simplement parce qu’il n’y a d’éclairage du sens d’une notion et d’une idée
que par la remise en cause des représentations initiales, ce en quoi consiste
précisément la problématisation. Or cela requiert aussi justification et étayage,
c’est-à-dire ce que porte l’argumentation.
De la même manière, la problématisation témoigne de ses relations
profondes avec la conceptualisation et l’argumentation. Car pour
problématiser, encore faut-il argumenter le problème posé et être au clair sur
les notions et idées en jeu comme le permet la conceptualisation.
Parallèlement, le fait d’argumenter ne peut se comprendre qu’au titre
d’un cheminement réflexif en passant par le crible de la critique, et donc de la
problématisation, ainsi que par l’accord sur la signification des propos
échangés. Signification que permet de construire la problématisation
Á partir de là, en raison même de ce qui structure didactiquement le
philosopher tel que nous venons de l’expliciter, sa mobilisation par les jeunes
publics scolaires valant construction et élaboration d’une pensée
philosophique ne peut que relever de la mise en place de dispositifs de classe
permettant la convocation conjointe et simultanée de ces processus. Cela à une
condition : éviter leur travail sous forme d’exercices séparés mais bien au
contraire organiser la situation à investir par les élèves pour que tout en ayant
le droit de dire ce qu’ils pensent, ils éprouvent la nécessité de penser ce qu’ils
disent.
Dans cette veine, de tels dispositifs s’articulent essentiellement autour
de situation de débats oraux organisés en classe. Débats régulés au cours
desquels, alors que les élèves se sont préalablement mis d’accord sur une
question philosophique à propos de laquelle ils souhaitaient échanger
ensemble, les prises de parole se font en obéissant à des règles portant la
nécessité de s’écouter, de prendre en compte ce qui a été formulé
précédemment et de proposer une extension, un développement, une
ouverture, et, pourquoi pas, une réorientation de la réflexion alors conduite.
Dans ce cadre, le rôle de l’enseignant est ordinairement d’intervenir
non pas pour faire entendre ce qu’il pense mais pour faire repérer aux enfants
les conceptualisations, les problématisations et les argumentations produites
ainsi que pour formuler des interrogations afin d’étayer et éprouver les
réflexions élaborées. Comme le stipule A. Delsol, il s’agit en fait d’organiser
« les interactions entre les élèves par le jeu de contraintes produites par un
dispositif afin de mettre à l’épreuve leur attention et leur compréhension avant
d’éprouver leur intelligence » (Delsol, 2013).
Si, comme l’écrit C. Menasseyre alors doyenne de l’Inspection
Générale de philosophie, l’émergence et le fort développement de ces
pratiques à l’école primaire, bien qu’elles ne bénéficient pas d’ancrage dans
les programmes officiels, participent de la reconnaissance « qu’il y a chez tous
un besoin de philosopher, comme le dit Hegel » (Menasseyre, 2004, p. 92), il
n’en demeure pas moins qu’elles ne prennent peut-être pas suffisamment à
leur compte la question, pourtant centrale, des conditions d’élaboration d’une
pensée philosophique. Comme elle le formule encore, « il faut du temps pour
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