Prise de position Réduire la surconsommation de prestations médicales, augmenter la qualité des soins Les traitements et diagnostics inutiles, assortis des risques correspondants, compromettent la sécurité des patients. Pour éviter la surconsommation, il faut sensibiliser aussi bien le corps médical que les patients et promouvoir la recherche. Toutefois, l’objectif principal n’est pas de réduire les coûts de santé mais d’améliorer la qualité des traitements médicaux. Contexte A l’instar de la sous-consommation, la surconsommation met également en péril la qualité des soins médicaux. La surconsommation (overuse en anglais) désigne des soins qui ne sont d’aucune utilité pour le patient ou dont les risques dépassent le bénéfice potentiel. Elle se produit aussi lorsque des maladies sont diagnostiquées et traitées alors qu’elles n’auraient jamais entraîné ni de symptômes ni le décès du patient (surdiagnostic). Pour la réduire, il est nécessaire de définir clairement les tests, examens et traitements inappropriés. A cet effet, il faut mettre au point des définitions reconnues comme telles et basées sur l’évidence scientifique, p. ex. à l’aide de guides de pratique ou de listes Choosing Wisely. Comme ces définitions peuvent changer à la suite de découvertes et de l’apparition de nouvelles techniques médicales, leur application dans la pratique doit constamment être adaptée à la situation individuelle des patients. Différents facteurs favorisent la surconsommation de prestations médicales: • Le développement technologique et médical, les dépistages à grande échelle, l’élargissement des définitions de la maladie et les examens diagnostiques plus fréquents et plus précis présentent le risque de définir comme malades un nombre toujours plus élevé de personnes. • Les fausses incitations et les conflits d’intérêts peuvent occasionner davantage de prestations qu’indiquées. • La prise de conscience et les connaissances de la surconsommation font défaut au sein de la population, chez les politiques et dans le corps médical. • Le manque de compétences en matière de communication des risques et l’interaction déficitaire entre médecin et patient (p. ex. médecine défensive positive ou évaluation erronée concernant l’attente des patients) favorisent la surconsommation. Les arguments Pour éviter la surconsommation, la FMH met l’accent sur les points suivants: • La surconsommation met en péril la sécurité des patients Les tests, examens et traitements inutiles occasionnent des effets secondaires et des complications qui peuvent être fatales dans les cas extrêmes. En outre, les surdiagnostics provoquent de grandes charges émotionnelles chez les patients et leurs proches. Les nombreuses ressources des patients et des médecins sont surexploitées par des examens complémentaires et traitements inutiles alors que ceux-ci manquent ailleurs. De ce fait, la demande d’éviter la surconsommation est au cœur des exigences posées par le corps médical pour améliorer la qualité médicale et la sécurité des patients. • Sensibiliser les médecins et les patients Souvent, les médecins et les patients n’ont pas conscience de la surconsommation, raison pour laquelle il convient de les sensibiliser à ce sujet. Si d’autres groupes professionnels comme les Réduire la surconsommation de prestations médicales, augmenter la qualité des soins pharmaciens assument davantage de tâches diagnostiques, la surconsommation doit également figurer dans leur formation prégraduée et postgraduée. Les patients devraient avoir accès aux informations basées sur l’évidence scientifique concernant les avantages et inconvénients des examens ou traitements controversés et être rendus attentifs aux risques présentés par les surdiagnostics. Face à la démarche compréhensible du médecin de se protéger par peur de plaintes judiciaires ou d’accusations de patients même si le but visé n’est pas atteint (médecine défensive positive), la solution dite de Shared Decison Making (décision partagée) est une alternative qui permet d’éviter toute interprétation erronée des attentes formulées par les patients. • Davantage de recherche en toute urgence Pour pouvoir agir contre la surconsommation de manière efficace, il faut d’urgence développer la recherche. On trouvera l’aide nécessaire dans les études ou les registres contenant des comparaisons de l’efficacité, entre autres aussi ceux qui englobent l’attente comme option et qui tiennent compte de la polymorbidité ou de l’environnement socio-culturel des patients. Pour éviter la surconsommation, il faut en particulier davantage de recherche quantitative et qualitative sur l’examen de la qualité des indications, l’importance des différents facteurs influençant la surconsommation et les solutions possibles. • Importance des organisations médicales Le défi posé par la surconsommation est différent selon la spécialisation et il exige, par conséquent, différentes approches. De ce fait, les sociétés de discipline médicale sont invitées à traiter ce problème dans leurs domaines respectifs et les sociétés cantonales de médecine ainsi que les organisations faîtières à coordonner les initiatives dans leur champ d’activité, et donc à: o Déterminer les tests, examens ou traitements inappropriés, p. ex. dans le cadre de listes Choosing Wisely ou de guides de pratique. o Développer une stratégie de mise en œuvre pour réduire la surconsommation. o Intégrer le thème de la surconsommation dans la formation postgraduée et continue spécifique, p. ex. développer des compétences dans l’interprétation des données statistiques, dans la communication des risques et dans la procédure dite de Shared Decision Making. • Suppression des incitations visant l’augmentation du volume Il convient de ne plus créer de nouvelles incitations à la surconsommation, d’examiner de façon critique les incitations existantes et de les supprimer le cas échéant. La FMH rejette les accords ciblés relatifs à des bonus dans les contrats d’engagement des médecins hospitaliers, en particulier ceux qui sont liés à des objectifs de volumes. En effet, ces clauses incitent à effectuer le plus grand nombre possible d’examens ou de traitements. Il convient également de considérer comme incitation les tests diagnostiques demandés par les assurances pour remettre une garantie de prise en charge des coûts. En outre, il faut absolument exiger la transparence sur les liens d’intérêts pouvant exister dans les études, le sponsoring ou la désignation d’experts médicaux. • Ne pas réduire la surconsommation pour favoriser la sous-consommation La réduction de la surconsommation peut contribuer à réduire les coûts de santé pour le bien de toute la population. Néanmoins, cette économie ne doit pas être l’objectif prioritaire car la réduction de la surconsommation ne doit pas conduire à l’abandon de diagnostics ou à l’omission de traitements indispensables (sous-consommation), mais servir en premier lieu à l’amélioration de la qualité médicale, aussi dans le cadre d’une économie globale durable. Nos propositions • Réduire la surconsommation dans l’intérêt de la sécurité des patients. • Empêcher qu’une réduction de la surconsommation serve d’abord à réduire les coûts de santé mais veiller à ce qu’elle permette en priorité d’améliorer la qualité médicale. • Promouvoir la recherche sur la surconsommation. A cet effet, il convient en particulier d’évaluer les solutions possibles. 2/3 Réduire la surconsommation de prestations médicales, augmenter la qualité des soins • Publier les liens d’intérêts et examiner les fausses incitations de manière critique. • Sensibiliser les patients à cette thématique et les gagner comme partenaires dans la réduction de la surconsommation au moyen de la procédure dite de Shared Decision Making. • Tenir compte du fait que la surconsommation est différente selon la spécialisation. Aussi, les sociétés de discipline médicale, les sociétés cantonales de médecine et les organisations faîtières sont invitées à traiter ce thème, à déterminer éventuellement les prestations inappropriées et à développer des solutions adaptées. Berne, janvier 2016 3/3