Chapitre XVII
Les déterminants de la balance commerciale et des opérations courantes
Le chapitre X consacré à l’optique dépenses de la comptabilité nationale nous a donné
l’occasion de décrire brièvement la structure du commerce extérieur de l’Union européenne.
Du point de vue de la structure du commerce mondial, les Etats-Unis, l’Union européenne et
le Japon représentent à eux seuls près de la moitié des exportations et des importations
mondiales hors commerce intra-UE-25. L’Europe et les Etats-Unis importent à peu de choses
près les mêmes quantités mais au niveau des parts de marché à l’exportation, l’Europe domine
largement les Etats-Unis. Cette différence est due à l’énorme déficit de la balance
commerciale des Etats-Unis qui s’est creusé depuis la fin des années quatre-vingt-dix.
Lastructureducommerceextérieureuropéen
Lastructureparproduits:leretardtechnologique
Il existe également des différences fortes en terme de structure du commerce extérieur,
notamment lorsque on l’examine par produits.
Tableau 52
Exportations et importations de biens d’équipement (CTCI7) et des produits médicaux
et pharmaceutiques (CTCI54) de l’Euro-25 et de l’eurozone – 2004 (en milliards d’€)
Comme le montre le tableau 52, l’Euro-25 comme l’eurozone sont exportatrices nettes de
biens d’équipement dont le taux de couverture (X/M) est très élevé : 123% pour l’Euro-25 et
134% pour l’eurozone. Pour l’eurozone, ce solde positif compense le solde négatif de la
balance énergétique, mais ce n’est pas le cas au niveau des 25.
Avec les Etats-Unis, le solde est positif alors qu’avec le Japon et la Corée, nous accusons
un déficit (les importations en provenance de ces trois pays représentaient 45% de nos
importations totales de biens d’équipement).
Les échanges de biens d’équipement occupent une place centrale parce qu’ils sont porteurs
des normes technologiques. Ils intègrent en général beaucoup de progrès technique ; ils
incorporent du travail hautement qualifié et sont intensifs en recherche et développement. En
isolant trois postes à technologie avancée, l’on constate que l’Europe perd l’avantage qu’elle a
pour l’ensemble des biens d’équipement, sauf pour l’aéronautique où les échanges sont
équilibrés. Pour la bureautique et l’informatique, en revanche, de même que pour ce qui est de
l’audiovisuel, l’Europe des 25 est déficitaire, surtout dans le domaine de l’informatique avec
un déficit de plus de 40 milliards d’€, dont 12 milliards imputables à nos échanges avec les
Etats-Unis, le Japon et la Corée du sud. Les produits de télécommunication sont également en
déficit. Si l’équilibre est atteint avec les Etats-Unis, le Japon et la Corée du sud dominent
largement les échanges avec l’Union européenne. Le déficit atteint 13 milliards d’€.
Dans une quatrième rubrique de pointe, les produits médicaux et pharmaceutiques, l’Euro-25
présente une balance positive de 24 milliards d’€ en 2004, dont 5 milliards d’€ avec les Etats-
Unis. La Suisse, pays européen hors Union européenne, est, elle, largement excédentaire dans
ses échanges avec l’UE de produits médicaux et pharmaceutiques avec 4 milliards d’€.
Le retard qu’accuse l’Europe en matière de recherche et développement est très
certainement un facteur explicatif de ces déséquilibres. Lors du sommet européen de
Barcelone en 2002, l’Union européenne s’était fixé comme objectif d’atteindre 3% du PIB
pour 2010, alors qu’il n’était que de 1,95 % en 2002. L’Union européenne n’a pas atteint cet
objectif. Les gouvernements européens hésitent à accorder à la recherche-développement la
priorité dans leurs politiques de croissance. Les contraintes budgétaires auxquelles la plupart
des pays européens doivent se plier ne sont bien sûr pas étrangères à cette frilosité. En 2003,
les dépenses de R&D représentaient 2,59% du PIB aux Etats-Unis, 3,15% au Japon et en
Europe, 1,92% en 2003 et 1,90% en 2004. Les pays européens où l’intensité en R&D est la
plus forte et dépasse l’objectif européen de 3% furent, en 2004, la Suède (3,7%), la Finlande (
3,51%).
Tauxd’ouverturedel’eurozone
Le taux d’ouverture de l’eurozone est largement supérieur à celui des Etats- Unis et du
Japon. Même si l’on considère l’ensemble de l’Union européenne, ce taux d’ouverture reste
très élevé comparativement aux deux autres zones économiques. L’évolution du commerce
international et des fluctuations monétaires est donc très importante pour l’Union européenne
et pour les pays de l’eurozone. En particulier, les fluctuations de la monnaie européenne ont
des conséquences directes et importantes sur le commerce extérieur et donc indirectement sur
le PIB européen.
Le rapport PIB/X est nettement supérieur au rapport PIB/M aux Etats- Unis. Le commerce
extérieur des Etats-Unis est fortement déficitaire, ce qui se traduit par un déficit de la balance
commerciale qui atteignait en 2004 5,32% du PIB. Celui-ci s’est fortement creusé depuis
1998. On verra lorsqu’on approfondira les questions relatives au commerce international
quelles peuvent être les conséquences d’un tel déficit et comment il peut être financé et,
éventuellement, supprimé. En revanche, les balances commerciales (XM) du Japon et de
l’eurozone sont en excédent, ce qui pour le Japon est une situation déjà ancienne.
Tableau 54
Les grandes zones du commerce mondial (en %, 2004)
Source : IMF, International Financial Statistics, 2005.
Evolutionstructurelleducommerceintraeuropéen
Déjà avant la signature du traité de Rome qui devait mettre sur pied la Communauté
européenne, et développer les relations commerciales entre les Etats membres, le commerce
intra-européen était en croissance. En 1950, 42% des échanges commerciaux des pays
européens se faisaient avec des pays européens. Le plan Marshall, aide des Etats-Unis à la
reconstruction de l’Europe occidentale, de 13,3 milliards de dollars étalée de 1948 à 1951, y
avait d’ailleurs fortement contribué. Comme l’observe à juste titre A. Maddison, un des
meilleurs historiens de l’économie de l’après deuxième guerre mondiale : «La libéralisation
du commerce européen a été rendue possible par l’aide du plan Marshall (…) Les Etats-Unis
ont mis comme condition à leur aide que les pays européens lèvent les barrières douanières
bilatérales mises en place dans les années trente et pendant la deuxième guerre mondiale»1.
L’essor du commerce intra-européen a été continu jusqu’en 1973, où le premier choc
pétrolier et la récession économique qui suivit mirent un coup d’arrêt brutal à la progression
des échanges intracommunautaires. Le deuxième choc pétrolier de 1981-1982 ne fit
qu’accentuer cette tendance, la part des échanges intracommunautaires diminuant même en
1982. La reprise économique débutant en 1985-1986, la parution du livre blanc de Jacques
Delors, alors président de la Commission européenne, exposant le programme de la
Commission européenne pour l’achèvement du marché intérieur et la mise en place
progressive des mesures encourageant la mobilité intra-européenne des marchandises et des
moyens de production se traduisirent par une reprise de la croissance des échanges intra-
européens (UE-25) qui ont atteint en 2004 66,5% des échanges des pays membres de l’Union.
Rappelons qu’en 1950, ces échanges n’atteignaient qu’une bonne quarantaine de pour cent.
Graphe 72
Commerce intra-européen en % du commerce total (UE-25)
Source : Eurostat-COMEXT.
Lecommerceinterindustrieletintraindustriel
L’intégration économique, dont l’importance des échanges intracommunautaires est un bon
indicateur, se matérialise par des types d’échanges différents : les échanges inter-industriels,
les échanges intraindustriels, parmi lesquels on distinguera les échanges horizontaux et les
échanges verticaux, et enfin les échanges intra-firmes. On parle d’échanges inter-industries
lorsqu’ils concernent des produits réalisés dans des secteurs industriels différents : le pays A
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1 Maddison, A., Economic Growth in the West, New York, 1964, p. 167.
exporte des poutrelles d’acier vers le pays B qui exporte des ordinateurs vers le pays A. Les
échanges intra-industriels concernent des échanges de produits au sein d’une même industrie,
ou d’un même groupe de produits. Le pays A exporte des voitures vers le pays B qui exporte
également des voitures vers le pays A. Lorsque l’usine Dacia exporte des Logan vers la
Belgique qui exporte des Golf vers la Roumanie, ce sont des échanges verticaux : même type
de produit mais de qualité différente (la Logan est la voiture économique à bas prix, à niveau
technologique faible : pas d’ABS, d’antidérapage, d’air conditionné, de GPS...). En revanche,
lorsque la Belgique exporte des Golf vers la France qui exporte des Megane vers la Belgique,
ce sont des échanges intra-industriels horizontaux : même type de produits, niveaux
équivalents de qualité et de prix, la différenciation portant sur le design, l’adéquation de la
voiture aux différents types de consommateurs...
C’est la croissance de ces quatre types d’échanges commerciaux qui constitue
l’internationalisation de l’économie. Les pays de l’Union se caractérisent par une forte
proportion dans leurs échanges internationaux des échanges intra-industriels et intra-firme.
Ceci atteste de la forte intégration économique de l’Union européenne. La distinction entre
commerce intra-industrie vertical et horizontal est récente. Fontagné, Freudenberg et Gaulier2
ont montré que la distinction entre commerce inter-industriel et intra-industriel n’était pas
suffisante. Le commerce intra-industriel doit en effet distinguer la part des échanges qui
portent sur des produits similaires mais qui se différencient par la qualité, leur contenu
technologique (les échanges intra-industriels verticaux) de la part des échanges portant sur des
produits identiques. Leur analyse montre que la croissance des échanges inter-industriels,
notamment en Europe, résulte principalement de la croissance des échanges verticaux, portant
donc sur des produits différenciés. Ils montrent également que la croissance des échanges
avec les économies émergentes se caractérise par une croissance des échanges interindustriels,
c’est-à-dire portant sur des produits différents, et caractéristiques d’un approfondissement de
la division internationale du travail et de la spécialisation des appareils productifs. Le tableau
55 montre que c’est entre les pays de l’Union européenne que se retrouvent les échanges
intraindustriels les plus intenses, et que c’est entre certains pays de l’UE-15 que s’effectuent
le plus d’échanges intra-industriels horizontaux, alors que c’est plutôt entre pays de zones
économiques différentes que se réalisent le plus d’échanges verticaux. Le graphe 73 montre
clairement que les pays de l’Union européenne se caractérisent par un taux élevé d’échanges
intra-industriels en 2000 et que ces échanges sont croissants, même dans le cas de pays où ils
sont déjà élevés. Combiné aux données du tableau 55 indiquant que les échanges les plus
importants se font dans la plupart des cas entre pays européens, ce graphe montre l’intensité
de l’intégration des appareils productifs européens.
Tableau 55
Les 10 échanges bilatéraux intra-industriels les plus élevés, par type d’échange

2 Fontagné, L., Freudenberg, M. et Gaulier G., Disentangling Horizontal and Vertical Intra- Industry Trade, Working Papers, CEPII, n° 2005-
10, Paris, 2005.
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