PHI-1455-A-L ÉTHIQUE ET ENJEUX EN CRIMINOLOGIE Mercredi 13h-16h (Montréal), Jeudi 13h-16h (Laval) Chargé de cours : Ugo GILBERT TREMBLAY [email protected] ***N.B. Le plan de cours officiel sera remis aux étudiants lors de la première séance du cours. Il inclura l’ensemble des dates pertinentes ainsi que toutes les informations essentielles qui ne figurent pas encore dans le présent document. CONTENU ET OBJECTIFS DU COURS D’une manière générale, l’éthique peut se définir comme la branche de la philosophie qui s’intéresse à la question du « devoir. » Que dois-je faire ? Comment devrais-je agir ? Quelle devrait être mon action dans telle ou telle circonstance ? Ces questions impliquent toutefois au préalable de pouvoir répondre à la question de savoir ce qui oriente ou guide un tel devoir : par rapport à quelle norme, à quel étalon, puis-je affirmer qu’une conduite est bonne au point qu’il faille la préférer à toute autre ? Au nom de quelle valeur – subjective ou objective, particulière ou universelle – telle action devrait-elle être estimée moralement supérieure à telle autre ? Confrontées à de telles questions, les théories éthiques se donnent pour tâche de dégager des principes d’action, d’identifier des critères permettant de distinguer le « bien » du « mal », les actes « moraux » des actes « immoraux. » Mais ces questions demeurent elles-mêmes tributaires d’une autre question, peut-être encore plus vertigineuse : que peut l’être humain ? S’agit-il d’un être libre, capable de réorienter sa vie à tout instant, grâce à la seule force de sa volonté ? Si oui, quelles sont les attentes légitimes que nous pouvons entretenir à son endroit et jusqu’où pouvons-nous le blâmer pour ses mauvaises actions ? Si non, cela signifie-t-il que nous ne pouvons rien exiger de lui, que nous devons nous résigner à observer son « destin » s’abattre sur lui comme s’il s’agissait d’une fatalité sans remède ? Toutes ces questions prennent évidemment un sens particulier lorsqu’on les pose dans le contexte de la criminologie. La formation de criminologue, en tant qu’elle se rattache aux sciences sociales, se situe d’abord dans un contexte de suspension du jugement moral. En raison de sa vocation à saisir les causes du crime, la criminologie aspire en effet à la description neutre des phénomènes et non, par exemple, à leur condamnation ou à leur réprobation. Le premier objectif du cours sera en ce sens de réfléchir au rapport entre « regard scientifique » et « regard éthique », ainsi qu’aux conflits susceptibles de les opposer. Lorsque le criminologue pose des jugements moraux sur le monde, est-il encore criminologue ? Tel est le genre de questions qui retiendra alors notre attention. Mais la formation de criminologue invite aussi à situer le questionnement à un autre niveau. À titre d’éventuel agent au classement des détenus dans les pénitenciers, d’agent de libération conditionnelle, d’agent de probation, ou encore de criminologue embauché et rémunéré par le système pénal, le futur criminologue sera amené à évoluer dans des univers où nombre de décisions éthiques auront en quelque sorte déjà été prises à sa place. Pourquoi punissons-nous ? Existe-t-il des justifications solides pour fonder l’incarcération durable des individus, et pour rendre éthiquement admissibles les souffrances qui accompagnent leur châtiment ? En nous penchant sur le droit criminel et les différentes justifications philosophiques de la peine, le deuxième objectif 1 du cours sera de faire ressortir les choix éthiques (parfois contradictoires comme nous le verrons) qui se trouvent déjà à l’œuvre à l’intérieur des institutions pénales, en plus de mettre en relief certains des autres choix possibles qui pourraient ou devraient être préférés à ceux qui prévalent aujourd’hui. Enfin, puisque de nombreux criminologues risquent de travailler directement auprès de détenus ou de personnes trouvées coupables de crimes, il importe d’envisager les situations éthiquement délicates qu’ils pourraient rencontrer, à plus forte raison s’ils assument des fonctions associées de près ou de loin au pouvoir de l’État et à l’autorité. Confrontés à une population parfois marginalisée et fragilisée, certains pourraient également avoir à prendre des décisions éprouvantes, devoir choisir, par exemple, entre ce que leur dicte leur conscience et les attentes sociales multiples qui pèsent sur leur profession. Le troisième objectif du cours visera ainsi à interpeller le futur criminologue sur les dimensions éthiques les plus épineuses de son travail ainsi que sur le sérieux, voire la gravité, des responsabilités qui pourraient lui incomber. MÉTHODOLOGIE ET MÉTHODES D’ÉVALUATION Bien que la leçon magistrale sera la principale méthode d’enseignement privilégiée, les étudiants seront néanmoins invités à intervenir ponctuellement sur certains problèmes posés par la matière vue en classe. L’opinion des étudiants sera notamment sollicitée dans le but de vérifier leur degré d’adhésion à certaines propositions théoriques controversées et de sonder leurs convictions morales spontanées. Tout au long du trimestre, il sera fait un usage abondant d’exemples et de dilemmes liés au domaine de la criminologie, de manière à ce que les questions en apparence les plus abstraites puissent trouver à s’incarner concrètement. Quant aux méthodes d’évaluation, elles tiendront en deux examens – l’un bref, l’autre long – et en une dissertation maison portant sur un texte qui sera précisé en temps et lieu. La pondération des trois évaluations sera répartie de la manière suivante : Examen intra : 20% Dissertation maison : 40% Examen final : 40% RETARD : Conformément à la politique en vigueur au département de philosophie, une pénalité de 5% par jour sera appliquée à tout travail remis en retard. QUALITÉ DE LA LANGUE : Pour chacune des évaluations, la qualité de l’expression écrite fera l’objet d’une attention minutieuse lors de la correction (une pénalité allant jusqu’à 5% pourra s’appliquer). PLAGIAT : L’Université de http://integrite.umontreal.ca Montréal ne tolère aucune forme de plagiat : Pour éviter le plagiat accidentel, vous êtes priés de tenir compte des informations disponibles à l’adresse suivante : http://guides.bib.umontreal.ca/disciplines/22-Citer-ses-sources Veuillez également prendre note que des ressources méthodologiques précieuses sont disponibles sur le site du département de philosophie : http://www.philo.umontreal.ca/cours/guides 2 Enfin, toutes les autres informations essentielles concernant les évaluations (matière à l’étude, consignes détaillées pour la dissertation, etc.) seront communiquées au moment opportun au courant du trimestre. DOCUMENTS DE RÉFÉRENCE Les lectures obligatoires qui figurent dans le plan de cours seront distribuées au moins une semaine à l’avance via Studium. Pour des synthèses utiles, l’étudiant pourra se reporter avec profit aux ouvrages suivants : C. Debuyst, F. Digneffe et A. P. Pires (1998), Histoire des savoirs sur le crime et la peine. 2. La rationalité pénale et la naissance de la criminologie, Bruxelles/Montréal/Ottawa, De Boeck Université/PUM/PUO. A. Garapon, F. Gros et T. Pech (2001). Et ce sera justice. Punir en démocratie, Paris, Odile Jacob. B. Guillarme (2003), Penser la peine, Paris, PUF, collection « Questions d'éthique ». C. R. Williams & B. A. Arrigo (2008), Ethics, Crime, and Criminal Justice, New Jersey, Pearson Prentice Hall. CALENDRIER SEMAINE 1 – INTRODUCTION : EXPLIQUER LE CRIME REVIENT-IL À L’EXCUSER ? LE CAS DU TERRORISME Lecture optionnelle : B. Lahire (2015), Pour la sociologie. Pour en finir avec une prétendue « culture des excuses », Paris, La Découverte. SEMAINE 2 – LE PROBLÈME DU DÉTERMINISME POUR INTRODUIRE À LA RÉFLEXION ÉTHIQUE Lectures obligatoires : 1) B. Spinoza (2007), Éthique, trad. R. Misrahi, Paris, Éditions de l’éclat, Troisième partie, Préface, p. 155-156 ; 2) P. Bourdieu (2002), Questions de sociologie, Paris, Éditions de Minuit, extraits choisis. SEMAINE 3 – LES ATTITUDES RÉACTIVES ET LE RÔLE DES ÉMOTIONS MORALES DANS LES JUGEMENTS DE RESPONSABILITÉ (P. F. STRAWSON) Lecture obligatoire : P. F. Strawson (1997), « Liberté et ressentiment », trad. F. Cayla, in M. Neurberg, La responsabilité. Questions philosophiques, Paris, PUF, p. 109-140. SEMAINE 4 – COMMENT FONCTIONNENT NOS INTUITIONS MORALES ? L’ÉCLAIRAGE DE LA PHILOSOPHIE EXPÉRIMENTALE Lectures obligatoires : 1) J. Knobe (2003), « Intentional Action and Side Effects in Ordinary Language », in Analysis, vol. 63, n° 3, p. 190-194 ; 2) S. Nichols et J. Knobe (2012), « Responsabilité 3 morale et déterminisme : l’étude cognitive des intuitions ordinaires », trad. J.-R. Martin, in F. Cova et al., La philosophie expérimentale, Paris, Vuibert, p. 233-261. ***Présentation des consignes relatives à la dissertation maison SEMAINE 5 – DISTINGUER DROIT ET MORALE. LA FABRIQUE DE LA RESPONSABILITÉ EN DROIT CRIMINEL : LE CAS DE L’INTOXICATION VOLONTAIRE Lectures optionnelles (trois arrêts de la Cour suprême du Canada à survoler) : 1) Leary (1978) ; 2) Daviault (1994) ; 3) Bouchard-Lebrun (2011). ***Court examen en début de séance SEMAINE 6 – GÉNÉALOGIE DU DROIT DE PUNIR : DU CONTRACTUALISME À LA THÉORIE ÉVOLUTIONNISTE DE LA PUNITION Lecture obligatoire : F. Cushman (2015), « Punishment in Humans: From Intuitions to Institutions », in Philosophy Compass, vol. 2, n° 2, p. 117-133. SEMAINE 7 – LA JUSTIFICATION KANTIENNE DE LA PEINE ET LA PERSPECTIVE DÉONTOLOGIQUE Lecture obligatoire : E. Kant (1994), Métaphysique des mœurs II. Doctrine du droit. Doctrine de la vertu, trad. A. Renaut, Paris, GF-Flammarion, extraits choisis. SEMAINE 8 ***Période d’activités libres SEMAINE 9 – LE NÉO-RÉTRIBUTIVISME CONTEMPORAIN (R. A. DUFF, M. S. MOORE) Lecture obligatoire à déterminer parmi les deux suivantes : 1) M. S. Moore (1997), « Justifying Retributivism », in Placing Blame, Oxford University Press, chap. 4, p. 153-188 ; 2) R. A. Duff (1986), « Criticism, Blame and Moral Punishment », in Trials and Punishments, Cambridge University Press, chap. 2, p. 39-73. SEMAINE 10 – LES FONDEMENTS DE L’UTILITARISME PÉNAL ET LA TRADITION CONSÉQUENTIALISTE (BECCARIA, BENTHAM) Lectures obligatoires : 1) C. Beccaria (1991), Des délits et des peines, trad. M. Chevallier, Paris, GFFlammarion, extraits choisis ; 2) J. Bentham (2011), Introduction aux principes de la morale et de la législation, trad. M. Bozzo-Rey et al., Paris, Vrin, extraits choisis ; ***Remise de la dissertation maison 4 SEMAINE 11 – L’ÉVALUATION DE LA DANGEROSITÉ : LE CAS DE LA CRIMINOLOGIE PRÉDICTIVE Lecture obligatoire : M. Foucault (1978), « L’évolution de la notion d’‘‘individu dangereux’’ dans la psychiatrie légale du XIXe siècle », in Dits et écrits II, Paris, Gallimard, p. 443-464. SEMAINE 12 – LA FIGURE DU DÉTENU AUTONOME ET RESPONSABLE ET LA PLACE DE L’IDÉOLOGIE DANS LE MÉTIER DE CRIMINOLOGUE Lecture obligatoire : B. Quiron (2009), « Le détenu autonome et responsable : la nouvelle cible de l’intervention correctionnelle au Canada », in Revue de droit pénal et de criminologie, juillet/août, p. 818835. Projection en classe du documentaire Un trou dans le temps réalisé par Catherine Proulx, Production Virage, 2008, 52 min. SEMAINE 13 – L’ÉVOLUTION DE LA JUSTICE DES MINEURS, L’ABOLITIONNISME PÉNAL ET AUTRES PERSPECTIVES CRITIQUES Lecture obligatoire à déterminer parmi les deux suivantes : 1) L. Hulsman et J. Bernat de Celis (1984), « Fondements et enjeux de la théorie de l’abolition du système pénal », in Revue de l’Université de Bruxelles, p. 297-337 ; 2) A. P. Pires (2006), « Tomber dans un piège ? Responsabilisation et justice des mineurs », in F. Digneffe et T. Moreau, La responsabilité et la responsabilisation dans la justice pénale, Belgique, De Boek & Larcier, p. 217-246. SEMAINE 14 – LES DILEMMES ÉTHIQUES DU CRIMINOLOGUE DE TERRAIN : LA QUESTION DE L’AUTORITÉ Lecture obligatoire : à déterminer. Visionnement obligatoire à la maison : documentaire sur l’expérience de Milgram. SEMAINE 15 ***Pas de cours (période réservée aux examens) SEMAINE 16 ***Examen final BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE À venir. 5