Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XIV - n° 7 - septembre 2010
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dossier thématique
Cancers de la thyroïde :
aspects innovants
L
a prise en charge des nodules thyroïdiens a
considérablement évolué grâce aux progrès de
l’échographie, qui permettent une caractérisation
détaillée du nodule en mode B et en doppler. Pris isolé-
ment, les signes de présomption de malignité sont insuf-
samment discriminants, mais leur association permet
d’établir une valeur prédictive positive (VPP) de malignité
avec une spécicité et une sensibilité élevées (1). Par
ailleurs, l’échographie guide l’aiguille de cytoponction,
et la conjonction des deux techniques ore au clinicien
une identication de la nature du nodule dans la très
grande majorité des cas. Certaines tumeurs (en particulier
folliculaires) restent toutefois d’appréciation dicile.
Les progrès de l’imagerie ultrasonore sont considé-
rables, et chaque année voit l’émergence de nouvelles
techniques qui nous donnent la possibilité d’aner
notre étude. L’élastographie est l’une d’entre elles.
L’idée d’apprécier par imagerie ultrasonore la défor-
mabilité d’un tissu date de plus de 30 ans. En 1983,
A. Eisenscher (2) a décrit une technique nommée écho-
sismographie, qui utilisait le mode TM. L’avènement
du mode B a permis l’observation de la déformation
des tissus (3, 4), mais il fallu attendre 1991 pour que
J. Ophir baptise la technique du nom d’élastogra-
phie (5). Elle était initialement dédiée au muscle et
surtout au sein, les premières études in vivo sur cet
organe remontant au milieu des années 1990 (6). En
2005, A. Lyshchik a été le premier à publier une étude
consacrée à l’élastographie thyroïdienne (7).
Pourquoi vouloir mesurer
la dureté d’un tissu ?
Avant tout, il faut revenir aux dénitions :
✓
La dureté est la mesure de la capacité d’un matériau
à résister à une contrainte.
✓
La rigidité décrit le degré de déformation élastique
du matériau sous cette contrainte.
✓
L’élasticité est la capacité du matériau à reprendre
sa forme initiale à l’arrêt de la contrainte.
La découverte d’une structure dure dans un tissu mou
a toujours inspiré la suspicion. Avant l’ère de l’écho-
graphie, seuls les nodules palpables étaient localisés,
et leur rigidité était appréciée en même temps que
celle du parenchyme. L’échographie nous permet d’ob-
jectiver tous les nodules. L’élastographie, en étudiant le
couple déformation-dureté, a pour objectif de passer
de la subjectivité de la palpation à l’objectivité de la
mesure de la dureté.
À quoi est due la dureté du cancer ?
La plupart des tumeurs malignes se caractérisent
par la qualité de leur stroma anormalement ferme
(présence de collagène et de broblastes activés) :
c’est la transformation desmoplastique. Ce stroma
tumoral favorise la prolifération des cellules malignes
(et pourrait même l’initier) [8, 9]. En 2005, Lyshchik
étudia ex vivo la dureté de la thyroïde et de diérentes
tumeurs thyroïdiennes. Il trouva une diérence très
signicative entre le cancer (63,3 ± 36,8 kilopascals
[kPa] et le tissu sain (10 ± 4,2 kPa) [10].
Élastographie thyroïdienne
Thyroid elastography
Hervé Monpeyssen, Jean-Michel Correas, Jean Tramalloni, Sylvain Poirée, Olivier Hélénon*
»
L’élastographie thyroïdienne s’est développée depuis 2005. Les
premières études ont utilisé l’élastographie statique (ES), fondée
sur le module de Young. Elles ont montré que l’ES peut donner un
ratio de rigidité entre les nodules et le tissu avoisinant. Un ratio élevé
est en faveur de la malignité. L’ES actuelle utilise des logiciels de
quantification et fournit des données plus précises. L’élastographie
transitoire (ET) utilise le module de cisaillement et donne la dureté
des nodules en kilopascals (kPa). Cette technique, largement
éprouvée en pathologie mammaire, doit encore bénéficier d’études
au niveau du nodule thyroïdien, en particulier dans le cadre des
tumeurs folliculaires. Les données de l’élastographie doivent s’intégrer
dans la caractérisation nodulaire classique, et non pas s’y substituer.
Elles peuvent ainsi améliorer la valeur prédictive positive de malignité
de l’échographie. Cette notion a été retenue par la Société française
d’endocrinologie dans ses récentes Recommandations pour la prise
en charge du nodule thyroïdien.
Mots-clés : Thyroïde – Élastographie – Cancer – Valeur prédictive
positive.
Keywords: Thyroid – Elastography – Cancer – Predictive value.
Points forts
* Unité Thyroïde, service
de radiologie adulte
Pr Hélénon, hôpital
Necker, Paris.