démence, le risque, toujours nettement supérieur aux sujets contrôles, est
estimé à 2-5 % à partir de 70 ans pour les parents au 1
er
degré, et atteindrait
prèsde50 % après 85ans
[15]
.Cerisque a étéassociéparcertainsà l’existence
de troubles du langage ou à un début précoce, mais ces résultats sont
controversés.
Génétique
Le tableau I résume les caractéristiques des principales formes de MA à
transmission génétique connues à ce jour.
Quatre gènes sont aujourd’hui impliqués dans le développement de la MA.
Trois semblent favoriser le développement précoce de la maladie chez des
sujets de moins de 60 ans :
– le gène de l’APP (amyloid precursor protein) lié au chromosome 21 ;
– le gène de la préséniline 1 (PS1) lié au chromosome 14 ;
– le gène de la préséniline 2 (PS2) lié au chromosome 1.
Le gène de l’APPest classiquement associé aux formes précoces de MAavec
sept mutations de pénétrance complète rapportées dans une vingtaine de
familles. Les gènes des présénilines sont associés à environ la moitié des
formes précoces de MAavec actuellement 54 mutations décrites pour PS1 et
seulementtroispourPS2. Environ 70 %desmutationsdesgènes présénilines
semblent génétiquement spécifiques à un individu ou une famille, ce qui rend
irréaliste tout dépistage systématique des formes précoces de MA
[11]
.En
France, on estime à environ 1000 le nombre des cas de MA précoce à
transmission dominante autosomique.
Le quatrième gène, lié au chromosome 19, détermine les trois isoformes e2,
e3,e4de l’apolipoprotéineE(apoE), protéineimpliquéedansle métabolisme
lipidique, dont l’allèle e4 est associé aux formes tardives de MA. L’allèle e4
est présent chez 45 à 60 % des MA contre 20 à 30 % dans la population
générale, et la forme homozygote dans 12 à 15 % contre2à3%,
respectivement
[11]
. Le risque de MA est plus élevé pour les homozygotes
E4E4 et varie pour certains en fonction de l’âge : plus élevé entre 60 et 69 ans
(x4) qu’avant 60 ans ou après 80 ans (x2). L’apoE4 n’étant ni nécessaire, ni
suffisant pour développer la MA, il n’est pas recommandé de l’utiliser à des
fins de dépistage diagnostique
[93]
, bien que le génotypage augmente la
sensibilité et la spécificité du diagnostic de MA chez les déments.
Contrairement aux précédents, le gène de l’apoE4 est considéré comme un
facteur de risque majeur de la maladie chez les Caucasiens, indépendant du
sexe, rendant compte d’une agrégation familiale importante. L’allèle e4
pourrait influencer la sévérité des troubles mnésiques, du déficit
cholinergique, de l’atrophie hippocampique, ainsi que la rapidité du déclin
cognitif
[22]
. Il pourrait aussi jouer un rôle dans la modulation de l’âge de
survenuedesformes génétiquement déterminées.L’allèlee2semble jouerun
rôle protecteur quels que soient les groupes ethniques, mais les populations
afro-américainesethispaniques auraient unrisqueaccrude MA, indépendant
du génotype de l’apoE. Dans la trisomie 21, le sexe mâle et la présence d’un
allèleapoE4favoriseraientundébutprécoce de la maladie
[106]
.Unautregène
de susceptibilité lié au chromosome 12 a été rapporté.
Cette hétérogénéité génétique indique que la MApeut découler d’anomalies
génétiques différentes selon les cas, qu’elle peut paraître génétiquement
simple ou complexe, qu’elle peut comporter des gènes déterminants et
d’autres de susceptibilité ou de protection. On ne peut donc exclure que la
MAsoit liée à plusieurs gènes, ou que l’expression de ce ou ces gènes et leur
pénétrance soient variables. On ne peut pas davantage écarter le rôle de
facteurs liés à l’environnement
[85]
.
Facteurs de risque
Comme nous l’avons vu précédemment, l’âge constitue le principal facteur
de prédisposition de la MA. Les facteurs génétiquement déterminés comme
les antécédents familiaux de démence et de trisomie 21, l’homozygotie E4E4
de l’apoE sont devenus des facteurs de risque établis. La prépondérance
féminine de l’affection est signalée dans de nombreux travaux mais non dans
tous, cette discordance reflétant probablement des biais de recrutement. On
retrouve la même discordance pour le rôle de l’âge de la mère à la naissance,
les antécédents de traumatisme crânien, de pathologie thyroïdienne,
dysimmunitaire, virale ou psychiatrique.
D’autres facteurs de risque, apparus ces dernières années, restent à évaluer
mais contribuent à donner à la MA une apparente hétérogénéité : ainsi le
niveau d’instruction et les conditions socioéconomiques, les facteurs de
risque vasculaires comme l’hypertension artérielle et l’athérosclérose, des
facteurs d’environnement ou de mode de vie comme les antécédents de
traumatisme crânien, les effets protecteurs éventuels du tabac ou du vin, le
rôle de certaines thérapeutiques prises au long cours comme les anti-
inflammatoires non stéroïdiens (AINS) ou les œstrogènes
[4, 26, 45, 86]
. Tous ces
facteurs, susceptibles d’être influencés par des caractères génétiques, n’ont
probablement pas la même signification mais leur polymorphisme apparent
obscurcit notablement une vision simple de la maladie.
Lésions cérébrales de la maladie d’Alzheimer
Le diagnostic clinique de MA est confirmé lorsque l’examen
neuropathologique permet de démontrer la présence de deux types de lésions
cérébrales : les plaques séniles et les neurones en dégénérescence
neurofibrillaire(DNF), enabondancedans lasubstancegrise dunéocortex
[65]
.
Ces lésions ont été identifiées au début du siècle, grâce aux techniques
histologiques d’imprégnation argentique
[2]
. La caractérisation
immunochimique de ces lésions, à partir des années 1984, permet de
distinguer deux processus dégénératifs distincts à l’origine de ces lésions :
l’amyloïdogenèse et la DNF. En parallèle à ces lésions, on peut observer
d’autres modifications cérébrales, macroscopiques (atrophie, dilatation
ventriculaire) et microscopiques (perte neuronale, réaction gliale et
microgliale, altération des microvaisseaux).
Amyloïdogenèse (fig 1)
Dans la substance grise du cortex cérébral des patients Alzheimer abondent
des dépôts de substance amyloïde, sphériques, plus ou moins compacts. Il
s’agit des plaques amyloïdes, très bien colorées par des colorants tels que le
rouge Congo ou la thioflavine (fig 1A). Les propriétés tinctoriales de la
« substance amyloïde » résultent de l’assemblage compact de protéines
dénaturées sous forme de feuillets âplissés. À l’échelle de la microscopie
électronique, la substance amyloïde est formée de filaments compacts, de 6 à
10 nm de diamètre, situés dans le domaine extracellulaire.
D’une manière générale, la nature des protéines formant la substance
amyloïde varie en fonction du type de pathologie (la plaque prion de la
maladie de Creutzfeldt-Jakob est formée de protéines PrP ; la transthyrétine
peut s’accumuler dans le tissu nerveux périphérique sous forme de dépôts
amyloïdes, etc). Dans le cas de la MA, la substance amyloïde est constituée
d’un polypeptide de 39 à 43 résidus d’acides aminés, appelé peptide Aâ
(amyloïde bêta). Ce peptideAâest un fragment protéolytique d’une protéine
de grande taille nommée APP (amyloid protein precursor) (fig 2). Des
anticorps dirigés contre le peptideAâsynthétique détectent avec une grande
sensibilité les plaques amyloïdes, ainsi que des dépôts diffus nommés dépôts
préamyloïdes puisqu’ils ne possèdent pas encore les propriétés
physicochimiques de la substance amyloïde (fig 1B). Ces dépôts
préamyloïdes et amyloïdes envahissent la presque totalité du cortex cérébral
et diffusent essentiellement dans la substance grise corticale, et plus
particulièrement dans les couches néocorticales II et III. Ils sont également
présents dans la région hippocampique. Dans le cervelet, seuls les dépôts
préamyloïdessontobservés.LepeptideAâs’accumuleégalement, à des taux
variables, dans la paroi des artérioles et des capillaires pour former
l’angiopathie amyloïde
[16]
. L’utilisation combinée de techniques
histologiques et immunochimiques permet de distinguer des plaques
neuritiques,constituéesd’uneplaqueamyloïdeentouréeparune couronne de
neurites en DNF (fig 1C). L’utilisation histologique d’autres marqueurs
indique que les cellules microgliales, cellules similaires à des macrophages,
sont souvent au contact des plaques séniles, ainsi que des astrocytes
hypertrophiés.
À l’échelle moléculaire, on constate que d’autres protéines sont également
présentes dans les plaques séniles. Certaines sont les témoins d’une réaction
inflammatoire : il s’agit d’antiprotéases tels l’α1-antichymotrypsine, des
facteurs du complément (C1q, membrane attack complement ou MAC). Une
trentained’autres composésontété décrits,enparticulierlaprotéineamyloïde
P, la protéine présynaptique NACP nommée également α-synucléine, des
héparanes sulfates protéoglycanes, l’apoE, etc,
[116]
.
Enfonction detousces éléments,onpeutproposerunscénariosurlacinétique
de formation et de catabolisme des plaques séniles : le peptide Aâs’agrège
progressivementdans le domaine extracellulaire sous forme de dépôts diffus,
avec une prédominance du peptide Aâ1-42. Puis ces dépôts deviennent de
plusen pluscompacts,pour formerdesplaques amyloïdesdenses,constituées
dupeptideAâmajoritairement1-40.Enfin,autourdecesplaques« matures »
sont observés des neurites en DNF, formant la plaque sénile telle que décrite
parAlzheimer (fig 1C). Ces plaques seront « digérées » progressivement par
les cellules microgliales et les astrocytes, tandis que d’autres plaques se
formeront en parallèle. Un point important reste à élucider, qui fait l’objet de
controverses intenses : la relation entre la formation des dépôts de Aâd’une
part, et la dégénérescence neuronale ou la mort neuronale d’autre part. Ce
point sera abordé après la description du deuxième type de lésion : la DNF.
Tableau I. – Facteurs génétiques et maladie d’Alzheimer.
Gène APP PS1 PS2 APOE
Chromosome 21 14 1 19
Transmission AD AD AD+/- POLY
Mutation (N) 7543 -
Âge de début 40-65 30-55 40-90 >40
Fréquence (N familles) > 20 > 100 < 10 (Volga)
AD : Autosomique dominant
MALADIE D’ALZHEIMER Neurologie17-056-A-10
page 2