7. La gestion des risques : en pratique

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7. La gestion des risques :
en pratique
L'identification des risques
L'identification des risques est un processus permettant de trouver,
lister, et caractériser les éléments du risque.
L'identification des risques est facilitée par l'existence d'une politique
de gestion des risques avec notamment la mise en place de systèmes
de détection rapide des EI, le développement d'une culture de la gestion des risques, une organisation structurée du dispositif de gestion
des risques et un système d'information performant.
Le plus souvent, les risques sont identifiés suite au signalement d'un
événement indésirable. Ainsi, l'identification du risque n'est possible
que si un système de signalement des événements indésirables a été
mis en place, et qu'une culture du signalement règne dans l'établissement. La tenue de réunions de travail multidisciplinaires régulières
peut favoriser l'identification de risques spécifiques.
Les différents circuits du signalement :
• les vigilances réglementées (qui sont centralisées par l'ANSM) ;
• les maladies à déclaration obligatoire (qui sont déclarées aux ARS
et centralisées par l'InVS) ;
• les infections associées aux soins (qui sont déclarées aux CCLIN) ;
• les événements indésirables graves (qui sont centralisés par l'InVS) ;
• les événements porteurs de risques (qui peuvent être signalés à la
HAS) ;
• les accidents de radiothérapie (qui sont déclarés à l'Agence de
sûreté nucléaire).
Les risques peuvent aussi être identifiés a priori par les gestionnaires
du risque en décomposant les processus de différentes situations de
soins ou de travail au sein des établissements de santé.
Soins infirmiers et gestion des risques
© 2013, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
Le système d'information en gestion des risques est le système
informatique qui permet de recueillir les EI, traiter et transmettre les
informations et alertes, simplifier la gestion des EI, et contribuer à
l'évaluation et au suivi des actions mises en œuvre.
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L'analyse des risques
Elle vise à quantifier la gravité, la probabilité du risque, à en déterminer ses causes et ses conséquences (dommage ou préjudice) et à
identifier des actions correctives et préventives possibles.
Elle repose sur :
• une analyse des EI signalés : c'est l'analyse rétrospective (a posteriori) ;
• une analyse des processus de prise en charge des patients afin
d'identifier les risques inhérents à ces processus : c'est l'analyse prédictive (a priori).
Gestion des risques
Une fois le risque identifié, ce dernier doit être traité par les gestionnaires du risque (s'il est pertinent).
L'analyse rétrospective
L'analyse rétrospective est une approche réactive qui s'intéresse « a
posteriori » aux événements indésirables survenus.
◗ Étapes de l'analyse rétrospective
• Recueillir les informations.
• Reconstituer la chronologie de l'événement.
• Identifier les causes et les facteurs ayant pu contribuer à la survenue
de l'EI.
• Hiérarchiser.
• Proposer des actions correctives et préventives à travers l'élaboration
d'un plan d'action.
• Rédiger le rapport d'analyse.
Cette analyse est facilitée par l'existence d'un système de signalement
des événements indésirables et sur l'organisation de réunions de soignants. Tout signalement doit être exploité.
La première étape de l'analyse a posteriori est le recueil des faits
(informations objectives et vérifiables et non les points de vue et les
interprétations) en se rendant sur les lieux de l'incident ou du risque
potentiel et en recoupant différentes sources d'informations.
◗ Méthodes de l'analyse rétrospective
La méthode de l'arbre des causes
L'arbre des causes est une méthode qui consiste à recueillir les faits et,
pour chaque fait, effectuer un arbre des causes de ces faits. Ce travail
permet d'isoler parmi les causes, des causes anormales.
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La méthode ALARM (association of litigation and risk management)
basée sur le modèle de Reason
La méthode ALARM analyse l'EI en décomposant les dysfonctionnements en défauts de soins (acte durant la prise en charge jugé
non satisfaisant) et erreurs système (facteurs politiques, organisationnels, liés aux protocoles, etc.) afin de proposer des mesures
correctives.
Événements permettant la mise en place d'une analyse
rétrospective :
• tout EI ou EIG faisant l'objet d'un signalement ;
• les événements sentinelles (événements rares et graves) ;
• les événements précurseurs (tout événement critique pouvant
conduire à un accident) ;
• les événements faisant l'objet d'une vigilance ;
• les maladies à déclaration obligatoire.
L'analyse prédictive
L'analyse prédictive, quant à elle, repose sur la mise en place d'une
analyse systématique « a priori » du système en en décomposant les
processus potentiellement à risque afin d'identifier des étapes dangereuses, des vulnérabilités ou des risques.
Parmi les méthodes prédictives, l'analyse préliminaire des risques
consiste à décomposer le système en processus, à construire une cartographie des situations dangereuses et à évaluer l'impact des dangers
sur le système. Après avoir cartographié les situations dangereuses, ces
situations sont classées par niveau de gravité et de vraisemblance, et
les différents scénarios sont analysés.
Méthodes de l'analyse prédictive :
• analyse préliminaire des risques (APR) ;
• analyse des modes de défaillance, de leurs effets et de leur criticité
(AMDEC).
L'analyse des risques devra déterminer le degré de gravité du risque
identifié. Ce dernier sera pondéré en fonction des conséquences réelles
ou potentielles du risque pour le patient, les soignants ou l'institution.
Elle devra aussi évaluer la probabilité de survenue et l'évitabilité du
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risque, c'est-à-dire l'existence de mesures correctives permettant de
prévenir ce risque. Enfin, elle devra évaluer l'acceptabilité du risque.
Un risque sera considéré comme inacceptable s'il peut entraîner un
préjudice majeur alors que sa prévention est possible. Un exemple de
risque inacceptable est l'erreur de côté lors de la résection d'un rein. A
contrario, un risque lié aux aléas est considéré comme acceptable. Par
exemple, la survenue d'une allergie à un médicament alors que cette
allergie n'était pas connue du patient et que le patient avait été interrogé sur ce point.
La hiérarchisation des risques
Les risques identifiés seront hiérarchisés afin que la gestion des risques
soit ciblée sur des secteurs prioritaires. Pour cela on tiendra compte de
leur gravité, de leur probabilité de survenue, de leur évitabilité, de
la faisabilité des méthodes de prévention à appliquer, des bénéfices
escomptés et de leurs coûts.
Le traitement des risques
La gestion des risques repose sur une démarche de mise en sécurité
cherchant à remplir l'objectif de l'activité de soins tout en en garantissant la sécurité. Elle repose donc sur l'élimination des risques quand
cela est possible, sur la prévention des risques à travers des mesures
préventives, et sur la maîtrise des effets des EI à travers la mise en
place de mesures correctives.
Suite à une analyse prédictive, une fois les situations dangereuses cartographiées, les risques initiaux sont traités par une équipe en charge de
la gestion des risques. Le risque résiduel est alors évalué et géré à son
tour.
Suite à une analyse rétrospective, les événements indésirables survenus sont traités a posteriori pour éviter qu'ils se reproduisent. On
tente de limiter le nombre d'accidents et réduire les conséquences
dommageables de ceux-ci par la mise en place d'actions correctives et
préventives. L'objectif n'est pas de jeter la pierre mais de corriger les
dysfonctionnements et d'agir plus efficacement.
Afin de traiter les risques, un plan d'action est élaboré et mis en
œuvre.
Plusieurs scénarios peuvent être envisagés pour améliorer la situation. Ils seront analysés en fonction notamment de leur faisabilité, du
rapport coût/efficacité, des bénéfices secondaires pour les acteurs de
terrain. Le choix du plan d'action résulte d'un compromis entre les différentes contraintes et l'objectif de sécurité.
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Outils de la gestion des risques :
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management des soins par la qualité ;
recommandations de bonnes pratiques ;
protocoles et procédures de soins ;
actions préventives et correctives ;
formation et évaluation des pratiques professionnelles ;
évaluation des actions mises en œuvre ;
existence de personnel dédié à la gestion des risques.
L'évaluation
Une fois les risques traités, une évaluation de l'action menée sera
réalisée et un suivi mis en place afin d'identifier les risques résiduels
éventuels.
Exemple de gestion d'un risque d'infection
nosocomiale suite aux interventions de chirurgie
cardiaque (premier temps : approche a priori,
second temps : approche a posteriori)
Approche a priori
• Identification du risque : l'hôpital a mis en place un comité de lutte
contre les infections nosocomiales et un comité de gestion des risques qui
ont identifié la chirurgie cardiaque comme étant une chirurgie à risque.
• Analyse du risque : le comité de gestion des risques a effectué une
analyse a priori de type APR.
• Gestion du risque : le comité a rédigé un plan d'action dans lequel il
fait des recommandations sur les mesures d'hygiène à respecter en cas
de chirurgie cardiaque (douche de Bétadine® la veille et le jour de la
chirurgie, utilisation d'une tondeuse plutôt qu'un rasoir sur le torse du
malade, antibioprophylaxie peropératoire, désinfection cutanée en trois
temps : avant le geste, respect de l'asepsie pendant l'acte, pansement
fermé après l'acte).
• Évaluation : pour évaluer leur action préventive, le comité a mis en place
un système de surveillance de la survenue de médiastinites (infections
associées aux soins suite à une chirurgie cardiaque). Au cours des trois
années de surveillance qui ont suivi, 10 cas de médiastinites ont été
identifiés. Le comité a comparé le taux d'infections par rapport au niveau
national et a conclu que ce taux était dans la moyenne et était donc un
risque acceptable. Il a cependant mis en place un groupe de réflexion
pour voir si on pouvait réduire encore le risque.
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Approche a posteriori
• Identification du risque : survenue de 10 cas de médiastinites.
• Analyse du risque rétrospective : l'équipe d'hygiène a audité l'application
des mesures d'hygiène qui étaient dans l'ensemble bien respectées. Le
service de santé publique a effectué une étude cas témoins comparant
les cas de médiastinites aux autres malades opérés. Cette étude a permis
de constater que les infections étaient beaucoup plus fréquentes avec
un type d'intervention pratiquée par un des médecins qui effectuait un
pontage avec une veine particulière.
• Gestion du risque : cette intervention a donc été identifiée comme un
facteur de risque d'infection et les chirurgiens se sont vus conseiller de
ne plus la pratiquer ; ce qu'ils ont fait.
• Évaluation : les trois années qui ont suivi n'ont vu survenir que 3 médiastinites. Le travail effectué a été publié dans une revue scientifique par
l'équipe de santé publique et contribue ainsi à prévenir ces infections
dans d'autres hôpitaux.
Cet exemple illustre la différence entre les approches a priori et a posteriori
mais ces dernières ne sont pas toujours combinées.
Gestion des risques
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Pratique infirmière
Le rôle de l'infirmière est le suivant :
• savoir identifier un EI ou un EIG et le signaler au plus tôt ;
• comprendre la méthode d'analyse des risques afin de permettre à ses
acteurs de la mener à bien ;
• participer activement aux mesures préventives et correctives décidées
dans le plan d'action.
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