Travail et dépression 437
•en outre, le burn out complet touchant environ4à7%
des travailleurs se manifestant par une symptomatologie
dépressive, un absentéisme et des arrêts de maladie ;
•le burn out moyen (25 % des travailleurs) avec malaise au
travail, baisse de rendement et sentiment de frustration ;
•enfin, on estime à 16 % le nombre de travailleurs à risque
de burn out.
C’est donc un syndrome extrêmement fréquent et de
nombreux auteurs s’accordent à incriminer dans sa genèse
les conditions d’organisation du travail ainsi que la qualité
des rapports entre employeurs et employés.
Certains types d’individus sont particulièrement à
risque ; par exemple, les sujets introvertis qui ont tendance
à garder leur angoisse pour eux et sont volontiers isolés. De
même, les individus présentant un profil comportemental
de type A, c’est-à-dire des personnes compétitives, volon-
taires, dynamiques et avides de reconnaissance, mais qui
ont, en général, une hygiène de vie psychique et physique
médiocres et dont l’esprit de compétitivité engendre un
certain isolement par négligence des relations sociales. De
même, les personnes évitantes devant les obstacles sont plus
enclines à présenter un burn out.
Le cas particulier du burn out des médecins
Certaines branches professionnelles sont très exposées.
Ainsi, certaines études estiment que près de 40 % des méde-
cins sont des personnes à risque pour le burn out.
En fait, selon les termes d’Isabelle Gautier [4], les
médecins se sentent actuellement beaucoup plus désen-
chantés par leur activité qu’il y a quelques années,
certains se sentent désemparés face à l’évolution de
leur métier, nombreux sont ceux qui sont dans un état
d’isolement et d’acharnement professionnel les conduisant
à des abus d’alcool ou d’automédication. Elle individua-
lise un certain nombre de facteurs favorisant le burn out.
En outre, «l’abnégation dangereuse », caractéristique du
médecin se voulant infatigable, cherchant à se dépasser
en permanence. «L’isolement »du médecin, qui se vivant
volontiers comme indépendant, ne sollicite pas pour lui-
même l’aide de confrères, alors qu’il est souvent confronté
à des situations fortement anxiogènes. La «dénégation »
de tous les symptômes que le médecin peut éventuelle-
ment présenter, en particulier une fatigue permanente,
des céphalées, des troubles digestifs, mais également un
sentiment d’épuisement psychique avec anxiété, baisse de
l’estime de soi, conduisant souvent à d’authentiques états
dépressifs ou l’on retrouve des troubles de l’attention, de
la mémoire et de la vigilance, une irritabilité, un manque
de contrôle émotionnel et une hypersensibilité. De même,
il existe une perte de l’investissement au niveau de la pro-
fession. Il est important au moindre de ces signes que le
médecin aille demander l’avis d’un confrère.
Aspects pratiques
L’arrêt de travail chez le patient déprimé
L’état dépressif, aussi bien dans sa phase aiguë que dans les
semaines qui suivent l’amélioration, provoque en général
une atteinte importante des capacités cognitives. Le ralen-
tissement psychomoteur, un des symptômes cardinaux de la
dépression, est responsable d’une inaptitude temporaire au
travail qui entretient le sujet dans sa souffrance et favorise
les idées d’incapacité souvent responsables d’un sentiment
d’inutilité, voire d’incurabilité. Le repos est donc l’une des
composantes essentielles du traitement des états dépres-
sifs permettant au patient d’attendre dans des conditions
adéquates les effets du traitement.
Les effets de l’arrêt de travail sont thérapeutiques avec
la suppression temporaire de l’une des causes de la souf-
france dépressive permettant ainsi une mise à distance des
situations anxiogènes liées au travail.
L’arrêt de travail a, par ailleurs, le mérite de la clarté.
Il est, en effet, préférable pour un patient déprimé de se
trouver en arrêt plutôt que de continuer à se rendre à
son bureau en ayant ses capacités objectivement diminuées
par la dépression, cet état pouvant alors générer chez ses
collaborateurs et supérieurs hiérarchiques une appréciation
péjorative. Dans ces situations, l’arrêt de travail a un rôle
protecteur pour le patient déprimé.
Dans d’autres cas, les effets thérapeutiques d’un arrêt
de travail sont difficiles à évaluer par le médecin : il s’agit
de patients déprimés qui relient la cause de leurs maux
exclusivement à un conflit d’ordre professionnel. Certes
l’arrêt de travail, mettant à distance ce conflit, apaise dans
un premier temps la souffrance dépressive, mais il risque
de figer une dynamique psychique (activée par ce que le
patient vit à son travail) et rendre difficile la reprise de
travail.
Par ailleurs, lorsque l’arrêt de travail apparaît comme
étant injustifié par l’employeur, cette situation ne fait alors
que majorer le sentiment de dévalorisation dont souffre le
patient.
Il est parfois, dans cette perspective, utile de se faire
aider par le médecin du travail qui peut prononcer une inap-
titude temporaire.
L’annonce du diagnostic de dépression à
l’entourage professionnel
L’annonce du diagnostic de dépression à l’entourage profes-
sionnel est extrêmement délicate. L’image de la dépression
a quelque peu évolué ces dernières années, il n’en demeure
pas moins que dans le vécu qu’en ont encore trop de gens,
elle est considérée, à tort, comme un signe de faiblesse
pouvant porter préjudice au patient.
Dans ce contexte, on conseillera, bien évidemment, au
patient la plus grande discrétion possible sur les causes de
son arrêt de travail [2].
Le problème est un peu différent lorsque les troubles ont
été suffisamment bruyants pour interférer avec l’entourage
professionnel. Le patient présentant un état maniaque ou
un état mixte, voire un état mélancolique inquiétera son
entourage professionnel avec des conséquences éventuelles
fâcheuses sur la poursuite de sa carrière. Dans ce cas une
collaboration avec le médecin du travail est tout à fait indis-
pensable. Le psychiatre, avec l’accord du patient, pouvant
le contacter en vue de l’informer du diagnostic et surtout
des soins qui lui sont prodigués, curatifs mais surtout préven-
tifs, qui devraient permettre une meilleure stabilisation et