La structure du commerce extérieur européen

publicité
Chapitre XVII
Les déterminants de la balance commerciale et des opérations courantes
Le chapitre X consacré à l’optique dépenses de la comptabilité nationale nous a donné
l’occasion de décrire brièvement la structure du commerce extérieur de l’Union européenne.
Du point de vue de la structure du commerce mondial, les Etats-Unis, l’Union européenne et
le Japon représentent à eux seuls près de la moitié des exportations et des importations
mondiales hors commerce intra-UE-25. L’Europe et les Etats-Unis importent à peu de choses
près les mêmes quantités mais au niveau des parts de marché à l’exportation, l’Europe domine
largement les Etats-Unis. Cette différence est due à l’énorme déficit de la balance
commerciale des Etats-Unis qui s’est creusé depuis la fin des années quatre-vingt-dix.
La structure du commerce extérieur européen La structure par produits : le retard technologique Il existe également des différences fortes en terme de structure du commerce extérieur,
notamment lorsque on l’examine par produits.
Tableau 52
Exportations et importations de biens d’équipement (CTCI7) et des produits médicaux
et pharmaceutiques (CTCI54) de l’Euro-25 et de l’eurozone – 2004 (en milliards d’€)
Comme le montre le tableau 52, l’Euro-25 comme l’eurozone sont exportatrices nettes de
biens d’équipement dont le taux de couverture (X/M) est très élevé : 123% pour l’Euro-25 et
134% pour l’eurozone. Pour l’eurozone, ce solde positif compense le solde négatif de la
balance énergétique, mais ce n’est pas le cas au niveau des 25.
Avec les Etats-Unis, le solde est positif alors qu’avec le Japon et la Corée, nous accusons
un déficit (les importations en provenance de ces trois pays représentaient 45% de nos
importations totales de biens d’équipement).
Les échanges de biens d’équipement occupent une place centrale parce qu’ils sont porteurs
des normes technologiques. Ils intègrent en général beaucoup de progrès technique ; ils
incorporent du travail hautement qualifié et sont intensifs en recherche et développement. En
isolant trois postes à technologie avancée, l’on constate que l’Europe perd l’avantage qu’elle a
pour l’ensemble des biens d’équipement, sauf pour l’aéronautique où les échanges sont
équilibrés. Pour la bureautique et l’informatique, en revanche, de même que pour ce qui est de
l’audiovisuel, l’Europe des 25 est déficitaire, surtout dans le domaine de l’informatique avec
un déficit de plus de 40 milliards d’€, dont 12 milliards imputables à nos échanges avec les
Etats-Unis, le Japon et la Corée du sud. Les produits de télécommunication sont également en
déficit. Si l’équilibre est atteint avec les Etats-Unis, le Japon et la Corée du sud dominent
largement les échanges avec l’Union européenne. Le déficit atteint 13 milliards d’€.
Dans une quatrième rubrique de pointe, les produits médicaux et pharmaceutiques, l’Euro-25
présente une balance positive de 24 milliards d’€ en 2004, dont 5 milliards d’€ avec les EtatsUnis. La Suisse, pays européen hors Union européenne, est, elle, largement excédentaire dans
ses échanges avec l’UE de produits médicaux et pharmaceutiques avec 4 milliards d’€.
Le retard qu’accuse l’Europe en matière de recherche et développement est très
certainement un facteur explicatif de ces déséquilibres. Lors du sommet européen de
Barcelone en 2002, l’Union européenne s’était fixé comme objectif d’atteindre 3% du PIB
pour 2010, alors qu’il n’était que de 1,95 % en 2002. L’Union européenne n’a pas atteint cet
objectif. Les gouvernements européens hésitent à accorder à la recherche-développement la
priorité dans leurs politiques de croissance. Les contraintes budgétaires auxquelles la plupart
des pays européens doivent se plier ne sont bien sûr pas étrangères à cette frilosité. En 2003,
les dépenses de R&D représentaient 2,59% du PIB aux Etats-Unis, 3,15% au Japon et en
Europe, 1,92% en 2003 et 1,90% en 2004. Les pays européens où l’intensité en R&D est la
plus forte et dépasse l’objectif européen de 3% furent, en 2004, la Suède (3,7%), la Finlande (
3,51%).
Taux d’ouverture de l’eurozone Le taux d’ouverture de l’eurozone est largement supérieur à celui des Etats- Unis et du
Japon. Même si l’on considère l’ensemble de l’Union européenne, ce taux d’ouverture reste
très élevé comparativement aux deux autres zones économiques. L’évolution du commerce
international et des fluctuations monétaires est donc très importante pour l’Union européenne
et pour les pays de l’eurozone. En particulier, les fluctuations de la monnaie européenne ont
des conséquences directes et importantes sur le commerce extérieur et donc indirectement sur
le PIB européen.
Le rapport PIB/X est nettement supérieur au rapport PIB/M aux Etats- Unis. Le commerce
extérieur des Etats-Unis est fortement déficitaire, ce qui se traduit par un déficit de la balance
commerciale qui atteignait en 2004 5,32% du PIB. Celui-ci s’est fortement creusé depuis
1998. On verra lorsqu’on approfondira les questions relatives au commerce international
quelles peuvent être les conséquences d’un tel déficit et comment il peut être financé et,
éventuellement, supprimé. En revanche, les balances commerciales (XM) du Japon et de
l’eurozone sont en excédent, ce qui pour le Japon est une situation déjà ancienne.
Tableau 54
Les grandes zones du commerce mondial (en %, 2004)
Source : IMF, International Financial Statistics, 2005.
Evolution structurelle du commerce intra­européen Déjà avant la signature du traité de Rome qui devait mettre sur pied la Communauté
européenne, et développer les relations commerciales entre les Etats membres, le commerce
intra-européen était en croissance. En 1950, 42% des échanges commerciaux des pays
européens se faisaient avec des pays européens. Le plan Marshall, aide des Etats-Unis à la
reconstruction de l’Europe occidentale, de 13,3 milliards de dollars étalée de 1948 à 1951, y
avait d’ailleurs fortement contribué. Comme l’observe à juste titre A. Maddison, un des
meilleurs historiens de l’économie de l’après deuxième guerre mondiale : «La libéralisation
du commerce européen a été rendue possible par l’aide du plan Marshall (…) Les Etats-Unis
ont mis comme condition à leur aide que les pays européens lèvent les barrières douanières
bilatérales mises en place dans les années trente et pendant la deuxième guerre mondiale»1.
L’essor du commerce intra-européen a été continu jusqu’en 1973, où le premier choc
pétrolier et la récession économique qui suivit mirent un coup d’arrêt brutal à la progression
des échanges intracommunautaires. Le deuxième choc pétrolier de 1981-1982 ne fit
qu’accentuer cette tendance, la part des échanges intracommunautaires diminuant même en
1982. La reprise économique débutant en 1985-1986, la parution du livre blanc de Jacques
Delors, alors président de la Commission européenne, exposant le programme de la
Commission européenne pour l’achèvement du marché intérieur et la mise en place
progressive des mesures encourageant la mobilité intra-européenne des marchandises et des
moyens de production se traduisirent par une reprise de la croissance des échanges intraeuropéens (UE-25) qui ont atteint en 2004 66,5% des échanges des pays membres de l’Union.
Rappelons qu’en 1950, ces échanges n’atteignaient qu’une bonne quarantaine de pour cent.
Graphe 72
Commerce intra-européen en % du commerce total (UE-25)
Source : Eurostat-COMEXT.
Le commerce inter­industriel et intra­industriel L’intégration économique, dont l’importance des échanges intracommunautaires est un bon
indicateur, se matérialise par des types d’échanges différents : les échanges inter-industriels,
les échanges intraindustriels, parmi lesquels on distinguera les échanges horizontaux et les
échanges verticaux, et enfin les échanges intra-firmes. On parle d’échanges inter-industries
lorsqu’ils concernent des produits réalisés dans des secteurs industriels différents : le pays A
1
Maddison, A., Economic Growth in the West, New York, 1964, p. 167.
exporte des poutrelles d’acier vers le pays B qui exporte des ordinateurs vers le pays A. Les
échanges intra-industriels concernent des échanges de produits au sein d’une même industrie,
ou d’un même groupe de produits. Le pays A exporte des voitures vers le pays B qui exporte
également des voitures vers le pays A. Lorsque l’usine Dacia exporte des Logan vers la
Belgique qui exporte des Golf vers la Roumanie, ce sont des échanges verticaux : même type
de produit mais de qualité différente (la Logan est la voiture économique à bas prix, à niveau
technologique faible : pas d’ABS, d’antidérapage, d’air conditionné, de GPS...). En revanche,
lorsque la Belgique exporte des Golf vers la France qui exporte des Megane vers la Belgique,
ce sont des échanges intra-industriels horizontaux : même type de produits, niveaux
équivalents de qualité et de prix, la différenciation portant sur le design, l’adéquation de la
voiture aux différents types de consommateurs...
C’est la croissance de ces quatre types d’échanges commerciaux qui constitue
l’internationalisation de l’économie. Les pays de l’Union se caractérisent par une forte
proportion dans leurs échanges internationaux des échanges intra-industriels et intra-firme.
Ceci atteste de la forte intégration économique de l’Union européenne. La distinction entre
commerce intra-industrie vertical et horizontal est récente. Fontagné, Freudenberg et Gaulier2
ont montré que la distinction entre commerce inter-industriel et intra-industriel n’était pas
suffisante. Le commerce intra-industriel doit en effet distinguer la part des échanges qui
portent sur des produits similaires mais qui se différencient par la qualité, leur contenu
technologique (les échanges intra-industriels verticaux) de la part des échanges portant sur des
produits identiques. Leur analyse montre que la croissance des échanges inter-industriels,
notamment en Europe, résulte principalement de la croissance des échanges verticaux, portant
donc sur des produits différenciés. Ils montrent également que la croissance des échanges
avec les économies émergentes se caractérise par une croissance des échanges interindustriels,
c’est-à-dire portant sur des produits différents, et caractéristiques d’un approfondissement de
la division internationale du travail et de la spécialisation des appareils productifs. Le tableau
55 montre que c’est entre les pays de l’Union européenne que se retrouvent les échanges
intraindustriels les plus intenses, et que c’est entre certains pays de l’UE-15 que s’effectuent
le plus d’échanges intra-industriels horizontaux, alors que c’est plutôt entre pays de zones
économiques différentes que se réalisent le plus d’échanges verticaux. Le graphe 73 montre
clairement que les pays de l’Union européenne se caractérisent par un taux élevé d’échanges
intra-industriels en 2000 et que ces échanges sont croissants, même dans le cas de pays où ils
sont déjà élevés. Combiné aux données du tableau 55 indiquant que les échanges les plus
importants se font dans la plupart des cas entre pays européens, ce graphe montre l’intensité
de l’intégration des appareils productifs européens.
Tableau 55
Les 10 échanges bilatéraux intra-industriels les plus élevés, par type d’échange
2
Fontagné, L., Freudenberg, M. et Gaulier G., Disentangling Horizontal and Vertical Intra- Industry Trade, Working Papers, CEPII, n° 200510, Paris, 2005. Source : Fontagné, L., Freudenberg, M., Gaulier, G., op. cit., p. 23.
Graphe 73
Intensité des échanges intra-industriels et croissance en points de pourcentage
entre 1988 et 2000
Source : chiffres tirés de OCDE, «Intra-industry and intra-firm trade and the internationalization of production», Economic
Outlook, 71, 2002, Paris.
Spécialisation des différents pays de l’Union européenne L’intégration européenne peut également se mesurer à travers le degré de spécialisation des
différents pays au sein de l’Union européenne. Les résultats suivants portent sur l’Europe des
15, avant l’élargissement.
Selon Karen-Helene Midelfart, Henry G. Overman, Stephen J. Redding et Anthony
Venables3, les structures des entreprises convergeaient en 1970 tandis qu’à partir des années
1980 la situation change, les entreprises deviennent de plus en plus spécialisées avec
l’intégration économique de l’Union européenne, ce qui peut entraîner des délocalisations
d’entreprises. Ces délocalisations impliquent la disparition de certains secteurs d’entreprises
et, par la même occasion, augmentent d’autant plus la spécialisation de l’appareil productif
des différents pays. Le degré de spécialisation des pays européens par rapport à la moyenne
de l’UE-15 peut être observé à l’aide de l’indice de spécialisation de Krugman4. Si l’indice se
3
Midelfart K.-H., Overman H. G., Redding St. J. and Venables, The location of European industry, 2004 ; Dierx, A., Ilzkovitz, F. and
Sekkat, K. (ed.), European Integration and the Functioning of Product Markets, London, Edward Elgar, 2004, chapitre 5.
4
L’indice de spécialisation de Krugman encore appelé «K-spec» : cet indice permet de comparer les structures d’entreprises de chaque pays
avec celles de la moyenne de l’Europe des Quinze. Il est calculé comme suit :
1) pour chaque pays i, il faut calculer la part de l’entreprise k dans l’activité totale du pays i. Cette part est obtenue par le ratio du niveau
d’activité de l’entreprise k du pays i sur la somme du niveau d’activité de l’entreprise k du pays i pour toutes les entreprises ;
2) pour la moyenne de l’UE-15, il faut calculer la part de cette même entreprise k dans l’activité totale de tous les autres pays de l’UE-15 ;
3) finalement, l’indice de spécialisation de Krugman est égal à la somme de la valeur absolue de la différence entre 1) et 2) pour toutes les
entreprises. rapproche de 0, alors c’est qu’il y a convergence entre les structures d’entreprises du pays et
celles de la moyenne de l’Union européenne. Au contraire, si cet indice atteint la valeur
maximale de 2, alors c’est qu’il n’existe aucune convergence avec l’UE-15.
Tableau 56
Indice de spécialisation de Krugman
Source : Midelfart K.-H., Overman H. G., Redding St. J. and Venables, op. cit., Table 5.1, p. 119.
Entre 1970 et 1980, 70% des pays représentés deviennent moins spécialisés, tels que :
l’Autriche, le Danemark, l’Espagne, la Finlande, la France, le Royaume-Uni, l’Allemagne,
l’Irlande, le Portugal et la Suède (tableau 56). Cependant, à partir des années 1980 et au fil du
temps, ces différents pays se spécialisent de plus en plus.
Tableau 57
Similarité des structures d’entreprises entre les pays de l’Europe des Quinze (1994-1997)
Source : Midelfart K.-H., Overman H. G., Redding St. J. and Venables, op. cit., Table 5.1, p. 124.
Plus les chiffres sont élevés (tableau 57), plus la différence entre les structures d’entreprises
des pays de l’UE-15 est élevée. Si les chiffres sont petits, au contraire, cela veut dire qu’il y a
similarité entre les structures d’entreprises des pays. La valeur élevée des indices de
spécialisation signifie que la plupart des pays de l’UE-15 se spécialisent de plus en plus, ce
qui peut être le signe de délocalisations, les pays se spécialisant en fonction de leurs avantages
comparatifs.
La balance commerciale, comme la balance des paiements d’ailleurs, enregistre les
transactions en valeurs entre une économie et le reste du monde. Lorsque cette balance se
détériore, c’est-à-dire lorsque les importations croissent plus fortement que les exportations,
cela peut provenir de plusieurs éléments et de leur combinaison. Le volume des importations
peut s’être accru, celui des exportations peut avoir diminué ; le prix des importations peut
s’être accru ou celui des exportations peut avoir diminué. Enfin, le taux de change peut s’être
modifié dans le sens d’une dépréciation de la monnaie nationale ou d’une dévaluation de
celle-ci, rendant les importations plus coûteuses lorsqu’elles sont exprimées en monnaie
nationale. La balance commerciale, que l’on exprime pour des raisons de simplicité sous la
forme X-M, devrait par conséquent plus rigoureusement s’écrire :
px*X - tx de change *pm * M
où px est le prix des exportations en devise nationale,
pm est le prix des importations en devise étrangère.
Dans ce chapitre, nous examinerons quelques facteurs ou mécanismes économiques qui
contribuent à déterminer le solde de la balance des opérations courantes.
Quatre éléments seront examinés :
– le volume des importations et des exportations,
– le prix des exportations (en €),
– le prix des importations (en devises étrangères),
– le taux de change.
Un élément supplémentaire sera discuté, celui de la compétitivité.
1. VOLUME DES IMPORTATIONS ET DES EXPORTATIONS
Le volume (ou la quantité) des exportations est fonction essentiellement de l’évolution de la
demande mondiale et de sa structure.
Les fluctuations conjoncturelles (récession-expansion) vont affecter à court terme l’évolution
des exportations.
A plus long terme, l’orientation de la structure des échanges commerciaux mondiaux est
déterminante. On peut ainsi distinguer les échanges qui se portent sur des produits pour
lesquels la demande mondiale est en expansion de ceux pour qui la demande est diminution.
Si un pays a une structure de ses exportations dans laquelle les produits en récession sont
dominants, son commerce extérieur profitera moins de la croissance des échanges
internationaux. Dans son rapport de 2005, la Banque nationale de Belgique indiquait que les
performances moyennes de la Belgique du point de vue de ses exportations étaient
partiellement dues à l’orientation de ses exportations, basées sur les produits semi-finis, moins
porteurs en terme d’évolution de la demande mondiale et surtout plus soumis à la concurrence
internationale.
«Depuis la moitié des années nonante, l’expansion en volume des exportations de la Belgique demeure en retrait
de celle du commerce international. Ce dernier est notamment soutenu par la montée en puissance, largement
assise sur le développement des échanges de biens, de nouveaux pôles économiques en Asie, en Amérique latine
et parmi les nouveaux Etats membres de l’Union européenne. (…) Or, la spécialisation développée par la
Belgique en matière d’exportations, principalement à destination des pays proches et largement constituées de
produits semi-finis de moyenne technologie, ne lui permet pas de profiter pleinement de cette évolution»5.
Le contenu technologique des biens exportés détermine en grande partie le caractère
progressif ou régressif d’un produit : la demande mondiale en expansion est en partie une
demande de produits à fort contenu technologique. De ce point de vue, la faiblesse de
l’Europe et de la Belgique en matière de recherche et développement constitue très
certainement un handicap dans la consolidation et l’expansion de son commerce extérieur.
L’élasticité prix de la demande mondiale est un autre facteur déterminant les volumes
échangés. Les produits pour lesquels la concurrence internationale est forte, parce qu’il y a de
nombreux producteurs présents sur le marché, ou pour lesquels les produits de substitution
sont abondants auront une élasticité prix élevée et tout mouvement de prix se traduira par des
modifications des volumes exportés.
Le volume des importations est essentiellement fonction de l’évolution du revenu intérieur,
via la propension marginale à importer. Dans les économies fortement ouvertes, comme c’est
le cas pour la Belgique, toute variation du revenu national se traduira par des variations
importantes des importations. En effet, un taux d’ouverture élevé signifie que le contenu en
importations de la consommation finale, de la consommation intermédiaire et des biens de
capital fixes est élevé. L’effet des variations du revenu sur les quantités importées dépend,
d’une part, de la structure de la demande intérieure et, d’autre part, de l’origine de la variation
du revenu. Lorsqu’en 1981 le nouveau gouvernement socialiste de Pierre Mauroy décida
d’une augmentation du SMIC (salaire minimum intersectoriel de croissance), l’augmentation
de consommation des ménages français se porta massivement sur des biens importés,
notamment sur les magnétoscopes, produit pour lequel la demande mondiale était en
expansion et pour lequel le Japon présentait des avantages notoires en termes de prix et de
qualité. Il s’ensuivit rapidement une détérioration de la balance commerciale qui nécessita
ensuite une correction de la politique économique de la part des gouvernements socialistes. Si
une augmentation du revenu national résulte surtout de celle des investissements,
l’accroissement d’importations se portera d’abord sur des biens d’investissement.
Bien évidemment, la structure de production intérieure et sa capacité à répondre aux
accroissements de la demande finale détermineront également quelle part de l’accroissement
de la demande finale se portera sur des biens importés.
2. PRIX DES EXPORTATIONS
Les prix des exportations sont tributaires des prix intérieurs, auxquels s’appliquent les
différents taux de change. C’est en effet le prix payé par l’importateur qui détermine les
quantités exportées.
Les prix intérieurs sont fonction de :
5
Banque nationale de Belgique, Rapport annuel 2005, p. 66.
–
la composition du panier d’exportations : le prix moyen des exportations dépend de
l’évolution des prix des différents produits composant le panier d’exportations.
Certains prix sont très sensibles aux fluctuations de l’offre et de la demande (produits
énergétiques par exemple, matières premières) ou aux conditions climatiques (produits
agricoles) ;
– l’évolution des coûts de production : salaires, coût d’utilisation du capital, coût des
consommations intermédiaires, notamment énergétiques ;
– le taux d’inflation : une augmentation intérieure des prix se répercutera sur nos prix à
l’exportation via la transmission de l’inflation par le canal des coûts de production
(salaire, taux d’intérêt, matières premières et autres consommations intermédiaires).
Le taux de change déterminera le prix payé par l’importateur. L’application de droits de
douane par les pays importateurs, pour l’ensemble des importations ou pour certains produits
pour lesquels on veut privilégier ou protéger la production intérieure va naturellement
modifier le prix final payé par le consommateur final et influencer en conséquence ses
décisions de consommation.
3. PRIX DES IMPORTATIONS
Les prix des importations sont fonction :
– de l’évolution des prix des partenaires commerciaux ;
– du taux de change : c’est en effet le prix exprimé en monnaie nationale qui importe, du
point de vue tant de la balance commerciale que de l’élasticité-prix de la demande
intérieure ;
– du panier des biens importés dont une partie est fort sensible aux évolutions du
marché, comme c’est le cas pour les prix à l’exportation. La forte hausse des prix
énergétiques a largement contribué à diminuer l’excédent commercial – ou à aggraver
le déficit dans d’autres cas – d’un grand nombre de pays non producteurs.
4. LES TERMES DE L’ECHANGE
Les termes de l’échange sont le ratio des prix à l’exportation sur les prix à l’importation. Les
deux prix sont exprimés en indice. Ce ratio fournit donc une indication de l’évolution du prix
moyen relatif des exportations par rapport à celui des importations. On parlera de
détérioration des termes de l’échange lorsque la valeur de l’indice diminue et d’amélioration
lorsque sa valeur augmente. Lorsque le prix des importations évolue plus fortement que celui
des exportations, cela signifiera qu’une plus grande quantité de biens exportés ou une plus
faible quantité de biens importés sera nécessaire pour conserver une balance commerciale
inchangée. Autrement dit, une détérioration des termes de l’échange implique qu’il faille
exporter plus pour se permettre une même quantité de biens importés, à solde commercial
inchangé.
Termes de l’échange = Indices des prix à l’exportation/
Indice des prix à l’importation
Le tableau 71 illustre l’effet des termes de l’échange sur la balance commerciale hypothétique
d’un pays exportant du charbon et important du blé.
Tableau 71
Prix, quantités et valeurs de l’exportation et de l’importation
Exportations de charbon
Quantités
T0
10MT
T1
11MT
Indices
110
Importations de blé
Prix
Valeur
Quantité
Prix
Valeur
20
200 millions €
2MT
100
200 millions €
0€
Solde de la balance
commerciale
Termes de l’échange
21
231 millions €
2.3MT
120
276 millions €
-45 millions €
105
115.5
115
120
138
0.875
En Belgique, de 2001 à 2005, les termes de l’échange se sont dégradés comme l’indique le
tableau 72.
Tableau 72
Prix des échanges extérieurs (pourcentage de variation par rapport à l’année précédente)
X biens et services
M de biens et services
Termes de l‘échange
2005
2,1
2,1
0,0
2006
-0,5
-1,2
0,7
2007
-2,1
-2,0
-0,1
2008
2,2
2,8
-0,5
2009
5,9
6,7
-0,8
Source : BNB, Rapport annuel 2009
5. TAUX DE CHANGE
Les taux de change sont généralement exprimés en monnaie nationale : la quantité de
monnaie nationale nécessaire pour acquérir une unité de devise étrangère. Un dollar valait, le
1er mars 2006, 0,84 €. C’est ce que l’on appelle le taux à l’incertain. Le taux de change peut
également être exprimé comme le rapport entre la monnaie nationale et la devise étrangère.
C’est le taux au certain. Les monnaies de l’Europe continentale étaient cotées à l’incertain
jusqu’à l’introduction de l’euro. Elles sont depuis cotées au certain. Exprimé de la sorte, le
taux de change €/$ valait 1,19 le 1er mars 2006. Les taux de change influencent la balance
commerciale parce qu’ils déterminent le prix en devise payé pour les importations. Une
monnaie s’apprécie (se déprécie) si son prix exprimé en monnaies étrangères augmente
(diminue). Lorsque la monnaie s’apprécie, le prix payé en monnaie nationale diminuera : nos
importations seront moins coûteuses, à quantités égales. L’appréciation de l’euro vis-à-vis du
dollar en 2004 avait permis d’atténuer partiellement l’effet de la hausse du prix du pétrole sur
la balance commerciale. Par ailleurs, un prix plus faible aura également comme conséquence
un accroissement des quantités importées. En revanche, le prix exprimé en monnaie étrangère
de nos exportations sera plus élevé et par conséquent, du point de vue des quantités
échangées, cela va entraîner une diminution des exportations. Une dépréciation ou une
dévaluation auront l’effet opposé. Lorsqu’on se place au niveau des échanges avec l’ensemble
de nos partenaires commerciaux, il y a une multitude de taux de change : autant que de
partenaires commerciaux utilisant une unité monétaire différente de l’unité nationale. Il est
donc utile de connaître l’évolution globale de la c’est ce que l’on appelle le taux de change
effectif. Celui-ci est un indice obtenu en calculant l’appréciation ou la dépréciation de la
monnaie nationale par rapport aux différentes devises en pondérant par leur poids dans nos
échanges commerciaux.
Ce taux de change effectif est un taux de change nominal. En effet, il ne tient pas compte de
l’évolution différenciée des prix. Si les prix ont augmenté plus fortement dans l’économie
nationale que dans le reste du monde, cela aura le même effet sur les échanges qu’une
appréciation de la monnaie : cela diminuera les quantités de biens nationaux que le reste du
monde pourra acquérir pour une même quantité de devises. En exprimant le taux de change
(en indice) comme la valeur de l’unité nationale en fonction d’une autre devise (cotation au
certain), le taux de change effectif réel deviendra :
Taux de change effectif réel = Taux de change effectif nominal x (pi/px)
où pi est l’indice des prix intérieurs et px l’indice des prix mondiaux.
La notion de taux de change réel est très utile du point de vue de l’appréciation de la
compétitivité internationale d’une économie. Si le taux de change effectif réel augmente, la
position concurrentielle se détériore parce que les prix des exportations deviennent plus élevés
et l’économie perdra des parts de marché. Si la monnaie s’est appréciée (cas de l’euro vis-àvis du dollar en 2003-2004) et que les prix intérieurs ont moins augmenté que les prix
extérieurs, l’effet perte de compétitivité sera diminué à concurrence du différentiel d’inflation.
Graphe 89
Cours de change effectif de l’UEBL (indice 1999 = 100)
Source : CE.
(1) Moyenne pondérée du cours de change vis-à-vis des monnaies du reste de l’UE et des pays suivants : Australie, Canada,
États-Unis, Japon, Mexique, Norvège, Nouvelle-Zélande, Suisse et Turquie.
(2) Cours de change effectif nominal, déflaté par les coûts salariaux par unité produite de l’ensemble de l’économie.
Le graphe 89 montre que le taux de change effectif de la Belgique et du Luxembourg s’est
apprécié fortement à partir de 2001. L’euro étant constant par rapport à lui-même, le taux de
change effectif réel de l’UEBL face à la zone euro n’est rien d’autre que le rapport des taux
d’inflation. On voit également que l’inflation dans l’UEBL a été moins forte que chez les 34
principaux partenaires commerciaux de la zone euro : c’est la distance entre la ligne supérieur
du graphe (taux de change effectif nominal) et celle qui lui est inférieure (taux de change
effectif réel).
6. LA COMPETITIVITE EXTERNE
La compétitivité externe d’une économie se mesure notamment par les capacités d’une
économie à maintenir et accroître ses parts de marché. Dans le cas d’une économie très
ouverte, la compétitivité externe est cruciale. Elle est fonction de plusieurs éléments.
6.1. La compétitivité-prix
L’évolution des coûts, particulièrement les coûts salariaux, est au centre de la compétitivitéprix. C’est le coût salarial par unité produite qui est important, car c’est lui qui détermine en
partie le prix unitaire des exportations. Le coût unitaire par unité produite inclut le coût
salarial et la productivité du travail : organisation du travail, niveau de qualification et
compétence du facteur travail.
En Belgique, depuis la dévaluation de 12,5 % du franc belge en 1983 qui avait précisément
pour objectif de rétablir la balance commerciale qui était déficitaire, le contrôle de l’évolution
des salaires est au centre des préoccupations des pouvoirs publics et enjeu des négociations
entre les syndicats et les employeurs du secteur privé. La loi sur la compétitivité (1989), qui
permettait au gouvernement d’intervenir dans la fixation des salaires si l’évolution des coûts
salariaux belges dépassait celle de nos principaux partenaires commerciaux (Pays-Bas, France
et Allemagne), fut suivie par l’établissement de la norme salariale qui cadenasse la
négociation salariale sectorielle depuis 1996. Cette norme salariale est déterminée sur la base
d’un rapport annuel sur la compétitivité établi par le Conseil central de l’économie. Il s’agit
d’une limite maximale qui est fixée à l’augmentation des salaires durant les deux ans de
validité des accords interprofessionnels conclus entre employeurs et représentants syndicaux
au niveau fédéral. Cette limite maximale inclut le mécanisme de liaison des salaires à l’indice
des prix. C’est-à-dire que si elle est fixée à 5,4% et que le taux d’inflation sur les deux ans
atteint les 5%, cela laisse une marge de 0,4% pour les augmentations de salaire réel. En
revanche, en supposant une inflation annuelle de 1%, 3,4% peuvent être négociés ensuite dans
les secteurs d’activité. L’inclusion de l’inflation dans la norme salariale a permis de maintenir
le mécanisme d’indexation automatique des salaires. Comme nous l’avons indiqué dans le
chapitre X, la limite de la recherche de la compétitivité par le contrôle des coûts salariaux est
que si chaque pays partenaire prend des mesures identiques, on aboutit à une diminution
progressive de la rémunération des salariés, du revenu national par conséquent et donc de la
demande finale intérieure, ce qui se traduit par une diminution du revenu d’équilibre et de
l’emploi. La norme salariale s’inscrit bien évidemment dans le cadre de l’instauration de la
monnaie unique. Depuis la fixation irrévocable des parités en janvier 1999 entre l’ancienne
monnaie nationale et le futur euro, toute autonomie de la politique de change a été de facto
supprimée, ne permettant plus des ajustements de compétitivité intra-européenne par les
mécanismes de dévaluation. L’arrimage du franc belge au mark allemand limitait de toute
manière cette autonomie. L’ajustement de la compétitivité-prix passe donc nécessairement par
celui de la croissance des coûts de production.
L’autre élément de la compétitivité prix est le taux de change, dont il vient d’être indiqué qu’il
n’est plus pertinent dans la zone euro, étendue aux nouveaux entrants. Or, plus de 80% de nos
échanges commerciaux ont lieu avec les pays de la zone euro.
6.2. Les autres facteurs de compétitivité
Les dépenses de recherche et développement conditionnent les capacités futures à développer
de nouveaux produits compétitifs sur le marché européen et mondial du point de vue de leur
contenu innovant en technologie et de la qualité du produit. La Belgique est en retard de ce
point de vue. La spécialisation des exportations belges vers les produits semi-finis renforce le
poids prépondérant de la compétitivité prix. Le niveau de qualification et de compétence de la
main-d’œuvre est un facteur de productivité du travail. De ce point de vue, il n’y a pas de
handicap belge, mais pas d’avantage décisif non plus. Le renforcement du capital humain
reste donc un objectif primordial dans la recherche d’une meilleure compétitivité.
Téléchargement