1 LE CANCER DU PANCREAS Docteur Nicolas Williet, Hôpital

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LE CANCER DU PANCREAS
Docteur Nicolas Williet, Hôpital Européen Georges Pompidou, Paris & Comité de Rédaction
du site web de la Fédération Francophone de Cancérologie Digestive
Ce document est destiné à l’information des malades, de leurs proches et « du grand public ».
Il a été rédigé dans un souci de simplification et de concision. N’hésitez pas à interroger vos
médecins en cas d’incompréhension ou si vous avez besoin d informations complémentaires.
DEFINITION et GENERALITES
Les cancers du pancréas les plus fréquents correspondent aux adénocarcinomes pancréatiques.
Ils doivent être distingués des autres types de tumeurs malignes du pancréas et en particulier
des tumeurs endocrines. Elles sont beaucoup plus rares et il ne sera pas question ici.
Ils sont localisés le plus souvent au niveau de la partie droite du pancréas appelée « tête » qui
est traversée par le canal cholédoque. Ce dernier draine la bile produite par le foie et la
conduit dans le duodénum qui est en contact étroit avec la tête du pancréas comme indiqué sur
le schéma. Plus rarement, les cancers se développent au niveau de partie centrale ou de la
partie gauche du pancréas, appelées respectivement « corps » et « queue » du pancréas.
FOIE
VESICULE BILIAIRE
CHOLEDOQUE
DUODENUM
«
Q
UEUE
»
«
CORPS
»
«
TETE
»
PANCREAS
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EPIDEMIOLOGIE
La fréquence du cancer du pancréas a augmenté au cours des dernières décennies. Le nombre
de nouveaux cas diagnostiqués en France pour l’année 2010 est évalué aux alentour de
10 000 avec une très re prédominance masculine. Ceci place le cancer du pancréas au
10ème rang des cancers chez l’homme (après les cancers de la prostate, du poumon, du côlon,
de la sphère ORL, de la vessie, les lymphomes, les cancers du rein, du foie et de l’estomac) et
au 9ème rang des cancers chez la femme (après les cancers du sein, du lon et du rectum, du
poumon, du corps de l’utérus, de la thyroïde, le cancer de l’ovaire et le mélanome malin
cutané).
Il s’agit dune maladie survenant ralement dans la deuxième partie de la vie puisque 70 %
des cas sont diagnostiqués après 65 ans et que 43 % des cas le sont après l’âge de 75 ans.
L’âge médian au diagnostic est de 74 ans.
Les facteurs de risques reconnus correspondent au tabagisme, à la pancréatite chronique, au
diabète de la maturité (dit de type II) évoluant depuis plus de 10 ans et à l’existence d’un et a
fortiori de plusieurs antécédents familiaux de cancers du pancréas (agrégation familiale
pouvant être le reflet de maladies nétiques de prédisposition, affections rares mais devant
être évoquées dans un tel contexte). Enfin, certaines lésions bénignes du pancréas ont un
potentiel de dégénérescence. On parle de lésions pré-cancéreuses, qui se présentent le plus
souvent sous la forme d’un ou de plusieurs kystes.
SIGNES EVOCATEURS – CIRCONSTANCES DU DIAGNOSTIC
Plusieurs circonstances peuvent conduire au diagnostic :
Il peut s’agir de l’apparition d’une jaunisse (ou ictère) parfois associée ou précédée par des
démangeaisons (prurit). Cette jaunisse a tendance à s’aggraver spontanément et à être
accompagnée d’une modification de la couleur des urines (qui brunissent) et des selles (qui
s’éclaircissent). Elle est due à l’obstruction du cholédoque qui ne permet plus à la bile de
s’évacuer dans le duodénum et est responsable d’une accumulation de la bilirubine dans le
sang. Elle est donc principalement observée dans les cancers de la tête du pancréas.
L’apparition d’une fièvre et de frissons doit évoquer une infection de la bile en rétention. Il
s’agit d’une urgence qui nécessite une prise en charge spécifique en hospitalisation. Il est
important de noter que la jaunisse n’est pas spécifique du cancer du pancréas et qu’elle peut
être obsere dans un grand nombre d’autres maladies du pancréas, des voies biliaires, du foie
ou des globules rouges.
Parfois, ce sont les douleurs abdominales qui donnent l’alerte. Il s’agit généralement de
douleurs localisées dans la partie haute de l’abdomen et irradiant vers le dos, sourdes,
évoluant depuis plusieurs semaines ou mois, non soulagées par la prise d’anti-spasmodiques
intestinaux. Des douleurs intenses et d’apparition brutale évoquent la possibili d’une
pancréatite aiguë, c’est-à-dire d’une inflammation du pancréas en amont de la tumeur, qui est
une autre circonstance de découverte, plus rare, du cancer du pancréas.
Ces symptômes peuvent être associés à une altération non spécifique de l’état général
caractérisée par une grande fatigue, un dégoût des aliments et un amaigrissement.
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Le diagnostic doit également être évoqué devant l’apparition d’un diabète ou d’une
phlébite en dehors de toute circonstance favorisante (plâtre, alitement …)
Enfin, il est possible que le cancer soit totalement asymptomatique et que le diagnostic soit
porté, soit de façon fortuite à l’occasion d’un examen radiologique (scanner ou échographie
le plus souvent) réalisé pour une toute autre raison, soit dans le cadre d’un dépistage
systématique chez des sujets à risque particulier.
DEPISTAGE ET DIAGNOSTIC
▪ Contrairement aux cancers colorectaux et aux cancers du sein chez les femmes, il n’y a pas
d’indication de dépistage systématique du cancer du pancréas dans la population générale
compte-tenu notamment de sa relative rareté. Un tel dépistage n’est envisaque dans les
rares situations associées à une majoration franche du risque : lésion pré-cancéreuse du
pancréas, maladie nétique de prédisposition ... Ses modalités (nature et périodicité des
examens) sont mal définies.
Les examens radiologiques (échographie abdominale et scanner principalement, IRM et/ou
écho-endoscopie plus rarement) ont une place centrale dans la stratégie diagnostique du
cancer du pancréas et doivent être demandés en cas de symptôme d’appel. La prise de sang
avec dosage d’une protéine appelée CA19 .9 peut également être utile. Cependant, le
diagnostic ne peut être affirqu’après examen au microscope de la totalité de la tumeur
ou d’un fragment de celle-ci obtenu par biopsie. Cette dernière n’est généralement pas
indiquée en cas de petite tumeur accessible à une chirurgie et dont l’aspect radiologique est
très caractéristique. Elle doit être réalisée dans toutes les autres situations, guidée par le
scanner ou au cours d’une échoendoscopie selon les cas. L’examen au microscope (on parle
d’étude histologique) permet à la fois de confirmer le diagnostic de cancer et d’éliminer les
formes rares évoquées dans l’introduction (autrement dit de confirmer qu’il s’agit d’un
adénocarcinome).
Les examens radiologiques ont également lintérêt de juger de l’extension de la maladie
qui conditionne les modalités du traitement. En pratique, on distingue les tumeurs localisées
et de petite taille, les tumeurs avec extension loco-régionale et les tumeurs associées à une
dissémination à distance, c’est-à-dire à des métastases.
PRONOSTIC
Malgré les progrès réalisés au cours des dernières décennies, le pronostic du cancer du
pancréas reste globalement sombre. Il dépend principalement de la taille de la tumeur et de
son extension au moment du diagnostic.
Seule la chirurgie, qui n’est possible que pour des tumeurs de petite taille et de localisation
favorable c’est-à-dire dans une minorité des cas, offre une possibilité de guérison. Celle-ci
n’est cependant pas garantie en raison d’un taux élevé de récidives. L’administration d’une
chimiotrapie après la chirurgie permet de réduire significativement ce taux.
Lorsque la chirurgie n’est pas possible ou en cas de récidive après chirurgie, les objectifs du
traitement sont de limiter la progression de la tumeur ou de la faire régresser, au moins
transitoirement, et de soulager les symptômes pénibles.
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TRAITEMENT
Les indications thérapeutiques théoriques dépendent principalement de la localisation, de la
taille et de l’extension de la tumeur au moment du diagnostic. Elles doivent être modulées
pour chaque cas en fonction du contexte spécifique : âge « physiologique » ; antécédents
dicaux et chirurgicaux ; souhaits et contraintes du patients. En pratique, la stratégie
trapeutique la plus adaptée pour un individu donné est définie dans le cadre d’une réunion
de concertation pluri-disciplinaire à laquelle participent les chirurgiens et les médecins de
différentes spécialités (cancérologues, gastro-entérologues, radiothérapeutes, radiologues,
anatomopathologistes …) et qui a pour objectif d’établir un plan personnalisé de traitement.
▪ Traitement de la jaunisse :
Il est prioritaire sur tous les autres car la rétention de bile dont elle moigne est souvent
associée à dimportantes démangeaisons. Par ailleurs, elle retentit sur la fonction du foie et
comporte un risque de surinfection grave. Lorsque la chirurgie est possible et réalisable dans
un délai relativement court, elle permet de régler le problème et il n’y a pas de geste
spécifique à envisager au préalable.
Dans toutes les autres situations (chirurgie différée qu’elle qu’en soit la cause ou chirurgie
non réalisable), il est nécessaire de mettre en place sans lai une prothèse dans le canal
cholédoque afin de lever l’obstruction et de permettre un drainage satisfaisant de la bile. Cette
prothèse ou « stent » est mise en place, le plus souvent, à l’occasion d’une endoscopie, c’est-
à-dire en utilisant un endoscope passant par la bouche, sous anesthésie générale.
▪ Traitement chirurgical :
La possibilité d’une exérèse chirurgicale complète de la tumeur doit toujours être envisagée
puisqu’elle seule permet d’espérer une guérison. Une telle chirurgie n’est cependant possible
qu’en labsence de localisation tastatique et, pour les tumeurs localisées, uniquement en
cas de localisation favorable et en l’absence d’envahissement de certaines structures de
voisinage (les artères notamment). Il est également nécessaire que l’état général soit
compatible avec la réalisation d’une chirurgie qui reste lourde et délicate, en particulier pour
les cancers de la tête du pancréas. La prise en compte de l’âge du malade et surtout de ses
antécédents médicaux est donc essentielle, de même que l’avis du decin anesthésiste.
Au total, la chirurgie n’est envisageable que dans une minorité de cas. Elle doit être réalisée
dans un centre expert. La mortaliliée à la chirurgie est faible (inférieure à 6 %), mais non
nulle. Par ailleurs, des complications sont possibles après la chirurgie qui peuvent conduire à
une hospitalisation prolongée. La séquelle la plus fréquente correspond à une diarrhée
associée à modification de la consistance et de l’aspect des selles qui deviennent plus
« grasses ». Elle est due fonction insuffisante du pancréas restant et peut être améliorée ou
corrigée par l’ingestion d’enzymes pancréatiques sous la forme de lules. Un diabète là
une diminution de la production d’insuline est également possible, en particulier en cas
d’exérèse du corps et de la queue du pancréas.
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▪ La chimiothérapie :
Elle correspond à l’élément essentiel du traitement en l’absence de chirurgie possible (après
mise en place d’une protse en cas de jaunisse). Dans une telle situation, elle ne permet pas
d’espérer une disparition complète de la maladie ni une guérison mais elle a pour objectif de
faire diminuer le volume de la tumeur ou de bloquer son évolution, au moins transitoirement.
Différentes mocules de chimiothérapie, administrées seules ou en association, ont une
efficacité démontrée dans le traitement du cancer du pancréas. Il s’agit en particulier de la
gemcitabine ou de l’association de 5-fluorouracile, d’oxaliplatine et d’irinotécan. Elles sont
administrées par voie intra-veineuse à travers un petit réservoir connecté à une veine de gros
calibre appelé « port-a-cath », mis en place au préalable sous anesthésie locale. Leurs effets
indésirables potentiels sont variables et doivent être explicités. Des mesures spécifiques sont
parfois indiquées pour les prévenir ou les atténuer. Ils justifient la mise en place d’une
surveillance étroite, clinique et par prise de sang. Ils peuvent conduire à modifier le schéma
d’administration en cas de mauvaise tolérance : diminution des doses, espacement des cures
…. L’évolution de la situation clinique, les résultats de la prise de sang et les données du
scanner sont les principaux éléments permettant de juger de l’efficacité de la chimiothérapie.
Les examens sont en général renouvelés tous les 2 à 3 mois. Lorsque la chimiothérapie est
efficace et correctement tolérée, sa prescription est renouvelée. Au contraire en cas d’échec
et/ou d’intolérance, la chimiothérapie est interrompue et éventuellement remplacée par une
autre lorsque l’état général est compatible et que d’autres agents de chimiothérapie
d’efficacité démontrée restent disponibles.
L’administration d’une chimiothérapie est également recommandée après exérèse complète
d’un cancer du pancréas. On parle alors de chimiothérapie « adjuvante » qui permet de
diminuer le risque de récidive. Le produit utilisé correspond généralement à la gemcitabine
(GEMZAR®). Il est administré sous la forme d’une perfusion intraveineuse hebdomadaire
d’une demi-heure trois semaines sur 4 pendant 6 mois. La tolérance est généralement
satisfaisante.
▪ La radiothérapie :
La radiothérapie a peu de place dans le traitement du cancer du pancréas. Elle peut être
discutée dans le traitement des formes étendues sur le plan locorégional et non opérables (soit
d’emblée soit récidivant après une chirurgie), généralement après une séquence de
chimiotrapie et éventuellement en association avec celle-ci. Cette indication n’est pas
consensuelle. Elle doit donc être discutée au cas par cas, à l’occasion d’une réunion de
concertation pluri-disciplinaire. Par ailleurs, la radiothérapie est parfois utile pour le contrôle
de certains symptômes douloureux.
▪ Le traitement des symptômes :
Le traitement de la jaunisse a été abordé. En ce qui concerne la douleur, de nombreux
moyens médicamenteux ou non sont actuellement disponibles pour la soulager. Enfin, une
aide nutritionnelle peut être proposée si cessaire, de même qu’un soutien psychologique au
malade et à sa famille. Les soins de confort peuvent être prodigués, soit à l’hôpital ou dans
une autre institution, soit à domicile grâce à l’intervention du médecin référent, d’une
infirmière et éventuellement d’autres professionnels (psychologues ; kinésithérapeutes …) et
à la livraison du matériel nécessaire.
▪ Recherche et essais thérapeutiques :
La recherche relative au traitement du cancer du pancréas est très active et de nombreux essais
trapeutiques sont en cours qui visent à évaluer l’efficacité de nouvelles molécules ou de
nouvelles stratégies. Ces essais sont très « encadrés » et la participation n’est envisageable
que pour les malades dûment informés et volontaires dont le consentement écrit a été obtenu.
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