La tradition juive

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LA TRADITION
JUIVE
Hubert Leroux
LES ÉDITIONS
LA PENSÉE inc.
Sous la direction de
Jean-Marie Debunne
LA TRADITION
JUIVE
Un Dieu qui fait alliance
Hubert Leroux
À ma fille Anne. Afin que la reconnaissance de
l’autre serve enfin l’avenir du monde.
Sous la direction de
Jean-Marie Debunne
La tradition juive
Auteur
Directeur de la Collection Labyrinthes
Conception graphique
Révision linguistique
Illustrations
Photographies
Hubert Leroux, enseignant du Collège Mont-Saint-Louis
Jean-Marie Debunne, professeur en éducation
religieuse à l’Université Saint-Paul (Ottawa)
Les Éditions La Pensée inc.
Marie-Claude Piquion
Monique Chaussé
Élèves du Collège Mont-Saint-Louis
Remerciements particuliers à Yvonne Tregonning, directrice de l’OPECO (Office Provincial de l’Éducation
de la foi Catholique de l’Ontario) qui nous a permis d’utiliser des extraits du guide pédagogique rédigé par
son organisme et à Cécile Larivière-Leduc qui nous a fait découvrir ce document.
© Les Éditions La Pensée inc., 2003
Tous droits réservés.
On ne peut reproduire,enregistrer ni diffuser aucune partie du présent ouvrage,sous quelque
forme ou par quelque procédé que ce soit, électronique, mécanique, photographique, sonore,
magnétique ou autre, sans avoir obtenu au préalable l’autorisation écrite de l’éditeur.
Dépôt légal
Bibliothèque nationale du Québec, 2003
Bibliothèque nationale du Canada, 2003
Imprimé et relié au Québec
ISBN 978-2-89458-294-7
Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du
Programme d’Aide au Développement de l’Industrie de l’Édition (PADIÉ) pour nos
activités d’édition.
«Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – Gestion SODEC»
LE «PHOTOCOPILLAGE» TUE LE LIVRE
Sommaire
Introduction
Premier regard : Un peuple dispersé, une histoire mouvementée et une terre toujours déchirée
Première partie – Les récits, les rites et les règles de la tradition juive
*
*
7
Les grands récits bibliques rapportant l’Alliance entre Yahvé et son peuple 8
Le récit d’Abraham 9
Le récit de Noé
10
Le récit de Moïse
11
Les textes sacrés • La Torah et les autres écrits
12
La Bible hébraïque ou la Torah écrite
12
La Torah orale
13
3. Les grands rites de la tradition juive pour les moments importants de la vie 15
La circoncision
15
La bar-mitzvah
16
Le mariage 19
Les rites de la mort 20
4. Le sabbat et la synagogue
21
5.
Le calendrier juif et les fêtes religieuses
6.
La morale et la société juive • Le monde des règles 28
Les dix commandements ou les dix « paroles »
28
Les règles alimentaires
31
4
23
Pour diviser les chapitres de la première et deuxième partie,
nous utilisons les 13 premières lettres de l’alphabet hébraïque.
I
Deuxième partie – Au fil de l’histoire
1.
2.
33
Aux origines des préjugés • l’Antiquité gréco-romaine
34
Entre deux persécutions, un âge d’or… Les Juifs d’Espagne
35
L’Espagne des Wisigoths 35
L’âge d’or
36
La Reconquista
38
3. La condition juive dans l’Occident chrétien 39
Le Saint Empire
39
Les croisades et la violence antijuive
40
La fuite vers l’Est • Le mysticisme juif et le mouvement hassidique
4. Une éclaircie européenne à l’Ouest • L’émancipation des Juifs 43
Citoyens à part entière
43
Les Juifs et le mouvement révolutionnaire
de la fin du 19e siècle et du début du 20e siècle 43
Le sionisme 45
5. L’adaptation et la réforme • L’émigration juive aux États-Unis 46
Le judaïsme réformé américain
47
6. « L’âge de cendres »
48
L’antisémitisme racial
48
Le nazisme 49
La Shoah
50
Réflexion sur la Shoah
51
La fondation de l’État d’Israël et les conflits israélo-arabes
54
Les conflits israélo-arabes 55
Conclusion
56
Yahvé n’a rien créé de plus beau que la paix
Glossair e 58
Repèr es chr onologiques
II
60
56
41
Albert Einstein
Sigmund Freud
Steven Spielberg
1
Introduction
N
ous avons tous certaines connaissances et images en lien avec la
tradition juive. En général, nous
savons que le christianisme y plonge
ses racines et que Jésus était un Juif de
Galilée. Les chrétiens partagent avec
les Juifs le livre sacré de l’Ancien
Testament que ceux-ci appellent Torah
ou Tanak. On parle du judaïsme
comme du « berceau du christianisme ».
Peut-être, sur un autre plan, avez-vous
entendu parler de certaines interdictions alimentaires chez les juifs
pratiquants : l’interdiction de la viande
de porc ou de crustacés par exemple ?
Vous savez sans doute que leurs lieux
de culte s’appellent synagogues.
Nous avons aussi des images de Juifs
orthodoxes portant de larges chapeaux
noirs, des bouclettes de cheveux et de
longs manteaux. D’autres personnes
cependant ne portent pas cette tenue vestimentaire tout en se considérant comme
juives et ne suivent pas méticuleusement
les 613 prescriptions de la Torah.
Certaines personnes sont célèbres : le
grand physicien Albert Einstein était
juif allemand tout comme Karl Marx,
le fondateur de la doctrine communiste. Le compositeur Gustav Mahler
était juif autrichien tout comme
Sigmund Freud, le fondateur de la
psychanalyse. Deux cinéastes américains d’origine juive sont
particulièrement célèbres : Woody
Allen et surtout Steven Spielberg, le
réalisateur de La liste de Schindler.
Certains de leurs films portent juste-
2
ment sur la
condition
des Juifs
dans
le
monde d’aujourd’hui.
Vous savez
sûrement
que les Juifs
européens
ont été victimes de
persécut i o n s
terribles
Facade d’une école juive à Montréal.
En haut : les 10 « paroles » ou commandements.
En bas : l’étoile de David symbole d’Israël
durant la Deuxième Guerre mondiale
et que le nazisme a visé leur extermination « finale ». Vous connaissez aussi
l’existence de l’État d’Israël qui continue à être une terre déchirée sur
laquelle les Israëliens et les Palestiniens
s’affrontent depuis plusieurs décennies
sans qu’aucune solution ne semble possible à court terme.
Bref, une réalité complexe qui mêle le
religieux, la politique et l’histoire.
C’est une invitation à la prudence. La
tradition juive n’est pas un monde
monolithique. C’est un monde complexe et très diversifié où coexistent
divers courants qui vont d’une orthodoxie très méticuleuse à un libéralisme
très ouvert. Comme l’écrit Claude
Riveline :
« Juif est un mot difficile à prononcer, un
mot lourd de souvenirs. Mais il désigne
une grande variété de personnes. C’est
ce qu’il y a de commun entre un diamantaire d’Anvers, un soldat israélien, un
rabbin de Meknès; entre Jésus, Freud et
Einstein; entre des agriculteurs de Judée
d’il y a deux mille ans, de riches
marchands d’Amsterdam au Grand
siècle, et de misérables colporteurs en
Europe du XIXe siècle. Ce qui unit toutes
ces personnes ? Elles ont en commun une
longue histoire, sans doute l’une des
plus anciennes de toutes les civilisations
encore vivantes. »
– Claude Riveline, Petit traité pour expliquer le judaïsme aux
non-juifs, Éd. Département Torah et Société, Consistoire
israélite de Paris. Extrait de l’avant-propos.
Au delà du constat de diversité et de
complexité, il y a donc l’invitation à
saisir le fil de l’histoire pour comp re n d re u n e s u c c e s s i o n d ’ ex i l s ,
d’expulsions, d’installations et de
nouveaux départs et enfin un établissement. Nous suivrons le conseil
d’un grand philosophe :
« Ni rire, ni pleurer, comprendre. »
Entrée d’une synagogue à Montréal
Il s’agit de Spinoza, philosophe
d’origine juive. Après un premier
regard d’ensemble sur l’univers juif,
nous nous attarderons, dans une première partie, à présenter les grands
récits, les rites et les règles de la tradition juive. Dans une deuxième partie,
nous saisirons le fil de l’histoire pour
suivre les méandres d’un peuple et
d’une tradition nomades.
3
Premier regard – Un peuple dispersé, une histoire
mouvementée et une terre toujours déchirée
Un regard rapide sur l’univers juif nous permet un premier constat: il s’agit d’un monde dispersé. Plus de 6 millions de personnes appartenant à la tradition juive vivent aux États-Unis
alors qu’ils sont environ 3 millions 500 000 en Israël et près de 3 millions dans l’ex-U.R.S.S.
Cette dispersion a pour nom « diaspora ». Au cours de son histoire, le peuple juif a vécu des
exils, des expulsions, des installations ; il va habiter de nombreux pays. Il y a bien sûr d’autres
diasporas : on peut parler d’une diaspora italienne, haïtienne, grecque, vietnamienne. Mais la
survivance du peuple juif à travers plusieurs millénaires est sans doute un phénomène unique.
Répartition de la communauté juive dans le monde
Canada 300 000
États-Unis 6 000 000
Brésil 350 000
Grande-Bretagne 450 000
La communauté juive ne dépasse guère une
quinzaine de millions de personnes: 6 millions
de Juifs vivent aux États-Unis, 3 500 000 en
Israël, près de 3 millions en ex-U.R.S.S.,
650 000 en France, 500 000 en Argentine,
450 000 en Grande-Bretagne, 300 000 au
Canada, 350 000 au Brésil, 120 000 en Afrique
du Sud, près de 100 000 en Hongrie, etc.
(Malherbe, 1992, p.66).
4
Israël 2 500 000
Ex-U.R.S.S. 3 000 000
Argentine 500 000
France 650 000
Cette dispersion s’explique de diverses façons à
t r a v e r s u n e h i s t o i r e m o u ve m e n t é e .
Distinguons-en les causes internes et les causes
externes. Quand nous parlons des causes
internes en général, il s’agit du départ volontaire
d’une partie de la population juive de Palestine
pour l’un ou l’autre des motifs suivants: 1. Ils
partent vers les villes importantes pour faire du
commerce; 2. Ils quittent la Palestine parce que
Expulsions et migrations juives : la fuite vers l’est (Pologne, Russie)
Russie
Angleterre
Pays-Bas
Pologne
Fin Moyen-Âge
Renaissance
Espagne
Ve
r
sl
es
Pa
ys-
Ba
s
France
Allemagne
son sol est trop pauvre pour faire de la
culture ; 3. Ils fuient les querelles politiques qui déchirent la communauté
juive elle-même.
Les causes externes de la diaspora sont
sans doute plus déterminantes. Il s’agit
de l’irruption de peuples voisins dans
le territoire du royaume d’Israël.
Notons trois événements :
1. La destruction du royaume d’Israël
par les Assyriens en 722 av. J.-C.
Beaucoup de Juifs sont réduits en
esclavage et déportés en Assyrie.
D’autres fuient les envahisseurs et vont
s’établir dans les contrées voisines.
2. La soumission du royaume de
Juda et la prise de Jérusalem par les
Babyloniens en 587 av. J.-C.
Le roi babylonien, Nabuchodonosor,
détruit le temple de Jérusalem et
déporte la majeure partie de la population. Cette catastrophe marque un
tournant décisif dans l’histoire du
peuple juif. Les historiens notent que
c’est après cette déportation à
Babylone que se constitue la première
véritable diaspora. Mais 70 ans plus
tard, la Babylonie est conquise par
Cyrus, le roi des Perses, qui autorise le
retour des exilés juifs. Une petite
minorité revient en Palestine, mais la
plupart des Juifs restent en Babylonie
et se font une vie communautaire en
se regroupant autour des synagogues.
3. À l a s u i t e d e s c o n q u ê t e s
d’Alexandre Le Grand, au cours du 4e
siècle av. J.-C., la diaspora et la communauté juive présente en Palestine
connaissent une progression sans
précédent alors que les Juifs réussissent
à convertir de nombreux adeptes. Mais
la conquête romaine de la Judée, en 63
av. J.-C., et la prise de Jérusalem ainsi
que la destruction du second Temple
après une tentative de soulèvement
national en 70 apr. J.-C. constituent la
5
principale cause historique de la diaspora. Après la Guerre de Bar
Kokkeba (132-135 apr. J.-C.), les
Romains interdisent aux Juifs de
séjourner à Jérusalem. Ils perdent
donc leur capitale politique, culturelle et religieuse.
Les Juifs se répandront ensuite dans
tout le bassin méditerranéen, notamment en Espagne et en Europe de
l’ouest. À la fin du Moyen-Âge, les
Juifs fuient les persécutions et s’installent en Europe de l’Est. Le fait que
le peuple juif ait vécu si longtemps
en diaspora aura des répercussions
très importantes sur l’évolution de la
tradition juive. Les communautés
juives séparées les unes des autres
développeront des particularismes,
mais elles seront toujours soudées
par leur référent religieux. On distingue ordinairement deux grandes
communautés : les Juifs sépharades
(en hébreu: « Espagne ») liés au bassin
méditerranéen et les Juifs ashkénazes
(en hébreu: « Allemagne ») liés à
l’Europe de l’Est.
Durant la première moitié du 20 e
siècle, ils émigrent en masse aux
États-Unis, fuyant à nouveau les violences terribles dont ils sont victimes
en Europe. Trois grands groupes se
distingueront : les Juifs orthodoxes
ou traditionnels, les Juifs conservateurs et les Juifs réformés.
Après la Deuxième Guerre mondiale,
c’est vers leur terre d’origine que
beaucoup de rescapés des camps de
concentration nazis se tourneront,
avec la création de l’État d’Israël
moderne, en 1948. À l’heure actuelle,
cette Terre promise demeure toujours
une terre blessée et déchirée où l’affrontement des Palestiniens et des
Israéliens et provoque de vives souffrances dans les deux camps.
Les juifs ashkénazes liés à
l’Europe de l’Est
Mer Méditerranée
Les juifs sépharades liés au
bassin méditerranéen
6
7
1- Les grands récits bibliques
rapportant l’Alliance entre Yahvé
et son peuple
Le SHEMA
Au cœur de la tradition juive, il y a la
croyance en un dieu unique, tout-puissant,
créateur et maître de l’Univers. Elle est la
première religion monothéiste. Pour elle,
Yahvé est un dieu secret mais aussi tendre,
qui se révèle, parle et intervient dans l’histoire d’un peuple avec qui il a fait et
renouvelé une alliance. Les récits qui nous
rapportent cette histoire sont consignés
dans la Bible hébraïque et font appel à différents genres littéraires : récits mythiques,
récits légendaires, récits semi-légendaires,
récits historiques. Nous en retiendrons
trois : deux sont très célèbres et le troisième
est moins cité.
Le texte qui exprim
e le mieux la
réalité de l’Alliance
est le SHEMA.
Il constitue la profes
sion de foi centra le de la tra di tio
n ju iv e et es t
souvent répété de di
verses façons.
Écoute, Israël: Yahvé
notre Dieu est
le seul Yahvé. Tu aim
eras Yahvé ton
Dieu de tout ton cœ
ur, de toute ton
âme et de tout to
n pouvoir. Que
ces paroles que je
te dicte aujourd’hui restent dans to
n cœur! Tu les
leur diras aussi bien
assis dans ta
maison que marchan
t sur la route,
couché aussi bien qu
e debout
(Deutéronome 6, 47).
r i t pas au co mp let .
c
é
’
s
e
n
u
e
i
D
e
d
Le no m
re lettres,
crit à l’aide de quat
onDieu, en hébreu, s’é
qui est. Puisque la pron
lui
ce
nt
fie
ni
sig
i
qu
H,
,
YHW
ent Yahvé ou Jéhovah
uv
so
t
di
on
,
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nn
co
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ciation est
crivent
t, ne prononcent ni n’é
ec
sp
re
r
pa
,
ifs
Ju
les
mais
ilisent les
eu au complet. Ils ut
jamais le nom de Di
e Éternel
t parfois dire ou écrir
en
uv
pe
et
s
tre
let
re
quat
re « Seigneur ».
ou Adonaï, qui veut di
0.2.2.1. )
( OPECO, Annexe HRE3
8
Abraham
Le récit d’Abraham
Le premier récit, l’histoire d’Abraham
l’Hébreu, est central. Il nous raconte son
départ de Haran, son arrivée en terre de
Canaan, ses démêlés avec des tribus locales
et surtout son Alliance avec Yahvé. Il est
choisi pour être le père d’une multitude et,
bien qu’âgé ainsi que sa femme Sara, il aura
un fils Isaac qui à son tour aura deux fils :
Ésaü et Jacob. La circoncision d’Isaac sera
le signe de l’Alliance inscrit dans la chair
de tous les mâles de sa descendance.
Ultimement, pour mettre à l’épreuve la foi
d’Abraham et sceller définitivement
l’Alliance, Yahvé va lui demander de lui
sacrifier son fils. Il passera l’épreuve, et, en
retour, Yahvé lui confirmera: Je te comblerai
de bénédictions, je rendrai ta postérité aussi
nombreuse que les étoiles de la mer...
(Genèse 22, 17).
Lorsque Abram eut atteint quatrevingt-dix-neuf ans, Yahvé lui apparut
et lui dit: « Je suis El-Shaddaï ;
marche en ma présence et sois parfait. J’établis mon alliance entre toi
et moi, et je t’accroîtrai énormément ». Abram tomba la face contre
terre et Dieu lui parla ainsi : « Moi,
voici mon alliance avec toi: tu
deviendras père d’une multitude de
peuples. Je te rendrai extrêmement
fécond... J’instituerai mon alliance
entre toi et moi, et ta race après toi,
de génération en génération... »
(Genèse 17, 1-4 ; 6-7).
9
Le récit de Noé
Noé
Un autre récit d’alliance, qu’on
cite moins souvent mais qui est
aussi très important, est le récit
mythique du déluge et de
l’Alliance avec Noé. Dans ce
récit, on découvre un Dieu
inattendu, qui à cause de la
mauvaise conduite des humains
semble se repentir de les avoir
créés. Il décide d’une grande
catastrophe pour les rayer de la
carte. Mais malgré tout, il propose à Noé, homme juste et
pieux, de le sauver lui et sa
famille ainsi que diverses
espèces animales, en construisant une arche. Le déluge
étant terminé, il scelle avec Noé
une première Alliance dont
l’arc-en-ciel devient le signe.
L’arc-en-ciel union du feu (le soleil) et de l’eau.
Dieu parla ainsi à
Noé et à
ses fils: «Voici que
je conclus
mon alliance avec vo
us et avec
vos descendants ap
rès vous...
J’ ét ab lis m on al lia
nc e av ec
vous : nulle chair ne
sera plus
dé tr ui te pa r le s
ea ux du
déluge, il n’y aura
plus de
déluge pour ravager
la terre. »
Et Dieu dit : « Voici
le signe
de l’alliance que je
mets entre
moi et tous les être
s vivants
qui sont avec vous
, pour les
générations à venir
: je mets
mon arc dans la
nuée et il
deviendra un signe
d’alliance
entre moi et la terr
e. »
Genèse 9, 8 et 9 ; 11
-13.
10
L’intérêt de ce récit est de faire la transformation d’un projet divin qui, avec la
création, concernait l’humanité et qui
va en fait se particulariser sur un
peuple : Israël. Le récit de Noé nous met
sur une piste. Au fond, depuis le récit
de la création l’histoire humaine connaît une série d’échecs (Caïn et Abel, la
tour de Babel et les inconduites de l’humanité qui précèdent le déluge.)
L’élection d’un juste et à travers lui d’un
peuple (la Bible fait descendre Abraham
de Noé) permettra de l’investir d’une
mission et de témoigner d’une façon de
vivre respectueuse de l’Alliance.
Moïse
Le récit de Moïse
Un autre récit très connu raconte l’histoire de
Moïse, le législateur et le véritable fondateur du
judaïsme. Au sommet du Sinaï, alors que le
peuple juif a fui l’esclavage du pharaon
d’Égypte et se prépare à entrer en Terre
promise, Yahvé renouvelle son Alliance en proposant à Moïse et au peuple d’Israël qu’il dirige,
un code de l’Alliance appelé aussi « décalogue ».
Le livre de l’Exode raconte l’esclavage du
peuple juif en Égypte, la traversée miraculeuse
de la Mer Rouge sous la conduite de Moïse, le
renouvellement de l’Alliance au Sinaï, et la
longue errance de quarante ans dans le désert
avant d’accéder à la Terre promise.
Tu diras à Pharaon: « laisse aller mon peuple »
Un esclave hébreu est battu
par ses maîtres égyptiens
La traversée du Nil
11
2- Les textes sacrés
• La Torah et les autres écrits
La Bible hébraïque ou la Torah écrite
La Bible hébraïque
ou Tanak comprend
24 livres. Elle contient la Torah ou
«Pentateuque» (qui
veut dire en grec:
5 livres), les livres
d e s P ro p h è t e s
( 8 l i v re s ) , l e s
Psaumes (1 livre) et
d’autres écrits ou
hagiographes. Pour
Les rouleaux de la To
rah,
l’ensemble de ces
recouverts de velou
rs
écrits, on parlera
dans une synagogue
de Torah écrite. Sa
rédaction a duré
un millénaire et représente une œuvre
très diversifiée tant par les auteurs que
par les genres littéraires. Pour la tradition juive, la Torah est avant tout un
enseignement divin et énonce une
direction à suivre pour guider l’homme
dans ses rapports avec son prochain et
avec Yahvé. Elle est la charte de
l’Alliance entre Dieu et son peuple et
en tout premier lieu une manifestation
de grâce. C’est sans doute suite à la
d e s t r u c t i o n d u Te m p l e p a r l e s
B a b y l o n i e n s a u 6 e s i è c l e a v.
J.-C. que s’est imposée progressivement
la conception de la place absolument
centrale de la Torah qui deviendra le
fondement même du judaïsme. C’est
aussi à cette période que la Torah
écrite prend sa forme définitive alors
que le texte ne sera définitivement fixé
qu’au premier siècle apr. J.-C.
12
1.
Le Pentateuque
C’est le cœur de la Torah écrite
puisqu’il rapporte la mémoire des
origines en reprenant les grands récits
fondateurs évoqués plus haut. Il comprend cinq livres : la Genèse (bereshit),
l’Exode (shemot), le Lévitique
(Vayikra), les Nombres (Be-Midmar)
et le Deutéronome (Devarim). La tradition attribue à Moïse l’origine de ces
écrits. À chaque sabbat, un passage du
Pentateuque est proclamé à partir du
rouleau où il a été retranscrit de
génération en génération. Ces rouleaux
sont l’objet d’une grande vénération, et
une fête leur est réservée : la fête de la
joie de la Torah au cours de
laquelle on danse avec
La Torah
la Torah.
Mishnah
La Torah orale
2.
Les Prophètes
Le terme « prophètes » est à prendre au
sens large : il s’agit de personnes parlant ou agissant au nom de Yahvé. Cet
ensemble réunit des livres à caractère
narratif et historique et couvre la
période allant de la conquête de la
Terre promise au retour de l’exil à
Babylone en passant par l’établissement de la royauté ainsi que par la
chute de Jérusalem et la destruction du
Temple par les Babyloniens au 6e siècle
av. J.-C. Il comprend : Juges, Samuel,
Rois (appelés prophètes antérieurs),
Isaïe, Jérémie, Ézéchiel, Amos et Osée
(appelés prophètes postérieurs). Il s’y
ajoute les douze petits prophètes.
3. Les autres écrits
ou « hagiographes »
Ce dernier mot, d’origine grecque,
signifie : « écrits sacrés ». Cette section
comprend, entre autres, des écrits
majeurs de la sagesse juive tels que :
le livre des Proverbes, le livre de Job (qui
questionne le fait que Yahvé tolère
l’existence du mal), le Cantique des
Cantiques (poèmes d’amour) et les
Psaumes (qui sont des poèmes et des
prières attribués traditionnellement
au roi David).
Accompagnant la Torah écrite, la
Torah orale se veut une adaptation
permanente aux exigences de la vie
concrète, sous forme de commentaires
de l’écrit. Cette adaptation doit tenir
compte de la diversité des domaines de
vie et des variations dans les conditions de vie. Dans la tradition juive, la
«répétition» de la parole divine doit
toujours s’accompagner d’interprétation. De cette manière, la Torah orale
apparaît comme l’interprétation
première, indispensable de la Torah
écrite. Tandis que la Torah écrite à été
donnée une fois pour toute, la Torah
parlée n’est jamais close. Son interprétation et son actualisation restent pour
chaque génération la tâche des maîtres
de l’enseignement traditionnel.
Dans un effort de systématisation et en
raison de son abondance, cette tradition
orale sera finalement codifiée au 2e siècle
dans la Mishnah, mot qui signifie
«répétition» suite à une décision des rabbins de Palestine sous la direction de
Rabbi Yehoudah, le Prince. Elle
rassemble des prescriptions morales et
rituelles. On y parle de l’agriculture, de la
vie familiale, du droit civil, du droit pénal
et des sujets religieux tels que les prières,
les fêtes, le service du temple et les conditions de la pureté rituelle. Les rabbins
ont complété la Mishnah au fil des
années par de nombreux commentaires
que l’on appelle Guenarah. Ces deux
ensembles réunis vont former le Talmud.
13
Yeshiva montréalaise. La Yeshiva est
une salle d’étude où le jeune garçon
apprend notamment les règles du Talmud
Le mot Talmud
signifie littéralement
«enseignement»
et vise à fournir
une revue complète des règles
à suivre sur
tous les points
de la vie religieuse et civile des Juifs. Il
existe deux Talmuds: celui de Jérusalem,
achevé au 4e siècle et écrit en hébreu, et
celui de Babylone, beaucoup plus
étendu et complet, achevé au 6e siècle
et écrit en araméen.
Le but de la vie juive étant d’accomplir
aussi fidèlement que possible la volonté
de Yahvé exprimée dans la Torah, dans
le sens de son interprétation orale
a u t a n t q u ’ é c r i t e, e l l e d o i t ê t r e
enseignée et méditée en permanence.
Cette étude, en vue de l’application des
préceptes, apparaît ainsi comme l’activité la plus indispensable, la plus
nécessaire et la plus méritoire. Depuis
longtemps, les Juifs sont soucieux
d’éducation. L’instruction est généralisée, en tout cas chez les hommes, et
on va très jeune à l’école. Les garçons
apprennent à lire l’hébreu pour pouvoir étudier la Torah. Plus tard, ils
passeront à l’araméen, langue du
Talmud babylonien. Dans le passé, on
n’étudiait que les livres sacrés et il
n’était pas rare que les jeunes gens
poursuivent leurs études jusqu’à vingt
ans passés. Aujourd’hui, la plupart des
jeunes Juifs ne vont plus si loin dans
leur éducation religieuse mais la tradition du respect de l’étude est toujours
très présente.
Étude
14
3- Les grands rites de la tradition juive
pour les moments importants de la vie
Le premier rite que l’on rencontre dans la tradition juive
concerne les garçons. Il s’agit de la circoncision.
Elle consiste en l’ablation du prépuce
du jeune garçon. Cette opération,
certes un peu douloureuse, ne laisse
pas de séquelles importantes. Nous
rencontrons cette pratique chez de
nombreux peuples à travers toute
l’histoire de l’humanité.
Nous la retrouvons par exemple
dans l’islam. Elle marque le
tournant de la puberté,
comme c’est le cas
d’ailleurs chez les peuples
« dits » primitifs où cette
cérémonie marque l’initiation à la vie adulte du
chasseur ou du guerrier.
Cependant, la pratique de la
circoncision chez les Juifs
revêt un sens spécifique.
Selon l’éclairage des sciences
historiques et anthropologiques, les Juifs auraient
imité les Égyptiens, cette pratique leur apparaissant être le
signe d’un peuple évolué. Dans un
éclairage religieux, nous pouvons lire
dans le récit de la Genèse que la circoncision a été commandée par Yahvé
à Abraham pour marquer dans la chair
de ses descendants l’Alliance conclue
entre eux deux. Suite à la circoncision
d’Isaac par son père Abraham, la loi
religieuse stipule que tout enfant mâle
doit être circoncis huit jours après la
naissance à moins que la circoncision
ne soit reportée à une date ultérieure
parce qu’elle présente un danger pour
la santé de l’enfant. Cette obligation est
la responsabilité du père.
Cette opération est effectuée par
un officiant désigné appelé Mohel, qui
doit lui-même être certifié. Le nom est
alors donné à l’enfant. La signification
de la cérémonie, pour le peuple juif, est
de marquer l’entrée du jeune
garçon dans la communauté
juive. Elle est le signe avant tout
qu’il est entré dans
l’Alliance entre Yahvé et
son peuple. Elle est l’occasion d’une grande fête
familiale avec un repas : la
fête de « l’accomplissement
du commandement ».
Dans le judaïsme, la circoncision est exigée
également pour l’admission d’un non juif. Cette
question de l’obligation
de la circoncision a été
soulevée au siècle dernier
par les Juifs américains
généralement plus tolérants et
ouverts aux idées nouvelles. Ils
ont proposé de l’abolir. Mais cette
idée ne fut pas retenue. La circoncision est une marque
indélébile de l’Alliance avec Yahvé
et de l’appartenance du jeune
g a r ç o n à l a c o m m u n a u t é j u i ve.
Depuis les temps les plus anciens,
elle est considérée comme l’un des
critères majeurs de la vie juive, au
même titre que l’observance du
sabbat, les interdictions alimentaires et la cérémonie de la
bar-mitzvah.
15
Repères chronologiques
PÉRIODE BIBLIQUE
XIXe siècle avant : Les Patriarches : Abraham, Isaac et Jacob
XVe siècle avant : Moïse, l’Exode et la révélation.
Xe siècle avant: David, Salomon et la construction du temple de Jérusalem.
586 avant : Destruction du temple. Exil de Babylone.
538-515 avant : Édit de Cyrus : retour de l’exil et construction
du second temple.
Ve siècle avant : Achèvement de la Bible hébraïque
Vers 444 avant : Les Maccabées – résistance juive à l’héllénisme.
(Influence grecque)
PÉRIODE POST-BIBLIQUE
70 après : Destruction du second temple (Vespasien, Titus).
IIe – IXe siècles : Rédaction de la « Torah orale » (Talmud et Midrash –
Littérature homilétique, éthique, philosophique ou mystique).
Xe – XVIe siècles : Âge d’or de la théologie, de la philosophie, de la
poésie et de la mystique (Espagne). Âge d’or de l’exégèse biblique et
talmudique (France et Rhénanie).
LES TEMPS MODERNES
XVIIIe – XIXe siècles : Émancipation intellectuelle, spirituelle et
politique (l’Assemblée Constituante accorde aux juifs de France « les
droits de citoyens actifs ») (1791).
1933-1945 : L’Holocauste (Hitler, les lois raciales, les camps de
concentration : six millions de martyrs).
5 mai 1948 : Création de l’État d’Israël.
Juin 1967 : Réunification de Jérusalem suite à la guerre
des six jours.
60
La tradition bouddhiste
La tradition islamique
La tradition hindoue
La tradition chrétienne
Le phénomène religieux
Le guide des grandes religions
DANGER
LE
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