est l'unique représentant. Ce n'est que
vers la fin de l'adolescence note Bergeret que la structure, ayant atteint son état de maturité, détermine un
ordre de priorités psychiques selon que son organisation soit de type psychotique ou névrotique.
II. Des choix de la structure
Quatre variables nous permettront de circonscrire les deux principales structures. Le premier aspect réfère au
rapport que l’individu entretient avec les pulsions (agressive versus érotique). Le second aspect touche le choix
de l’investissement de l’individu (investissement du moi versus l’investissement des objets). Les deux autres
variables touchent à l’organisation de l’appareil psychique : le choix des processus primaires versus les
processus secondaires et le choix des représentations versus les symbolisations.
Pour la structure psychotique, le choix se portera vers la pulsion agressive, l’investissement du Moi, les
processus primaires et la représentation versus la symbolisation ce qui sera l’inverse pour la structure
névrotique.
A. Pulsion agressive ou érotique:
La pulsion agressive est antécédente à la pulsion de vie. Elle vise à protéger l’enfant des excitations provenant
de l’extérieur. Elle permet au nourrisson d’assurer sa survie. La pulsion de destruction en tant que protection
contre l'envahissement des excitations extérieures occupe donc une place fondamentale lors de la première
étape d'organisation de la structure. Elle se manifeste alors par une décharge somato-psychique face à toute
situation frustrante. C’est donc cette pulsion qui sera favorisée lors de moments stressants, anxiogènes et
frustrants.
C’est par son contact répété avec la réalité et par les gratifications qu'elle lui apporte, la structure se développe
en établissant des liens par le biais de la pulsion érotique au détriment de la pulsion de destruction. La pulsion
érotique veille à l'incorporation des objets gratifiants et à l'introjection d'affects liées au plaisir4 alors que la
pulsion de destruction veille à délier, et liquider tout objet ne répondant pas immédiatement à la demande.
B. Investissement du Moi versus investissement d’objet.
Le renversement de la prévalence des pulsions dépend alors de la façon dont l'Idéal du Moi s'associe au Surmoi,
permettant à l'enfant d'intégrer une image globale de l'Autre où la menace de la destruction est devancée par la
gratification et la satisfaction. C'est par le concept de narcissisme primaire que Freud (1914) définit
l'investissement libidinal de cet Idéal du Moi en opposition avec l'investissement des objets extérieurs. Ce
narcissisme primaire entraîne d'une part un sentiment d'omnipotence et un investissement auto-érotique
assurant une certaine maîtrise de l'objet5 et le retrait du "monde extérieur".
C. Processus primaire versus processus secondaire et type de représentation
Lorsque la pulsion agressive est contenue par la mère, l'extérieur n'étant plus ressenti comme une menace
potentiellement destructrice, devient représentable et explorable. L'élaboration de cette représentation du
monde extérieur ne peut s'effectuer sans la présence d'une attention tournée vers celui-ci, du jugement,
permettant de différencier ce qui est vrai de ce qui est faux et de la pensée, admettant la frustration. (Freud
1924). C'est grâce au système secondaire que le Moi parvient à faire " l'épreuve de la réalité " à laquelle Freud
attache deux fonctions: la première reliée à l'action motrice rend possible la distinction entre l'externe et
4
Pour Resnik (1973), l'incorporation vise l'objet alors que l'introjection vise la pulsion plus particulièrement son représentant.
5
Tant interne qu'externe, donc de la pulsion.
l'interne et le seconde qui, par la confrontation "...avec perte de l'objet aimé ..." (Laplanche et Pontalis 1967,
p.14) permet la modification des désirs en fonction de la perte réelle.
Le processus secondaire permet au Moi de lier l'énergie libre du Ca et d'élaborer une représentation du
monde extérieur (Freud 1915-17); représentation dans le sens de présenter de nouveau, impliquant une
distanciation entre l'objet et le sujet. Le développement du processus secondaire passe donc par la capacité de
retarder la satisfaction (représentation temporelle) et par la distinction sujet-objet dans une acceptation
"plaisir différence" (Leclaire 1988) liée à la représentation spatiale. Lorsque cette élaboration ne peut se
concevoir, le processus primaire domine et le délire remplace le fantasme et devient alors "...une tentative de
reformuler le fantasme initial..." (Guey 1988).
L'élaboration du processus secondaire et la constitution du "registre symbolique (Resnik 1973) passe par une
connaissance progressive de la réalité extérieure; connaissance rendue possible par la séparation et par la
"confrontation à un troisième terme " (Resnik, ibid). Selon Rosen (1953), le malade atteint de psychose est à
l'image du nouveau-né incapable de supporter la séparation avec sa mère; il devient "sa propre mère".
Rosenfeld (1987) voit dans cette incapacité le résultat du "clivage primitif" où l'individu s'identifiant qu'à
certains aspects pertinents de l'objet externe, devient cet objet.
Le développement du processus secondaire est directement lié avec le passage de la représentation d'objet à
celle de représentation de mot. Ce passage permet à l'enfant tout en tolérant de plus en plus la frustration,
d'établir une relation et de transmettre un message. La communication sous-tend la capacité de lier, de mettre
en commun, mais nécessite la présence de deux termes bien définis: le sujet et l'objet (Resnik 1973)
III. Caractéristiques de la structure psychotique :
La structure psychotique se construit sous le signe de l’imaginaire ; elle est le lieu des premières représentations
du désir. Elle s’organise autour du stade oral même si elle a eu accès aux autres stades qu’elle a survolés. Elle
se manifeste par le besoin de l’intimité, par un besoin de reconnaissance dans un rapport d’intimité voir même
de fusion avec l’autre. L’extérieur est davantage menaçant que pour la structure névrotique. La différence peut
être dérangeante et inquiétante. Les individus ont tendance à se replier sur eux-mêmes, dans leur imaginaire,
ce qui permettra pour certains de développer leur sens de la créativité, pour d’autre leur spiritualité.
Une sensibilité souvent à fleur de peau, des moments de paroxystiques pouvant être suivis de vagues de
désespoir, des moments de grand amours succédant à des mouvements de colère et de rage. Un désir parfois
brutal, envahissant, débordant. Un désir dont la symbolisation est plus fragile que celui de la structure
névrotique. Un désir qui passe davantage par le corps de la mère que par celui de l’interdit du père, celui de la
castration et la régulation du désir. Un désir régularisé par un Surmoi sévère, qui peut être parfois radical et
accablant.
Un besoin de reconnaissance où toute atteinte au narcissisme peut être vu comme une perte d’identité. Un
besoin de reconnaissance qui peut également se traduire par l’envie. L’envie d’être comme l’autre et le
sentiment de ne pas être à la hauteur des attentes de l’autre (ce qu’il imagine comme étant les attentes de
l’autre). Angoisse lieu-état de non-représentation du désir (castration). Lieu où le désir devient inaccessible
IV. Caractéristiques de la structure névrotique : à voir en classe
V. Caractéristiques de l’état-limite :
Séduire un objet extérieur à défaut de ne pouvoir en posséder un séduisant à l’intérieur.
Un pied dans la structure psychotique et l’autre dans la névrotique, l’état-limite souffre d’un manque de
structure, ce qui implique qu’il ne possède pas une organisation intérieure capable de se suffire, capable de
maîtriser la frustration provenant du manque de gratification narcissique. Dans une approche psychanalytique,
l’état-limite est considéré comme un continuum qui va des caractères psychotiques jusqu’aux psychopathes
en passant par les narcissiques. Il y a donc dans ces organisations psychiques un large éventail allant du plus
pathologique, du plus souffrant au mieux-être possible. On emploi également pour définir l’état-limite le terme
anaclitique terme qui signifie dans son sens étymologique « support ». L’état limite se caractérise donc par ce
besoin constant de support, besoin d’être rassuré sur sa valeur, sur son importance. Tout sujet est confronté au
cours de son développement et de sa vie aux problématiques liés à l’absence et à la perte de l’objet, et donc, à
la permanence des représentations de ces objets à l’intérieur de lui. L’état-limite, n’a pas appris que la réalité
nous impose le fait que nous ne soyons pas seuls au monde, qu’il existe un autre, différent, qui ne pourra
continuellement nous satisfaire. Le paradoxe de cette réalité c’est que nous sommes à la fois seul au monde, et
à la fois partie du monde. Pour supporter ce paradoxe il faut avoir réussi à intégrer des objets satisfaisant et
sécurisant en nous et il faut avoir intégré le fait que les objets extérieurs peuvent être parfois bons et parfois
frustrants. Il est possible que nous endommagions ces objets suite à certaines frustrations mais il nous restera
toujours la possibilité de les réparer et de les retrouver. C’est de l’incapacité de vivre ce paradoxe dont souffre
l’état-limite. Pour s’en sortir, il s’emploiera à séduire un objet extérieur à défaut d’en posséder un suffisamment
séduisant à l’intérieur
L’état-limite n’a pas eu le loisir, la possibilité de se distinguer, de se séparer ; il est en quelque sorte
prisonnier du lien narcissique qui l’uni avec la mère ce qui aura comme conséquence une grande difficulté à
développer un sentiment d’identité. La mère doit apprendre à l'enfant à se forger petit à petit une image
intérieure de sa mère et ainsi pouvoir se passer d'elle un jour...
L’état-limite souffre d’une immaturité au niveau du développement de son identité et de son expression
émotive. Il développera une extrême sensibilité à l’intrusion et à l’angoisse de séparation.
Comme le mentionne Winnicott, l’état-limite n’a pas su se créer un espace transitionnel, un espace psychique
lui permettant d’élaborer son identité. Incapable de se re/présenter, il utilise comme système de défense le
clivage, le déni et l’identification projective. C’est contre le sentiment de vide et de dépression que lutte l’étatlimite. Ce sentiment de vide il tentera de le combler de multiples façons, la toxicomanie étant l’une d’elle.
Vouloir bien faire, vouloir sans cesse être reconnu, voilà les grandes préoccupations de l’état-limite. Il n’est pas
question de perdre la face, il n’est pas question d’accepter l’erreur. Il faut conserver le sentiment de la toute
puissance procuré par l’idéal du Moi. L’idéal du Moi constitue un modèle auquel le sujet cherche à se
conformer ; il occupe donc une place de premier plan et c'est par le concept de narcissisme primaire que Freud
(1914) définit l'investissement libidinal de cet Idéal du Moi en opposition avec l'investissement des l'objets
extérieurs. Ce narcissisme primaire entraîne d'une part un sentiment de toute puissance et un investissement
auto-érotique assurant une certaine maîtrise de l'objet et le retrait du monde extérieur.
VI. Conclusion
La notion de structure renvoi à un mode d'organisation par lequel l'individu établit un contact avec la réalité et
s'y adapte. Par l'organisation, la diversité séparée se transforme en une "forme globale" (Morin 1977).
Cependant, toute structure soumise à une pression, à un stress intense peut évoluer dans le sens de la
désorganisation, replongeant l'individu dans un univers chaotique et fragmenté. Il importe de garder à l'esprit
que toute structure psychotique n'implique pas nécessairement une psychose. Bien sûr, par son mode
d'organisation, la structure psychotique aura TENDANCE à adopter des comportements différents de ceux de la
structure névrotique
Ainsi, le besoin d'intimité, de solitude, l'idéalisation se manifestant par une spiritualité
débordante, difficulté d'accepter l'Autre comme à la fois un mélange "d'ange et de bête" sont autant de
prédispositions chez ces individus dont l'authenticité et le sensibilité à fleur de peau ouvrent parfois un univers
de sensations et de perceptions extrêmement riche. Nous partageons en ce sens le point de vue de Freud
lorsqu'il écrit en 1894:
"...ils se trouvaient dans un état de bonne santé psychique jusqu'au moment où se produisait
dans leur vie représentative un cas d'inconciabilité ou un événement, une représentation, une
sensation se présenta à leur moi, éveillant un affect pénible que la personne décida d'oublier la chose
ne sentant pas la force de résoudre par le travail de la pensée la contradiction entre cette
représentation inconciliable et son moi." (in, Névrose psychose et perversion, p.3)
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