Comprendre les barrières psychologiques à un traitement efficace

Dans les soins de routine, à peine
20 % des personnes atteintes de
diabète de type 2 parviennent à un
bon contrôle glycémique – défini par
les taux de HbA
1c
(une mesure du
taux de glycémie sur les 2 à 3
derniers mois) – inférieurs à 7 %.
Pourtant, près de 50 % de ces
personnes parviennent à un bon
contrôle glycémique lorsqu'une
thérapie insulinique supplémentaire
leur est prescrite. Un tel traitement
a le potentiel d'améliorer non
seulement les résultats à long terme
sur la santé mais également le bien-
être immédiat. Malgré ces bienfaits
potentiels, peu de personnes atteintes
de diabète de type 2 reçoivent une
thérapie insulinique supplémentaire.
De mauvaises fondations
Si un généraliste utilise une
terminologie telle que 'un léger
diabète', 'un peu de sucre dans
le sang' ou encore 'diabète non
insulinodépendant', les fondations
des barrières psychologiques à la
thérapie insulinique seront posées
Comprendre les barrières
psychologiques à un traitement
efficace du diabète
`Torsten Lauritzen et Vibeke Zoffmann
>>
Pour aider quelqu'un, je dois en savoir plus que lui, mais surtout, je dois
comprendre ce qu'il comprend. Søren Kierkegaard
Afin de minimiser le risque de complications du diabète, un
traitement efficace des personnes atteintes de diabète de type 2
implique des modifications de leur style de vie et une série de
médicaments destinés à normaliser les taux de glycémie, de
pression sanguine et de lipides sanguins. Cependant, la plupart
des personnes atteintes de diabète parviennent rarement à
atteindre les objectifs stricts fixés dans les directives récentes.
Des barrières à un traitement efficace du diabète ont été
identifiées dans l'organisation des soins de santé et l'interaction
entre les prestataires de soins et les personnes atteintes de diabète.
Toutefois, les résultats sur la santé sont également influencés par
la culture d'une société, les valeurs, les croyances et les attitudes
d'une personne, ainsi que par sa famille et ses amis.1Dans cet
article, Torsten Lauritzen et Vibeke Zoffmann appliquent les paroles
de Kierkegaard dans le cadre de la gestion du diabète, en donnant
des exemples des obstacles psychologiques à un traitement efficace
chez les personnes atteintes de diabète de type 2.
16
De l’empathie aux actions concrètes
Juin 2004 Volume 49 Numéro spécial
()
17
dés le diagnostic. Dans une étude sur
les causes des barrières à la thérapie
insulinique chez les personnes
atteintes de diabète de type 2 dans
cinq pays, il est apparu que peu de
généralistes abordent le thème de
la thérapie insulinique avec leurs
patients atteints de diabète de type 2.
L'insuline était généralement utilisée
comme 'menace' visant à les
contraindre à suivre leur traitement.2
Dans cette étude, les comportements
vis-à-vis de la thérapie insulinique des
personnes atteintes de diabète de
type 2 ont été explorés. La moitié
des personnes impliquées recevait
un traitement à base de comprimés,
l'autre moitié était traitée à l'insuline.
Dans l'ensemble, les personnes qui
prenaient des comprimés avaient des
sentiments négatifs par rapport à la
thérapie insulinique. La principale
émotion exprimée était la peur. Ces
personnes mentionnaient souvent une
peur de mourir d'une hypoglycémie
provoquée par l'insuline pendant leur
sommeil. Une personne en Allemagne
mentionnait une peur d'"être
constamment confronté à la peur
de me blesser, de me faire mal".
Une crainte liée à un
changement de style
de vie traumatisant
dû à une thérapie
insulinique était
courante.
Une personne italienne exprimait une
peur fréquente liée à un changement
de style de vie traumatisant : "Cela
signifie que la maladie a empiré.Vous
devenez alors l'esclave d'une petite
boîte noire.Vous devez toujours
l'avoir en poche." Une autre personne
exprimait le même sentiment : "Vous
ne serez plus aussi indépendant
qu'avant. Lorsque vous quittez la
maison, vous aurez toujours peur
d'avoir oublié quelque chose."
D'autres réactions à la thérapie
insulinique incluaient des sentiments
de frustration. Une personne décrivait
une impression de perte de contrôle
sur l'évolution d'une condition qui
était perçue précédemment comme
'légère' : "L'insuline est l'étape finale
qui vous oblige à affronter la condition
beaucoup plus intensément. Le fait de
prendre des comprimés ne donne pas
l'impression que le diabète est une
condition très sérieuse, voire pas
sérieuse du tout."
De la peur à l'apprivoisement
Par contre, les personnes atteintes de
diabète de type 2 qui suivaient
une thérapie insulinique avaient
généralement une réaction positive.
Toutefois, un grand nombre d'entre
elles reconnaissaient qu'elles étaient
passées par des périodes d'angoisse
avant de commencer le traitement à
l'insuline. Une personne en France
déclarait, "c'est comme pour tout ;
nous dressons des barrières autour
de tout ce qui ne nous est pas familier."
Après avoir commencé la thérapie
insulinique, les personnes atteintes
de diabète signalaient que leurs
craintes étaient remplacées par des
impressions positives. Comme le disait
une personne, "c'est même une sorte
de liberté maintenant. Il dépend
totalement de vous de choisir le
moment et la quantité". Une personne
anglaise atteinte de diabète de type 2
comparait les avantages du traitement
par comprimés et à base d'insuline :
"Vous apprenez à compenser. C'est le >>
© superbild
De l’empathie aux actions concrètes
Juin 2004 Volume 49 Numéro spécial
()
()
plus important. C'est nous qui
commandons, mais si vous prenez des
comprimés, vous ne contrôlez pas votre
taux de glycémie."
Après avoir commencé la
thérapie insulinique, les
craintes étaient
remplacées par des
impressions positives.
En général, les personnes atteintes
de diabète de type 2 qui prenaient
des comprimés semblaient surprises
de la réaction positive des personnes
sous insulinothérapie. Un changement
d'attitude vis-à-vis de l'insulinothérapie
semblait se manifester chez les
personnes qui suivaient le traitement.
Puisque ces sentiments avaient été
exprimés par des personnes atteintes
de diabète de type 2, l'insulinothérapie
apparaissait plus crédible pour ceux qui
prenaient des comprimés. Le manque
de communication avec les généralistes
a été identifiée comme la principale
source de méfiance et d'angoisse
vis-à-vis de l'insulinothérapie chez les
personnes atteintes de diabète de type 2.
La clé réside dans
l'autonomisation
Les résultats de l'étude DAWN indiquent
que les problèmes psychologiques sont
courants chez les personnes atteintes
de la condition. Ces problèmes sont
reconnus à la fois par les personnes
atteintes de diabète et les prestataires
de soins dans tous les pays. Les problèmes
psychologiques ont un impact négatif
sur l'autonomisation. Les conclusions
de l'étude DAWN suggèrent que les
prestataires de soins ne disposent
pas des compétences et ressources
adéquates pour gérer ces problèmes.
La communauté du diabète est
confrontée au défi d'améliorer la
gestion du diabète. Cela peut se faire
en brisant les barrières psychologiques
à l'amélioration de l'autonomisation.
Anderson et Funnell affirment que le
principe de l'autonomisation est éta
par trois affirmations fondamentales :
les personnes atteintes de diabète
font les choix importants
les personnes atteintes de diabète
ont le contrôle
les personnes atteintes de diabète
vivent avec les conséquences.3
La gestion du diabète
peut être améliorée en
brisant les barrières
psychologiques à
l'amélioration de
l'autonomisation.
Anderson et Funnell décrivent le
comportement d'autonomisation des
personnes atteintes de diabète et le
rôle des prestataires de soins.4La
gestion du diabète est envisagée
comme une collaboration entre
parties égales. Le rôle des prestataires
de soins est de transmettre les
connaissances dont les personnes
ont besoin pour réussir à gérer
leur diabète. Selon ce modèle, les
prestataires de soins aident les
personnes atteintes de diabète à
réfléchir à leur situation afin de faire
des choix informés en matière de
santé. L'objectif est d'établir une
collaboration en vue de développer
un plan d'autonomisation réaliste
adapté à chacun, d'un point de vue
clinique, social et psychologique.
Des études démontrent que la santé
émotionnelle, la disparition des
symptômes et les aspects physiologiques
(pression sanguine et glycémie)
bénéficient tous d'une amélioration
de la communication entre les
personnes atteintes de diabète et les
prestataires de soins, de programmes
de responsabilisation du patient et de
formations visant à développer des
compétences permettant de faire face
à la situation.5Les conclusions de
l'étude DAWN et l'appel à l'action
international présenté dans ce numéro
spécial peuvent s'avérer utiles pour
mettre en place de nouvelles approches
permettant de briser les barrières
psychologiques à l'amélioration de
l'autonomisation du diabète, son
traitement et ses résultats.
`Torsten Lauritzen et
Vibeke Zoffmann
Torsten Lauritzen est médecin généraliste et
professeur au Département de Médecine
générale, Université de Aarhus, Danemark.
Vibeke Zoffmann est infirmière agréée. Elle
termine un doctorat au Département de
sciences infirmières, Université de Aarhus,
Danemark.
Références
1 Glasgow RE, Toobert DJ, Hampson SE, Wilson W.
Behavioral research on diabetes at the Oregon
Research Institute. Ann Behav Med 1995; 17: 32-40.
2 Lauritzen T, Scott A. Barriers to insulin therapy in
Type 2 diabetes: a qualitative focus group research
among patients, GPs and diabetologists. European
Union of General Practitioners Clinical Journal 2001;
36-40.
3 Alberti G. The DAWN (Diabetes Attitudes, Wishes and
Needs) Study. Practical Diabetes Int 2002; 19: 22-4.
4 Anderson RM, Funnell MM. Compliance and adherence
are dysfunctional concepts in diabetes care. Diabetes
Educ 2000; 26: 597-604.
5 van Dam HA, van der Horst F, van den Borne B,
Ryckman R, Crebolder H. Provider-patient interaction
in diabetes care: effects on patient self-care and
outcomes. A systematic review. Patient Educ Couns
2003 Sep; 51(1): 17-28.
18
De l’empathie aux actions concrètes
Juin 2004 Volume 49 Numéro spécial
1 / 3 100%

Comprendre les barrières psychologiques à un traitement efficace

La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !