même manière le « selon ». Quelqu'un qui dirait que les plus pauvres doivent payer plus d'impôts
(opinion 3) n'a pas forcément non plus un concept différent. S'il veut dire par contre qu'une société
est juste lorsque une partie de la population se sacrifie, il a un concept différent, mais son opinion
peut tout aussi bien vouloir dire qu'il pense que la justice est moins importante que l'économie.
Intension et extension
Attention à distinguer l'intension (sa définition) du concept, et son extension – ce qu'il subsume. Ainsi,
je peux trouver belle la Joconde, et mon frère belle la Venus de Botticelli : nous avons pourtant le
même concept de beauté (par exemple, l'harmonie des couleurs et des formes dans un tableau).
Réciproquement, deux personnes qui trouvent belle la Joconde peuvent avoir des concepts différents
(l'un pense que la beauté réside dans l’harmonie des formes et des couleurs, l'autre pense que la
beauté réside dans le mystère d'une expression humaine).
Pour philosopher, il faut passer de l'extension (des exemples) à l'intension (la définition). C'est-à-dire
se demander d'abord à quels objets (dans leur différence) s'applique ce mot, et essayer de trouver le
point commun entre ces différences. Pour construire le concept d'État, par exemple, il faut se
demander à quelles choses on applique ce mot, et quel est leur point commun. De cette façon, il
s'agit de transformer un usage (courant, et irréfléchi) en concept. Une fois ce concept (qui est une
stylisation du sens commun) construit, il faut réfléchir aux exemples-limites qui permettent d'en
modifier les lignes pour créer un concept original.
Concept et philosophie
Philosophie contre rhétorique
On admet traditionnellement que le père de la philosophie est Socrate, et que la philosophie remonte
donc au Vème siècle avant JC, à Athènes. Socrate était une sorte de philosophe errant qui arrêtait les
passants dans la rue pour leur poser des questions d'apparence simple, tant qu'on ne les prenait pas
au sérieux, mais qui s'avéraient autrement plus difficile dès lors qu'on les prenait au sérieux :
« qu'est-ce qu'une action courageuse ? » (Lachès), « qu'est-ce qu'une société juste ? » (La République)
Or, aux questions que pose Socrate, ses interlocuteurs sont souvent tentés, dans un premier temps,
de proposer deux types de réponses par contraste avec lesquels nous allons comprendre ce qu'est la
philosophie. Le premier type de réponse consiste à en rester à l'exemple. Ainsi, si l'on demande
« qu'est-ce que la liberté ? », on pourrait être tenté de répondre « la liberté, c'est quand je pars en
vacances », ou « la liberté, c'est quand je regarde la télé ». Or, cela ne nous dit pas ce qu'est la liberté,
mais quand est-ce qu'il y a la liberté. Autrement dit, on a tendance à répondre par un exemple, alors
que la question porte sur un concept. Le deuxième type de réponse, ce serait de dire « Pour moi la
liberté c'est de ne pas travailler, mais pour un autre la liberté c'est d'avoir de l'argent grâce au
travail ». On est bien dans la définition (« la liberté, c'est ceci », et non « la liberté c'est quand ceci »)
mais on en reste à l'opinion : car on conclurait ici que chacun à sa conception de la liberté. Or, de
même que « 2 et 2 font 4 » ne dépend pas des individus et de leur point de vue, Socrate cherche à
trouver l'essence de la liberté : ou bien la liberté est disposer de son temps, ou bien de pouvoir
acheter ce que l'on veut – mais ce n'est pas les deux. La deuxième dimension du concept, donc, c'est