Laurent Porcheret - Université de Paris - Sorbonne - ESPE de Paris
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Préparation au CAPES d’Histoire-Géographie 2014-2015
Laurent Porcheret – Maître de conférences en géographie – Université de Paris-Sorbonne - ESPE de Paris
Corrigé du commentaire de documents sur l’Amérique du Nord
Sujet : La frontière États-Unis-Mexique
Pour rappel, la nouvelle épreuve du commentaire de documents géographie au
CAPES (arrêté du 19 avril 2013) vise à rapprocher formation disciplinaire et
professionnalisation, et en aucun cas à les opposer. Elle est divisée en deux grandes parties.
La première est une analyse critique de l’ensemble documentaire, c’est-à-dire un
commentaire de documents scientifique traditionnel. La seconde partie est une exploitation
adaptée pour un niveau donné choisi par le candidat dont les choix didactiques devront être
justifiés par le candidat. Celle-ci se termine par une production cartographique indiquée
dans le sujet. J’ai encadré mes commentaires méthodologiques par des parenthèses de ce
type […].
Première partie : l’analyse critique du corpus documentaire
Introduction :
Le thème de la frontière est central pour comprendre l’organisation de l’espace et
l’histoire de l’Amérique du Nord. Comme l’a montré Frederick Jackson Turner dans un
ouvrage paru en 1920 (réimpression d’une étude parue en 1893) et intitulé «The Frontier In
American History», la question de la frontière, en lien avec la conquête de l’Ouest, est même
au cœur de l’identité étatsunienne.
L’ensemble documentaire est composé de 7 documents qui portent sur l’organisation
de l’espace de cette frontière, au sens le plus large du terme, à différentes échelles. Les
documents 1, 2 et 7 sont des cartes à l’échelle de l’Amérique du Nord, tirées respectivement
de l’Atlas-historique.net, des ouvrages d’Alain Musset (Géopolitique des Amériques) et de
Jean-Marc Zaninetti (Les espaces de l’Amérique du Nord). Ils mettent en évidence le
caractère récent de cette frontière, son importance et les flux engendrés par les disparités
qui opposent le Mexique et les États-Unis. Les documents 3, 4 et 5 sont des images
satellitaires (3 et 5), tirées de GoogleEarth, et une photographie paysagère (Wikipedia). Ces
trois documents montrent comment s’organise cet espace transfrontalier à l’échelle locale.
Enfin, le tableau 6, construit à partir des recensements mexicains (INEGI) et étatsuniens
(Census US), porte sur des statistiques démographiques des États fédérés proches de la
frontière des deux pays.
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[Le tableau de présentation des documents qui suit est donné à titre indicatif. Il ne
faut pas présenter ainsi les documents dans la partie 1 (analyse critique), mais au contraire
essayer de les regrouper par thèmes, par échelles et par types. Par contre, il peut être
intéressant de proposer éventuellement pour la partie 2 (transposition didactique) une telle
présentation, réalisée en classe par les élèves eux-mêmes, pour les seuls documents
retenus, et plutôt pour le collège que le lycée.]
Document Type de
document Espace concerné
Échelles
d’analyses Thèmes
principaux
1 Carte historique USA – Mexique -
Amérique du
Nord
Sud de
l’Amérique du
Nord
Délimitation
conflictuelle de
la frontière et
constitution des
2 États
2 Carte de
géopolitique
Dimension
épistémologique
La Mexamérique
(Nord du
Mexique et sud
des USA)
Régionale Régions
frontalières
attractives
3 Image satellitaire Frontière USA -
Mexique Locale
continentale et
mondiale
Importance des
flux
transfrontaliers
Contrôle de la
frontière
4 Photographie de
paysage Frontière USA -
Mexique Locale
régionale Disparités Nord-
Sud
Mur de
séparation
5 Image satellitaire Frontière USA -
Mexique Locale Villes jumelles
Densités
démographiques
Aménagements
Attractivité
6 Tableau de
statistiques
démographiques
États frontaliers Continentale,
nationale et
régionale
Importance de la
population dans
les États
frontaliers et
importance des
Hispaniques au
nord de la
frontière
7 Cartes
thématiques Continent Continentale et
nationale Importance des
flux financiers et
commerciaux
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Le terme de frontière vient de la ligne de front militaire, car beaucoup ont été fixées
lors de conflits, en entérinant par des traités une ligne séparant deux armées. On peut
définir la frontière comme un objet géographique séparant et délimitant deux ensembles
territoriaux contigus, au sens d’espace vécu, perçu et surtout administré, qui dans le sens le
plus courant correspond à un État. Une frontière peut être politique (États, régions) et donc
sous-tend la question de la souveraineté, mais peut être aussi culturelle (linguistique,
religieuse, etc…), voire mentale (espace vécu à différentes échelles). Enfin, elle peut aussi
être économique et sociale. Cette discontinuité territoriale est souvent source d’altérité et
d’identité. [Les frontières sont des constructions historiques qui ne sauraient être qualifiées
de naturelles.].
Bien que la frontière soit bien souvent d’abord une limite, elle ne se résume pas à un
objet linéaire, car elle a des incidences sur l’organisation de l’espace, ce que l’on appelle les
effets frontières. Elle engendre des processus spatiaux majeurs, parfois contradictoires en
apparences, et ce à différentes échelles, tels que l’effet barrière et les conflits, l’interface et
les flux, le tropisme et le développement, et enfin, les territoires et les identités. Dans le cas
des États-Unis, plusieurs termes permettent d’ailleurs d’évoquer la frontière : boundary
(limite frontalière) et border (zone frontalière) auxquels il faut ajouter celui de frontier
(front pionnier).
S’interroger sur la frontière États-Unis-Mexique, c’est prendre en compte tous les
aspects de cette frontière qui sépare ces deux États aux poids très inégaux, notamment
politiques, culturels, symboliques, économiques et sociaux. C’est aussi replacer les deux pays
et leur frontière commune dans le cadre de l’ALENA et de la mondialisation. Pour ce faire, on
pourra se demander comment et dans quelle mesure la frontière qui sépare les États-Unis et
le Mexique participe à l’organisation de l’espace nord-américain ?
Cette frontière est à la fois pour les deux pays une barrière d’un point de vue
géopolitique (I) et une interface d’un point de vue économique qui engendre des impacts
spatiaux et territoriaux majeurs à toutes les échelles (II).
I- Une frontière-barrière, enjeu politique majeur pour les deux États
La frontière États-Unis-Mexique est une discontinuité majeure et multiforme qui
sépare les deux pays. Elle fut longtemps disputée et est aujourd’hui de plus en plus
contrôlée en dépit de l’ALENA.
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1 – Une discontinuité majeure et multiforme entre deux États
La frontière États-Unis-Mexique est l’une des plus longues au Monde, avec 3200 km
de long, comme nous le montre la carte de la Mexamérique (document 2). Terrestre et
souvent désertique dans sa partie occidentale en raison du climat semi-désertique qui y
règne (latitude, continentalité et façade ouest d’hémisphère nord), elle correspond au Rio
Grande dans sa partie orientale (image satellitaire de Lajedo (document 1) et carte de la
constitution des États-Unis d’Amérique (document3)). Plus ponctuellement, cet espace
transfrontalier se présente aussi sous la forme de conurbations associant villes et espaces
agricoles sur les terrasses alluviales du fleuve, au demeurant de plus en plus grignotées et
mitées par l’expansion urbaine. C’est le cas des villes jumelles Brownsville et Matamoros à
proximité du golfe du Mexique comme l’indique la photographie aérienne du document 5.
Cette frontière est donc multiforme d’un point de vue paysager, à l’image des régions qu’elle
traverse.
Plus qu’une limite politique entre deux États, cette frontière est une discontinuité
majeure à l’échelle du continent américain et de l’Amérique du Nord. Elle sépare deux
grands territoires aux poids très inégaux. Les États-Unis avec 9,6 millions de km² sont 5 fois
plus grands que le Mexique (document 7). D’un point de vue démographique, le tableau des
populations (document 6) indique que le poids démographique des Etats-Unis est très
supérieur (environ 2,7 fois en 2010) à celui du Mexique, bien qu’en léger retrait en raison du
rattrapage démographique du voisin méridional. Le maintien de la suprématie
démographique des USA est d’ailleurs en grande partie lié aux migrations des Hispaniques
en général et des Mexicains en particulier comme nous le verrons dans la deuxième partie
du devoir. Mais c’est surtout d’un point de vue économique que cette frontière constitue
une discontinuité majeure à toutes les échelles. Bien que les documents ne permettent pas
de comparer directement les différentiels de richesse par des indicateurs tels que le PNB ou
le PNB par habitant, les cartes des flux commerciaux et financiers au sein de l’ALENA
(document 7) montrent une très nette supériorité des États-Unis sur le Mexique. Le stock
d’IDE y est dix fois plus important, à l’image des poids économiques des deux pays. La
frontière sépare la première puissance mondiale au nord et un pays émergent au sud, à
savoir deux Etats aux poids politiques et économiques très inégaux. Elle peut donc se lire à
différentes échelles.
La dimension symbolique de cette frontière politique est d’autant plus importante
qu’elle fut l’objet de conflits relativement récents.
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2 - Une frontière longtemps disputée
[Les aspects historiques ne doivent jamais venir en premier en géographie. L’histoire
et le temps sont soient des facteurs explicatifs, soient des évolutions, et donc
n’interviennent qu’après avoir un décrit un fait géographique actuel. C’est la raison pour
laquelle cette explication historique vient dans un second temps, ici dans la seconde sous-
partie].
La frontière qui délimite les deux territoires nationaux est relativement récente
comme le montre le document 1. Elle a été définitivement fixée au milieu du 19ème siècle.
Cette frontière a longtemps été conflictuelle et reflète la montée en puissance des États-
Unis en Amérique et dans le Monde au 19ème siècle. Entre 1836 et 1853, le Mexique a perdu
près de deux millions de km², soit 40 % de sa superficie, au profit de son voisin
septentrional : indépendance en 1836 du Texas puis rattachement aux États-Unis en 1845,
cession forcée du Nouveau-Mexique, de la Californie, du Nevada, de l’Utah, et d’une partie
du Colorado entre 1848 et 1850, et pour finir achat du sud de l’Arizona. Le déplacement de
la frontière vers le sud s’est opéré au détriment du Mexique et a permis à son voisin du Nord
d’accroître son territoire national.
C’est ainsi que la frontière prend une dimension symbolique forte pour les Mexicains.
L’humiliation de la défaite de Santa Ana est dans toutes les mémoires ! Elle reflète la
domination étatsunienne, tant d’un point de vue militaire qu’économique, et de fait le fort
ressentiment qu’éprouvent les Mexicains pour leurs voisins. C’est dans ce contexte que Diaz,
ancien président du Mexique prononce la célèbre maxime « Pauvre Mexique si loin de Dieu
et si proche des États-Unis ». Cette frontière constitue donc un élément identitaire très
important pour les Mexicains.
À cela s’ajoute le fait que cette frontière est de plus en plus contrôlée du côté nord,
accentuant ainsi la charge émotionnelle et les débats politiques qui en découlent de part et
d’autre.
3 – Une frontière de plus en plus contrôlée
Les documents 3 et 4 montrent le caractère ambivalent de cette frontière. À l’image
du poste de frontière de Lajedo (document 3) entre le Texas et le Nuevo León, cette
frontière est la plus traversée au monde. De vastes aménagements du côté États-Unis
filtrent les migrations pendulaires sud-nord des Mexicains qui travaillent quotidiennement
de l’autre côté de la frontière. L’image satellitaire, aux couleurs retravaillées, a certainement
été prise le matin et prouve le caractère asymétrique des flux de travailleurs – les voies de
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