LA TRADITION JUIVE Hubert Leroux LES ÉDITIONS LA PENSÉE inc. Sous la direction de Jean-Marie Debunne LA TRADITION JUIVE Un Dieu qui fait alliance Hubert Leroux À ma fille Anne. Afin que la reconnaissance de l’autre serve enfin l’avenir du monde. Sous la direction de Jean-Marie Debunne La tradition juive Auteur Directeur de la Collection Labyrinthes Conception graphique Révision linguistique Illustrations Photographies Hubert Leroux, enseignant du Collège Mont-Saint-Louis Jean-Marie Debunne, professeur en éducation religieuse à l’Université Saint-Paul (Ottawa) Les Éditions La Pensée inc. Marie-Claude Piquion Monique Chaussé Élèves du Collège Mont-Saint-Louis Remerciements particuliers à Yvonne Tregonning, directrice de l’OPECO (Office Provincial de l’Éducation de la foi Catholique de l’Ontario) qui nous a permis d’utiliser des extraits du guide pédagogique rédigé par son organisme et à Cécile Larivière-Leduc qui nous a fait découvrir ce document. © Les Éditions La Pensée inc., 2003 Tous droits réservés. On ne peut reproduire,enregistrer ni diffuser aucune partie du présent ouvrage,sous quelque forme ou par quelque procédé que ce soit, électronique, mécanique, photographique, sonore, magnétique ou autre, sans avoir obtenu au préalable l’autorisation écrite de l’éditeur. Dépôt légal Bibliothèque nationale du Québec, 2003 Bibliothèque nationale du Canada, 2003 Imprimé et relié au Québec ISBN 978-2-89458-294-7 Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Programme d’Aide au Développement de l’Industrie de l’Édition (PADIÉ) pour nos activités d’édition. «Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – Gestion SODEC» LE «PHOTOCOPILLAGE» TUE LE LIVRE Sommaire Introduction Premier regard : Un peuple dispersé, une histoire mouvementée et une terre toujours déchirée Première partie – Les récits, les rites et les règles de la tradition juive * * 7 Les grands récits bibliques rapportant l’Alliance entre Yahvé et son peuple 8 Le récit d’Abraham 9 Le récit de Noé 10 Le récit de Moïse 11 Les textes sacrés • La Torah et les autres écrits 12 La Bible hébraïque ou la Torah écrite 12 La Torah orale 13 3. Les grands rites de la tradition juive pour les moments importants de la vie 15 La circoncision 15 La bar-mitzvah 16 Le mariage 19 Les rites de la mort 20 4. Le sabbat et la synagogue 21 5. Le calendrier juif et les fêtes religieuses 6. La morale et la société juive • Le monde des règles 28 Les dix commandements ou les dix « paroles » 28 Les règles alimentaires 31 4 23 Pour diviser les chapitres de la première et deuxième partie, nous utilisons les 13 premières lettres de l’alphabet hébraïque. I Deuxième partie – Au fil de l’histoire 1. 2. 33 Aux origines des préjugés • l’Antiquité gréco-romaine 34 Entre deux persécutions, un âge d’or… Les Juifs d’Espagne 35 L’Espagne des Wisigoths 35 L’âge d’or 36 La Reconquista 38 3. La condition juive dans l’Occident chrétien 39 Le Saint Empire 39 Les croisades et la violence antijuive 40 La fuite vers l’Est • Le mysticisme juif et le mouvement hassidique 4. Une éclaircie européenne à l’Ouest • L’émancipation des Juifs 43 Citoyens à part entière 43 Les Juifs et le mouvement révolutionnaire de la fin du 19e siècle et du début du 20e siècle 43 Le sionisme 45 5. L’adaptation et la réforme • L’émigration juive aux États-Unis 46 Le judaïsme réformé américain 47 6. « L’âge de cendres » 48 L’antisémitisme racial 48 Le nazisme 49 La Shoah 50 Réflexion sur la Shoah 51 La fondation de l’État d’Israël et les conflits israélo-arabes 54 Les conflits israélo-arabes 55 Conclusion 56 Yahvé n’a rien créé de plus beau que la paix Glossair e 58 Repèr es chr onologiques II 60 56 41 Albert Einstein Sigmund Freud Steven Spielberg 1 Introduction N ous avons tous certaines connaissances et images en lien avec la tradition juive. En général, nous savons que le christianisme y plonge ses racines et que Jésus était un Juif de Galilée. Les chrétiens partagent avec les Juifs le livre sacré de l’Ancien Testament que ceux-ci appellent Torah ou Tanak. On parle du judaïsme comme du « berceau du christianisme ». Peut-être, sur un autre plan, avez-vous entendu parler de certaines interdictions alimentaires chez les juifs pratiquants : l’interdiction de la viande de porc ou de crustacés par exemple ? Vous savez sans doute que leurs lieux de culte s’appellent synagogues. Nous avons aussi des images de Juifs orthodoxes portant de larges chapeaux noirs, des bouclettes de cheveux et de longs manteaux. D’autres personnes cependant ne portent pas cette tenue vestimentaire tout en se considérant comme juives et ne suivent pas méticuleusement les 613 prescriptions de la Torah. Certaines personnes sont célèbres : le grand physicien Albert Einstein était juif allemand tout comme Karl Marx, le fondateur de la doctrine communiste. Le compositeur Gustav Mahler était juif autrichien tout comme Sigmund Freud, le fondateur de la psychanalyse. Deux cinéastes américains d’origine juive sont particulièrement célèbres : Woody Allen et surtout Steven Spielberg, le réalisateur de La liste de Schindler. Certains de leurs films portent juste- 2 ment sur la condition des Juifs dans le monde d’aujourd’hui. Vous savez sûrement que les Juifs européens ont été victimes de persécut i o n s terribles Facade d’une école juive à Montréal. En haut : les 10 « paroles » ou commandements. En bas : l’étoile de David symbole d’Israël durant la Deuxième Guerre mondiale et que le nazisme a visé leur extermination « finale ». Vous connaissez aussi l’existence de l’État d’Israël qui continue à être une terre déchirée sur laquelle les Israëliens et les Palestiniens s’affrontent depuis plusieurs décennies sans qu’aucune solution ne semble possible à court terme. Bref, une réalité complexe qui mêle le religieux, la politique et l’histoire. C’est une invitation à la prudence. La tradition juive n’est pas un monde monolithique. C’est un monde complexe et très diversifié où coexistent divers courants qui vont d’une orthodoxie très méticuleuse à un libéralisme très ouvert. Comme l’écrit Claude Riveline : « Juif est un mot difficile à prononcer, un mot lourd de souvenirs. Mais il désigne une grande variété de personnes. C’est ce qu’il y a de commun entre un diamantaire d’Anvers, un soldat israélien, un rabbin de Meknès; entre Jésus, Freud et Einstein; entre des agriculteurs de Judée d’il y a deux mille ans, de riches marchands d’Amsterdam au Grand siècle, et de misérables colporteurs en Europe du XIXe siècle. Ce qui unit toutes ces personnes ? Elles ont en commun une longue histoire, sans doute l’une des plus anciennes de toutes les civilisations encore vivantes. » – Claude Riveline, Petit traité pour expliquer le judaïsme aux non-juifs, Éd. Département Torah et Société, Consistoire israélite de Paris. Extrait de l’avant-propos. Au delà du constat de diversité et de complexité, il y a donc l’invitation à saisir le fil de l’histoire pour comp re n d re u n e s u c c e s s i o n d ’ ex i l s , d’expulsions, d’installations et de nouveaux départs et enfin un établissement. Nous suivrons le conseil d’un grand philosophe : « Ni rire, ni pleurer, comprendre. » Entrée d’une synagogue à Montréal Il s’agit de Spinoza, philosophe d’origine juive. Après un premier regard d’ensemble sur l’univers juif, nous nous attarderons, dans une première partie, à présenter les grands récits, les rites et les règles de la tradition juive. Dans une deuxième partie, nous saisirons le fil de l’histoire pour suivre les méandres d’un peuple et d’une tradition nomades. 3 Premier regard – Un peuple dispersé, une histoire mouvementée et une terre toujours déchirée Un regard rapide sur l’univers juif nous permet un premier constat: il s’agit d’un monde dispersé. Plus de 6 millions de personnes appartenant à la tradition juive vivent aux États-Unis alors qu’ils sont environ 3 millions 500 000 en Israël et près de 3 millions dans l’ex-U.R.S.S. Cette dispersion a pour nom « diaspora ». Au cours de son histoire, le peuple juif a vécu des exils, des expulsions, des installations ; il va habiter de nombreux pays. Il y a bien sûr d’autres diasporas : on peut parler d’une diaspora italienne, haïtienne, grecque, vietnamienne. Mais la survivance du peuple juif à travers plusieurs millénaires est sans doute un phénomène unique. Répartition de la communauté juive dans le monde Canada 300 000 États-Unis 6 000 000 Brésil 350 000 Grande-Bretagne 450 000 La communauté juive ne dépasse guère une quinzaine de millions de personnes: 6 millions de Juifs vivent aux États-Unis, 3 500 000 en Israël, près de 3 millions en ex-U.R.S.S., 650 000 en France, 500 000 en Argentine, 450 000 en Grande-Bretagne, 300 000 au Canada, 350 000 au Brésil, 120 000 en Afrique du Sud, près de 100 000 en Hongrie, etc. (Malherbe, 1992, p.66). 4 Israël 2 500 000 Ex-U.R.S.S. 3 000 000 Argentine 500 000 France 650 000 Cette dispersion s’explique de diverses façons à t r a v e r s u n e h i s t o i r e m o u ve m e n t é e . Distinguons-en les causes internes et les causes externes. Quand nous parlons des causes internes en général, il s’agit du départ volontaire d’une partie de la population juive de Palestine pour l’un ou l’autre des motifs suivants: 1. Ils partent vers les villes importantes pour faire du commerce; 2. Ils quittent la Palestine parce que Expulsions et migrations juives : la fuite vers l’est (Pologne, Russie) Russie Angleterre Pays-Bas Pologne Fin Moyen-Âge Renaissance Espagne Ve r sl es Pa ys- Ba s France Allemagne son sol est trop pauvre pour faire de la culture ; 3. Ils fuient les querelles politiques qui déchirent la communauté juive elle-même. Les causes externes de la diaspora sont sans doute plus déterminantes. Il s’agit de l’irruption de peuples voisins dans le territoire du royaume d’Israël. Notons trois événements : 1. La destruction du royaume d’Israël par les Assyriens en 722 av. J.-C. Beaucoup de Juifs sont réduits en esclavage et déportés en Assyrie. D’autres fuient les envahisseurs et vont s’établir dans les contrées voisines. 2. La soumission du royaume de Juda et la prise de Jérusalem par les Babyloniens en 587 av. J.-C. Le roi babylonien, Nabuchodonosor, détruit le temple de Jérusalem et déporte la majeure partie de la population. Cette catastrophe marque un tournant décisif dans l’histoire du peuple juif. Les historiens notent que c’est après cette déportation à Babylone que se constitue la première véritable diaspora. Mais 70 ans plus tard, la Babylonie est conquise par Cyrus, le roi des Perses, qui autorise le retour des exilés juifs. Une petite minorité revient en Palestine, mais la plupart des Juifs restent en Babylonie et se font une vie communautaire en se regroupant autour des synagogues. 3. À l a s u i t e d e s c o n q u ê t e s d’Alexandre Le Grand, au cours du 4e siècle av. J.-C., la diaspora et la communauté juive présente en Palestine connaissent une progression sans précédent alors que les Juifs réussissent à convertir de nombreux adeptes. Mais la conquête romaine de la Judée, en 63 av. J.-C., et la prise de Jérusalem ainsi que la destruction du second Temple après une tentative de soulèvement national en 70 apr. J.-C. constituent la 5 principale cause historique de la diaspora. Après la Guerre de Bar Kokkeba (132-135 apr. J.-C.), les Romains interdisent aux Juifs de séjourner à Jérusalem. Ils perdent donc leur capitale politique, culturelle et religieuse. Les Juifs se répandront ensuite dans tout le bassin méditerranéen, notamment en Espagne et en Europe de l’ouest. À la fin du Moyen-Âge, les Juifs fuient les persécutions et s’installent en Europe de l’Est. Le fait que le peuple juif ait vécu si longtemps en diaspora aura des répercussions très importantes sur l’évolution de la tradition juive. Les communautés juives séparées les unes des autres développeront des particularismes, mais elles seront toujours soudées par leur référent religieux. On distingue ordinairement deux grandes communautés : les Juifs sépharades (en hébreu: « Espagne ») liés au bassin méditerranéen et les Juifs ashkénazes (en hébreu: « Allemagne ») liés à l’Europe de l’Est. Durant la première moitié du 20 e siècle, ils émigrent en masse aux États-Unis, fuyant à nouveau les violences terribles dont ils sont victimes en Europe. Trois grands groupes se distingueront : les Juifs orthodoxes ou traditionnels, les Juifs conservateurs et les Juifs réformés. Après la Deuxième Guerre mondiale, c’est vers leur terre d’origine que beaucoup de rescapés des camps de concentration nazis se tourneront, avec la création de l’État d’Israël moderne, en 1948. À l’heure actuelle, cette Terre promise demeure toujours une terre blessée et déchirée où l’affrontement des Palestiniens et des Israéliens et provoque de vives souffrances dans les deux camps. Les juifs ashkénazes liés à l’Europe de l’Est Mer Méditerranée Les juifs sépharades liés au bassin méditerranéen 6 7 1- Les grands récits bibliques rapportant l’Alliance entre Yahvé et son peuple Le SHEMA Au cœur de la tradition juive, il y a la croyance en un dieu unique, tout-puissant, créateur et maître de l’Univers. Elle est la première religion monothéiste. Pour elle, Yahvé est un dieu secret mais aussi tendre, qui se révèle, parle et intervient dans l’histoire d’un peuple avec qui il a fait et renouvelé une alliance. Les récits qui nous rapportent cette histoire sont consignés dans la Bible hébraïque et font appel à différents genres littéraires : récits mythiques, récits légendaires, récits semi-légendaires, récits historiques. Nous en retiendrons trois : deux sont très célèbres et le troisième est moins cité. Le texte qui exprim e le mieux la réalité de l’Alliance est le SHEMA. Il constitue la profes sion de foi centra le de la tra di tio n ju iv e et es t souvent répété de di verses façons. Écoute, Israël: Yahvé notre Dieu est le seul Yahvé. Tu aim eras Yahvé ton Dieu de tout ton cœ ur, de toute ton âme et de tout to n pouvoir. Que ces paroles que je te dicte aujourd’hui restent dans to n cœur! Tu les leur diras aussi bien assis dans ta maison que marchan t sur la route, couché aussi bien qu e debout (Deutéronome 6, 47). r i t pas au co mp let . c é ’ s e n u e i D e d Le no m re lettres, crit à l’aide de quat onDieu, en hébreu, s’é qui est. Puisque la pron lui ce nt fie ni sig i qu H, , YHW ent Yahvé ou Jéhovah uv so t di on , ue nn co in ciation est crivent t, ne prononcent ni n’é ec sp re r pa , ifs Ju les mais ilisent les eu au complet. Ils ut jamais le nom de Di e Éternel t parfois dire ou écrir en uv pe et s tre let re quat re « Seigneur ». ou Adonaï, qui veut di 0.2.2.1. ) ( OPECO, Annexe HRE3 8 Abraham Le récit d’Abraham Le premier récit, l’histoire d’Abraham l’Hébreu, est central. Il nous raconte son départ de Haran, son arrivée en terre de Canaan, ses démêlés avec des tribus locales et surtout son Alliance avec Yahvé. Il est choisi pour être le père d’une multitude et, bien qu’âgé ainsi que sa femme Sara, il aura un fils Isaac qui à son tour aura deux fils : Ésaü et Jacob. La circoncision d’Isaac sera le signe de l’Alliance inscrit dans la chair de tous les mâles de sa descendance. Ultimement, pour mettre à l’épreuve la foi d’Abraham et sceller définitivement l’Alliance, Yahvé va lui demander de lui sacrifier son fils. Il passera l’épreuve, et, en retour, Yahvé lui confirmera: Je te comblerai de bénédictions, je rendrai ta postérité aussi nombreuse que les étoiles de la mer... (Genèse 22, 17). Lorsque Abram eut atteint quatrevingt-dix-neuf ans, Yahvé lui apparut et lui dit: « Je suis El-Shaddaï ; marche en ma présence et sois parfait. J’établis mon alliance entre toi et moi, et je t’accroîtrai énormément ». Abram tomba la face contre terre et Dieu lui parla ainsi : « Moi, voici mon alliance avec toi: tu deviendras père d’une multitude de peuples. Je te rendrai extrêmement fécond... J’instituerai mon alliance entre toi et moi, et ta race après toi, de génération en génération... » (Genèse 17, 1-4 ; 6-7). 9 Le récit de Noé Noé Un autre récit d’alliance, qu’on cite moins souvent mais qui est aussi très important, est le récit mythique du déluge et de l’Alliance avec Noé. Dans ce récit, on découvre un Dieu inattendu, qui à cause de la mauvaise conduite des humains semble se repentir de les avoir créés. Il décide d’une grande catastrophe pour les rayer de la carte. Mais malgré tout, il propose à Noé, homme juste et pieux, de le sauver lui et sa famille ainsi que diverses espèces animales, en construisant une arche. Le déluge étant terminé, il scelle avec Noé une première Alliance dont l’arc-en-ciel devient le signe. L’arc-en-ciel union du feu (le soleil) et de l’eau. Dieu parla ainsi à Noé et à ses fils: «Voici que je conclus mon alliance avec vo us et avec vos descendants ap rès vous... J’ ét ab lis m on al lia nc e av ec vous : nulle chair ne sera plus dé tr ui te pa r le s ea ux du déluge, il n’y aura plus de déluge pour ravager la terre. » Et Dieu dit : « Voici le signe de l’alliance que je mets entre moi et tous les être s vivants qui sont avec vous , pour les générations à venir : je mets mon arc dans la nuée et il deviendra un signe d’alliance entre moi et la terr e. » Genèse 9, 8 et 9 ; 11 -13. 10 L’intérêt de ce récit est de faire la transformation d’un projet divin qui, avec la création, concernait l’humanité et qui va en fait se particulariser sur un peuple : Israël. Le récit de Noé nous met sur une piste. Au fond, depuis le récit de la création l’histoire humaine connaît une série d’échecs (Caïn et Abel, la tour de Babel et les inconduites de l’humanité qui précèdent le déluge.) L’élection d’un juste et à travers lui d’un peuple (la Bible fait descendre Abraham de Noé) permettra de l’investir d’une mission et de témoigner d’une façon de vivre respectueuse de l’Alliance. Moïse Le récit de Moïse Un autre récit très connu raconte l’histoire de Moïse, le législateur et le véritable fondateur du judaïsme. Au sommet du Sinaï, alors que le peuple juif a fui l’esclavage du pharaon d’Égypte et se prépare à entrer en Terre promise, Yahvé renouvelle son Alliance en proposant à Moïse et au peuple d’Israël qu’il dirige, un code de l’Alliance appelé aussi « décalogue ». Le livre de l’Exode raconte l’esclavage du peuple juif en Égypte, la traversée miraculeuse de la Mer Rouge sous la conduite de Moïse, le renouvellement de l’Alliance au Sinaï, et la longue errance de quarante ans dans le désert avant d’accéder à la Terre promise. Tu diras à Pharaon: « laisse aller mon peuple » Un esclave hébreu est battu par ses maîtres égyptiens La traversée du Nil 11 2- Les textes sacrés • La Torah et les autres écrits La Bible hébraïque ou la Torah écrite La Bible hébraïque ou Tanak comprend 24 livres. Elle contient la Torah ou «Pentateuque» (qui veut dire en grec: 5 livres), les livres d e s P ro p h è t e s ( 8 l i v re s ) , l e s Psaumes (1 livre) et d’autres écrits ou hagiographes. Pour Les rouleaux de la To rah, l’ensemble de ces recouverts de velou rs écrits, on parlera dans une synagogue de Torah écrite. Sa rédaction a duré un millénaire et représente une œuvre très diversifiée tant par les auteurs que par les genres littéraires. Pour la tradition juive, la Torah est avant tout un enseignement divin et énonce une direction à suivre pour guider l’homme dans ses rapports avec son prochain et avec Yahvé. Elle est la charte de l’Alliance entre Dieu et son peuple et en tout premier lieu une manifestation de grâce. C’est sans doute suite à la d e s t r u c t i o n d u Te m p l e p a r l e s B a b y l o n i e n s a u 6 e s i è c l e a v. J.-C. que s’est imposée progressivement la conception de la place absolument centrale de la Torah qui deviendra le fondement même du judaïsme. C’est aussi à cette période que la Torah écrite prend sa forme définitive alors que le texte ne sera définitivement fixé qu’au premier siècle apr. J.-C. 12 1. Le Pentateuque C’est le cœur de la Torah écrite puisqu’il rapporte la mémoire des origines en reprenant les grands récits fondateurs évoqués plus haut. Il comprend cinq livres : la Genèse (bereshit), l’Exode (shemot), le Lévitique (Vayikra), les Nombres (Be-Midmar) et le Deutéronome (Devarim). La tradition attribue à Moïse l’origine de ces écrits. À chaque sabbat, un passage du Pentateuque est proclamé à partir du rouleau où il a été retranscrit de génération en génération. Ces rouleaux sont l’objet d’une grande vénération, et une fête leur est réservée : la fête de la joie de la Torah au cours de laquelle on danse avec La Torah la Torah. Mishnah La Torah orale 2. Les Prophètes Le terme « prophètes » est à prendre au sens large : il s’agit de personnes parlant ou agissant au nom de Yahvé. Cet ensemble réunit des livres à caractère narratif et historique et couvre la période allant de la conquête de la Terre promise au retour de l’exil à Babylone en passant par l’établissement de la royauté ainsi que par la chute de Jérusalem et la destruction du Temple par les Babyloniens au 6e siècle av. J.-C. Il comprend : Juges, Samuel, Rois (appelés prophètes antérieurs), Isaïe, Jérémie, Ézéchiel, Amos et Osée (appelés prophètes postérieurs). Il s’y ajoute les douze petits prophètes. 3. Les autres écrits ou « hagiographes » Ce dernier mot, d’origine grecque, signifie : « écrits sacrés ». Cette section comprend, entre autres, des écrits majeurs de la sagesse juive tels que : le livre des Proverbes, le livre de Job (qui questionne le fait que Yahvé tolère l’existence du mal), le Cantique des Cantiques (poèmes d’amour) et les Psaumes (qui sont des poèmes et des prières attribués traditionnellement au roi David). Accompagnant la Torah écrite, la Torah orale se veut une adaptation permanente aux exigences de la vie concrète, sous forme de commentaires de l’écrit. Cette adaptation doit tenir compte de la diversité des domaines de vie et des variations dans les conditions de vie. Dans la tradition juive, la «répétition» de la parole divine doit toujours s’accompagner d’interprétation. De cette manière, la Torah orale apparaît comme l’interprétation première, indispensable de la Torah écrite. Tandis que la Torah écrite à été donnée une fois pour toute, la Torah parlée n’est jamais close. Son interprétation et son actualisation restent pour chaque génération la tâche des maîtres de l’enseignement traditionnel. Dans un effort de systématisation et en raison de son abondance, cette tradition orale sera finalement codifiée au 2e siècle dans la Mishnah, mot qui signifie «répétition» suite à une décision des rabbins de Palestine sous la direction de Rabbi Yehoudah, le Prince. Elle rassemble des prescriptions morales et rituelles. On y parle de l’agriculture, de la vie familiale, du droit civil, du droit pénal et des sujets religieux tels que les prières, les fêtes, le service du temple et les conditions de la pureté rituelle. Les rabbins ont complété la Mishnah au fil des années par de nombreux commentaires que l’on appelle Guenarah. Ces deux ensembles réunis vont former le Talmud. 13 Yeshiva montréalaise. La Yeshiva est une salle d’étude où le jeune garçon apprend notamment les règles du Talmud Le mot Talmud signifie littéralement «enseignement» et vise à fournir une revue complète des règles à suivre sur tous les points de la vie religieuse et civile des Juifs. Il existe deux Talmuds: celui de Jérusalem, achevé au 4e siècle et écrit en hébreu, et celui de Babylone, beaucoup plus étendu et complet, achevé au 6e siècle et écrit en araméen. Le but de la vie juive étant d’accomplir aussi fidèlement que possible la volonté de Yahvé exprimée dans la Torah, dans le sens de son interprétation orale a u t a n t q u ’ é c r i t e, e l l e d o i t ê t r e enseignée et méditée en permanence. Cette étude, en vue de l’application des préceptes, apparaît ainsi comme l’activité la plus indispensable, la plus nécessaire et la plus méritoire. Depuis longtemps, les Juifs sont soucieux d’éducation. L’instruction est généralisée, en tout cas chez les hommes, et on va très jeune à l’école. Les garçons apprennent à lire l’hébreu pour pouvoir étudier la Torah. Plus tard, ils passeront à l’araméen, langue du Talmud babylonien. Dans le passé, on n’étudiait que les livres sacrés et il n’était pas rare que les jeunes gens poursuivent leurs études jusqu’à vingt ans passés. Aujourd’hui, la plupart des jeunes Juifs ne vont plus si loin dans leur éducation religieuse mais la tradition du respect de l’étude est toujours très présente. Étude 14 3- Les grands rites de la tradition juive pour les moments importants de la vie Le premier rite que l’on rencontre dans la tradition juive concerne les garçons. Il s’agit de la circoncision. Elle consiste en l’ablation du prépuce du jeune garçon. Cette opération, certes un peu douloureuse, ne laisse pas de séquelles importantes. Nous rencontrons cette pratique chez de nombreux peuples à travers toute l’histoire de l’humanité. Nous la retrouvons par exemple dans l’islam. Elle marque le tournant de la puberté, comme c’est le cas d’ailleurs chez les peuples « dits » primitifs où cette cérémonie marque l’initiation à la vie adulte du chasseur ou du guerrier. Cependant, la pratique de la circoncision chez les Juifs revêt un sens spécifique. Selon l’éclairage des sciences historiques et anthropologiques, les Juifs auraient imité les Égyptiens, cette pratique leur apparaissant être le signe d’un peuple évolué. Dans un éclairage religieux, nous pouvons lire dans le récit de la Genèse que la circoncision a été commandée par Yahvé à Abraham pour marquer dans la chair de ses descendants l’Alliance conclue entre eux deux. Suite à la circoncision d’Isaac par son père Abraham, la loi religieuse stipule que tout enfant mâle doit être circoncis huit jours après la naissance à moins que la circoncision ne soit reportée à une date ultérieure parce qu’elle présente un danger pour la santé de l’enfant. Cette obligation est la responsabilité du père. Cette opération est effectuée par un officiant désigné appelé Mohel, qui doit lui-même être certifié. Le nom est alors donné à l’enfant. La signification de la cérémonie, pour le peuple juif, est de marquer l’entrée du jeune garçon dans la communauté juive. Elle est le signe avant tout qu’il est entré dans l’Alliance entre Yahvé et son peuple. Elle est l’occasion d’une grande fête familiale avec un repas : la fête de « l’accomplissement du commandement ». Dans le judaïsme, la circoncision est exigée également pour l’admission d’un non juif. Cette question de l’obligation de la circoncision a été soulevée au siècle dernier par les Juifs américains généralement plus tolérants et ouverts aux idées nouvelles. Ils ont proposé de l’abolir. Mais cette idée ne fut pas retenue. La circoncision est une marque indélébile de l’Alliance avec Yahvé et de l’appartenance du jeune g a r ç o n à l a c o m m u n a u t é j u i ve. Depuis les temps les plus anciens, elle est considérée comme l’un des critères majeurs de la vie juive, au même titre que l’observance du sabbat, les interdictions alimentaires et la cérémonie de la bar-mitzvah. 15 Repères chronologiques PÉRIODE BIBLIQUE XIXe siècle avant : Les Patriarches : Abraham, Isaac et Jacob XVe siècle avant : Moïse, l’Exode et la révélation. Xe siècle avant: David, Salomon et la construction du temple de Jérusalem. 586 avant : Destruction du temple. Exil de Babylone. 538-515 avant : Édit de Cyrus : retour de l’exil et construction du second temple. Ve siècle avant : Achèvement de la Bible hébraïque Vers 444 avant : Les Maccabées – résistance juive à l’héllénisme. (Influence grecque) PÉRIODE POST-BIBLIQUE 70 après : Destruction du second temple (Vespasien, Titus). IIe – IXe siècles : Rédaction de la « Torah orale » (Talmud et Midrash – Littérature homilétique, éthique, philosophique ou mystique). Xe – XVIe siècles : Âge d’or de la théologie, de la philosophie, de la poésie et de la mystique (Espagne). Âge d’or de l’exégèse biblique et talmudique (France et Rhénanie). LES TEMPS MODERNES XVIIIe – XIXe siècles : Émancipation intellectuelle, spirituelle et politique (l’Assemblée Constituante accorde aux juifs de France « les droits de citoyens actifs ») (1791). 1933-1945 : L’Holocauste (Hitler, les lois raciales, les camps de concentration : six millions de martyrs). 5 mai 1948 : Création de l’État d’Israël. Juin 1967 : Réunification de Jérusalem suite à la guerre des six jours. 60 La tradition bouddhiste La tradition islamique La tradition hindoue La tradition chrétienne Le phénomène religieux Le guide des grandes religions DANGER LE PHOTOCOPILLAGE TUE LE LIVRE