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UNIVERSITÉ CHEIKH ANTA DIOP DE DAKAR
FACULTÉ DES LETTRES ET SCIENCES HUMAINES
DÉPARTEMENT DE SOCIOLOGIE
70 ANS DE SOCIOLOGIE EN AFRIQUE FRANCOPHONE
JUIN 1946- JUIN 2016
COLLOQUE INTERNATIONAL EN HOMMAGE AU
PROFESSEUR GEORGES BALANDIER
Dates : 16 et 17 juin 2016
Lieu : UCAD II
Organisateur : Département de sociologie
Appel à communications : du 10 mars au 10 mai 2016
Adresse : colloqueaislf@yahoo.fr
Coordonnateur : Pr Moustapha TAMBA
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HOMMAGE À GEORGES BALANDIER
ARGUMENTAIRE
Georges Balandier est un grand anthropologue et sociologue français à qui
l’Afrique doit beaucoup. Il convient de signaler, pour commencer, qu’il a largement
participé en son temps, au mouvement anticolonialiste aux cotés de grands
intellectuels d’alors gravitant autour de la revue « Présence africaine ». Outre le fait
qu’il ait participé à la création de cette revue, il y a publié des articles anti- racistes et
anti -colonialistes alors remarqués. Durant cette période et par la suite, il a contribué à
faire connaitre les cultures africaines, en particulier leurs littératures et leurs arts.
Les plus grands apports de Georges Balandier se trouvent cependant plus dans
la recherche scientifique. En effet, il a fait partie des premiers africanistes français
avant d’en devenir la figure de proue. Il a contribué à la création des premières
institutions de recherche africaines en sciences sociales tant en Afrique de l’ouest
qu’en Afrique centrale. Par ailleurs, ses travaux de recherche ont contribué à la
connaissance des sociétés africaines aux points de vue de leurs réalités et des
démarches scientifiques nécessaires à leur appréhension.
Alors qu’en France dominait encore, dans les études des sociétés africaines, la
vieille ethnologie abstraite, intemporelle et très portée sur les traditions –qu’il avait
lui-même pratiquée il effectua une révolution dans le domaine en investissant de
nouveaux champs alors inaperçus (l’urbain). Dans ce cadre, il a mis en œuvre des
démarches tenant compte et privilégiant la dimension contextuelle historique (en
l’occurrence la société coloniale) ainsi que les dynamiques et les changements
socioculturels qui opèrent en son sein. Cette révolution épistémologique, théorique
et méthodologique a débouché par ailleurs sur l’installation dans le champ des
recherches africanistes françaises et africaines (celles des chercheurs africains) la
sociologie et l’anthropologie sociale, qui ne le quitteront plus.
Fort de cette option de mettre l’accent sur le contexte historique ainsi que de
son expérience empirique de terrain, Georges Balandier a conceptualisé et mené des
réflexions théoriques fécondes sur ce qu’il a appelé la « situation coloniale ». Cela
lui a permis de clarifier plusieurs concepts tels que ceux de « domination », de
« dépendance », autant de concepts qui lui ont permis par la suite de se livrer à des
glissements qui lui permettront d’aboutir en « situation post- coloniale » et
d’entamer de nouvelles réflexions sur ce que les sociétés africaines partagent avec
d’autres sociétés du monde, à savoir les problèmes du développement.
Sur ce point Georges Balandier, après avoir participé, avec d’autres
intellectuels français, à l’invention du concept et de la problématique du « Tiers
monde », a installé pour sa part, dans l’arène mondiale, les notions de
« développement » et de « sous- développement » dont la théorisation a abouti à
l’émergence de la « sociologie du développement » et des « sociologies
développementalistes » d’une façon générale. Son incursion dans les problèmes
relatifs au développement l’ont conduit à mettre encore davantage l’accent sur les
problèmes du changement social et à reprendre des questions qui ont fait l’objet de
beaucoup de discussions parmi les anthropologues comme par exemple celle des
rapports entre la tradition et la modernité. Cela lui a donné l’occasion, en s’appuyant
principalement sur les données africaines, de mettre en œuvre une
« sociologie dynamique » conciliant la « sociologie des traditions » et celle de la
« modernisation et de la modernité ». Ce faisant, il a mis l’accent sur les questions du
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changement et des mutations non seulement dans les sociétés africaines mais encore
dans les sociétés humaines en général, conciliant ainsi encore une fois l’anthropologie
et la sociologie. Il a fini certes par s’éloigner de l’Afrique, cependant outre le fait
qu’il s’y réfère à l’ occasion, on peut dire que sa fréquentations de cette dernière, lui
a donné l’opportunité d’acquérir une certaine sagesse qui lui a permis, dans ses
derniers travaux, de déployer des réflexions portant sur l’Humanité, la Civilisation…
devenant ainsi une sorte de philosophe social de l’histoire contemporaine.
Son apport à l’Afrique s’est aussi constitué à travers ses activités de
professeur. A l’Ecole Pratique des Hautes Etudes de Paris, il fut l’un des principaux
acteurs de la création de la licence d’études africaines dans la vielle Sorbonne
traditionnaliste où il a enseigné, en tant que titulaire de chaire, la sociologie africaine.
Les enseignements et séminaires qu’il y a dispensés, en compagne d’autres collègues
africanistes, lui ont permis d’introduire des générations d’étudiants de plusieurs
nationalités, en particulier africaine, à la connaissance, à la compréhension et à l’étude
des sociétés et cultures africaines. De plus, il a eu à diriger des thèses, à encadrer et à
coordonner des recherches de terrain. Beaucoup parmi ceux qui sont passés entre ses
mains sont devenus par la suite des disciples et/ ou des enseignants, chercheurs,
universitaires ou non. Certains d’entre eux, en France, sont même devenus célèbres et
ont porté haut les nouveaux flambeaux de l’africanisme français par leurs importants
travaux. Il en a été de même pour beaucoup de ses anciens étudiants africains qui se
sont retrouvés enseignants et/ou chercheurs de renom dans différents pays de
l’Afrique francophone dont le Sénégal.
C’est à cet homme -et pour toutes ces raisons- que le département de
sociologie de l’Université Cheikh Anta Diop qui a compté quelques uns de ses
anciens étudiants- a décidé d’exprimer sa reconnaissance et de lui rendre un hommage
mérité en organisant un colloque international dont il sera le parrain.
THEME GENERAL DU COLLOQUE :
« ACTUALITES DE LA PENSEE DE GEORGES BALANDIER
DANS LES SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES EN AFRIQUE »
« Aucune société n’échappe à la nécessité de se produire elle-même
sans répit, sous la contrainte de sa propre imperfection et de
l’évènement ». Georges Balandier (Conjugaisons, 238).
La pensée de Balandier, d’ordre critique et dynamiste invite à être attentif aux
processus plus qu’aux structures permanentes, à l’historicité plus qu’aux
identités et aux actions plus qu’au sens. Ce colloque vise à rendre hommage à
l’anthropologue qui s’était proclamé sociologue de l’Afrique afin de rompre avec
la vision traditionnalisante que l’ethnologie accolait à la dite Afrique. Dans la
lignée de la volonté de Balandier de décloisonner les sciences sociales, ce
colloque se veut aussi un espace de dialogue interdisciplinaire : des
contributions de sociologues, anthropologues, historiens, géographes et
philosophes sont fortement encouragées. Enfin, cette manifestation scientifique
se propose de faire se rencontrer des chercheurs nationaux et internationaux de
diverses disciplines en sciences humaines et sociales. Elle se veut également
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ouverte aux praticiens et aux acteurs des territoires intéressés à participer à la
réflexion sur les dynamiques contemporaines des sociétés africaines en général :
progrès techno-économiques, dynamiques du dedans et du dehors, ruptures,
discontinuités, bouleversements culturels et sociaux.
Plus spécifiquement, des propositions de communication sont vivement
encouragées dans trois axes thématiques que nous présentons dans ce qui suit .
AXES THEMATIQUES
AXE 1 : Un regard interdisciplinaire pour discuter des dynamiques
contemporaines des sociétés africaines :
Étant témoin et acteur de la rupture indépendantiste à la fois politique, culturelle
et intellectuelle, Balandier fut par la même occasion à l’origine d’une rupture
épistémologique et méthodologique remarquable vis-à-vis de l’ethnologie classique
qu’il juge incapable de rendre compte des dynamiques des sociétés postcoloniales.
Cette rupture se concrétise par un décloisonnement disciplinaire de la sociologie de
l’ethnologie. Cette unité rend possible l’emboîtement des échelles d’analyse micro et
macro, mais en même temps le renouvellement des objets de l’anthropologie, qui, au-
delà de la culture, intègre le politique et l’économique. Cette innovation de Balandier
qui mobilise les méthodes l’ethnologie pour l’étude des sociétés africaines en
mutation amène certains de ses héritiers à parler d’ethnosociologie ou de socio-
anthropologie. Cette approche qui a connu regain d’intérêt ne cesse de s’étendre
depuis les années 1980. Trois aspects majeurs remarquables dans ces développement
de la socio-anthropologie sont : la posture de l’anthropologie chez-soi, qui articule le
local e le global et s’intéresse à des objets modernes inscrits dans le mouvement des
sociétés du Nord ou du Sud. M. Abélès, J- P Olivier de Sardan et J. Copans pour ne
citer que ceux-là se sont illustrés dans les développements de cet héritage que l’on
doit à Balandier. Dans la foulée de Balandier, M. Abélès s’est intéressé à la
mondialisation qui empêche de voir les sociétés comme des entités isolées, ce qui l’a
amèné à concevoir l’anthropologie tout d’abord comme une anthropologie de la
globalisation.
Les propositions discutant des dynamiques des sociétés africaines dans un contexte de
mondialisation, de globalisation, sont attendues, plus particulièrement celles qui
passent en revue les questions suivantes:
comment les ensembles culturels réagissent face aux processus de construction
nationale, d’ouvertures économiques et de démocratisation.
Religions, nouvelles figures de la religiosité, innovations religieuses et
transformations des univers sociaux et culturels africains
Modernisation et nouvelles configurations de l’Etat et du politique en Afrique
Idéologies et transformations du pouvoir et du politique..
socio-anthropologie des espaces publics africains et notamment : corruption,
décentralisation, pouvoirs locaux, systèmes de santé, systèmes judicaires, etc.
étude des systèmes économiques modernes des sociétés africaines
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Les travaux de Balandier ont en un moment manifesté un intérêt pour la philosophie,
poussant les observateurs avertis à se poser la question de savoir si
l’interdisciplinarité congénitale à la socio-anthropologie s’était élargie à la
philosophie ou s’est-elle déplacée purement et simplement vers à la philosophie
husserlienne ? Ces questions jettent les bases d’une discussion pluridisciplinaire.Dans
ce cadre, à partir de communications proposées dans cet axe, il est aussi attendu des
partages d’expériences sur la cohabitation et formes de collaboration entre les
différentes sciences sociales (sociologie, anthropologie, histoire, géographie, psycho,
philosophie). Ces expériences concernent aussi bien les enseignements tels qu’ils sont
menés dans les universités, les recherches et les productions théoriques et
méthodologiques issues des travaux menés ces dernières années sur le terrain africain.
AXE 2 : La sociologie et l’anthropologie africaines : bilan et
perspectives
La sociologie africaine s’est construite progressivement et laborieusement
depuis les travaux précurseurs de Georges Balandier. Depuis plusieurs années, malgré
les contraintes diverses liées aux manques de financements, aux dictatures politiques,
etc. le continent connaît une foisonnante production de monographies, d’études
anthropologiques et sociologiques réalisées par les chercheurs africains sur différentes
thématiques : famille, religion, éducation, santé, environnement, etc.
Malgré tout, des efforts restent à faire pour mieux discuter l’épistémologie de
ces sciences sociales venues d’ailleurs. Ainsi, les sociologues en Afrique essayent tant
bien que mal d’articuler des nouveaux et anciens paradigmes mettant ainsi leur
ingéniosité à profit pour produire des savoirs qui révèlent la complexité (l’ambiguïté
comme dirait Balandier) des réalités locales africaines, celles à l’œuvre sur le terrain.
De même, ces études font un écho critique à ce qui se fait dans les autres espaces de
recherche du monde. Cette sociologie qui se construit tente, avec des fortunes
diverses, un tel défi consistant à se raccrocher à des problématiques mondiales comme
l’Etat, l’espace public, les politiques publiques, etc. Elle est, de même, interpellée par
des questions contemporaines sur les conflits sociaux, politiques, les nouveaux
phénomènes religieux et les violences qu’ils occasionnent, les politiques de santé face
aux attentes des populations, etc. Autant de défis pour une sociologie qui participe à
sa manière à une pensée globalisée mais qui reste attachée à une réflexion locale.
Les communications qui s’inscrivent dans cet axe doivent poser un débat
épistémologique sur le statut de la sociologie et de l’anthropologie africaines : début
la colonisation, comment cette sociologie et/ou anthropologie s’est constituée en
Afrique ?
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