Maladie d`Alzheimer - Psychologie

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ENCYCLOPÉDIE MÉDICO-CHIRURGICALE 17-056-A-10
17-056-A-10
Maladie d’Alzheimer
P Davous
A Delacourte
R é s u m é. – Depuis la précédente édition publiée en 1992, une somme considérable de
données nouvelles a contribué à préciser la physiopathologie de la maladie d’Alzeimer (MA),
à mieux en définir l’hétérogénéité et de nouvelles thérapeutiques sont apparues. Les
projections épidémiologiques pour les décennies à venir sont réellement alarmantes avec une
incidence possible en France de 100.000 nouveaux cas par an. Plusieurs gènes distincts ont
été identifiés dans les rares formes familiales à transmission dominante autosomique et
l’isoforme ε4 de l’apolipoprotéine E est un facteur de risque défini. Certaines protéines (bêta
amyloïde, tau) semblent jouer un rôle majeur dans des cascades d’événements associant
vraisemblablement des protéines de l’inflammation et des systèmes apoptotiques.
L’hypothèse cholinergique, sans être exclusive, reste d’actualité. Les critères de diagnostic
sont aujourd’hui bien définis et validés, mais restent insuffisants pour l’identification précoce
des malades. Le diagnostic, qui reste purement clinique faute de marqueurs biologiques
spécifiques, fait appel au début à une expertise neuropsychologique réservée à des centres
spécialisés. Les techniques de volumétrie hippocampique en imagerie par résonance
magnétique (IRM), de métabolisme en tomographie d’émission monophotonique peuvent
contribuer au diagnostic. L’étiologie de la maladie d’Alzheimer est toujours inconnue, mais la
plupart des modèles proposés la considèrent comme plurifactorielle. La thérapeutique reste
symptomatique, mais bénéficie de plusieurs drogues cholinomimétiques qui peuvent être
associées aux traitements des troubles psychocomportementaux. La prise en charge fait
appel à de multiples stratégies médico-psycho-sociales qui sont de mieux en mieux
structurées et contribuent à une meilleure qualité de vie des malades.
© 1999, Elsevier, Paris.
Introduction
La MA fut décrite en 1906 [2] et individualisée quelques années plus tard par
Kraepelin comme une démence présénile. Une revue très complète de
l’évolution des idées, résultant des nombreuses études cliniques et
neuropathologiques entreprises entre 1920 et 1960, a été faite par Delay et
Brion [34]. En 1976, Katzman estimait que deux tiers des cas de démence sénile
étaient des MA, et que la distinction entre les deux maladies n’était plus
justifiée. Cette évolution conceptuelle a conduit, au travers d’études
épidémiologiques et de travaux à visée étiopathogénique, à définir des critères
diagnostiques universellement reconnus, à développer des hypothèses
génétiques et biochimiques nouvelles, à entrevoir des perspectives
thérapeutiques [28, 77]. Il en est résulté une hétérogénéité génétique, clinique et
paraclinique qui devient de plus en plus manifeste avec le développement des
connaissances propres à chacun de ces domaines.
Épidémiologie, génétique et facteurs de risque
Épidémiologie
© Elsevier, Paris
Dans le contexte du début du troisième millénaire, il est important de réaliser
l’augmentation considérable du nombre des sujets âgés de plus de 65 ans (en
France, de 14 % en 1990 à 20 % en 2015). Aux États-Unis, on estime que cette
population, actuellement de 35 millions, aura doublé d’ici environ 40 ans et,
parallèlement, le nombre de sujets déments. Pour l’ensemble des pays
développés, c’est une « épidémie » de 15 à 37 millions de cas de démence
attendue des années 2000 à 2050, soit environ 10 à 25 millions de cas de MA [71].
Patrick Davous : Chef de service, service de neurologie, centre hospitalier Victor-Dupouy,
69 rue du Lieutenant-Colonel-Prudhon, 95107 Argenteuil cedex, France.
André Delacourte : Directeur de Recherche, Inserm U 422 Lille, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Davous P et Delacourte A. Maladie
d’Alzheimer. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Neurologie, 17-056-A-10, 1999, 15 p.
Les données épidémiologiques les plus reproductibles, issues de populations
européennes et américaines, sont aujourd’hui l’augmentation exponentielle
de prévalence et d’incidence avec l’âge, qui doublent par tranches de 5 ans
entre 65 ans et 85 ans, la plus forte prévalence féminine, la plus grande
fréquence des débuts précoces dans les formes familiales [7, 26, 69, 75, 94, 101, 105].
Dans ces cohortes, la MA représente environ deux tiers des cas de démences
et seul le Japon fait exception avec une proportion de démences vasculaires
proche de 50 %. Certaines variantes épidémiologiques peuvent être attribuées
à des facteurs ethniques.
La prévalence varie selon les pays entre 1 et 5,8 % d’une population âgée de
65 ans et plus, cette variation étant en partie liée à des différences de définition
et d’identification des cas. Elle augmente considérablement avec l’ âge, pour
passer de moins de 0,1 % avant 50 ans à 1-2 % à 65 ans, et 10-30 % après
85 ans. En France, on estime la fréquence de la MA à environ 300 000 cas
dans la population âgée de plus de 65 ans [4, 26, 101].
L’incidence, estimée en France à 1,17 % par an, ce qui représente près de
100 000 nouveaux cas chez les plus de 65 ans, augmenterait très fortement
avec l’âge, pour varier de 100 à 3 000 pour 100 000 habitants par an entre
65 et 95 ans [7, 94]. On peut donc estimer que la probabilité pour un individu
d’être atteint de MA varie de 3 à 30 % entre 70 et 85 ans.
Dans les registres où l’affection « démence sénile et présénile » est la cause
principale du décès, le taux annuel de mortalité est de 4 pour 1 million aux
États-Unis, et augmente régulièrement avec l’âge. Ce taux aurait été multiplié
par dix en 10 ans pour atteindre 4 pour 100 000 en 1987, tendance intéressant
les deux sexes mais touchant particulièrement les tranches d’âge
supérieures [18].
L’influence de l’âge précoce de survenue de la maladie sur son évolutivité est
controversée, mais plusieurs études ont conclu à une diminution de
l’espérance de vie dans les formes de MA à début précoce. Dans l’étude de
Rochester, les femmes atteintes de MA ont une durée de vie supérieure à celle
des hommes [75].
La plupart des auteurs s’accordent pour distinguer deux formes de MA,
sporadique et familiale. Les études de jumeaux suggèrent que l’affection n’est
pas expliquée par un seul gène à transmission dominante autosomique. Il a
été montré que le risque cumulatif, plus élevé chez les femmes, augmentait
de façon exponentielle de 5 % à 70 ans à 40 % à 95 ans chez les apparentés au
premier degré [79]. Chez les individus ayant des antécédents familiaux de
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MALADIE D’ALZHEIMER
Tableau I. – Facteurs génétiques et maladie d’Alzheimer.
Gène
Chromosome
Transmission
Mutation (N)
Âge de début
Fréquence (N familles)
APP
PS1
PS2
APOE
21
AD
7
40-65
> 20
14
AD
54
30-55
> 100
1
AD+/3
40-90
< 10 (Volga)
19
POLY
> 40
AD : Autosomique dominant
démence, le risque, toujours nettement supérieur aux sujets contrôles, est
estimé à 2-5 % à partir de 70 ans pour les parents au 1er degré, et atteindrait
près de 50 % après 85 ans [15]. Ce risque a été associé par certains à l’existence
de troubles du langage ou à un début précoce, mais ces résultats sont
controversés.
Génétique
Le tableau I résume les caractéristiques des principales formes de MA à
transmission génétique connues à ce jour.
Quatre gènes sont aujourd’hui impliqués dans le développement de la MA.
Trois semblent favoriser le développement précoce de la maladie chez des
sujets de moins de 60 ans :
– le gène de l’APP (amyloid precursor protein) lié au chromosome 21 ;
– le gène de la préséniline 1 (PS1) lié au chromosome 14 ;
– le gène de la préséniline 2 (PS2) lié au chromosome 1.
Le gène de l’APP est classiquement associé aux formes précoces de MA avec
sept mutations de pénétrance complète rapportées dans une vingtaine de
familles. Les gènes des présénilines sont associés à environ la moitié des
formes précoces de MA avec actuellement 54 mutations décrites pour PS1 et
seulement trois pour PS2. Environ 70 % des mutations des gènes présénilines
semblent génétiquement spécifiques à un individu ou une famille, ce qui rend
irréaliste tout dépistage systématique des formes précoces de MA [11]. En
France, on estime à environ 1000 le nombre des cas de MA précoce à
transmission dominante autosomique.
Le quatrième gène, lié au chromosome 19, détermine les trois isoformes e2,
e3, e4 de l’apolipoprotéine E (apoE), protéine impliquée dans le métabolisme
lipidique, dont l’allèle e4 est associé aux formes tardives de MA. L’allèle e4
est présent chez 45 à 60 % des MA contre 20 à 30 % dans la population
générale, et la forme homozygote dans 12 à 15 % contre 2 à 3 %,
respectivement [11]. Le risque de MA est plus élevé pour les homozygotes
E4E4 et varie pour certains en fonction de l’âge : plus élevé entre 60 et 69 ans
(x4) qu’avant 60 ans ou après 80 ans (x2). L’apoE4 n’étant ni nécessaire, ni
suffisant pour développer la MA, il n’est pas recommandé de l’utiliser à des
fins de dépistage diagnostique [93], bien que le génotypage augmente la
sensibilité et la spécificité du diagnostic de MA chez les déments.
Contrairement aux précédents, le gène de l’apoE4 est considéré comme un
facteur de risque majeur de la maladie chez les Caucasiens, indépendant du
sexe, rendant compte d’une agrégation familiale importante. L’allèle e4
pourrait influencer la sévérité des troubles mnésiques, du déficit
cholinergique, de l’atrophie hippocampique, ainsi que la rapidité du déclin
cognitif [22]. Il pourrait aussi jouer un rôle dans la modulation de l’âge de
survenue des formes génétiquement déterminées. L’allèle e2 semble jouer un
rôle protecteur quels que soient les groupes ethniques, mais les populations
afro-américaines et hispaniques auraient un risque accru de MA, indépendant
du génotype de l’apoE. Dans la trisomie 21, le sexe mâle et la présence d’un
allèle apoE4 favoriseraient un début précoce de la maladie [106]. Un autre gène
de susceptibilité lié au chromosome 12 a été rapporté.
Cette hétérogénéité génétique indique que la MA peut découler d’anomalies
génétiques différentes selon les cas, qu’elle peut paraître génétiquement
simple ou complexe, qu’elle peut comporter des gènes déterminants et
d’autres de susceptibilité ou de protection. On ne peut donc exclure que la
MA soit liée à plusieurs gènes, ou que l’expression de ce ou ces gènes et leur
pénétrance soient variables. On ne peut pas davantage écarter le rôle de
facteurs liés à l’environnement [85].
Facteurs de risque
Comme nous l’avons vu précédemment, l’âge constitue le principal facteur
de prédisposition de la MA. Les facteurs génétiquement déterminés comme
les antécédents familiaux de démence et de trisomie 21, l’homozygotie E4E4
de l’apoE sont devenus des facteurs de risque établis. La prépondérance
féminine de l’affection est signalée dans de nombreux travaux mais non dans
tous, cette discordance reflétant probablement des biais de recrutement. On
retrouve la même discordance pour le rôle de l’âge de la mère à la naissance,
les antécédents de traumatisme crânien, de pathologie thyroïdienne,
dysimmunitaire, virale ou psychiatrique.
D’autres facteurs de risque, apparus ces dernières années, restent à évaluer
mais contribuent à donner à la MA une apparente hétérogénéité : ainsi le
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Neurologie
niveau d’instruction et les conditions socioéconomiques, les facteurs de
risque vasculaires comme l’hypertension artérielle et l’athérosclérose, des
facteurs d’environnement ou de mode de vie comme les antécédents de
traumatisme crânien, les effets protecteurs éventuels du tabac ou du vin, le
rôle de certaines thérapeutiques prises au long cours comme les antiinflammatoires non stéroïdiens (AINS) ou les œstrogènes [4, 26, 45, 86]. Tous ces
facteurs, susceptibles d’être influencés par des caractères génétiques, n’ont
probablement pas la même signification mais leur polymorphisme apparent
obscurcit notablement une vision simple de la maladie.
Lésions cérébrales de la maladie d’Alzheimer
Le diagnostic clinique de MA est confirmé lorsque l’examen
neuropathologique permet de démontrer la présence de deux types de lésions
cérébrales : les plaques séniles et les neurones en dégénérescence
neurofibrillaire (DNF), en abondance dans la substance grise du néocortex [65].
Ces lésions ont été identifiées au début du siècle, grâce aux techniques
histologiques d’imprégnation argentique [ 2 ] . La caractérisation
immunochimique de ces lésions, à partir des années 1984, permet de
distinguer deux processus dégénératifs distincts à l’origine de ces lésions :
l’amyloïdogenèse et la DNF. En parallèle à ces lésions, on peut observer
d’autres modifications cérébrales, macroscopiques (atrophie, dilatation
ventriculaire) et microscopiques (perte neuronale, réaction gliale et
microgliale, altération des microvaisseaux).
Amyloïdogenèse (fig 1)
Dans la substance grise du cortex cérébral des patients Alzheimer abondent
des dépôts de substance amyloïde, sphériques, plus ou moins compacts. Il
s’agit des plaques amyloïdes, très bien colorées par des colorants tels que le
rouge Congo ou la thioflavine (fig 1A). Les propriétés tinctoriales de la
« substance amyloïde » résultent de l’assemblage compact de protéines
dénaturées sous forme de feuillets β plissés. À l’échelle de la microscopie
électronique, la substance amyloïde est formée de filaments compacts, de 6 à
10 nm de diamètre, situés dans le domaine extracellulaire.
D’une manière générale, la nature des protéines formant la substance
amyloïde varie en fonction du type de pathologie (la plaque prion de la
maladie de Creutzfeldt-Jakob est formée de protéines PrP ; la transthyrétine
peut s’accumuler dans le tissu nerveux périphérique sous forme de dépôts
amyloïdes, etc). Dans le cas de la MA, la substance amyloïde est constituée
d’un polypeptide de 39 à 43 résidus d’acides aminés, appelé peptide Aβ
(amyloïde bêta). Ce peptide Aβ est un fragment protéolytique d’une protéine
de grande taille nommée APP (amyloid protein precursor) (fig 2). Des
anticorps dirigés contre le peptide Aβ synthétique détectent avec une grande
sensibilité les plaques amyloïdes, ainsi que des dépôts diffus nommés dépôts
préamyloïdes puisqu’ils ne possèdent pas encore les propriétés
physicochimiques de la substance amyloïde (fig 1B). Ces dépôts
préamyloïdes et amyloïdes envahissent la presque totalité du cortex cérébral
et diffusent essentiellement dans la substance grise corticale, et plus
particulièrement dans les couches néocorticales II et III. Ils sont également
présents dans la région hippocampique. Dans le cervelet, seuls les dépôts
préamyloïdes sont observés. Le peptide Aβ s’accumule également, à des taux
variables, dans la paroi des artérioles et des capillaires pour former
l’angiopathie amyloïde [ 1 6 ] . L’utilisation combinée de techniques
histologiques et immunochimiques permet de distinguer des plaques
neuritiques, constituées d’une plaque amyloïde entourée par une couronne de
neurites en DNF (fig 1C). L’utilisation histologique d’autres marqueurs
indique que les cellules microgliales, cellules similaires à des macrophages,
sont souvent au contact des plaques séniles, ainsi que des astrocytes
hypertrophiés.
À l’échelle moléculaire, on constate que d’autres protéines sont également
présentes dans les plaques séniles. Certaines sont les témoins d’une réaction
inflammatoire : il s’agit d’antiprotéases tels l’α1-antichymotrypsine, des
facteurs du complément (C1q, membrane attack complement ou MAC). Une
trentaine d’autres composés ont été décrits, en particulier la protéine amyloïde
P, la protéine présynaptique NACP nommée également α-synucléine, des
héparanes sulfates protéoglycanes, l’apoE, etc, [116].
En fonction de tous ces éléments, on peut proposer un scénario sur la cinétique
de formation et de catabolisme des plaques séniles : le peptide Aβ s’agrège
progressivement dans le domaine extracellulaire sous forme de dépôts diffus,
avec une prédominance du peptide Aβ 1-42. Puis ces dépôts deviennent de
plus en plus compacts, pour former des plaques amyloïdes denses, constituées
du peptide Aβ majoritairement 1-40. Enfin, autour de ces plaques « matures »
sont observés des neurites en DNF, formant la plaque sénile telle que décrite
par Alzheimer (fig 1C). Ces plaques seront « digérées » progressivement par
les cellules microgliales et les astrocytes, tandis que d’autres plaques se
formeront en parallèle. Un point important reste à élucider, qui fait l’objet de
controverses intenses : la relation entre la formation des dépôts de Aβ d’une
part, et la dégénérescence neuronale ou la mort neuronale d’autre part. Ce
point sera abordé après la description du deuxième type de lésion : la DNF.
Neurologie
MALADIE D’ALZHEIMER
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B
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Immunohistochimie des plaques amyloïdes. Coupes de cortex cérébral d’un patient
atteint par la maladie d’Alzheimer.
A. Plaques amyloïdes colorées par la thioflavine (fluorescence jaune). Certaines plaques ont un cœur dense de substance amyloïde.
B. Coloration immunochimique des dépôts amyloïdes avec un anticorps antipeptide
amyloïde Aβ. Noter la disposition laminaire des dépôts. Certains dépôts sont diffus. Il
s’agit de la substance préamyloïde (flèche).
C. Plaque sénile révélée par une double coloration. Le dépôt amyloïde central est
marqué par la thioflavine. Les neurites dystrophiques périphériques sont immunomarqués par un anticorps dirigé contre les protéines tau-PHF.
2 Protéine APP (amyloid protein precursor) et peptide amyloïde
Aβ.
Protéine APP : le gène de l’APP, d’une taille de 400 kb, est situé sur le
chromosome 21 21->21q22.1. Il comporte 18 exons. Suite à un épissage
alternatif, plusieurs ARN messagers de la protéine APP sont exprimés
dans les neurones. Les isoformes de l’APP contiennent 365 à 770 acides
aminés. La forme longue de la protéine APP est représentée ici. Sont
représentées les différentes régions fonctionnelles de l’APP, ainsi que la
séquence du peptide Aβ, partiellement ancrée dans la membrane. La
partie N-terminale de l’APP est située dans le domaine extracellulaire
lorsque l’APP est ancrée à la membrane cytoplasmique. L’APP se trouve
également ancrée aux membranes vésiculaires, avec la partie N-terminale
dirigée vers la partie intérieure. Les mutations pathologiques directement
responsables de formes familiales autosomiques dominantes portent sur
des changements d’acides aminés situés dans la région du peptide Aβ
(flèches). L’α-sécrétase est une activité protéolytique qui libère la partie
extracellulaire de l’APP, nommée sAPP (soluble APP). Plusieurs régions
de la sAPP possèdent une activité neurotrophique. Il y a également des
régions d’interaction potentielle avec le cuivre (Cu), le zinc (Zn), l’héparine, le collagène (COL). Dans la partie C-terminale, il y a une région
d’interaction potentielle avec une protéine Go. Ceci suggère que l’APP
pourrait être un récepteur couplé aux protéines G.
Peptide Aβ : la région de l’ARN messager qui code pour le peptide Aβ est
située à cheval sur les exons 16 et 17. Les mutations pathologiques
situées dans la région codante de Aβ sont indiquées. La région protéique
du peptide Aβ est partiellement ancrée dans la membrane. Suite à une
coupure enzymatique par des bêta et gamma-sécrétases, le peptide Aβ
est libéré. Il est constitué de 39 à 43 acides aminés. Le peptide amyloïde
de 4,2 kDa est un produit normal du métabolisme cellulaire. Il existe deux
formes majeures : le peptide 1-40 et le peptide 1-42. La production de la
forme 1-42 est augmentée dans les formes familiales de la maladie
d’Alzheimer. Le peptide Aβ comporte une région 13-16 (HHQK) qui est un
domaine d’interaction avec les cellules microgliales et les héparanes
sulfate.
Dégénérescence neurofibrillaire (fig 3)
La DNF peut être visualisée par les techniques d’imprégnation argentique,
mises au point au début du siècle (fig 3A) et utilisées par Alzheimer dans sa
description princeps. La DNF correspond à une accumulation intraneuronale
de fibrilles formées de filaments très caractéristiques, appelés les paires de
filaments appariées en hélice ou PHF (paired helical filaments). Ces filaments
pathologiques sont d’excellents marqueurs ultrastructuraux du processus
dégénératif de type Alzheimer (fig 3B). Les PHF sont également observés
dans les neurites en dégénérescence qui abondent dans le neuropile et à la
périphérie des plaques séniles. Les protéines microtubulaires Tau sont les
constituants majeurs des PHFs. Dans le neurone normal, ces protéines
stabilisent les microtubules qui sont des filaments du cytosquelette jouant un
rôle prépondérant dans les mécanismes de transport intraneuronal [32]. Au
cours de la MA, les protéines Tau s’agrègent sous forme de PHF. Ces
protéines sont anormalement phosphorylées sur quelques sites. Des anticorps
dirigés contre ces sites de phosphorylation anormale permettent une
visualisation et une quantification spécifiques de la DNF sur les plans
histologiques (fig 3D, E) et biochimiques. Au total, les protéines Tau sont
d’excellents marqueurs immunochimiques du processus de DNF.
L’observation histologique des régions cérébrales de patients Alzheimer
montre que la DNF affecte principalement la région hippocampique — cortex
entorhinal (fig 3C), en particulier le champ CA1 de l’hippocampe (fig 3D) —
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Aspects histologiques et immunochimiques de la dégénérescence neurofibrillaire (DNF).
A. Coloration du tissu cérébral par une imprégnation argentique. Coloration des neurones en DNF et des plaques neuritiques (flèche).
B. Paires de filaments en hélice (PHF) de la DNF. Observation en microscopie électronique. Noter la périodicité des hélices (têtes de flèches). Les filaments appariés ont un
diamètre de 10 nm.
C. Immunomarquage du cortex entorhinal par un anticorps contre les protéines Tau
pathologiques (PHF-tau).
D. Immunomarquage avec le même anticorps dans la région CA1 de l’hippocampe
(flèches).
De nombreuses cellules pyramidales, ainsi que des plaques neuritiques sont immunomarquées.
E. Même immunomarquage dans la région frontale du cortex cérébral. On peut observer
un réseau de neurites en DNF, ainsi que des corps cellulaires marqués et quelques
plaques neuritiques.
4 Distribution des lésions de la maladie d’Alzheimer au cours
du vieillissement cérébral et de la maladie d’Alzheimer.
Au cours du vieillissement cérébral normal, le processus de
dégénérescence neurofibrillaire (DNF) s’installe dans la région
hippocampique. Il est systématiquement présent, mais à des taux
variables, à l’âge de 80 ans.
Au cours de la maladie d’Alzheimer, les dépôts de substance
amyloïde diffusent d’une manière hétérogène dans les différentes
régions corticales, bien avant les manifestations cliniques. En
revanche, le processus de DNF progresse dans les régions corticales selon un chemin précis, selon 6 ou 10 stades [33]. Jusqu’au
stade 6, la DNF peut rester asymptomatique. Le stade 7 correspond à l’atteinte simultanée de nombreuses régions associatives ; il est toujours associé à des troubles cognitifs. Le stade 9 est
hétérogène, avec une atteinte du cortex moteur (S9a) ou du
cortex occipital (S9b et c). La DNF peut envahir toutes les régions
corticales au dernier stade de la pathologie.
et les grandes cellules pyramidales des couches II, III et V de la substance
grise corticale (fig 3C). Les régions cérébrales les plus affectées sont la région
hippocampique, le cortex temporal et les régions polymodales associatives
(cortex préfrontal, cortex temporal supérieur, cortex pariétal), c’est-à-dire
celles qui intègrent les informations venant de tous les territoires cérébraux
(fig 2). Les régions les moins affectées sont sensitives ou motrices (cortex
occipital visuel, cortex frontal moteur) [41].
La DNF est un processus dégénératif qui s’installe progressivement dans les
différentes aires cérébrales, selon une séquence et une hiérarchie qui ont été
précisées par les neuropathologistes [5, 41]. Tout d’abord, la DNF est un
processus qui semble lié à l’âge et à la région hippocampique (cortex
transentorhinal, entorhinal et CA1 de l’hippocampe). Des neurones en DNF
peuvent être visualisés parfois dès l’âge de 50 ans et le sont systématiquement
dans la population normale à l’âge de 75 ans [14] . Il existe une phase
infraclinique de la MA avec une extension de la DNF dans les régions
temporales (pôle temporal, temporal inférieur, temporal moyen) [33]. La phase
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clinique correspond à la présence de la DNF dans les régions corticales
associatives (temporal supérieur, pôle frontal, cortex pariétal) [41]. Aux
derniers stades de la maladie, la DNF peut envahir la totalité des aires
cérébrales et de nombreux noyaux sous-corticaux (fig 4).
Les anticorps anti-Tau permettent également de révéler une signature
biochimique de la DNF et d’en établir une cartographie biochimique
cérébrale [114]. La technique des immunoempreintes met en évidence un triplet
de protéines Tau pathologiques dans la MA (Tau 55, 64, 69). L’approche
biochimique permet de distinguer 10 stades qui correspondent à 10 régions
cérébrales qui sont touchées successivement par la DNF au cours de la MA et
de distinguer trois groupes : le vieillissement « normal » (stades S0 à S3) avec
une atteinte systématique de la région entorhinale pour les témoins non
déments âgés de plus de 75 ans (S1 à S3) ; une phase infraclinique allant
jusqu’au stade S6, pour les patients qui possèdent de nombreuses plaques
amyloïdes, et une phase clinique (stages 7 à 10) [33] (fig 4).
Neurologie
MALADIE D’ALZHEIMER
Perte neuronale
Elle est, pour diverses raisons méthodologiques, difficile à quantifier.
L’épaisseur du cortex est peu modifiée, ce qui suggère qu’il y a plutôt
disparition de colonnes corticales et une diminution de la longueur du ruban
cortical [42]. L’examen histologique ne donne qu’une vue très imparfaite de la
perte neuronale, puisque l’on voit ce qui reste, plutôt que ce qui a disparu. Il
n’en demeure pas moins que la souffrance neuronale est souvent extrême,
visualisée par la DNF qui affecte les réseaux neuronaux dans de nombreuses
aires cérébrales, et par une diminution importante de la concentration en
terminaisons synaptiques.
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– la production d’Aβ bloque la fonction cholinergique : le peptide Aβ soluble
semble bloquer le relargage de l’acétylcholine tandis que le peptide Aβ agrégé
bloque le transport des lipides et le flux de choline [6] ; Aβ peut jouer
également une action neurotoxique sur les cellules cholinergiques ;
– inversement, la stimulation des récepteurs muscariniques M1 augmente la
libération de sAPP et diminuerait la production de Aβ ; la partie soluble de
l’APP (sAPP), libérée dans le domaine extracellulaire après coupure par l’αsécrétase (fig 2, 5), stimule l’acétylcholine-transférase et exerce son action
neurotrophique.
Autres systèmes de neurotransmetteurs
Gliose réactionnelle
Une réaction gliale importante est observée parallèlement à la perte
neuronale. Elle est visualisée sur coupe histologique par la présence
d’astrocytes hypertrophiques, et démontrée biochimiquement par
l’augmentation considérable des taux de GFAP (glial fibrillary acidic
protein), protéine de base des filaments gliaux. Le rôle des astrocytes au cours
de la gliose est principalement de phagocyter les neurones morts. On observe
également une importante concentration de cellules microgliales, qui ont un
rôle de phagocytose des lésions cérébrales et participent à la réaction
inflammatoire.
Systèmes de neurotransmetteurs
Système cholinergique
C’est le système qui est atteint le plus précocement. L’activité de l’enzyme de
synthèse de l’acétylcholine, la choline-acétyltransférase (ChAT), est
anormalement basse dans le cerveau des patients Alzheimer, surtout dans les
régions affectées par la maladie comme l’hippocampe et le cortex cérébral.
Les neurones cholinergiques sont situés essentiellement dans le septum, avec
des projections vers l’hippocampe et le noyau basal de Meynert, avec des
projections diffuses vers le cortex. Les biopsies corticales pratiquées au stade
précoce de la MA ont révélé essentiellement un déficit cholinergique.
L’acétylcholinestérase (AchE) dégrade l’acétylcholine au niveau de la fente
synaptique (fig 5). Les molécules qui inactivent cette enzyme augmentent les
taux d’acétylcholine, avec un effet bénéfique sur la stimulation des fonctions
cognitives, voire comportementales, des patients Alzheimer. Ces molécules
(tacrine, rivastigmine, donepezil) sont la base des traitements
symptomatiques actuels contre la MA [55]. Cette action bénéfique est possible
parce que les récepteurs muscariniques situés sur les neurones
postsynaptiques sont relativement épargnés. Les récepteurs muscariniques
sont liés aux protéines G. Ils jouent un rôle important dans la mémoire de
travail. Les récepteurs nicotiniques sont des canaux ioniques, situés
essentiellement du côté présynaptique, avec une action sur le relargage
d’acétylcholine. Les agonistes muscariniques et nicotiniques pourraient avoir
une activité pharmacologique intéressante [76] , en cours d’exploration
actuellement.
À noter qu’il semble exister un lien entre le métabolisme de l’APP et de
l’acétylcholine, qui fonctionne dans l’un des deux sens suivants :
La DNF va s’étendre rapidement à de nombreuses régions corticales et souscorticales, ce qui explique que de nombreux systèmes de neurotransmetteurs
soient atteints. À vrai dire, aucun système ne semble épargné, qu’il soit
glutamatergique, monoaminergique ou GABAergique.
Les neurones corticaux pyramidaux de projection (projections
corticocorticales ou sous-corticales) synthétisent des aminoacides
excitateurs, comme le glutamate ou l’aspartate, qui leur servent de
neurotransmetteurs. Les grandes cellules pyramidales atteintes par la DNF
sont glutamatergiques.
Parmi les systèmes de neurones corticaux intrinsèques, plusieurs catégories
semblent atteintes, comme les neurones synthétisant des neuropeptides tels la
somatostatine ou le CRF. Les neurones GABAergiques les plus atteints sont
ceux qui contiennent de la somatostatine [12].
Il existe un déficit des systèmes monoaminergiques dont les corps cellulaires
d’origine sont situés dans le tronc cérébral (systèmes noradrénergiques ou
sérotoninergiques). Ces systèmes appartiennent, comme les voies
cholinergiques, à la catégorie des systèmes à projections diffuses. En effet,
ces réseaux neuronaux innervent de vastes régions du cerveau, dont le cortex
et l’hippocampe. Leur atteinte semble moins constante que l’atteinte des
systèmes cholinergiques, et peut être limitée aux formes à début précoce,
toujours sévèrement affectées. Les taux de noradrénaline sont abaissés dans
le cortex et il existe une perte neuronale variable, parfois importante dans le
locus coeruleus, où sont situés les corps cellulaires d’origine des voies
noradrénergiques. Cette perte neuronale a été corrélée avec l’existence
clinique d’une dépression. De même, une perte neuronale dans les noyaux du
raphé entraîne une baisse de taux de sérotonine dans le cortex.
Au total, on observe un effondrement progressif des systèmes de
neurotransmetteurs qui suit la progression du processus dégénératif. Cette
progression s’effectue en fonction de la vulnérabilité de certaines populations
neuronales (cortex entorhinal, hippocampe, amygdale et noyau basal de
Meynert), selon des voies corticocorticales puis cortico-sous-corticales [91].
Physiopathologie
Deux sources importantes d’informations, génétiques et anatomocliniques,
permettent de préciser la cascade d’événements qui vont provoquer la
destruction de nombreux réseaux neuronaux et l’atteinte des fonctions
intellectuelles.
5 Relation entre le métabolisme de la protéine APP et le
système cholinergique.
Le métabolisme de l’acétylcholine est régulé par deux enzymes:
l’acétylcholine-transférase (ChAT) qui permet sa synthèse à partir
de la choline et de l’acétylcoenzyme-A, et l’acétylcholinestérase
qui coupe la molécule en acétate et choline. Les anticholinestérasiques (tacrine, ENA 713, donepezil, metrifonate, etc) inhibent
le catabolisme de l’acétylcholine, et augmentent les concentrations d’acétylcholine dans la fente synaptique.
L’acétylcholine active les récepteurs muscariniques et nicotiniques des neurones postsynaptiques [76]. Cette activation semble
interférer sur le métabolisme de l’APP, en favorisant la libération
de sAPP dans le domaine extracellulaire. La sAPP possède des
domaines à activité neurotrophique (cf fig 3) et active la ChAT.
Lorsque le métabolisme de l’APP provoque la libération du peptide Aβ en excès, une action négative est observée au niveau du
catabolisme de l’acétylcholine : il y a inhibition du relargage d’acétylcholine, diminution du transport des lipides et du flux de choline,
ainsi qu’une neurotoxicité probable vis-à-vis des neurones cholinergiques.
page 5
17-056-A-10
MALADIE D’ALZHEIMER
Neurologie
6 Physiopathologie de la maladie d’Alzheimer (MA)
A. Carrefour métabolique APP et amyloïdogenèse : les mutations
pathologiques des gènes APP, PS1 et PS2 nous enseignent que
le carrefour métabolique APP/PS1 est directement impliqué dans
la pathologie de la MA. Les dysfonctionnements de l’APP conduisent à son catabolisme anormal, libérant ainsi le peptide amyloïde
Aβ, essentiellement sous sa forme 1-42. Ce dernier s’agrège sous
forme de plaques séniles, sous l’influence d’autres cofacteurs
(ApoE, complément, protéoglycannes). Les plaques séniles s’accumulent dans la presque totalité de la substance grise du cortex
cérébral.
A à E. La dégénérescence neurofibrillaire (DNF). Les dysfonctionnements de l’APP (A) ou la neurotoxicité du peptide
Aβ (B) provoquent la dégénérescence du neurone. L’APP
est une protéine ubiquitaire, mais le dysfonctionnement de
l’APP affecte peut-être essentiellement les neurones (A’),
provoquant simultanément ou secondairement la production de peptide Aβ (B’). Le processus de DNF (C) se manifeste par l’accumulation de filaments pathologiques nommés PHF (paires de filaments appariées en hélice, paired
helical filaments) dans les neurones. Les PHF sont constituées de protéines microtubulaires Tau anormales nommées «Tau 55, 64, 69 » ou Tau-PHF. Les neurones en
dégénérescence meurent (D) ; les débris cellulaires sont
digérés par les cellules gliales (astrocytes, cellules microgliales). Le processus dégénératif envahit le cortex cérébral
selon un chemin de connections nerveuses très précis et
hiérarchisé (E). Il provoque au fur et à mesure l’altération de
toutes les fonctions intellectuelles. La dynamique de la
cascade physiopathologique est certainement modulée par
des facteurs accélérateurs (réaction inflammatoire des
cellules microgliales, apoE E4, radicaux libres, stress
oxydatif) ou ralentisseurs (œstrogènes, antioxydants,
anti-inflammatoire non stéroïdiens, apoE E2, etc).
Données génétiques
Quelle est la cause précise de la mort neuronale ?
Elles indiquent que l’étiologie de la MA résulte d’un dysfonctionnement du
carrefour métabolique des protéines APP, PS1 et PS2. Des mutations
pathologiques sur trois gènes sont directement responsables de formes
familiales autosomiques dominantes de la MA. Ces mutations sont observées
sur les gènes de l’APP, de la PS1 et de la PS2 situés respectivement sur les
chromosomes 21, 14 et 1. Les mutations pathologiques sur APP et PS1
provoquent inexorablement l’apparition de la MA entre 30 et 55 ans (fig 2, 6).
Les formes familiales présentent un tableau neuropathologique similaire aux
formes dites « sporadiques », ce qui suggère un dysfonctionnement
physiologique similaire.
Dans les formes familiales, ainsi que dans les modèles cellulaires (cellules
transfectées avec le gène de l’APP ou de PS1 mutée) et animaux (animaux
transgéniques avec le gène muté) [62], les mutations pathologiques de chacun
des trois gènes provoquent une augmentation de la production de Aβ et du
rapport Aβ 1-42 sur 1-40 (fig 2, 6). De plus, les souris transgéniques avec ces
mutations développent fréquemment de nombreuses plaques amyloïdes.
Nous pouvons en conclure que ces trois gènes agissent sur le même carrefour
métabolique où la protéine APP joue un rôle central.
Il s’agit du cœur du problème, discuté âprement par les spécialistes qui ne sont
pas tous du même avis. Deux hypothèses s’affrontent :
– pour certains, la DNF et la mort neuronale résultent de la neurotoxicité du
peptide Aβ ; de plus en plus souvent, il est mentionné que ce n’est pas le
peptide Aβ des plaques séniles qui serait toxique, mais l’Aβ intracellulaire,
lors de sa production ;
– pour d’autres, la cause de la dégénérescence pourrait être une altération des
fonctions physiologiques de l’APP (fig 2), modulée par PS1 ou PS2 (fig 6) ;
l’amyloïde Aβ ne serait qu’un reflet et une conséquence de ces
dysfonctionnements.
La réponse viendra d’une meilleure connaissance du fonctionnement normal
de ces protéines, nouvellement découvertes et encore relativement inconnues.
Signes cliniques
Les signes cliniques sont liés à l’extension de la DNF dans les régions
corticales associatives. La plupart des études de corrélation entre plaques
amyloïdes, DNF et signes cliniques indiquent que ce qui est véritablement
corrélé aux manifestations
cliniques correspond à la DNF dans les régions
[9, 33, 41]
associatives
. Des dépôts amyloïdes sont observés fréquemment chez les
non-déments. Ils peuvent correspondre à la phase infraclinique. La DNF n’est
corrélée que si un certain seuil de destruction neuronale est atteint, lorsque le
système de compensation par les neurones encore fonctionnels ne peut plus
suppléer (fig 4). Les plaques séniles (plaques neuritiques) sont également
corrélées à la démence, mais on peut noter qu’elles correspondent à la
coexistence de deux types de lésions : il s’agit de dépôts d’Aβ entourés de
neurites en dégénérescence marqués par les anticorps anti-Tau-PHFs. Ces
plaques neuritiques indiquent bien que la MA est la coexistence ou la
succession de deux processus pathologiques : l’amyloïdogenèse et la DNF.
page 6
Peut-on avoir une vue d’ensemble de la cascade
pathologique conduisant à la maladie d’Alzheimer ?
Hormis le problème du peptide Aβ, agent neurotoxique causal ou marqueur
d’une perte ou d’un gain de fonction des protéines APP, PS1 et PS2, nous
disposons actuellement de données suffisamment solides pour proposer un
schéma d’ensemble des réactions successives qui vont provoquer la démence
de type Alzheimer. Ce schéma doit prendre en compte les dysfonctionnements
moléculaires au niveau intracellulaire (le peptide Aβ intracellulaire est-il
toxique ?), cellulaire (quelles sont les cellules qui produisent le peptide Aβ :
les neurones, les astrocytes ou les cellules endothéliales ?), tissulaire et des
ensembles neuronaux (quelles sont les premières régions touchées, y a-t-il un
chemin de la dégénérescence neuronale ?).
Le schéma récapitulatif doit tenir compte de la spécificité (souvent limitée)
de chaque processus physiopathologique (par exemple, la DNF est observée
dans de nombreuses affections neurodégénératives et la substance amyloïde
est observée parfois dans les démences avec corps de Lewy).
Ce schéma doit tenir compte de l’évolution de la maladie dans le temps et dans
l’espace. Le facteur temporel concerne l’installation de la maladie (phase
asymptomatique) et les différents stades de la maladie. Le facteur spatial
concerne l’implication des différents types cellulaires, puis des différentes
régions cérébrales dans l’expression clinique.
Neurologie
MALADIE D’ALZHEIMER
Pour établir ce schéma, il convient de faire un bilan du rôle précis joué par
chaque facteur de la cascade physiopathologique. Ce bilan étant fait, l’écriture
de l’histoire naturelle (et moléculaire) de la MA devient possible.
Facteurs génétiques
Ils indiquent incontestablement l’origine de la pathologie et démontrent que
les gènes APP, PS1 et PS2 jouent un rôle central. Cependant, 50 % des formes
familiales restent inexpliquées. Les formes familiales pures (autosomiques
dominantes) sont rares et ne représenteraient que 0,3 à 1 % de l’ensemble des
cas. La neuropathologie des cas familiaux et sporadiques étant identique, ces
formes familiales nous indiquent précisément le point de départ de la
pathologie : le carrefour métabolique de la protéine APP. Ceci est conforté
par les modèles expérimentaux, qui montrent que des souris transgéniques
avec ces gènes développent de nombreuses plaques amyloïdes [62].
L’allèle e4 de l’apoE (apoE) est retrouvé plus fréquemment chez les patients
Alzheimer, par rapport à une population témoin appariée en fonction de l’âge
et suggère que l’apoE e4 est un facteur de risque de la MA, alors que l’allèle
e2 serait un facteur neuroprotecteur (cf supra). Des concentrations familiales
de MA peuvent être parfois observées, suite à une ségrégation des génotypes
e3e4 et e4e4 parmi les membres de la famille [83]. Cependant, l’allèle e4 de
l’apoE n’est qu’un facteur de risque, et non un dysfonctionnement génétique
dominant comme les mutations sur les gènes APP, PS1 et PS2, car les porteurs
du génotype e4e4 ne développent pas nécessairement la MA.
Lésions amyloïdes
Le dysfonctionnement de la protéine APP, dont le rôle trophique semble bien
établi, et la neurotoxicité du peptide Aβ vont altérer le fonctionnement
neuronal. Les dépôts d’amyloïde étant diffus et la protéine APP étant
ubiquitaire, on peut penser qu’il s’agit d’une altération générale plutôt que
ciblée à un groupe neuronal précis.
Cette diffusion générale des plaques amyloïdes, alors que les neurones
affectés par la DNF sont dans des régions cérébrales bien précises, indique
que la réalité de la MA est plus complexe que la simple relation : amyloïde
toxique implique neurone en DNF.
Vulnérabilité neuronale
Le dysfonctionnement général de l’APP devrait se porter en priorité sur les
cellules les plus vulnérables du cerveau : celles de la région hippocampique.
C’est cette même région qui va présenter systématiquement une DNF (parfois
sans plaque amyloïde) à partir de l’âge de 75 ans.
Facteurs de la DNF
La DNF n’est pas spécifique à la maladie d’Alzheimer. Elle est observée dans
d’autres pathologies : trisomie 21, syndrome de Guam, Parkinson
postencéphalitique, maladie de Niemann-Pick type C. D’autres affections
neurodégénératives peuvent être affectées par la DNF, mais les signatures
biochimiques sont différentes : doublet Tau 64, 69 de la dégénérescence
corticobasale et de la paralysie supranucléaire progressive, doublet Tau 55 et
64 de la maladie de Pick. Nous savons également que les maladies
dégénératives frontotemporales liées au chromosome 17 résultent de
mutations sur le gène Tau. Toutes ces pathologies nous indiquent que la DNF
n’est pas spécifique de la MA, mais qu’elle est toujours étroitement associée
aux troubles cognitifs lorsqu’elle est présente dans les régions corticales
associatives [32, 97]. On peut constater qu’il faut sept régions cérébrales
touchées successivement pour voir obligatoirement une expression clinique
patente. Ceci veut dire que la notion de seuil est importante et que les
phénomènes de compensation jouent un grand rôle.
Enfin, la DNF touche séquentiellement les régions cérébrales, selon un
chemin précis, invariable, prédictible. L’explication la plus logique à cette
observation est que le début de déstabilisation des populations neuronales
dans la région hippocampique va se poursuivre et se propager ensuite vers la
région voisine. La région hippocampique affectée ne va plus produire les
facteurs trophiques nécessaires à la survie des neurones connectés. Ceci va
entraîner une vulnérabilité, suivie d’une processus dégénératif, qui va
s’étendre progressivement à d’autres populations neuronales, comme une
réaction en chaîne. Ce processus d’expansion peut avoir sa propre dynamique,
relativement indépendante de la cause même de la maladie. Ralentir cette
dynamique peut être une cible thérapeutique intéressante, puisqu’elle est liée
aux manifestations cliniques [33].
Phénomènes inflammatoires
La présence d’une réaction gliale et microgliale et de protéines du
complément C1q et MAC (membrane attack complement) souligne que ce
processus peut être un cofacteur important du phénomène dégénératif.
Certains parlent de boucle autotoxique de l’inflammation [80]. La réaction
microgliale peut être médiée par le peptide Aβ, via son domaine de liaison
HHQK (fig 2). Les AINS semblent ralentir le cours de la MA. La cyclooxygénase 2 (Cox-2), qui est inductible par les médiateurs de l’inflammation,
est augmentée dans le cortex des patients Alzheimer. Elle peut être une cible
pharmacologique intéressante [80, 96].
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Autres cofacteurs
La MA est une maladie qui se développe sur de nombreuses années. Elle est
complexe parce qu’elle est l’aboutissement de plusieurs phénomènes : une
altération fonctionnelle, un processus dégénératif qui va s’étendre, une
plasticité neuronale compensatrice avec des mécanismes de réparation et une
altération des systèmes neurochimiques. Chaque étape peut être modulée par
de nombreux facteurs, neuroprotecteurs ou neurotoxiques. Ainsi, l’apoE est
un facteur de risque important qui semble jouer un rôle dans les phénomènes
de réparation où l’apoE e2 est plus efficace.
De même, tous les facteurs qui interviennent sur la survie neuronale vont
moduler la pathologie. On peut ainsi comprendre le rôle des neurostéroïdes et
en particulier des œstrogènes [91]. Plusieurs études indépendantes indiquent
une réduction du risque de MA chez les femmes ménopausées recevant une
œstrogénothérapie substitutive. Une grande étude prospective est en cours
aux États-Unis.
Au cours de la MA, la production de ROS (reactive oxygen species) et un
processus de glycation ont été démontrés. Ceci sous-entend que le stress
oxydatif est un des cofacteurs de la MA et que des traitements antioxydants
pourraient ralentir le développement de la pathologie. Enfin, d’autres facteurs
liés à la stimulation de l’activité cognitive, à l’éducation et à la réserve
neuronale sont, en toute bonne logique, des facteurs neuroprotecteurs [1].
Modèles animaux
Les souris transgéniques actuelles avec les gènes APP et/ou PS1 mutés
développent de nombreuses plaques amyloïdes, ce qui confirme que le
dysfonctionnement du carrefour métabolique APP (fig 6) est central à
l’étiologie de la MA. Cependant, on peut noter que ces souris, ou celles avec
un gène Tau humain, ne développent pas de véritable processus de DNF [62].
Par ailleurs, les animaux âgés ne développent pas de DNF comparable à ce
qui caractérise l’espèce humaine. Les souris transgéniques avec des
combinaisons de gènes mutés de l’APP, PS1 et Tau sont en cours d’étude.
Elles permettront peut-être la modélisation globale des processus dégénératifs
observés dans la MA, qui est absolument nécessaire pour développer
efficacement les approches thérapeutiques.
Au total, les progrès dans le domaine de la génétique et des marqueurs
moléculaires ont conduit à l’identification des étapes physiopathologiques de
la MA. Ceci a permis d’éliminer un certain nombre d’hypothèses étiologiques
telles que l’aluminium, l’hypothèse virale, un rôle des prions ou une origine
auto-immune. La longue et complexe cascade de dysfonctionnements
moléculaires, cellulaires, tissulaires sur les plus de 20 à 40 ans de la phase
infraclinique est modulée par de nombreux cofacteurs. La liste de ces
cofacteurs est vraisemblablement très longue. Cependant, le poids de chaque
facteur est différent et peut être variable selon les individus, expliquant
l’hétérogénéité de la MA [105].
Bilan des différents facteurs
Ces constats objectifs fondés sur les travaux de nombreuses équipes et
d’horizons différents nous amènent à suggérer que la MA est d’abord un
dysfonctionnement du carrefour métabolique APP. Ceci va influer sur la
région hippocampique et accélérer sa vulnérabilité naturelle au phénomène
de DNF. Ce phénomène va s’amplifier et gagner d’autres régions, sous la
pression constante du dysfonctionnement de l’APP. Lorsque le nombre de
neurones affectés aura dépassé un seuil, lorsque les mécanismes de
compensation dus à la plasticité neuronale seront débordés, apparaîtront les
premiers signes cliniques. Mais le processus de DNF va continuer son chemin
et toucher au fur et à mesure toutes les régions cérébrales et même de
nombreux noyaux sous-corticaux.
Diagnostic
Le diagnostic de démence de type Alzheimer repose sur les critères définis
par le DSM IV [3]. Il peut être suspecté à l’aide de tests simples d’évaluation
de l’état mental. Le Mini Mental State (MMS) de Folstein et al est l’un des
plus robustes et des plus universellement employés aussi bien à des fins
diagnostiques qu’ épidémiologiques, évolutives ou thérapeutiques. On
retiendra cependant que le MMS permet un dépistage de la démence, mais
non un diagnostic de MA, a fortiori au stade prédémentiel. Sa sensibilité et sa
spécificité ont été optimisées par plusieurs équipes, comme ont été précisées
les limites de son utilisation [48]. Les scores sont principalement dépendants
de l’âge et du niveau d’instruction [49]. Le tableau II indique selon quels
critères on peut faire varier les valeurs du MMS à des fins diagnostiques.
D’autres tests d’évaluation de l’état mental ont été proposés durant ces 20
dernières années sans avoir plus de sensibilité et de spécificité que le MMS
pour le diagnostic de démence [89, 108]. On peut rapprocher de ces tests les
batteries neuropsychologiques simplifiées qui incluent des subtests de
mémoire de Wechsler ou de Buschke, des épreuves de fluence verbale, de
catégorisation de mots, les tests de Benton de rétention visuelle et
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MALADIE D’ALZHEIMER
Tableau II. – Évaluation du Mini Mental State (d’après Fleming et al, 1995).
SCORE
Valeur seuil
Niveau d’instruction
primaire
secondaire
supérieur
Gravité
Normes selon l’âge
40-49
50-59
60-69
70-79
80-89
< 24
< 21
> 25
Anormal
Risque de démence augmenté
Risque de démence diminué
< 21
< 23
< 24
Anormal
Anormal
Anormal
24-30
18-23
0-17
Moyenne
30
29
29
29
27
Pas de démence
Atteinte cognitive modérée
Atteinte cognitive sévère
Extrêmes
28-30
26-30
25-30
25-30
24-30
d’orientation. Ces épreuves plus sélectives d’évaluation du déficit cognitif
n’ont qu’une valeur de dépistage pour le diagnostic de maladie d’Alzheimer.
Leur reproductibilité, leur simplicité se prêtent à des évaluations séquentielles
comparatives pour juger de l’évolutivité de la maladie.
Parmi les critères diagnostiques de la maladie d’Alzheimer, trois ont fait
l’objet d’un développement spécifique et d’une utilisation internationale : le
DSM IV dérivé des versions antérieures DSM III et DSM IIIR, la
classification CIM 10 de l’OMS et les critères NINCDS/ADRDA.
Les critères NINCDS/ADRDA [81] définissant les formes probable, possible
et certaine du diagnostic sont rappelés ci-dessous. Pour ces derniers qui n’ont
pas varié en plus de 10 ans, c’est spécifiquement le terme de maladie
d’Alzheimer qui a été retenu pour éviter toute confusion avec d’autres
démences dégénératives.
Ces trois niveaux de probabilité (certaine, probable et possible) rappellent la
difficulté de conclure cliniquement en l’absence de marqueur spécifique
biologique ou d’imagerie, seule l’étude pathologique ayant une valeur
formelle pour un diagnostic « certain ». Le diagnostic « probable » qui a le
meilleur niveau de fiabilité en l’absence de vérification anatomique suppose
l’apparition insidieuse de troubles mnésiques et d’une autre fonction
cognitive, une évolution progressive, l’absence de troubles de vigilance,
l’exclusion de toute autre cause de démence. On remarquera que le NINCDS
et le DSM IV font référence au concept clinique de démence qui est en fait
rarement présent au début de la maladie, à un stade où les perturbations sont
perceptibles cliniquement et font de plus en plus souvent l’objet d’une
consultation.
Les informations nécessaires au diagnostic font appel à l’interrogatoire, à
l’examen clinique et aux examens complémentaires. Les manifestations les
plus fréquentes, bien explorées par les échelles type IADL (Instrumental
Activities of Daily Living) sont les oublis, les erreurs topographiques, les
difficultés quotidiennes dans les activités demandant une stratégie (utiliser les
transports, le téléphone, bricoler, etc), les problèmes d’adaptation aux
changements d’environnement, les troubles de la lecture, de l’écriture, la
manipulation de sommes d’argent, la gestion de médicaments. Très
rapidement, ces troubles conduisent à un isolement social ou à un arrêt de
l’activité professionnelle pour les sujets les plus jeunes. Les modifications de
la personnalité, des troubles psychiques ou du comportement encore mineurs
sont fréquemment associés. Contrairement à l’examen neuropsychologique
qui est déterminant, il n’y a pas grand-chose à attendre de l’examen clinique
traditionnel où aucun signe physique n’est habituellement présent au début
de la maladie. C’est seulement la recherche de signes ou symptômes orientant
vers une autre cause (psychiatrique, vasculaire, infectieuse, néoplasique, etc)
qui importe. Pour les sujets les plus âgés, la prise en compte des déficits
perceptifs élémentaires (vision, audition), des carences nutritionnelles, mais
aussi affectives contribue à la fiabilité du diagnostic. De même, toute
sémiologie organique atypique, neurologique (épilepsie, troubles de la
marche, troubles sphinctériens précoces, signes de localisation) ou non
(altération de l’état général, douleurs, fièvre, troubles digestifs, insuffisance
cardiaque, etc) incitent à placer des indicateurs de suspicion. Quant aux
examens complémentaires, ils sont plus utiles au diagnostic différentiel qu’au
diagnostic de MA (cf infra). Le diagnostic probable ou possible de MA est
donc le plus souvent fait, après examen clinique et examens complémentaires,
par exclusion d’autres causes de démences, curables, vasculaires ou
dégénératives, la certitude n’étant donnée, actuellement, que par l’examen
neuropathologique.
La validation des critères diagnostiques de MA a révélé des discordances de
reproductibilité en partie fonction de la définition de certains items [10, 51].
Plusieurs études anatomiques prospectives ont validé, à l’aide de l’imagerie,
les critères cliniques, ceux du DSM III, du CERAD, du NINCDS. La validité
du diagnostic n’a pratiquement jamais été inférieure à 70 %, le plus souvent
située entre 80 et 90 %, une fois égale à 100 %. [28] En réalité, beaucoup de ces
études ont accepté le diagnostic de MA malgré des lésions vasculaires de
petite taille. Deux études [29, 111] ont bien montré que selon les critères
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Neurologie
anatomiques retenus, le diagnostic de MA pouvait être discuté au profit du
diagnostic de démence mixte ou, plus rarement, vasculaire, ce qui a conduit à
proposer le concept de MA avec lésions vasculaires. Néanmoins, les critères
neuropathologiques eux-mêmes doivent être mieux standardisés pour réaliser
un réel consensus clinicopathologique [65].
Critères diagnostiques de démence de type Alzheimer
définis par le DSM IV [3] (traduction JD Guelfi et al, 1996)
A. Apparition de déficits cognitifs multiples comme en témoignent à la fois :
– 1) une altération de la mémoire (altération de la capacité à apprendre des
informations nouvelles ou à se rappeler les informations apprises
antérieurement) ;
– 2) une (ou plusieurs) des perturbations cognitives suivantes : a) aphasie
(perturbation du langage) ; b) apraxie (altération de la capacité à réaliser
une activité motrice malgré des fonctions motrices intactes) ; c) agnosie
(impossibilité de reconnaître ou d’identifier des objets malgré des fonctions
sensorielles intactes) ; d) perturbations des fonctions exécutives (faire des
projets, organiser, ordonner dans le temps, avoir une pensée abstraite).
B. Les déficits cognitifs des critères A1 et A2 sont tous les deux à l’origine
d’une altération significative du fonctionnement social ou professionnel et
représentent un déclin significatif par rapport au niveau de fonctionnement
antérieur.
C. L’évolution est caractérisée par un début progressif et un déclin cognitif
continu.
D. Les déficits cognitifs des critères A1 et A2 ne sont pas dus à :
– d’autres affections du système nerveux central qui peuvent entraîner des
déficits progressifs de la mémoire et du fonctionnement cognitif : maladie
cérébrovasculaire, maladie de Parkinson, maladie de Huntington,
hématome sous-dural, hydrocéphalie à pression normale, tumeur cérébrale,
etc ;
– des affections générales pouvant entraîner une démence : hypothyroïdie,
carence en vitamine B 12 ou en folates, pellagre, hypercalcémie,
neurosyphilis, infection par le VIH, etc ;
– des affections induites par une substance.
E. Les déficits ne surviennent pas de façon exclusive au cours de l’évolution
d’un delirium.
F. La perturbation n’est pas mieux expliquée par un trouble de l’axe I (par
exemple, trouble dépressif majeur, schizophrénie).
Critères diagnostiques NINCDS/ADRDA de MA [81]
(traduction P Davous, 1992)
Maladie d’Alzheimer probable
Les critères diagnostiques de MA probable comprennent :
– une démence mise en évidence par l’examen clinique et étayée par le MMS
de Folstein et al (1975), l’échelle de Blessed et al (1968) ou par un test
équivalent, et confirmée par des tests neuropsychologiques ;
– un déficit d’au moins deux fonctions cognitives ;
– une altération progressive de la mémoire et d’autres fonctions cognitives ;
– une absence de trouble de la vigilance ;
– un début entre 40 et 90 ans, le plus souvent après 65 ans ;
– l’absence d’affection systémique ou cérébrale susceptible d’être
responsable de l’altération progressive de la mémoire et des autres fonctions
cognitives.
Le diagnostic de MA probable s’appuie sur les critères suivants :
– une aggravation progressive de fonctions cognitives précises comme le
langage (aphasie), les activités motrices (apraxie) ou perceptives (agnosie) ;
– une réduction des activités de la vie quotidienne et des troubles du
comportement ;
– une histoire familiale de troubles identiques, surtout s’ils ont été confirmés
anatomiquement ;
– les résultats paracliniques suivants : liquide céphalorachidien (LCR) de
formule cytochimique normale, électroencéphalogramme normal ou perturbé
de façon non spécifique par des ondes lentes diffuses, atrophie cérébrale au
scanner, s’aggravant lors d’évaluations successives.
Après exclusion d’autres causes de démence, sont compatibles avec le
diagnostic de MA probable les éléments suivants :
– présence d’une phase évolutive en plateau ;
– présence des signes suivants : syndrome dépressif, insomnie, incontinence
sphinctérienne, hallucinations, bouffées d’agressivité verbale ou physique,
émotivité excessive, troubles sexuels, amaigrissement ;
– d’autres anomalies neurologiques survenant en général à un stade avancé
de la maladie : hypertonie, myoclonies, troubles de la marche, crises
convulsives ;
Neurologie
MALADIE D’ALZHEIMER
– un scanner cérébral normal pour l’âge.
Le diagnostic de MA probable est incertain en cas de :
– début brutal ;
– signes neurologiques focaux (hémiparésie, troubles sensitifs, troubles du
champ visuel, incoordination, crises convulsives, troubles de la marche) s’ils
surviennent à une phase initiale ou peu évoluée de la maladie.
Maladie d’Alzheimer possible
Le diagnostic de MA possible associe les arguments suivants :
– présence d’un syndrome démentiel ;
– absence d’affection neurologique, psychiatrique ou systémique suffisante
pour expliquer la démence ;
– présence d’une atypie dans le mode de début, le syndrome clinique ou
l’évolution, appréciée par l’anamnèse, l’examen neurologique, psychiatrique
et systémique, les tests neuropsychologiques et les examens
complémentaires.
Ce diagnostic est compatible avec l’existence d’une autre affection cérébrale
susceptible d’entraîner une démence si elle n’est pas considérée comme le
facteur étiologique dans le cas considéré.
Il doit être utilisé dans les protocoles de recherche lorsqu’il n’existe qu’un
seul déficit cognitif sévère s’aggravant progressivement, s’il n’existe pas
d’autre cause identifiable.
17-056-A-10
comme en témoigne la possibilité qu’ont les malades de réaliser et mémoriser
des apprentissages et programmes moteurs dans des conditions semblables
aux sujets contrôles jusqu’à un stade avancé de la maladie. Les intrusions, qui
se rencontrent dans la plupart des syndromes amnésiques, sont
particulièrement fréquentes dans la MA aux stades de démence modérée, mais
leur valeur prédictive est controversée. Il en est de même des fabulations,
présentes dans 20 à 70 % des cas [115].
En fonction des différents stades évolutifs de la maladie, on a pu proposer un
profil hiérarchisé des déficits mnésiques touchant successivement mémoire
épisodique, mémoire de travail, mémoire sémantique et mémoire
procédurale. Ce profil évolutif pourrait refléter l’extension des lésions
anatomiques partant des structures hippocampiques, pour s’étendre aux aires
frontales, aux aires associatives temporales et enfin aux structures souscorticales [33, 78].
Troubles du langage oral et écrit
Les déficits neuropsychologiques de la MA ont les caractéristiques
sémiologiques d’une démence corticale. Ils sont généralement corrélés à la
topographie et à la sévérité des lésions étudiées anatomiquement, par
imagerie tridimensionnelle ou métabolique [37]. Ils doivent être analysés en
fonction de la sévérité des troubles cognitifs et de certaines données
comportementales intégrant les modifications de la personnalité, les facteurs
psychologiques, la motivation (conation) et la conscience des troubles
(nosognosie). Certains tests ont été proposés pour une détection
présymptomatique de la MA [66], alors que d’autres ont été adaptés pour
évaluer des formes particulièrement avancées de la maladie [95].
On a pu décrire des variations neuropsychologiques significatives, à la fois
entre différentes fonctions cognitives et au sein d’une même fonction,
reflétant non seulement des variétés de topographie lésionnelle, mais aussi des
variations interindividuelles [67]. Les études de groupes portant sur des
malades vus assez précocement, comme les études longitudinales, ont bien
montré cette hétérogénéité [43, 58]. Néanmoins, même avec des batteries
d’examen complètes et variées, les études portant sur des malades plus
évolués et les études de suivi montrent de fortes corrélations des scores
d’altération des différentes fonctions cognitives, suggérant une voie finale
commune de détérioration globale [63, 102].
Signalés dès la description princeps d’Alzheimer, les troubles du langage
touchent environ un tiers des cas au début, et la quasi-totalité des malades au
stade de démence sévère, leur fréquence et leur sévérité s’accentuant avec
l’évolution [46]. Dans la MA, le langage spontané reste longtemps fluent, sans
erreur phonologique ou syntaxique majeure, mais devient moins informatif
par appauvrissement sémantique avec paraphasies, puis jargon. Plusieurs
auteurs ont insisté sur l’anomie (difficulté à nommer les objets présentés
visuellement), indépendamment des capacités de reconnaissance visuelle,
rapportée à une perte d’accès à la mémoire lexicale et/ou à une erreur de
discrimination sémantique [82]. En situation de test, la réduction de la fluence
verbale contraste avec la relative aisance du langage spontané. L’étude du
discours narratif (description d’une image complexe, d’une situation imagée)
révèle sa détérioration au cours de l’évolution, mais cette situation met en jeu
d’autres concepts (abstraction, reconnaissance visuelle...). La répétition est
longtemps préservée pour les mots et les phrases simples, alors qu’elle s’altère
progressivement pour les phrases complexes. La compréhension
auditivoverbale et visuelle élémentaire et la lecture de mots à voix haute
restent longtemps possibles, alors que les stades plus complexes de traitement
de l’information sont partiellement altérés et évoluent parallèlement aux tests
de détérioration. Contrairement aux démences vasculaires, l’aspect
articulatoire et phonologique du langage n’est altéré qu’au stade ultime de la
maladie où apparaissent écholalie, palilalies, logoclonies [25].
Les troubles de l’écriture s’observent spontanément et en copie chez la plupart
des malades. Ils peuvent être précoces. Les caractéristiques de l’agraphie
associent à des degrés divers des agraphies aphasiques avec substitutions,
dysorthographie, erreurs grammaticales, des perturbations spatiales du
graphisme ou encore une réduction du discours narratif, avec des intrusions
sémantiques et des persévérations [23]. L’agraphie, où les perturbations
lexicosémantiques précèdent l’atteinte phonologique et syntaxique, est
corrélée à la sévérité du syndrome démentiel. De plus, les différents aspects
des troubles linguistiques (dénomination, compréhension, expression orale et
écrite) sont corrélés entre eux [46]. La sévérité des troubles du langage est
également corrélée à la diminution du métabolisme dans l’hémisphère gauche
et plus spécifiquement du gyrus angulaire pour les processus graphiques
lexicaux. D’une façon générale, les troubles du langage évoluent
parallèlement aux autres déficits neuropsychologiques et leur sévérité est
corrélée [25, 63, 102] (fig 7A).
Troubles de mémoire
Manifestations apraxiques
Les troubles de mémoire sont constants au cours de l’évolution de la MA et
constituent dans la plupart des cas les premiers symptômes de la maladie,
qu’il s’agisse des formes préséniles ou séniles. Les performances mnésiques
de ces malades diffèrent quantitativement et qualitativement de celles des
sujets normaux ou atteints de troubles mnésiques sans démence. Elles sont
explorées aujourd’hui de façon standardisée et hiérarchisée [44]. Excepté la
mémoire immédiate, liée à la vigilance et longtemps intacte, les deux types
de mémoire, à court et long termes, sont affectés dans la MA. Le défaut de
mémoire à court terme ou mémoire de travail résulterait d’une diminution
globale des capacités de traitement de l’information impliquant précocement
l’administrateur central. La mémoire à long terme, qui concerne les souvenirs
directement accessibles à la conscience, qui code des événements vécus dans
le temps et dans l’espace, est très déficitaire. Les tests de mémoire verbale
montrent que l’effet de primauté (qui reflète la mémoire à long terme) est
précocement altéré, alors que l’effet de récence (qui reflète la mémoire à court
terme) reste plus longtemps conservé. Les scores du rappel libre à long terme
et de la sensibilité à l’indiçage sont précocement déficitaires [40, 115]. L’atteinte
de la mémoire sémantique est plus tardive que celle de la mémoire épisodique,
révélant une dégradation hiérarchisée avec troubles des fluences catégorielles,
déficit des tâches de connaissance générale, déficit aux épreuves
d’appariement,
rapidement intriquée avec les troubles du langage oral et
[60, 78, 82]
. Cette atteinte mnésique épisodique et sémantique se reflète dans
écrit
les troubles de mémoire autobiographique. La mémoire implicite,
procédurale, serait moins touchée que la mémoire explicite, déclarative,
Les manifestations apraxiques peuvent toucher à des degrés divers l’ensemble
des fonctions qui constituent l’organisation gestuelle. L’apraxie constructive
est probablement l’une des manifestations les plus constantes de ce domaine,
souvent précoce. Elle s’objective par l’ écriture et des épreuves de dessin plus
ou moins complexes. Les anomalies le plus fréquemment rencontrées sont le
défaut de placement ou d’organisation spatiale, la négligence d’une partie de
l’espace, les simplifications, la perte de perspective, de parallélisme ou de
concentricité, le recouvrement ou closing in [73] (fig 7B).
La fréquence des apraxies idéatoire et idéomotrice est controversée, fonction
des formes cliniques et du stade évolutif [34, 100, 102]. Les autres formes d’apraxie
ont été moins étudiées : l’apraxie réflexive serait particulièrement précoce,
l’apraxie buccolinguale peut être associée à certaines formes aphasiques,
l’apraxie de l’habillage n’est pas rare à un stade évolué de la démence [35]. Les
symptômes pariétaux seraient plus fréquents dans les formes précoces de MA.
Ces apraxies reflètent un dysfonctionnement hémisphérique partiellement
latéralisé qui rend compte des corrélations entre apraxie constructive et
désorientation spatiale ou métabolisme cortical de l’hémisphère droit, mais
les corrélations anatomiques sont encore insuffisamment établies.
Maladie d’Alzheimer certaine
Le diagnostic de certitude de MA repose sur la réunion de tous les critères
nécessaires au diagnostic de MA probable et une confirmation
anatomopathologique par biopsie ou autopsie.
Sémiologie neuropsychologique
Manifestations agnosiques
La fréquence de l’anosognosie dans la MA a été confirmée dans des études
spécifiques et sa signification a été rapportée par certains à la prééminence de
dysfonctionnements frontaux [90].
page 9
17-056-A-10
MALADIE D’ALZHEIMER
Neurologie
A
7 Caractéristiques de l’aphasie, de l’agraphie et de l’apraxie
constructive à trois stades évolutifs différents de la maladie
d’Alzheimer.
A. Caractéristiques de l’aphasie et de l’agraphie.
B. Caractéristiques de l’apraxie constructive.
B
page 10
Neurologie
MALADIE D’ALZHEIMER
Les troubles de reconnaissance visuelle pour les images complexes, les
visages, les objets, indépendants des lésions oculaires dues au vieillissement
toucheraient environ un tiers des cas [35, 102]. Quelques cas d’agnosie visuelle,
d’asimultagnosie, de négligence visuospatiale ou de syndrome de Balint ont
été signalés à un stade précoce de la maladie et peuvent représenter la
sémiologie dominante pendant plusieurs années [31, 61].
Troubles des fonctions exécutives
Définis par une perte de l’initiative, des capacités de jugement et de
raisonnement, des fonctions de planification et de régulation des tâches, les
troubles des fonctions exécutives caractérisent la démence mais ne sont pas
spécifiques de la MA. Cliniquement, une évaluation succincte fait appel aux
capacités d’abstraction du malade dans les épreuves de définition ou de
catégorisation de mots, et consiste à lui faire trouver des similitudes ou
résoudre des problèmes simples et réaliser des tâches où interviennent
attention, catégorisation, programmation. Ces troubles sont évalués au mieux
par des échelles standardisées comme la WAIS (Wechsler Adult Intelligence
Scale), les matrices de Raven, les temps de réaction, le Trail making Test, le
test de Stroop, le Wisconsin. Dans la MA, les troubles des fonctions
exécutives reflètent la sévérité de la démence, le degré d’anosognosie, la
sévérité des lésions frontales [98].
Troubles psychiques et du comportement
La fréquence de la dépression et ses conséquences sur la démence ont été
diversement appréciées, mais l’association des deux syndromes, qu’ils se
succèdent ou coexistent, est généralement acceptée [50] . Les épisodes
dépressifs majeurs seraient moins fréquents que dans les démences
vasculaires.
De simples comportements passifs ou négatifs, distincts de ceux existant dans
la dépression, sont fréquents au début de la MA, associant troubles de
l’attention, perte d’initiative et réduction d’activité, émoussement affectif,
anhédonie. Les modifications de la personnalité, du caractère, avec altération
ou renforcement des traits prémorbides sont classiques. Les troubles du
comportement le plus fréquemment signalés sont l’agitation, l’agressivité,
l’errance, la perte d’hygiène, l’incontinence sphinctérienne, l’altération des
rythmes de sommeil qui ont tendance à s’aggraver parallèlement au déficit
cognitif [110]. Les perturbations des comportements alimentaire et sexuel sont
plus rares. Les hallucinations et les idées délirantes, à thème de préjudice ou
de persécution, non spécifiques, s’observeraient dans 20 à 50 % des cas [88].
Des échelles d’évaluation, comme le Neuropsychiatric Inventory ou
« Échelle de dyscomportement frontal », contribuent à mieux analyser et
quantifier les troubles psychocomportementaux et à les distinguer de ceux
propres aux démences frontotemporales. Les épisodes confusionnels sont
souvent favorisés par une affection intercurrente, un changement
d’environnement ou une intervention pharmacologique intempestive.
17-056-A-10
hypertonie d’opposition ou un mélange des deux. Cette rigidité,
classiquement décrite comme paratonia ou gegenhalten, est particulièrement
fréquente dans les formes évoluées de la maladie où elle s’associe
significativement aux troubles de la marche [30]. Le tremblement d’attitude
n’est pas rare, contrairement au tremblement de repos typiquement
parkinsonien. Les dyskinésies bucco-linguo-faciales paraissent plus
fréquentes dans les formes sévèrement évoluées de la maladie, de même que
les réflexes de grasping ou de préhension et de la moue, classiquement
associés à une souffrance frontale [30].
Myoclonies et épilepsie
La fréquence des myoclonies est faible dans la MA, inférieure à 10 % [30, 54, 64].
Leur survenue précoce pourrait avoir une valeur pronostique péjorative. Des
crises d’épilepsie s’observeraient dans 10 à 30 % des cas, à un stade évolutif
avancé de la maladie [35].
Déficits sensoriels
Les troubles visuels de la MA sont, nous l’avons vu, d’origine centrale car la
dégénérescence du nerf optique semble particulièrement tardive. Le
handicap auditif, lorsqu’il existe, pourrait contribuer à aggraver l’évolutivité
du déclin intellectuel dans la MA [112]. La perception olfactive est sévèrement
altérée, en liaison avec les lésions neuropathologiques qui affectent la voie
olfactive.
Autres signes
La rareté des signes pyramidaux et cérébelleux est en accord avec les critères
diagnostiques de MA. Les anomalies du diamètre pupillaire après
anticholinergiques ont peu de spécificité.
Imagerie cérébrale
L’imagerie a profondément modifié l’approche diagnostique des démences
et de la MA depuis l’apparition du scanner. Ces deux dernières décennies ont
vu se développer d’autres techniques d’imagerie comme l’IRM, la
tomographie d’émission monophotonique (TEMP), passées dans la pratique,
ou la tomographie d’émission de positons (TEP), réservée à la recherche.
Cependant, aucune de ces techniques, aussi précise et sensible soit-elle, ne
peut aujourd’hui faire le diagnostic de démence ou de MA.
Imagerie anatomique par scanner et IRM
Sémiologie neurologique
La symptomatologie clinique de la démence dégénérative a été détaillée dans
les traités classiques [34] , mais se trouvait alors entachée de biais de
recrutement faute de critères diagnostiques standardisés ou reproductibles.
Plusieurs études standardisées et prospectives, portant soit sur des malades
relativement jeunes et modérément déments, soit sur des sujets âgés à un stade
plus avancé de la maladie, ont précisé la sémiologie neurologique de la MA
[30, 52, 54, 64].
Troubles de la marche
Les troubles de la marche ne font pas partie de la sémiologie de la MA au
début, même dans les formes séniles, mais la fréquence de ces troubles atteint
30 à 50 % des cas après plusieurs années d’évolution, quel que soit l’âge. Il
est vraisemblable que ces troubles correspondent à une apraxie de la marche.
Leur association significative à un réflexe de grasping ou de préhension
renforce l’hypothèse d’un dysfonctionnement frontal, éventuellement en
liaison avec la dilatation ventriculaire, ce qui paraît compatible avec les études
neuroradiologiques [30].
Signes extrapyramidaux
La classique triade parkinsonienne akinésie-rigidité-tremblement n’a été
observée que dans de rares cas. Ceci n’exclut pas que ces malades aient des
lésions anatomiques des noyaux gris, proches de celles observées dans la
maladie de Parkinson. La rigidité constitue le signe le plus fréquent. Elle
réalise rarement le phénomène typique de la « roue dentée », plutôt une
La contribution du scanner au diagnostic de MA consiste avant tout à exclure
les causes curables de démence. En effet, les caractéristiques
morphologiques observées sont difficilement quantifiables et non
spécifiques. La comparaison de groupes de sujets contrôles et déments
correctement appariés pour l’âge et le sexe révèle une atrophie par perte de
substance grise corticale, une dilatation ventriculaire et un volume de LCR
supérieurs aux témoins. Ces anomalies, particulièrement la dilatation
ventriculaire, sont liées à la sévérité et à l’évolutivité de la démence et non à
de simples variations non spécifiques dues à l’âge. Dans certains cas,
l’atrophie cérébrale peut manquer, surtout dans les formes vues précocement.
Dans d’autres, l’atrophie est asymétrique, souvent en rapport avec une
sémiologie focale, aphasique ou apraxique, orientant vers des lésions
prédominant à l’un des hémisphères cérébraux. L’existence d’une
leucoaraïose (raréfaction de la substance blanche) s’observerait dans 30 à
50 % des cas de MA, mais sa signification reste discutée : facteurs de risque
vasculaires associés ou pathologie intrinsèque ou secondaire de la substance
blanche.
Par définition, le scanner ne visualise pas de lésions ischémiques dans la
forme « pure » de MA. L’IRM définirait l’atrophie mieux que le scanner, mais
elle s’avère surtout plus performante pour la distinction entre substance grise
et substance blanche, pour l’identification de petites lésions de la substance
blanche, ou encore pour distinguer des hypersignaux non spécifiques
observés chez des sujets normaux. L’IRM peut être employée pour quantifier
l’atrophie de l’hippocampe et d’autres structures du lobe temporal [7, 72, 104].
L’atrophie hippocampique objectivée en IRM (fig 8) a pu être corrélée à
l’atrophie anatomique [27], à certains troubles mnésiques de la MA [38, 47] et
serait un facteur prédictif de démence chez les sujets âgés atteints de troubles
mnésiques [21]. Sa spécificité pour le diagnostic de MA reste discutée. Les
page 11
17-056-A-10
MALADIE D’ALZHEIMER
Neurologie
Électrophysiologie
Électroencéphalogramme
Les études récentes sont en faveur de l’anormalité du tracé de
l’électroencéphalogramme dans la quasi-totalité des cas de MA dès le début
de la maladie. L’analyse visuelle des tracés et les études quantifiées révèlent
des anomalies non spécifiques mais distinctes des tracés de sujets contrôles
appariés : la fréquence de l’activité rythmique alpha, sa réactivité, les
cohérences diminuent [68]. Certaines altérations EEG ont été corrélées à la
sévérité du déficit intellectuel. Leur aggravation dans le temps n’est pas
toujours parallèle à celle de la maladie. L’activité EEG est aussi anormale
durant le sommeil, avec perturbation du sommeil paradoxal.
8 IRM cérébrale, séquence
T1, coupe coronale : maladie
d’Alzheimer avec atrophie corticale et atrophie hippocampique (têtes de flèche)
Potentiels évoqués
Le potentiel P300 est le plus utilisé en clinique, après stimulations visuelles
ou auditives. Plusieurs études ont conclu à un allongement de latence et à une
diminution d’amplitude du P300 dans la MA, mais seul le premier paramètre
a été corrélé au déficit neuropsychologique, et ces anomalies ne sont pas
spécifiques [84].
études de spectroscopie au 31P ont montré qu’il existerait une altération des
phospholipides membranaires dans la MA.
Marqueurs biologiques
La recherche de marqueurs biologiques de la maladie s’est développée dans
des directions très variées. Dans la majorité des cas, les résultats peuvent
certes montrer des différences entre patients Alzheimer et contrôles si l’on
considère l’ensemble des groupes, mais il existe toujours un recouvrement
considérable entre les valeurs individuelles des deux groupes. Des travaux
récents, révélant des modifications des isoformes de l’APP plaquettaire
corrélées à la progression des signes cliniques, ont relancé l’intérêt pour les
marqueurs diagnostiques périphériques [39]. Dans le LCR, une élévation
significative des concentrations de protéine Tau semble confirmée [70] .
Cependant, des très nombreux résultats publiés, on retiendra qu’ ils n’ont pas
démontré de sensibilité et spécificité supérieures à la clinique pour le
diagnostic de MA [53, 109].
Évolution et pronostic
9 Étude du métabolisme cérébral par tomographie d’émission monophotonique à l’HMPAO à trois stades évolutifs différents de maladie d’Alzheimer.
Imagerie fonctionnelle et métabolique ou de perfusion
Plusieurs techniques isotopiques en tomographie (TEP, TEMP) sont
aujourd’hui disponibles pour mesurer les débits sanguins et les métabolismes
globaux ou régionaux, mais leur sensibilité et leur spécificité pour le
diagnostic de MA restent à optimiser [8]. Les études s’accordent sur la baisse
du débit sanguin cérébral (DSC) et de la consommation d’oxygène et de
glucose dans la MA, indépendamment de l’atrophie, corrélée au déficit
neuropsychologique. Cette baisse du DSC est en général diffuse, survient
secondairement au processus démentiel et ne s’accompagne pas d’une perte
de réactivité au CO2, caractéristiques qui distinguent la MA des démences
vasculaires.
L’imagerie métabolique peut révéler des déficits de perfusion ou de
métabolisme, là où l’imagerie morphologique paraît encore normale. La
plupart des études (TEMP ou TEP) ont rapporté un hypométabolisme
bitemporopariétal postérieur dans la MA (fig 9). Les mesures de métabolisme
régional sont en faveur de la prédominance du déficit au cortex associatif
pariéto-occipital et du respect des cortex primaires visuel, moteur et sensitif,
ainsi que des noyaux gris et du cervelet, sauf à un stade très avancé de la
maladie [57]. L’hypométabolisme postérieur démontré en TEP est corrélé à
l’atrophie hippocampique [117] et la coexistence des deux augmente leur valeur
diagnostique propre [103].
Au cours de l’évolution de la démence, on observe une majoration et une
extension topographique du déficit métabolique qui peut avoir une
prédominance frontale, en particulier dans les formes sévères. Des asymétries
métaboliques, corrélées à la prédominance de certains déficits
neuropsychologiques, sont observées en regard des cortex associatif
postérieur ou préfrontal dans certains cas de MA [57]. Des perturbations
métaboliques plus sélectives ont pu être corrélées à certains déficits
neuropsychologiques, comme les troubles mnésiques ou de l’orientation, les
troubles du langage, les troubles visuospatiaux [17, 31, 37, 59].
page 12
Le diagnostic de MA est souvent fait avec retard, 1 à 2 ans après le début réel
des troubles, ceux-ci étant aisément minimisés par l’entourage, surtout après
70 ans. Les formes à début focal, aphasique, apraxique ou agnosique,
beaucoup plus rares, sont reconnues plus précocement. Il est habituel de voir
le syndrome démentiel progresser régulièrement, les déficits cognitifs évoluer
parallèlement aux troubles du comportement et à la perte d’autonomie, ce qui
se reflète dans les échelles globales de handicap comme dans les tests
psychométriques ou les batteries d’évaluation plus spécifiques [ 9 2 ] .
Schématiquement, on peut distinguer trois phases évolutives durant
respectivement environ 2 à 4 ans :
– stade I de démence légère avec troubles mnésiques dominants mais
modérés, autres fonctions cognitives peu altérées, autonomie conservée,
absence de signes neurologiques, imagerie peu contributive ;
– stade II de démence modérée avec troubles mnésiques importants et
invalidants, atteinte manifeste d’une ou plusieurs autres fonctions cognitives,
autonomie partiellement limitée, imagerie contributive ;
– stade III de démence sévère avec syndrome aphaso-apraxo-agnosique,
perte d’autonomie, troubles de la marche, rigidité, incontinence, atrophie
cortico-sous-corticale et hypométabolisme étendus [24].
L’évolutivité de la maladie reste imprévisible, variant d’un sujet à l’autre et
chez le même sujet d’une période à l’autre, la mortalité et
l’institutionnalisation ne semblant plus représenter des critères satisfaisants
pour juger de l’évolution de la MA. Le pronostic est considéré comme plus
péjoratif en cas de myoclonies, de signes extrapyramidaux, de manifestations
psychotiques précoces [19, 87, 107]. La durée de survie de la MA est inférieure à
celle de la population générale de même âge. Estimée à 7-10 ans après les
premiers symptômes, elle a presque doublé ces 30 dernières années,
probablement par meilleure efficacité de traitement des affections
intercurrentes. Celles-ci restent les principales causes, non spécifiques, de
décès (infections, traumatismes, complications de décubitus, etc), alors que
les pathologies associées sont relativement rares. L’influence de l’âge précoce
de survenue de la maladie, du sexe, des antécédents familiaux et d’autres
facteurs sur son évolutivité reste controversée [13].
Diagnostic différentiel
Dans la plupart des arbres de décision proposés dans la littérature, c’est encore
le critère « démence » qui sert de mode d’entrée dans la démarche étiologique,
ce qui suppose souvent un processus déjà évolué. Dans la réalité, des outils
MALADIE D’ALZHEIMER
Neurologie
Tableau III. – Syndrome démentiel débutant : quels examens complémentaires ?
(d’après Fleming et al, 1995).
En routine/dépistage
Scanner
EEG
Biologie standard
(NFS, VS Iono, glycémie, créatinine...)
Sérologies syphilis, VIH
Cas particuliers/unités spécialisées
IRM
TEMP
P300
B12, folates, hormones thyroïdiennes
Bilan hépatique complet
EEG : électroencéphalogramme. NFS : numération formule sanguine. VS : vitesse de sédimentation. VIH : virus de
l’immunodéficience humaine. IRM : imagerie par résonance magnétique. TEMP : tomographie par émission
monophotonique.
diagnostiques plus performants incitent à une approche plus sélective. Ne pas
attendre la démence constituée, savoir distinguer une sémiologie cognitive
corticale d’une atteinte sous-corticale, reconnaître un processus confusionnel
chronique, rassembler un faisceau d’arguments cliniques et paracliniques
constituent une démarche de bonne pratique clinique.
Sur le plan pratique, le problème le plus fréquemment posé consiste à éliminer
les causes potentiellement curables [ 2 0 ] . Le tableau III résume les
recommandations établies par plusieurs groupes de travail pour le choix des
examens complémentaires [49], afin de reconnaître schématiquement deux
groupes d’affections :
– les affections cérébrales organiques (tumeurs, hématomes, abcès,
hydrocéphalie, etc) qui donnent souvent des signes neurologiques focaux et
sont reconnues au scanner qui constitue ici le meilleur examen de dépistage ;
– les affections systémiques, métaboliques, infectieuses et apparentées,
reconnues par une batterie d’examens biologiques simples.
En pratique de routine, les examens à recommander sont d’abord le scanner
afin d’éliminer une lésion expansive, en particulier frontale, donnant rarement
des signes focaux, des lésions vasculaires, un hématome sous-dural
chronique, une hydrocéphalie. L’existence d’une leucoaraïose incite à
rechercher des facteurs de risque vasculaire. L’EEG, généralement anormal
dans la MA sous forme d’un ralentissement diffus, peut, s’il est normal,
contribuer au diagnostic de démence frontotemporale ou maladie de Pick en
cas de sémiologie corticale ou à celui de dépression pseudodémentielle en cas
de sémiologie sous-corticale. Inversement, de grandes ondes lentes peuvent
suggérer une encéphalopathie métabolique devant un syndrome
confusodémentiel. Plus rarement, des pointes pseudopériodiques orientent
vers une maladie de Creutzfeldt-Jakob. Les examens biologiques sont réduits
aux plus courants, complétés des sérologies de la syphilis et du virus VIH.
Dans certaines unités spécialisées ou dans des cas particuliers, l’enquête
d’imagerie ou de biologie sera plus approfondie, soit pour détecter en IRM
des lésions vasculaires infraradiologiques, soit pour objectiver un
hypométabolisme focal en cas d’imagerie normale, soit encore pour
reconnaître une cause rare de démence (hypothyroïdie, carence en vitamine
B12, etc) parfois suspectée sur des antécédents ou des signes cliniques
particuliers, des anomalies d’un premier bilan biologique.
Deux problèmes diagnostiques plus difficiles sont relativement fréquents :
– le diagnostic de dépression en raison de l’association fréquente de ce
syndrome à la MA, surtout si le traitement antidépresseur, qui doit toujours
être tenté, s’avère inefficace ou aggravant ;
– – le diagnostic « de déclin cognitif lié à l’âge », évoqué par des troubles
mnésiques isolés ; le contexte est cependant différent : la personnalité est
préservée, la plainte mnésique réelle, le retentissement sur la vie sociale ou
l’autonomie quotidienne minime ou nul ; ce diagnostic s’avère plus délicat
lorsque se surajoutent des facteurs aggravants comme un état dépressif, des
troubles visuels ou auditifs.
Les intoxications médicamenteuses iatrogènes, dont l’expression clinique est
souvent aiguë ou subaiguë, plus confusionnelle que démentielle, sont
aisément curables par la seule suspension du traitement suspect.
Reste le diagnostic différentiel des démences dégénératives où dominent
démences frontotemporales et démences à corps de Lewy diffus qui
répondent aujourd’hui à des critères diagnostiques bien définis. Il en est de
même des démences sous-corticales dont la fréquence n’est pas négligeable,
qu’il s’agisse des démences vasculaires ou d’autres affections (Huntington,
Parkinson avec démence, gliose de Neumann, démence alcoolique avec
syndrome de Korsakoff) [56].
S’il existe des facteurs de risque vasculaire et/ou des lésions ischémiques
radiologiques mais un contexte clinique évocateur de MA, on discutera le
diagnostic de démence mixte.
Traitement
Traitements pharmacologiques
Les thérapeutiques visant à rétablir une neurotransmission normale
concernent essentiellement, pour la MA, le système cholinergique. Leur
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utilisation est pharmacologiquement fondée sur la mise en évidence du déficit
en choline-acétyltransférase (ChAT), associé à la dégénérescence des
neurones cholinergiques. Leur manipulation est rendue délicate par la
nécessité de traverser la barrière hématoencéphalique, la mauvaise
biodisponibilité de certains précurseurs, la fréquence ou la sévérité des effets
périphériques. Leur conception a fait appel à trois mécanismes schématiques :
— Augmenter la quantité d’ACh présynaptique à l’aide de précurseurs
(choline, lécithine, déanol...). Plusieurs études ont montré leur faible
efficacité.
— Augmenter l’effıcacité de l’ACh synaptique en retardant sa destruction par
l’acétylcholinestérase à l’aide d’inhibiteurs plus ou moins sélectifs. Quatre
inhibiteurs ont été mis successivement sur le marché depuis 5 ans. La tacrine
(Cognext) a été la seule molécule disponible jusqu’en 1997 et plus de
5 000 malades en ont bénéficié en France. L’utilisation du produit a révélé
une efficacité contrastée à l’échelle individuelle, mais un bénéfice cognitif et
comportemental statistiquement modeste. La posologie efficace a été estimée
à 120-160 mg, les effets secondaires étant dose-dépendants. Les principaux
effets secondaires étaient une toxicité hépatique et des troubles digestifs, plus
rarement des effets neuropsychiatriques ou cardiovasculaires.
Le donepezil (Ariceptt) est la seconde molécule a avoir été commercialisée.
Prescrit à une posologie de 5 à 10 mg/j, sa pharmacocinétique lui donne
l’avantage d’une simplicité d’observance (prise unique). Les effets
secondaires d’ordre digestif, cardiovasculaire ou comportemental semblent
rares et bénins. La rivastigmine (Exelont), imposant des adaptations
posologiques de 6 à 12 mg/j en plusieurs prises, et le metrifonate, prescrit en
prise unique à 30-60 mg/j, viennent d’être mis sur le marché. Compte tenu
des essais thérapeutiques, leurs propriétés ne devraient pas être
significativement différentes de celles des autres inhibiteurs. D’une façon
générale, il apparaît que les inhibiteurs d’acétylcholinestérase sont des
produits qui ont une action bénéfique clinique plus comportementale que
cognitive et qu’ils n’ont que peu d’effet sur l’évolutivité de la maladie [55, 74].
Les indications de ces traitements sont les formes « légères, modérées ou
modérément sévères » de MA, soit des malades dont le score MMS est
supérieur à 10 et dont la maladie, définie par les critères de Mc Khann comme
probable, évolue depuis au moins 6 mois [99].
— Agir directement sur les récepteurs muscariniques
Les premiers agonistes muscariniques comme le RS 86, l’arécoline, le
bétanéchol se sont révélés d’un maniement difficile. Des agonistes plus
spécifiques, agissant en particulier sur les récepteurs postsynaptiques M1
(xanomeline, milameline, SB 202026) sont les successeurs logiques des
inhibiteurs de cholinestérase.
L’utilisation des psychotropes est l’affaire de cas individuels, fonction du
stade évolutif de la démence, fondée sur une bonne analyse des troubles du
sommeil, des épisodes d’agitation et d’agressivité, de la composante
dépressive ou anxieuse, de l’existence ou non de manifestations délirantes ou
hallucinatoires. Les neuroleptiques classiques type halopéridol sont
modérément efficaces et souvent mal tolérés justifiant de les réserver aux
manifestations productives en recherchant la posologie minimale efficace.
Les neuroleptiques atypiques ayant moins d’effets secondaires
extrapyramidaux (clozapine, rispéridone) seraient à privilégier. L’emploi des
anticholinergiques est à proscrire, même en cas de recours aux
neuroleptiques. Les antidépresseurs seront choisis pour leur absence d’effet
anticholinergique dans les drogues non imipraminiques, en particulier les
inhibiteurs de recapture de sérotonine qui peuvent aussi améliorer les
comportements agressifs. Les benzodiazépines, susceptibles de majorer les
troubles cognitifs, de modifier la vigilance, sont à réserver aux formes avec
anxiété majeure en prescrivant les drogues à demi-vie courte sur de brèves
périodes. On peut leur préférer les carbamates ou les antihistaminiques.
D’autres drogues, normothymiques et/ou anticonvulsivantes (lithium,
carbamazépine, valpromide) ont des indications ponctuelles.
Certaines thérapeutiques, actuellement à l’étude, résultent des connaissances
physiopathologiques acquises et des facteurs de risque identifiés : AINS ou
non, œstrogènes, antioxydants, agonistes du glutamate, facteurs de croissance
et analogues [74].
Traitements non pharmacologiques
La prise en charge des déficits cognitifs doit prendre en compte leur
hétérogénéité et les aptitudes préservées, la progression de la maladie, la
collaboration des proches. Pour les troubles mnésiques, on peut s’attacher à
faciliter l’encodage et la récupération, à coordonner des tâches concurrentes,
à apprendre de nouvelles connaissances, à optimiser des performances dans
des domaines d’expertise antérieure [113].
D’autres approches thérapeutiques de la maladie ne doivent pas être
négligées, même si elles apparaissent comme secondaires [36]. Elles prennent
en compte l’aspect psychiatrique et comportemental de la démence,
l’environnement physique, familial et social. Elles visent à restaurer ou
maintenir une autonomie suffisante. Il s’agit de psychothérapies individuelles
ou de groupes, thérapies souvent « médiatisées », impliquant une participation
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MALADIE D’ALZHEIMER
corporelle. On peut aussi avoir recours à l’aménagement de l’environnement,
à la modification des interactions sociales, aux stratégies interpersonnelles.
D’une façon générale, toutes les actions visant à maintenir l’autonomie et la
dignité, qu’il s’agisse des troubles cognitifs, des comportements, des soins
personnels, de la continence, sont à prendre en compte, tant en milieu familial
qu’institutionnel. Ceci suppose de réels réseaux de soins adaptés à une prise
en charge globale du patient.
Neurologie
thérapeutique ou sociale. En termes de diagnostic, nos comportements
évoluent rapidement. La situation d’hier était d’attendre la démence pour
confirmer un diagnostic de maladie incurable. Aujourd’hui, l’information des
médecins et du public conduit à des diagnostics beaucoup plus précoces mais
qui ne restent que « probables » faute de marqueurs spécifiques. Ils nous
confrontent à la formulation du diagnostic au malade ou à son entourage qui
doit se faire avec la retenue, l’éclairage propres à une relation tripartite
médecin-malade-famille empreinte de confiance et de disponibilité.
Perspectives thérapeutiques
Si une approche thérapeutique univoque est difficile à concevoir, certaines
constantes se retrouvent pour privilégier la lutte contre les dépôts amyloïdes,
les phénomènes d’oxydation liés à la production de radicaux libres, les
altérations du métabolisme énergétique et tenter d’intervenir sur des facteurs
promoteurs voire d’initiation [28]. On peut se demander, à l’heure où nous
n’opposons à la maladie qu’un groupe pharmacologique de drogues
symptomatiques, si nous formerons demain des sous-groupes pour des
thérapeutiques spécifiques ou pour une réelle prévention. Cette dernière
perspective, étayée par les données récentes de la génétique devrait contribuer
au développement de la thérapie génique. Dans la MA, la thérapie génique
peut être dirigée contre la composante génétique lorsqu’elle existe (APP,
présénilines, ApoE) ou pour le codage d’une molécule « protectrice »,
trophique, antiapoptotique, antioxydante, anti-inflammatoire, etc. Ces
approches thérapeutiques, encore expérimentales, supposent le
développement de modèles animaux ou in vitro appropriés et des garanties
technologiques d’efficacité et de sécurité qui sont loin d’être réalisés.
Aspects éthiques
Envisager la MA comme une maladie chronique génétiquement déterminée a
des implications éthiques dans le diagnostic et la prise en charge, qu’elle soit
Les problèmes soulevés par le génotypage de l’ApoE ou d’autres gènes
attachés à des formes familiales sont assez proches de ceux rencontrés dans
d’autres pathologies en termes de confidentialité, de respect des volontés
individuelles, de consentement éclairé. Ils sont différents des problèmes
propres aux tests spécifiquement diagnostiques et/ou du contexte où une
prévention peut être réalisée. Des aspects particuliers résultent de la
modification du jugement et de la personnalité inhérents à la démence, mais
aussi des implications sociales, professionnelles et financières que constitue
un diagnostic défini de MA. On doit donc recommander la mise en place de
structures de conseil génétique assurant les mêmes garanties que pour
d’autres affections.
En termes de prise en charge, outre les efforts des partenaires sociaux, des
associations, le comportement des médecins est plus responsable. Ils se
trouvent confrontés, généralistes comme spécialistes, dans un souci de plus
grande qualité de vie, à participer aux mesures de protection juridique, aux
aides au maintien à domicile, aux décisions de placement en institution, à
l’accompagnement en fin de vie. Ils doivent donc en permanence être à
l’interface entre le patient, ses proches, les acteurs paramédicaux et sociaux,
les associations et les institutions, tout en se tenant informés de l’évolution
des connaissances, particulièrement rapide dans ce domaine.
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