LE JOURNAL DU RÉSEAU CANCER DE
LUNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES
LE JOURNAL DU RÉSEAU CANCER DE
LUNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES
N°10 TRIMESTRIEL – AVRIL-MAI-JUIN 2008
BELGIQUE/BELGIË
PP/PB
B-714
Bureau de dépôt Bruxelles X Brussel
Éditeur responsable: Harry Bleiberg, 1 rue Héger-Bordet, 1000 Bruxelles – N° d’agréation: P501016 – Autorisation de fermeture B-714 – Ne paraît pas en juillet-août
In corpore sano: bien manger
pourrait-il influencer
le développement
ou l’évolution d’un cancer? p. 5
Plan cancer:
Laurette Onkelinx p. 4
Une mutation du gène K-ras
prédit l’absence de réponse
au panitumumab p. 20
Le cancer à l’heure
de l’épigénétique p. 26
Efficacité et effets secondaires
des thérapies biologiques
ciblées p. 19
In corpore sano: bien manger
pourrait-il influencer
le développement
ou l’évolution d’un cancer? p. 5
Plan cancer:
Laurette Onkelinx p. 4
Une mutation du gène K-ras
prédit l’absence de réponse
au panitumumab p. 20
Le cancer à l’heure
de l’épigénétique p. 26
Efficacité et effets secondaires
des thérapies biologiques
ciblées p. 19
JOURNAL DU RÉSEAU CANCER DE L’UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES
N°10 – AVRIL-MAI-JUIN 2008
ÉDITORIAUX
2
Médicaments: progrès fulgurants de la recherche.
Madame la Ministre, comment faut-il réagir?
Harry Bleiberg
3
Biologie moléculaire. Quel profit en tire le patient?
Ahmad Awada
POLITIQUE DE SANTÉ
4Plan cancer
Laurette Onkelinx
NUTRITION ET CANCER
5
In corpore sano: bien manger pourrait-il influencer le développement
ou l’évolution d’un cancer?
Hervé Naman, Centre Azuréen de Cancérologie, Mougins, France
7
Alimentation – Agriculture – Santé
Martine Gadenne et Michel Van Koninckxloo
ACTIVITÉ DU RÉSEAU
10 Iris Recherche
Une politique incitative à la conduite de projets de recherche clinique
Nathan Clumeck
25 Inauguration d’un nouveau centre d’oncologie-radiothérapie au CHU TIVOLI
Anne Leleux
INFORMATION SCIENTIFIQUE
11
Prophylaxie de la neutropénie fébrile: quelle stratégie?
Michel Aoun
14
La greffe haploidentique de cellules souches hématopoïétiques:
chemin de crête entre tolérance et cytotoxicité
Philippe Lewalle
17
Chimiothérapie hyperthermique intrapéritonéale (CHIP)
dans la prise en charge de la carcinose péritonéale
Gabriel Liberale et Issam El Nakadi
NOUVELLES APPROCHES THÉRAPEUTIQUES
19
Efficacité et effets secondaires des thérapies biologiques ciblées
Ahmad Awada, Alain Hendlisz et Martine J. Piccart-Gebhart
20
Une mutation du gène K-ras prédit l’absence de réponse au panitumumab.
Des traitements sur mesure se profilent dans le cancer colorectal
Harry Bleiberg
22
Révolution dans l’approche du cancer du sein
Ahmad Awada et Martine J. Piccart-Gebhart
RECHERCHE FONDAMENTALE
26 Le cancer à l’heure de l’épigénétique
François Fuks
AU-DELÀ DE LA MÉDECINE
24
La gestion du risque dans le transport de tissu humain
Alain Moureau
28
L’art et la mort
Pierre Sterckx
Couverture: photo en microscopie électronique de Candida albicans, un eucaryote
de 3 à 5 µm de diamètre, avec une paroi épaisse dont la couche la plus externe est cotonneuse
et qui lui donne cet aspect de «balle de tennis».
Edwards J.E. jt. N Engl Med. vol. 324, 1991, pp.1060-1062.
RÉDACTEURS EN CHEF
Harry BLEIBERG
Ahmad AWADA
RÉDACTEUR EN CHEF ASSOCIÉ
Marianne PAESMANS
RECHERCHE CLINIQUE
Ahmad AWADA
RECHERCHE TRANSLATIONNELLE
Fatima CARDOSO
RECHERCHE FONDAMENTALE
Christos SOTIRIOU
Pierre HEIMANN
HÉMATO-ONCOLOGIE
Willy FERREMANS
Philippe MARTIAT
PSYCHO-ONCOLOGIE
Nicole DELVAUX
Darius RAZAVI
SPÉCIALISTES EN ONCOLOGIE
Vincent NINANE
Jean-Luc VAN LAETHEM
BORDET-IRIS
Jean-Pierre KAINS
Martine PICCART
WALLONIE
Vincent RICHARD
ERASME
Marie MARCHAND
COMITÉ DE RÉDACTION
Ahmad AWADA
Harry BLEIBERG
Arsène BURNY
Vincent NINANE
Jean-Claude PECTOR
Martine PICCART
Jean-Luc VAN LAETHEM
CONSEILLERS SCIENTIFIQUES
Marc ABRAMOWICZ
Guy ANDRY
Michel AOUN
Jean-Jacques BODY
Dominique BRON
Dominique DE VALERIOLA
Olivier DE WITTE
André EFIRA
Patrick FLAMEN
Thierry GIL
Michel GOLDMAN
André GRIVEGNEE
Alain HENDLISZ
Jean KLASTERSKY
Denis LARSIMONT
Marc LEMORT
Dominique LOSSIGNOL
Thi Hien NGUYEN
Thierry ROUMEGUERE
Eric SARIBAN
Jean-Paul SCULIER
Philippe SIMON
ASSISTANTE DE RÉDACTION
Martine HAZARD – Tél. 02/541 32 01
COMITÉ DE LECTURE
Marianne PAESMANS
Jean-Claude PECTOR
Marielle SAUTOIS
Le contenu des articles publiés
dans ce journal n’engage
que la responsabilité de leur(s) auteur(s)
www.jcancerulb.be
1
JOURNAL DU RÉSEAU CANCER DE L’UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES
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2 3
ÉDITORIAUX
Médicaments: progrès fulgurants de la recherche.
Madame la Ministre, comment faut-il réagir?
Grâce à l’initiative de plusieurs oncologues belges(1) et de Madame la Ministre Onkelinx, la Belgique dispose enfin d’un Plan Cancer
(page 4). Trente-deux points qui touchent à la prévention; aux soins, traitements et soutien aux patients et à la recherche, aux
technologies innovantes et aux modalités d’évaluation. La tâche est immense, chaque secteur est en déficit et nécessite une
prise en charge urgente.
Les articles publiés dans ce numéro de Jcancer évoquent non seulement les progrès remarquables dans la découverte de nou-
veaux médicaments en oncologie, mais surtout la rapidité avec laquelle ces découvertes sont réalisées. Au début de ma carrière,
peu de médicaments étaient disponibles.
Les années 80-90 étaient des années sombres. Depuis le cisplatine nous n’avions rien vu venir. Puis sont arrivés les taxanes
(approbation FDA 1992), l’herceptine (approbation FDA 1998) et les premiers agents biologiques. Ahmad Awada et Martine Piccart
(page 22) nous montrent comment en moins de dix ans nous sommes passés de l’empirisme au rationnel, du dénuement à
l’abondance. Aujourd’hui les agents en développement se comptent par dizaines dans la plupart des laboratoires pharmaceu-
tiques. Les bénéfices en survie sont importants.
Au début des années 90, l’espérance de vie d’un patient avec un cancer du côlon métastatique était de 6 mois sans traitement et
de un an avec la chimiothérapie par 5-fluorouracile.
Aujourd’hui, grâce à la possibilité d’administrer plusieurs lignes de chimiothérapies, la survie médiane (délai après lequel la moitié
des patients sont toujours en vie) est supérieure à 2 ans, et certains d’entre-eux vont vivre plus de 5 ans. Bien plus, les patients
porteurs uniquement de métastases hépatiques vont pouvoir bénéficier, après chimiothérapie, d’une chirurgie qui permettra
de guérir un certain nombre d’entre-eux. D’autres patients avec une localisation de la maladie qui la rendait incurable, comme
la carcinose péritoale, peuvent également bénéficier, aujourd’hui, d’une chirurgie qui, combinée à la chimiotrapie et l’hyperther-
mie, promet une survie prolongée et même, peut-être, une guérison (Liberale et al., page 17). Avec la découverte de l’herceptine,
le concept de traitement sur mesure s’est développé. Une étude puble début avril dans le JCO (page 20) a identifié un groupe de
patients, ceux présentant une mutation pour KRAS pour lequel aucune réponse n’a pu être obtenue grâce à l’administration de
panitumumab, un anticorps monoclonal humanisé ciblant le récepteur de ‘l’epidermal growth factor’ développé dans le cancer
du côlon métastatique. Voici un de nos rêves qui commence à se réaliser: mieux cibler nos patients: offrir plus de chances
d’obtenir un effet thérapeutique pour ceux qui sont sensibles, moins d’effets secondaires inutiles pour les autres et une réduction
correspondante des coûts pour la sécurité sociale. Finalement, François Fuks (page 26) nous annonce pour demain de nouveaux
médicaments agissant sur ‘l’épigénétique’ qui vont permettre de ‘déméthyler’ les gènes ‘suppresseurs de tumeur’ et rendre à
la cellule sa capacité d’éliminer elle-même le cancer. Pour quand? Pas difficile de répondre, très vite. Les premières phases de
développement ont déjà lieu.
Et voilà où je souhaitais en venir: les découvertes dans le domaine du médicament et globalement de la recherche vont plus vite
que la capacité des décideurs à pouvoir suivre. Au-delà du contentement que l’on peut éprouver à voir un progrès rapide se profile
jà la question de savoir comment gérer l’abondance, comment faire face aux coûts des traitements dans un système social fondé
sur la solidarité. Le coût des médicaments est certainement lié aux coûts de la recherche et du développement, néanmoins la
decine est aussi à l’image de la socté, et tout comme pour l’énergie ou les céréales, les médicaments sont la cible des spécu-
lateurs et des actionnaires. Une prise en charge rapide, innovante et efficace de ces problèmes est urgente. Les solutions devront
être trouvées hors de nos concepts habituels. Si un médicament est cher, retarder le remboursement n’est pas la solution.
Refuser à nos patients l’accès rapide à des médicaments innovants n’est pas non plus la solution car, à terme, nous serions
entraînés dans une spirale négative, avec des survies de moins en moins bonnes. Dès lors Plan Cancer: oui! Soutien absolu:
oui! Tout est prioritaire! Mais, à l’image du Plan Cancer qui avait été initié en France, il faudrait aussi mettre en place une com-
mission de type ‘Attali’(2), centrée sur la médecine, qui contribuerait à découvrir les solutions de notre futur.
Harry Bleiberg,
Rédacteur en chef
(1) Livre Blanc. A.Awada et al. Éditeur responsable Alexis Andries. Chaussée de Tervuren 133, boîte 2-3001 Louvain.
(2) La Commission pour la libération de la croissance française, ou, du nom de son président Jacques Attali, la «Commission Attali», est une commission
chargée par le président de la République française Nicolas Sarkozy de rédiger un rapport fournissant des recommandations et des propositions afin
de relancer la croissance économique de la France.
Biologie moléculaire.
Quel profit en tire le patient?
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N°10 – AVRIL-MAI-JUIN 2008
L
a biologie moléculaire a fait d’énormes progrès ces dernières années. Avec comme conséquence, une compréhension plus
poussée du fonctionnement de la cellule cancéreuse par rapport à la cellule normale. De plus, les progrès en bioinforma-
tique et biostatistique ont permis d’intégrer et d’analyser une quantité substantielle d’informations, en particulier génomiques.
Ces progrès n’ont de sens que s’ils se manifestent au lit du patient cancéreux. Ces dernres années, nous avons été témoins des
avancées remarquables dans l’utilisation de ces approches chez le patient cancéreux, cependant étant donné la complexité
de cette maladie – plus précisément nous devrions parler de ces maladies cancéreuses – les progrès restent lents.
Nous allons résumer dans ce numéro les progrès récents dans l’approche thérapeutique des cancers solides (seins, poumons,
gastro-intestinaux, …) et tracer les orientations de la recherche qui visent particulièrement à individualiser les traitements. Cette indi-
vidualisation, si elle était atteinte, permettrait une meilleure efficacité des traitements prescrits, une diminution de la prescription des
traitements inutiles et un allègement tant souhaité dans les dépenses liées aux soins de santé. Dans ce numéro, en collabora-
tion avec Martine Piccart, je résume l’approche actuelle du cancer du sein basée sur le progrès de la biologie moléculaire.
Les traitements classiques du cancer sont la chirurgie, la radiothérapie, la chimiothérapie, l’hormonothérapie (cancers du sein
et de la prostate) et finalement l’immunothérapie. Récemment, une nouvelle classe thérapeutique appelée thérapie biologique
ciblée a vu le jour grâce aux progrès de la biologie moléculaire. Le succès de cette stratégie thérapeutique dépend de deux
facteurs: l’identification d’une bonne cible (idéalement celle qui joue un rôle majeur dans la genèse du cancer) et un médica-
ment bloquant précisément cette cible avec le moins d’effets collatéraux. De plus, les chercheurs et les médecins cliniciens
ont compris qu’il fallait attaquer non seulement les cibles dans la cellule cancéreuse mais aussi les cellules et les structures de
son environnement qui sont propices à son développement, à savoir les vaisseaux de la tumeur et le système immunitaire.
Finalement beaucoup de ces médicaments ciblés ont montré leur efficacité lorsqu’ils sont combinés avec la chimiothérapie ou
encore la radiothérapie. Le tableau suivant résume les tumeurs où des traitements ciblés ont montré une efficacité scientifique-
ment établie ainsi que leurs effets secondaires potentiels.
Tumeur Cible Médicament ciblé donné Effets secondaires potentiels
seul ou en association
Cancers epidermoïdes EGFR* Cetuximab + radiothérapie Acné, rougeur de la peau
de la sphère ORL
Thyroïde VEGFR° Zactima; Axitinib Éruption de la peau, fatigue
Poumon EGFR* Tarceva Acné, diarrhée, éruption cutanée, fatigue
Sein HER-2/neu* Herceptine(H) ou Lapatinib (L) Toxicité cardiaque (H),
+ chimiothérapie éruption cutanée et diarrhée (L)
Colon EGFR* Cetuximab/Panitumumab Acnée, diarrhée, réactions allergiques
+ chimiothérapie
Colon, sein VEGF° Bevacizumab + chimiothérapie Hypertension, accidents vasculaires
Rein VEGFR° Sutent, Nexavar, Torisel, Hypertension, fatigue, éruption cutanées
+ autres kinases* Bevacizumab accidents vasculaire, chute des globules
Cancer stromal C-kit* Glivec Fatigue, œdèmes, chute des globules
de l’intestin (GIST)
* Cibles qui se trouvent dans la tumeur ° Cibles liées aux vaisseaux qui nourrissent la tumeur
D’autres médicaments biologiques ciblés, actuellement en cours d’étude, vont sans aucun doute rejoindre prochainement
l’arsenal thérapeutique des patients cancéreux.
En plus des thérapies biologiques ciblées et afin d’individualiser le traitement, la recherche actuelle s’efforce d’affiner de plus
en plus le traitement anticancéreux en utilisant les progrès récents en génomique (carte génétique de la tumeur), pharmacogé-
nétique (gènes impliqués dans le comportement des médicaments anti-cancéreux une fois administrés chez le patient) et ima-
gerie médicale (PET/scan, résonance magnétique nucléaire dynamique, …). Ces nouvelles technologies ont pour but de préci-
ser le pronostic du patient ainsi que de prédire au mieux l’efficacité d’un traitement.
L’Institut Jules Bordet suit de près ces progrès et beaucoup de ses équipes ont un rôle majeur et même pionnier tant en cli-
nique qu’en recherche. Il est aussi important de savoir que c’est grâce au soutien très important des Amis de l’Institut Bordet
que cette recherche a la possibilité d’exister tant sur le plan financier que dans l’acquisition des nouveaux appareillages essen-
tiels aux bons soins de nos malades et indispensables pour assurer les conditions de recherche optimales.
Ahmad Awada,
Chef de la Clinique d’Oncologie Médicale
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P O L I T I Q U E D E S A N T É
S
i l’initiative du Plan National Cancer s’est inscrite dans l’espace-temps politique limité du gouver-
nement intérimaire, elle n’aurait cependant aucun sens si son action ne devait répondre à l’exi-
gence du long terme. L’ayant imposé comme une des 10 priorités dudit «gouvernement provisoire», il
m’importe que sa conception s’inscrive dans la durée: au-delà des «30 actions» inauguratrices, ce
Plan National Cancer devra évoluer et se préciser en des programmes pluriannuels destinés à en affi-
ner la trajectoire et à définir des foyers d’action spécifiques.
Mais, avant tout, pourquoi le cancer? Les raisons du premier choix sont nombreuses mais je vou-
drais néanmoins en privilégier trois. Premièrement, la place occupée par la maladie cancéreuse parmi
les causes de mortalité dans notre pays en fait une priorité naturelle de toute politique de santé. En second lieu, la probable
augmentation de la prévalence du cancer dans nos sociétés vieillissantes: si l’OMS répertoriait 25 millions de patients atteints
d’un cancer dans le monde en 2000, la même OMS estime qu’ils seront 75 millions en 2030. Enfin, par son impact dans la vie
des patients, de leurs familles et de la société, le cancer présente un défi singulier.
Ensuite, pourquoi un plan? Tout d’abord parce que je suis convaincue que la maladie ne peut être combattue que par une
approche scientifique pluridisciplinaire et via une prise en charge globale des patients qui exige une complémentarité et une
coordination des actions. Celles-ci sont essentielles à planifier correctement au vu du nombre d’acteurs et de l’importance des
moyens à mettre en œuvre pour lutter contre le fléau. Enfin, la parution du «Livre Blanc» a souligné la nécessité d’une action
conjuguée dans le domaine du cancer.
Toutefois, pour en revenir à l’environnement sociétal de cette action, j’ai pris soin d’éviter que l’initiative ne suscite des attentes
que le contexte actuel ne permettrait pas de rencontrer à court terme. C’est la raison pour laquelle la communication sur le
Plan National Cancer a d’emblée mis en exergue le paramètre budgétaire, tout en insistant sur l’exigence que le Plan
débouche sur des mesures concrètes. Ce double défi définit l’exercice et repose sur la prémisse que, d’une part, toutes les
bonnes idées ne nécessitent pas des investissements prohibitifs, et que de l’autre, le Plan évoluera et se réalisera à mesure
que les moyens financiers se libèrent. Presque paradoxalement, la question des marges disponibles justifie à elle seule le lan-
cement d’un Plan National Cancer, car celui-ci servira d’aiguillon pour une allocation systématique de moyens conséquents
dans la lutte contre le cancer.
Profane de la médecine, j’ai été, comme tous, confrontée à cette maladie: parents, proches collaborateurs et amis ont été
frappés par ce fléau qui n’épargne personne. Ayant reçu la charge de la Santé Publique, je me suis naturellement entourée
d’experts; j’entends toutefois profiter de ma «qualité» de profane pour jeter un regard neuf et ouvert sur la problématique du
cancer. C’est pourquoi j’ai à cœur de consulter tous azimuts: patients bien sûr, praticiens, établissements de soins, secteurs
spécialisés de l’industrie… Consulter, mais aussi rassembler: les tables rondes* auront permis de réunir les divers acteurs
autour d’un projet commun, plus particulièrement pour ce qui concerne les aspects transversaux à plusieurs niveaux de com-
pétence, telles la prévention et la recherche, domaines qui méritent à coup sûr toute notre attention. Consultations, visites,
tables rondes clôturées le 10 mars ont permis la rédaction d’une première ébauche du Plan National Cancer.
J’espère que ceux qui ont participé à ce cycle de réflexion ont la certitude d’avoir été entendus. Car il est clair que les actions
ont été le fruit d’un exercice participatif, et non d’une approche «top down». Seule une conception participative permet, à mes
yeux, d’aborder le douloureux phénomène du cancer. Chacun d’entre nous est – ou a été – confronté, de près ou de loin, à
cette maladie, à la souffrance et au désarroi qui en découlent. C’est ensemble que nous pouvons dégager les armes pour la
combattre.
Cet «ensemble» transcende bien entendu les seules frontières de notre pays: dans cette Europe de la santé qui se construit,
nous devons, dans la mesure du possible, inscrire notre action dans des partenariats internationaux, de façon à maximiser les
résultats de l’investissement en matière de recherche, grâce à des synergies et des économies d’échelle, notamment en
recherche translationnelle et l’accès à des techniques innovantes. Par ailleurs, notre taux de mortalité étant – du moins pour
certaines formes de cancers –, un des plus élevés d’Europe, il y a lieu de s’interroger sur les causes de ces statistiques défavo-
rables et d’en tirer des leçons bénéfiques.
La médecine est à une croisée des chemins: jamais, elle n’a disposé de tant d’instruments ni d’une telle qualité d’instruments mais
leur mise à disposition pose des défis budgétaires de plus en plus complexes et pose des dilemmes nulle part ailleurs plus
sensibles que dans la lutte contre le cancer. Si le Plan National Cancer réussit à dégager des pistes utiles, il constituera d’ores
et déjà une avancée substantielle. Nous ne devons rien moins aux hommes et aux femmes qui se battent contre le cancer.
Laurette Onkelinx,
Ministre des Affaires sociales et de la Santé publique
* Six tables rondes ont été programmées: prévention et information, dépistage et diagnostic précoce (11.02), soins et traitements, et soutien au patient
et à son entourage (18.02), recherche et technologies innovantes, et évaluation de l’approche globale du cancer (25.02).
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N U T R I T I O N E T C A N C E R
In corpore sano: bien manger
pourrait-il influencer le développement
ou l’évolution d’un cancer?*
Hervé Naman, Directeur, Centre Azuréen de Cancérologie,
Mougins – Sophia Antipolis, France, hervé[email protected]
* Ce travail fait suite à une conférence donnée par David Servan-Schreiber sur «Nutrition et cancer:
que dire aux patients?» Cannes, le 14 mars 2008.
L
es cardiologues insistent à chaque occasion aups de leurs
consultants sur la nécessité d’une «bonne hygiène de vie»
et fustigent les méfaits du déséquilibre alimentaire, de la séden-
tarité et du surpoids. Ce discours est souvent malheureuse-
ment écouté d’une oreille distraite par certains patients. Il ne
fait (presque) plus l’objet d’aucune attention de la part des média
tant il est devenu banal.
Le cancérologue est moins disert sur le sujet diététique que son
confrère; il est souvent d’ailleurs, totalement muet. Or, il est
notoire qu’il sait mieux que quiconque que l’alimentation est un
facteur environnemental qui intervient dans la genèse de nom-
breux cancers, en apportant à la fois des facteurs de risque et
des facteurs protecteurs.
De surcrt, le malade atteint de cancer et sa famille sont avides
d’informations. Ils sont pts à suivre le moindre conseil. Conseils
au final souvent prodigués par des personnes peu avisées et
pour des motifs qui ne relèvent pas toujours de la simple bien-
veillance…
Les cancers sont au deuxième rang des causes de mortalité en
France et en Belgique, après les maladies cardio-vasculaires et
lorsqu’une approche diététique de la maladie est faite, le sujet
devient polémique. Il passionne le public, enflamme les mé-
decins et trouve un écho multimédia retentissant.
David Servan Schreiber a vendu aujourd’hui plus de trois cent
mille exemplaires de son ouvrage «Anticancer»(1), qui va être
traduit et édité dans trente-deux pays. Il est venu présenter à
Mougins, à l’occasion d’une Golden controverse(2), les théories
qu’il y développe, certaines preuves à l’appui. Son livre est main-
tenant relayé par un blog(3), assorti d’un comité de surveillance
auquel participent des cancérologues praticiens convaincus
dont des hospitalo-universitaires.
… l’alimentation est un facteur environnemental
qui intervient dans la genèse de nombreux
cancers, en apportant à la fois des facteurs
de risque et des facteurs protecteurs
Lorsque l’on parle d’alimentation, on déborde le simple cadre
nosologique pris en compte par les dticiens. Dans un ouvrage
moins célèbre que «Tristes tropiques» mais fondateur de la
science éthologique qu’il a contribué à créer, «L’origine des
manières de table», Claude Lévi-Strauss explique que l’homme
est le seul animal à cuire ses aliments. Et qu’ainsi, le passage du
cru au cuit est l’indice du passage de la nature à la culture.
On sait ensuite combien les religions
ont pris à leur compte des règles fon-
datrices alimentaires, érigées en pré-
ceptes: la cacherout, le Hallal. Ces
règles sont devenues par là-même
sacrées. Les religions ont également
veloppé des traditions en tenant
compte des «éléments sains» à inté-
grer dans leurs régimes alimentaires
tels que fruits, légumes, épices… Ces pratiques ont même sub-
sisté au-delà des enseignements religieux et jouent un rôle non
négligeable dans le maintien de la cohésion communautaire et
des diasporas.
On connaît bien le rôle fédérateur des plats traditionnels; mais
quelle est l’approche alimentaire globale de notre société ac-
tuelle, celle des fast-foods et des sushis? Une alimentation saine,
pour rester en bonne san. Conseil repris et relayé par l’indus-
trie agroalimentaire qui a compris que, plutôt que de désinformer,
comme cela a pu être le cas par le passé, il était plus rentable
d’occuper le créneau lucratif des «bio».
Claude Lévi-Strauss explique que l’homme
est le seul animal à cuire ses aliments.
Et qu’ainsi, le passage du cru au cuit est l’indice
du passage de la nature à la culture
Tout un chacun sait que manger n’est pas un acte sans consé-
quences: incorporer un aliment (littéralement: in corpore) fait
franchir à un corps étranger la frontière entre le monde extérieur
et notre propre corps. Ainsi, ingérer, incorporer un aliment, ce
serait adopter une partie de ses propriétés. La démarche faite
par David Servan Schreiber procède de cette réflexion, qui paraît
assez élémentaire. Elle va cependant plus loin, en essayant de
nous démontrer comment des aliments tels que le chou ou
l’ail, certains fruits comme les fruits rouges, la grenade, ou
certaines épices telles le curcuma peuvent contribuer à pré-
venir ou à combattre le cancer.
Depuis 1982, le Fonds Mondial de Recherche sur le Cancer
se consacre à la prévention du cancer dans le monde entier.
Son premier rapport sur la prévention nutritionnelle a été publié
en 1997. En dix ans, la recherche sur le sujet s’est considéra-
blement développée, des preuves scientifiques se sont accu-
mulées. Ainsi, la récente publication du nouveau rapport en
2007 a permis, grâce à une analyse exhaustive de la littérature,
et à l’aide d’une méthodologie rigoureuse, d’émettre des recom-
mandations à l’attention des acteurs de santé publique mais
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NUTRITION ET CANCER
aussi de tout un chacun, visant à réduire la mortalité par can-
cer(4). Il propose dix mesures hygiéno-diététiques pour diminuer
le risque de cancer; les directives et recommandations à l’origine
de ces mesures reposent sur des preuves scientifiques jugées
«convaincantes» ou «probables» et sont consensuelles. Les
preuves jues «limites mais évocatrices» nont pas été retenues.
Par exemple: être physiquement actif au quotidien a un effet
protecteur indépendant «convaincant» contre les cancers colo-
rectaux et «probable» contre les cancers du sein et de l’endo-
mètre. On se souvient à ce sujet de l’étude de cohorte pros-
pective E3N(5, 6) qui a étudié les facteurs de risque de cancer
parmi une population de près de 100 000 femmes affiliées à la
Mutuelle Générale de l’Éducation Nationale. Les résultats révè-
lent que plus on pratique d’activité physique, plus on diminue le
risque de cancer du sein, dès lors qu’il s’agit d’une activité phy-
sique soutenue, «même chez les populations présentant des
antécédents familiaux ou d’autres facteurs de risque de cancer
du sein»(6, 7). Le rapport du Fonds Mondial de Recherche sur le
Cancer précise à ce sujet qu’augmenter son activité physique
ne passe pas forcément par la pratique d’un sport, et peut être
intégré aux activités de la vie quotidienne. Il est également
conseillé d’allaiter de façon exclusive jusqu’à l’âge de six mois,
l’allaitement prolongé ayant un effet protecteur pour la mère
et l’enfant en limitant le risque de cancer du sein chez la
femme et en participant à la lutte contre le surpoids et l’obési
chez l’enfant.
La cinqume recommandation examine la conservation, la trans-
formation et la préparation des aliments. Le rôle néfaste du sel
est confirmé, la salaison étant l’une des causes reconnues du
cancer de l’estomac, les apports de sels devant rester en-deçà
des six grammes quotidiens. Les céréales mal conservées,
moisies, sont contaminées par des alpha toxines intervenant
dans la genèse de l’hépatocarcinome.
Les patients ayant ou ayant eu un cancer font également l’objet
de recommandations: les longs «surviveurs» doivent bénéficier
des conseils d’un nutritionniste, et les conseils alimentaires ou
hygiéno-diététiques prodigués dans le rapport 2007 doivent
s’appliquer à cette catégorie de patients.
Les articles sont de plus en plus nombreux dans la littérature
scientifique sur le sujet. Cent soixante et un hommes atteints
d’un cancer de la prostate et en attente de chirurgie ont été ré-
partis en quatre groupes, un quart avait pris quotidiennement
30 grammes de graines de lin, un quart avait suivi un régime
faible en graisse satue, un quart avait fait les deux assocs,
tandis que le dernier quart recevait un placebo. Après un suivi
dian de 30 jours, les patients ont été opérés et les tumeurs
quées ont été analysées. Il apparaît que la prolifération
tumorale était 30 à 40% inférieure dans les groupes recevant
la supplémentation(7, 8).
Un article très récent montre le rôle potentiel des mutations de
l’ARN mitochondrial dans la maladie métastatique. Les auteurs
suggèrent que certaines de ces mutations seraient responsa-
bles d’une oxydation au niveau cellulaire qui activerait l’expression
des gènes impliqués dans la survenue de métastases. Au
moins trois gènes du complexe I seraient en cause (MCL-1,
HIF-1ALPHA, VEGF). Et les auteurs précisent en conclusion
qu’un traitement antioxydant pourrait permettre de prévenir
ou de supprimer les métastases.(8, 9)
Ainsi, les indices sinon les preuves dans le domaine de la
nutrition sont suffisamment nombreux pour plaider sa prise en
compte par les équipes médicales. Cette approche est d’ailleurs
prise en compte par de nombreuses institutions outre-Atlan-
tique. Le département d’«integrative medecine» du Memorial
Sloan Kettering de New York a pour but d’assurer une prise en
charge globale du patient, afin de lui octroyer la meilleure qua-
lité de vie possible pendant les soins. Ce service enregistre plus
de mille inscrits par mois. Il est le promoteur d’un programme
de recherche clinique et met en ligne une base de données
exhaustive en botanique9. Y sont recensées les plantes médi-
cinales, mais aussi tous les légumes, les fruits et les épices.
Être physiquement actif au quotidien
a un effet protecteur indépendant «convaincant»
contre les cancers colorectaux et «probable»
contre les cancers du sein et de l’endomètre
Très modestement, notre institution a initié un programme édu-
cationnel avec ces deux objectifs: formation des médecins et
des intervenants paramédicaux sous forme d’un enseignement
donné par des biochimistes et des nutritionnistes, éducation
des patients, des «surviveurs» et de leurs proches sous forme
d’ateliers périodiques limités à une vingtaine de participants.
Une expérience pilote va également être menée avec la parti-
cipation bienveillante de grands chefs étoilés, sous forme de
cours de cuisine.
Parce que cette prise en compte de l’alimentaire par les onco-
logues est justifiée par les faits scientifiques qui se multiplient et
s’accumulent jour après jour. Parce cette information est due à
des patients demandeurs d’informations objectives et loyales,
aujourd’hui encore mauvais autodidactes ou mal informés.
(1) David Servan-Schreiber Anticancer – Robert Laffont 2007.
(2) David Servan-Schreiber sur «nutrition et cancer: que dire aux patients
Cannes, le 14 mars 2008.
(3) Guerir.fr
(4) World Research Cancer Fund: http://www.dietandcancerreport.org
(5) Françoise Clavel-Chapelon. Directrice de recherche Inserm-Institut
Gustave Roussy www.e3n.net
(6) Tehard B et al. Cancer Epidemiol Biomarkers Prev. 2006 Jan;15(1):
57-64.
(7) W. Demark-Wahnefried et Al., Proc. ASCO 2007 – Abstract 1510.
(8) Ishikawa K et al. ROS-Generating Mitochondrial DNA Mutations Can
Regulate Tumor Cell Metastasis. Science. 2008 Apr 3
(9) http://www.mskcc.org/mskcc/html/1979.cfm
>>>
Alimentation – Agriculture – Santé
Michel Van Koninckxloo, Ingénieur agronome
et Docteur en sciences agronomiques de l’ULB
Directeur scientifique du Centre pour l’Agronomie et l’Agro-industrie
de la Province de Hainaut (CARAH asbl), Directeur-Président
de la Haute École Provinciale du Hainaut Occidental (HEPHO)
Martine Gadenne, Docteur en sciences de l’ULB
Responsable du laboratoire de biotechnologie du Centre pour l’Agronomie
et l’Agro-industrie de la Province de Hainaut (CARAH asbl), Maître-assistant
de la Haute École Provinciale du Hainaut Occidental (HEPHO)
La tentation est grande, même parmi l’élite intellectuelle, d’attri-
buer nos maux aux produits de l’agriculture moderne et, récipro-
quement, d’esrer le salut dans une alimentation qui serait «bi.
Lorsqu’il s’agit de discréditer l’agriculture conventionnelle inten-
sive, celle qui assure l’essentiel de nos besoins, les journalistes
ne trouvent pas de mots assez forts pour frapper les imagina-
tions. Selon eux, l’agriculture est fondamentalement polluante,
les épandages d’engrais ou de pesticides (sans distinction entre
insecticides, fongicides ou herbicides) sont toujours «massifs»,
et s’il est question de culture d’OGM, le vocabulaire antiatomi-
que est de mise: dissémination, contamination…
Toute cette dialectique a jeté le trouble dans l’esprit des citadins
et des politiciens qu’ils élisent… Avec pour résultats, du côté
positif, un renforcement de la législation qui vise à mieux pro-
téger le consommateur, le producteur et l’environnement et, du
côté négatif, un spectaculaire coup de frein donné à la recher-
che agronomique et biochimique pour tout ce qui concerne la
mise sur le marché de nouvelles molécules ou de plantes
issues du génie génétique.
S’il est un lieu commun d’affirmer qu’une alimentation variée et
équilibrée contribue à une bonne santé, il est bon de rappeler,
aussi désagréable que ce soit, que tous les êtres vivants, y com-
pris les hommes, doivent par essence mourir un jour et que,
sauf accident, c’est par définition en mauvaise santé que cela
se produit…
En fait, l’espoir légitime que l’on se donne, par une bonne ali-
mentation et hygiène de vie, est de conserver le maximum de
nos facultés le plus longtemps possible.
En Occident, les progrès fulgurants des sciences, des techni-
ques et de la médecine ont permis un allongement remarqua-
ble de l’espérance de vie et une indéniable amélioration de sa
qualité. Ces progrès ont sans doute contribué à engendrer un
double phénomène: l’augmentation de la prévalence des mala-
dies dites de vieillesse et l’idée perverse que la maladie et la
souffrance sont inacceptables et qu’il convient d’en extirper les
causes. Parmi les craintes visrales et ancestrales des hommes
se trouve en bonne place l’empoisonnement. C’est ainsi que,
depuis une quarantaine d’années, le grand public associe le
cancer (en général) aux méfaits des détergents (années 60), des
pesticides, des engrais chimiques, au manque de fibres, d’anti-
oxydants ou d’anti-inflammatoires, aux déséquilibres dans les
proportions d’acides gras de diverses configurations, bref, à
une alimentation toujours rendue malsaine lors de sa produc-
tion ou de sa transformation par l’intervention de l’homme qui
la «dénaturalise».
… sans les techniques modernes de protection
des cultures et de conservation des denrées
alimentaires, les famines, comme celles
de l’Irlande au 19esiècle, et les épidémies
de «mal des Ardents» dues à l’ergot du seigle,
seraient toujours inévitables en Europe!
La tendance actuelle est de penser que ce qui est plus «naturel»
serait plus «sain» pour l’homme et son environnement. D’où la
mode des aliments «bio», des carburants «bio», des cosmétiques
«bio», des textiles «bio». Pour mieux faire la différence, il est de
bon ton de jeter le discrédit sur tout ce qui est issu du génie
scientifique telles l’agriculture moderne, la chimie, la génétique
moléculaire qui ne sont bonnes qu’à enrichir les multinationales,
à empoisonner le consommateur et à ruiner les plus démunis.
Il est remarquable de constater que le vocable d’agrocarburant
remplace progressivement celui de biocarburant depuis que
son bien-fondé salvateur est remis en cause!
C’est oublier un peu vite que de tout temps l’agriculteur a dû
parer le bon grain de l’ivraie, que les pires poisons se trouvent
dans la nature, dans les champignons, les plantes et les animaux
sauvages et que, sans les techniques modernes de protection
des cultures et de conservation des denrées alimentaires, les
famines, comme celles de l’Irlande au 19esiècle, et les épidé-
mies de «mal des Ardents» dues à l’ergot du seigle, seraient
toujours inévitables en Europe!
Pour montrer à quel point notre attitude est irrationnelle lorsqu’il
s’agit d’alimentation, pensons à la distinction d’approche et
de réceptivité du citoyen lorsque les progs de la science
s’appliquent à la médecine ou à l’agriculture: haro sur les
OGM lorsqu’il s’agit d’agriculture mais vivent les cultures de
cellules souches génétiquement modifiées capables de régé-
Que ne ferions-nous pas pour vivre éternellement et en bonne
san? Cette double espérance est souvent exploie de manière
abusive par les manipulateurs et charlatans de tous ordres qui
profitent de la crédulité intrinsèque du genre humain à l’égard
de tout ce qui a trait à la santé.
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Michel Van Koninckxloo Martine Gadenne
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