L’Année psychologique
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Chronopsychologie et mémoire : étude de l’effet de
la profondeur de traitement en fonction du moment
de la journée
David Clarys, Brigitte Sarritzu, Sébastien Bocquet-Vial et Céline Rabelle
L’Année psychologique / Volume 112 / Issue 01 / April 2012, pp 3 - 15
DOI: 10.4074/S0003503312001017, Published online: 05 April 2012
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David Clarys, Brigitte Sarritzu, Sébastien Bocquet-Vial et Céline Rabelle (2012).
Chronopsychologie et mémoire : étude de l’effet de la profondeur de traitement en
fonction du moment de la journée. L’Année psychologique, 112, pp 3-15 doi:10.4074/
S0003503312001017
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Chronopsychologie et mémoire : étude de l’effet
de la profondeur de traitement en fonction du
moment de la journée
David Clarys1, Brigitte Sarritzu2, Sébastien Bocquet-Vial2
et Céline Rabelle2
1Université de Poitiers, UMR-CNRS 7295 Centre de Recherches sur la Cognition et
l’Apprentissage
2Université François-Rabelais de Tours
RÉSUMÉ
Cette étude vise à examiner les effets de la profondeur de traitement à
l’encodage sur la mémoire en fonction du moment de la journée et du mode
de récupération (rappel libre et reconnaissance). Trente-cinq jeunes adultes
ont appris une liste de mots de manière superficielle (compter le nombre de
syllabes) ou de manière élaborée (faire une phrase avec chaque mot), puis
ont été soumis à une tâche de rappel libre et à une tâche de reconnaissance.
Ce protocole a été réalisé à 11 heures et à 15 heures. Nous retrouvons les
effets globaux habituels de la profondeur de traitement et de la rythmicité
journalière. De manière plus originale, dans la tâche de rappel mais pas
dans la tâche de reconnaissance, les résultats confirment l’hypothèse selon
laquelle seules les performances liées à un encodage profond fluctuent au
cours de la journée. Il semble donc qu’un encodage profond implique des
ressources cognitives plus importantes qu’un encodage superficiel et que
celles-ci ne sont mobilisables qu’aux moments de la journée où la vigilance
est plus importante. Cette étude permet donc d’éclairer les interactions
entre les processus d’encodage et de récupération en mémoire et leur niveau
d’efficience selon le moment de la journée.
Chronopsychology and memory: Effect of depth of processing by
time of day
ABSTRACT
To date, the studies designed in chronopsychology mainly concerned the intellectual
abilities of children in a school setting. There are few studies on the impact of daily rhythm
Correspondance : David Clarys, Université de Poitiers, UMR-CNRS 7295, Centre de Recherches sur la Cognition
et l’Apprentissage, 5, rue Théodore Lefebvre, 86000 Poitiers. E-mail : david.clarys@univ-poitiers.fr
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on memory function in adult participants. The objective of this study is to examine the
effects of the depth of processing on memory encoding by the time of day. For this, 35
young adults have learned a list of words with in structural encoding condition (they had
to count the number of syllables per target word) or a deep encoding condition (they
had to make a sentence including the target word). They were then submitted to a free
recall task and a recognition memory task. This paradigm was performed at two times
of day: 11am, when attention is at its highest, and 3pm when the attention is lower. We
find the usual effects of the depth of processing and the rhythmicity. Thus, regardless of the
memory task, memory was better for semantic encoding than for structural encoding, and
late in the morning rather than in the afternoon. More importantly, in the free recall task
but not in the recognition memory task, the results supported the hypothesis that only the
performances related to a deep encoding fluctuated throughout the day. It seems that deep
encoding involves greater attentional resources than structural encoding and that these
ones are sufficiently available only at times of day when the vigilance is more important.
This study highlights the interactions between the encoding and retrieval processes in
memory and their level of efficiency by time of day.
INTRODUCTION
Selon Fraisse (1980) les comportements humains sont très dépendants
des rythmes biologiques, mais les rythmes du comportement ne peuvent
pas être seulement expliqués par les rythmes biologiques. Il est alors
nécessaire d’étudier les rythmes du comportement pour eux-mêmes. Ainsi,
la chronopsychologie est une discipline qui s’intéresse aux variations de
comportements dans le temps, et particulièrement aux fluctuations jour-
nalières des performances intellectuelles. Les travaux en chronopsychologie
ont permis d’établir des profils journaliers de performance en fonction de
la nature des tâches cognitives, notamment dans le milieu scolaire (voir
Testu, 2008). Ainsi par exemple, Testu (1986) a repris le protocole de
Shiffrin et Schneider (1977) en postulant qu’une tâche sous-tendue par un
traitement contrôlé serait susceptible de donner lieu à une performance
fluctuant au cours de la journée, ce qui ne serait en revanche pas le cas
d’une tâche sous-tendue par un traitement automatique, pour laquelle
la performance resterait stable. Ce protocole a été testé, chez des adultes
jeunes, à 8 h 30, 11 h 45, 13 h 45, et 17 h. Les résultats obtenus vont dans le
sens de l’hypothèse proposée, dans la mesure où la performance observée
en traitement automatique ne fluctue pas au cours de la journée, tandis
qu’elle varie dans la condition de traitement contrôlé (avec notamment
deux pics de performance, l’un à 11 h 45 et l’autre à 17 h). Des données
allant dans ce sens ont également été obtenues par May et Hasher (1998) et
Li, Hasher, Jonas, et May (1998). Ces auteurs ont montré que les épreuves
les plus automatisées (vocabulaire, dénomination de couleur, etc.) ne sont
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Encodage, Mémoire, et Chronopsychologie 5
pas sensibles au moment du test alors que c’est le cas pour des mesures plus
coûteuses en attention telles que les tests d’inhibition.
Concernant spécifiquement le domaine de la mémoire, il apparaît une
hétérogénéité des profils de performances en fonction du type de mémoire
étudié et notamment de la distinction entre mémoire à court terme et
mémoire à long terme. Pour la mémoire immédiate, Folkard et Monk
(1980), ont mis en place une tâche de lecture effectuée à six moments dans
lajournée(8h,11h,14h,17h,20h,et23h),suiviedunpreuvede
récupération en mémoire basée sur un questionnaire à choix multiple. Ils
montrent que la récupération en mémoire est nettement plus importante
quand la tâche est réalisée le matin (11 h) relativement aux autres heures.
Ces données confortent des travaux antérieurs qui montraient que le
nombre de mots correctement rappelés en mémoire immédiate était plus
élevé dans la matinée que dans l’après-midi (Gates, 1916 ; Blake, 1967 ;
Baddeley, Hatter, Scott, & Snashall, 1970). Plus récemment, Testu et Clarisse
(1999) ont également montré, chez des enfants, que le rappel immédiat de
mots et d’histoires est plus élevé à 9 h qu’à 15 h. Dans une autre étude,
Folkard, Monk, Bradbury et Rosenthall (1977) se sont intéressés au sein
d’une même expérience à la mémoire à court terme et à la mémoire à
long terme. Ils ont étudié la mémorisation d’un texte lu à des enfants soit
le matin à 9 h, soit l’après-midi à 15 h. À chacune de ces heures ils ont
effectué un test de rappel immédiat ainsi qu’un test de rappel différé une
semaine plus tard. En situation de rappel immédiat, les performances sont
plus élevées pour la présentation du texte à 9 h. En revanche, en rappel
différé, les performances sont nettement supérieures en situation de lecture
l’après-midi. Ce profil de résultat est similaire à celui obtenu quelques
années auparavant par Hockey, Davies et Gray (1972) chez des adultes
avec des horaires plus contrastés : 6 h 30 et 23 h. Les résultats montrent
que les performances de mémoire immédiate sont plus élevées le matin
que le soir, alors que la mémoire à long terme apparaît être plus efficiente
le soir que le matin. De leur côté, Martin, Buffington, Welsh-Bohmer et
Brandt (2008) se sont intéressés à des participants âgés qui étaient testés
sur des créneaux allant de 8 h à 17 h. Il apparaît que les performances
en mémoire épisodique fluctuent au cours de la journée, les scores les
plus élevés étant observés tôt le matin et en fin d’après-midi avec un
creux le midi. Au contraire, il n’apparaît aucun effet du moment de test
concernant les mesures d’empan à court terme ou de fluence. Enfin, une
autre étude a comparé les performances de jeunes adultes à différents tests
neuropsychologiques le matin (entre 8 h et 10 h), le midi (entre 12 h et 14 h)
et le soir (entre 18 h et 20 h) (Allen, Grabbe, Mc Carthy, Bush, & Wallace,
2008). Les résultats montrent que les performances aux tâches de fluence
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orthographique et du code de la WAIS sont plus élevées le midi et le soir
par rapport au matin. Au contraire, il n’apparaît pas d’effet du moment de
test sur les scores de mémoire épisodique et sémantique.
L’ensemble de ces travaux montre que les résultats sont assez
contradictoires et que les effets du moment de test dépendent du type
de mémoire évalué et de l’âge des participants (enfants, adultes jeunes,
personnes âgées). Enfin, il existe une très forte hétérogénéité en ce qui
concerne les moments de test, le matin étant parfois considéré à 6 h 30,
ou 9 h, ou 11 h, l’après-midi étant parfois entendue à 15 h, ou 17 h, ou
23 h.
Des travaux sur l’effet de la rythmicité journalière ont également
porté sur des tâches mentales plus complexes, notamment l’épreuve de
compréhension de texte. Selon le modèle de Kintsch et Van Dijk (1978),
l’activité de compréhension de texte implique plusieurs processus cognitifs.
Après l’identification perceptive et l’activation sémantique, le troisième
processus mis en œuvre est la sélection qui peut être thématique ou
hiérarchique. La sélection thématique s’appuie sur la microstructure du
texte puisqu’elle consiste à rechercher dans le texte des propositions en
rapport avec un thème énoncé, alors que la sélection hiérarchique repose
sur la macrostructure du texte puisqu’elle s’opère selon l’importance des
propositions pour la compréhension.
Sur cette base, Querrioux-Coulombier (1988) a étudié les variations
circadiennes des processus de sélection impliqués dans une tâche de
compréhension de texte, chez des jeunes adultes. Un texte était présenté aux
participants, proposition par proposition, et ceux-ci devaient sélectionner
les propositions en lien avec le thème donné préalablement. Ce type de
consigne a pour objet de favoriser les traitements superficiels, au niveau
de la microstructure du texte. Ensuite, les participants devaient répondre
à un questionnaire dont le but était de contrôler les traitements effectués
sur le texte. Si les participants ont respecté la consigne ils ne devraient pas
être en mesure de répondre aux questions portant sur la macrostructure
du texte. Au contraire, si les participants ont spontanément effectué un
traitement plus profond que celui nécessaire à la sélection thématique, ils
pourraient répondre à ces questions. Les résultats montrent que l’efficacité
du processus de sélection thématique ne varie pas en fonction de l’heure de
la journée, ce qui tend à montrer que ce type de traitement superficiel ne
serait que peu soumis à des variations circadiennes de performances. Les
données montrent également que les participants ont spontanément mis
en place des traitements plus profonds à 11h30, attestés par davantage de
réponses correctes aux questions portant sur la macrostructure du texte,
plutôt qu’à 17 h, où les performances sont diminuées. Ainsi, il semble que
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