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2016 • 2017
Au-delà des risques immédiats posés aux marchés émergents par une dévaluation de leur devise subsiste
le spectre de la politique extérieure de M. Trump. Il ne tiendra probablement pas ses promesses de
campagne les plus controversées, telles que des tarifs douaniers de 45 % sur les importations chinoises,
une taxe de 35 % sur les importations mexicaines et le « déchirement » des accords de l’ALENA. En
outre, l’imposition de tarifs douaniers de façon radicale pèserait significativement sur la croissance des
États-Unis. Or, le candidat élu sera jugé sur ses résultats économiques.
Les changements proposés par M. Trump en matière fiscale et de déréglementation pourraient en
revanche bénéficier à l’économie des États-Unis. Une baisse de l’impôt des sociétés ainsi que l’abandon
d’une partie des nouvelles dispositions réglementaires, ou l’abrogation de certaines en vigueur depuis
longtemps pourraient constituer des mesures de relance substantielles. Le reste du monde devrait
également en bénéficier du fait d’une hausse des importations. La Chine pourrait également tirer parti de
l’élection de M. Trump en raison de la mise sur la glace du partenariat transpacifique, tout comme de la
vision économique et militaire de l’Asie à laquelle tenait le président Obama. En d’autres termes, la Chine
pourrait exercer une influence plus forte, autant économique qu’idéologique, sur le reste de l’Asie.
Melchior Dechelette: Les résultats des élections américaines représentent une nouvelle source de
tensions pour les marchés émergents. Le discours protectionniste de M. Trump durant sa campagne
présidentielle a rappelé les risques perçus pour les marchés émergents. Cela étant dit, les effets
devraient être relativement limités.
Les échanges internationaux ont fortement ralenti au cours des dernières années. Dans les marchés
émergents comme dans les économies développées, la croissance est aujourd’hui davantage
conditionnée par des facteurs intérieurs, particulièrement la consommation des ménages. De facto,
des mesures protectionnistes seraient évidemment défavorables, mais dans une mesure nettement
moindre qu’il y a quelques années, lorsque la plupart des modèles économiques des marchés émergents
demeuraient fortement orientés sur la demande extérieure. Une certaine volatilité boursière est
inévitable jusqu’à l’entrée en fonction officielle de M. Trump.
Entre propos insultants à l’égard du Mexique ou de la Chine et amitié apparente avec M. Poutine, M.
Trump est difficile à prévoir dans les faits. Sur la scène politique internationale, c’est la Russie qui paraît
bénéficier le mieux de cette élection et jouer potentiellement un rôle de médiateur dans les relations
sino-américaines.
En fin de compte, nous nous attendons à ce que M. Trump baisse le ton en matière de protectionnisme.
Il continuera évidemment d’en parler. Comme M. Rank, nous ne nous attendons pas à ce que
l’administration Trump aille de l’avant avec les mesures spectaculaires annoncées durant la campagne
électorale, car elles seraient contre-productives pour les États-Unis.
Dara White: La réaction globalement positive des marchés boursiers américains aux résultats de
l’élection en a surpris plus d’un.
À mon avis, les sociétés dont le cours a diminué le plus fortement ont été en règle générale celles qui
bénéficiaient des meilleures tendances structurelles sur les marchés émergents; en effet, en cas de
transferts massifs de capitaux, les investisseurs vendent tout ce qu’ils détiennent. La stabilisation des
marchés boursiers émergents dépend étroitement, en tout cas pour l’instant, de l’évolution de leur
devise, et des rendements obligataires aux États-Unis.
On peut donc conclure que la victoire de M. Trump représente un vent
contraire pour les marchés boursiers émergents et la croissance mondiale,
en raison de ses promesses de campagne. Il est toutefois très important
de rappeler qu’on ne sait pas encore quelles seront les différences entre
le candidat et le président Trump. On sait en revanche que M. Trump est
un négociateur. Quelques jours après l’élection, lui et ses plus proches
conseillers ont adopté un ton conciliant évoquant le « libre-échange
équitable ». Nous pensons que sa priorité est la création d’emplois et,
comme il est pragmatique, étouffer la croissance mondiale ne lui serait
d’aucun secours. Il ne nous semble pas que les actions du futur président
seront autant préjudiciables au ME et à la croissance mondiale que ne le
laissaient sous-entendre ses propos de campagne.
« La stabilisation des marchés
boursiers émergents dépend
étroitement, en tout cas pour
l’instant, de l’évolution de leur
devise et, en premier lieu, des
rendements obligataires aux
États-Unis. »
DARA WHITE