La chaleur Chaleur 5 La chaleur 5.1 Le contact thermique des corps Lorsqu’on met en contact thermique deux corps de températures différentes, ils finissent par atteindre une température commune quelconque située entre les deux températures initiales. On dit que de la chaleur est passée du corps 1e plus chaud vers le corps le plus froid. Tout comme la force ou la lumière, la chaleur fait directement appel à nos sens et nous en avons tous une notion intuitive. Pourtant, sa signification comporte une subtilité qui n’a été éclaircie qu’au bout de plusieurs décennies. Jusqu’au milieu du XVIIIe siècle, les termes chaleur et température avaient une signification pratiquement identique. Par exemple, on graduait les thermomètres en «degrés de chaleur». En 1760, Joseph Black fut le premier à établir distinction nette entre la température, que mesure un thermomètre, et la chaleur, équilibre les températures d’un corps chaud et d’un corps froid en s’écoulant de l’un à l’autre. La théorie du fluide calorique ne permettait pas d’expliquer la production de chaleur par frottement qui survient par exemple lorsque nous nous frottons les mains pour les réchauffer. Le scientifique américain Benjamin Thompson, qui devint plus tard le Comte Rumford de Bavière avait des doutes quant à la nature matérielle du fluide calorique, qui ne paraissait pas avoir de masse. En 1798, alors qu’il surveillait les opérations d’alésage des canons, il fut frappé par la chaleur considérable qui était produite. Il fallait constamment renouveler l’eau qui servait à refroidir le métal, car elle s’évaporait en bouillant. Selon la théorie du fluide calorique, les petits copeaux de métal découpés dans le canon ne pouvaient garder leur fluide calorique et le libéraient dans l’eau. Rumford fit une observation qui mettait en doute cette explication même lorsque l’outil était devenu si émoussé qu’il ne parvenait plus à couper le métal, l’eau continuait à se réchauffer. De plus, il montra les copeaux de métal n’avaient aucunement perdu leur «capacité à emmagasiner le fluide calorique». Il semblait donc évident que la source de chaleur produite par le frottement lors de ces expériences était inépuisable et ne pouvait être une substance matérielle. Nous avons fortement tendance à concevoir la chaleur comme emmagasinée dans un système. L’impression intuitive qu’un corps possède quelque chose de plus lorsqu’il est chaud que lorsqu’il est froid est bien correcte, mais nous allons voir qu’il s’agit d’énergie interne, et non de chaleur. La relation entre chaleur et énergie interne fait l’objet du Premier principe de la thermodynamique. 5.2 La chaleur spécifique Joseph Black fut le premier à se rendre compte que l’élévation de température d’un corps pouvait servir à déterminer la quantité de chaleur absorbée par ce corps. Si une quantité de chaleur Q produit une variation de température ∆T dans un corps, sa capacité thermique est définie par capacité thermique = Q DT L’unité SI de capacité thermique est le J/K. On utilise parfois une unité (non SI) de chaleur, la calorie, qui était autrefois définie comme la quantité de chaleur nécessaire pour élever la température de 1 g d’eau de 14,5°C à 15,5°C. À l’heure actuelle, la calorie est définie en fonction du joule : 1 calorie = 4,186 J. La quantité de chaleur Q nécessaire pour produire une variation de température ∆T est proportionnelle à la masse de l’échantillon m et à ∆T (pour les petites valeurs de ∆T). Elle dépend également de la substance considérée. L’équation suivante combine toute ses relations : Q = mcDT 13 La chaleur Chaleur Où c est la chaleur spécifique du matériau. On peut utiliser l’équation précédente pour déterminer la chaleur transmise à un corps ou par un corps. En exprimant la forme: c= 1 Q m DT on voit que la chaleur spécifique est égale à la capacité thermique par unité de masse. Son unité SI est le J/kgK. La chaleur spécifique est une propriété caractéristique d’une substance donnée, alors que la capacité thermique correspond à un échantillon donné de la substance. On voit dans les tables que la chaleur spécifique de l’eau est grande par rapport aux valeurs des autres substances. La chaleur spécifique d’une substance varie en général avec la température. Dans le cas de l’eau, elle varie de quelques pour cent entre 0°C et 100°C. La chaleur spécifique varie brutalement lorsque la substance passe de l’état solide à l’état liquide ou de l’état liquide à l’état gazeux. Elle dépend également des conditions dans lesquelles la chaleur est fournie à la substance. Par exemple, la chaleur spécifique cp d’un gaz maintenu à pression constante est différente de sa chaleur spécifique cv à volume constant. Pour l’air, cv = 708 J kg × K et c p =1000 J kg × K . Pour les solides et les liquides, la différence est en général petite et dans la pratique on mesure habituellement cp. La méthode des mélanges Mise au point par Black, la méthode des mélanges consiste à déterminer la chaleur spécifique d’un corps en le plaçant en contact thermique avec un autre corps dont on connaît la chaleur spécifique. Supposons que l’objet dont on doit déterminer la chaleur spécifique ait une masse m1 et soit à une température initiale T1. Un liquide de masse m2, à la température initiale T2, se trouve dans un récipient à l’intérieur d’une enceinte isolée thermiquement, que l’on nomme calorimètre. On plonge l’objet dans le liquide et on relève la température d’équilibre finale Tf Puisqu’il n’y a pas d’échange de chaleur avec le milieu ambiant, la chaleur transmise au corps froid est égale à la chaleur perdue par le corps chaud: . Q1 + Q2 = 0 L’hypothèse de Black reposait sur la notion de «conservation du fluide calorique». Il fut capable de la justifier par la cohérence des valeurs obtenues pour les chaleurs spécifiques de diverses substances. On se rend compte maintenant que l’équation précédente est un cas particulier de la conservation de l’énergie. En fonction des masses et des chaleurs spécifiques des deux corps, l’équation devient m1c1DT1 + m2 c2 DT2 = 0 où DT1 = T f -T1 et DT2 = T f -T2 Ces variations de températures sont de signes opposés. On se sert de calorimètres pour mesurer les chaleurs de combustion des réactions chimiques. C’est ainsi que l’on détermine les «valeurs énergétiques» des aliments et des combustibles. Dans la pratique, des corrections doivent être apportées pour tenir compte de la capacité thermique du récipient du calorimètre Exemple Un bloc de cuivrre de 1 kg à 80°C est plongé dans 1 kg d’eau à 20°C. Calculer la température d’équilibre des deux corps. 5.3 La chaleur latente Black s’aperçut que l’apport de chaleur à un système ne faisait pas toujours varier sa température. 14 La chaleur Chaleur La température reste en effet constante lorsqu’une substance ������ change de phase, lorsqu’elle passe par exemple de l’état solide à l’état liquide ou de l’état liquide à l’état gazeux. Il fit remarquer que, si la quantité de chaleur nécessaire pour faire ��� fondre la glace était faible, le dégel brutal qui en résulterait au printemps provoquerait des inondations catastrophiques. ���������� Soit un échantillon de glace à une température initiale arbitraire, -10°C par exemple. Si on lui fournit de la chaleur � progressivement, sa température va tout d’abord s’élever. � ��� ��� Mais lorsque sa température atteint 0°C, la glace commence � � ����� ������� à fondre et reste à 0°C jusqu’à ce qu’elle soit complètement transformée en liquide. L’absorption de la chaleur ne se traduit pas par une élévation de température. Les mesures effectuées montrent qu’il faut environ 330 kJ pour transformer en liquide 1 kg de glace à 0°C. Black donna à cette chaleur «dissimulée» le nom de chaleur latente de fusion, Lf. Une fois que toute la glace a fondu, la température s’élève régulièrement jusqu’à 100°C. À ce stade, le liquide commence à se transformer en gaz et la température demeure à nouveau constante. Lorsque toute l’eau est passée à l’état de vapeur, la 5 température recommence à s’élever. À une pression de 1 atm ( 1, 013×10 Pa ), la chaleur latente de vaporisation Lv de l’eau est égale à 23×105 J kg . À d’autres pressions, la température à laquelle les phases liquides et gazeuse sont en équilibre est différente et la valeur de la chaleur latente l’est également. Considérons un échantillon de masse m qui change de phase. La chaleur qu’il échange avec son milieu ambiant est liée à la chaleur latente L par la relation: Q = mL La chaleur latente est « dissimulée » en ce sens qu’il n’y a pas de variation de température; toutefois, l’énergie n’est pas perdue. Lorsque l’eau se condense de la phase gazeuse en phase liquide, chaque kilogramme libère la chaleur latente de vaporisation. De même, lorsque le liquide se convertit en phase solide, chaque kilogramme libère la chaleur latente de fusion. En général, une phase donnée d’une substance est caractérisée par un certain arrangement des molécules. Physiquement, la chaleur latente de fusion représente le travail nécessaire pour rompre les liaisons entre les molécules dans la phase solide et pour leur permettre de se déplacer facilement les unes par rapport aux autres dans la phase liquide. La chaleur latente de vaporisation est nécessaire pour accroître la distance entre les molécules au passage de la phase liquide à la phase gazeuse. D’autres types de changement de phase correspondent, par exemple, à des modifications de la structure cristalline ou de l’aimantation. I1 faut souligner que la chaleur latente de vaporisation est nécessaire pour un changement de phase, même si la température du liquide est bien inférieure à son point normal d’ébullition. Ainsi, lorsque l’eau s’évapore à la température ambiante, la quantité de chaleur appropriée doit être fournie par le milieu ambiant. C’est pourquoi l’eau a tendance à refroidir une surface, la peau par exemple, lorsqu’elle s’en évapore. La valeur de Lv est légèrement plus élevée lorsque la température est inférieure au point d’ébullition. La valeur de la chaleur latente dépend également de la pression à laquelle a lieu le changement de phase. Exemples 1. On plonge un bloc de glace de 2 kg à - 10°C dans 5 kg d’eau liquide à 45°C. Quelle est la température finale du système? 15 La chaleur Chaleur 2. idem avec de l’eau à 20°C Indication: Trois états finals sont possibles: le système est entièrement constitué de glace, d’un mélange de glace et d’eau à 0°C ou entièrement constitué d’eau. Avant d’écrire une équation, il faut déterminer l’état final en tenant compte de la chaleur nécessaire à ces diverses transformations. 5.4 Exercices 5.1 Lorsqu’on fournit 400 J de chaleur à 150 g de liquide, sa température s’élève de 2,5 K. Quelle est sa chaleur spécifique? 5.2 On place une bille d’acier de 80 g à 180°C dans un calorimètre en cuivre de 90 g contenant 500 g d’eau à 15°C. Quelle est la température finale? 5.3 Une bille en plomb de 250 g à 210°C est placée dans un calorimètre en aluminium de 90 g qui contient 300 g de liquide à 20°C. Si la température finale est de 30°C, quelle est la chaleur massique du liquide? 5.4 Une bouilloire électrique en acier de 0,5 kg et de puissance nominale 1200 W contient 0,6 kg d’eau à 10°C. Combien de temps met l’eau pour atteindre 90°C? On suppose qu’il n’y a pas de pertes. 5.5 En faisant un exercice léger, une personne produit de la chaleur à raison de 2 500 kJ/h. Si 60% de cette chaleur est perdue par évaporation de l’eau, évaluez la masse d’eau perdue en 2 h. La chaleur latente de vaporisation est égale à 23×105 J kg . 5.6 Quelle est la quantité de chaleur nécessaire pour convertir 80 g de glace initialement à -10°C en 60 g d’eau et 20 g de vapeur à 100°C ? 5.7 Un calorimètre en cuivre de 70 g contient 100 g d’eau. On ajoute dans l’eau 200 g de grenaille de plomb à 200°C. (a) Quelle doit être la température initiale de l’eau pour que la température finale soit égale à la température ambiante, 20°C ? (b) A quoi peut servir ce résultat ? 5.8 Une centrale nucléaire perd 500 MW de chaleur dans l’eau pompée d’un lac puis évacuée. Si la température s’élève de 10°C, quel est le débit en kilogrammes par seconde ? 5.9 Le rayonnement solaire fournit une intensité d’environ 1 kW/m2 à la surface de la Terre. On utilise un collecteur solaire de 3 m sur 2 m pour chauffer de l’eau. Quel doit être le débit de l’eau, en kilogrammes par seconde, pour que l’élévation de température soit de 40°C. On suppose que 80% de l’énergie solaire est absorbée par l’eau. 5.10 Le rayonnement solaire fournit une intensité d’environ 1 kW/m2 à la surface de la Terre. La température de la glace d’un lac gelé est de –10°C. Calculer l’épaisseur de glace qui va fondre en une journée de 6 h d’ensoleillement. 5.11 Un bécher troué contient de la glace à 0°C. De l’eau à même température s’écoule par le trou du bécher à raison de 1 cm3/s. Calculer la puissance du système de chauffage. 16