Le rhinocéros est une figure allégorique qui illustre comment les pires monstres peuvent
d’un moment à l’autre apparaître dans la société dans un climat d’acceptation. Après de
longues hésitations, Bérenger ne veut pas céder à ce climat et refuse la tentation de
penser et agir comme tout le monde : “Que faire maintenant. Devenir rhinocéros ou
rester homme?”
La société qui l’entoure se caractérise par une attitude conformiste, d’abdication face à
ce monstre qui s’y instaure, si bien que la grandeur de Bérenger est de savoir résister
aux griffes d’un système qui prétend l’atomisation des individus au sein d’un tout dont ils
ne sont que des échantillons. En s’adressant à Jean, Bérenger reconnaît “…nous avons
une philosophie que ces animaux n’ont pas, un système de valeurs irremplaçable” (acte
II, tableau II). Et au début de l’acte III, il avertit: “Les cornes, gare aux cornes!”
Bérenger n’est pas justement un surhomme, il boit, il a tendance à se négliger, il est
paresseux, se sent laid, se dévalorise physiquement,… Cependant, il ose ne pas penser
comme les autres, ce qui lui confère un certain pouvoir de force grâce à sa résistance
morale. Il prend conscience de l’impossibilité de devenir autre chose et réaffirme sa voie
en dépit de ses doutes. Il est un dissident. Dans l’acte III, en s’adressant à Dudard,
Bérenger signale “Je n’en aurai jamais (de bosse), j’espère. Jamais”. La fin de la pièce
(acte III) atteint son point culminant lorsqu’ il avoue “Je suis le dernier homme, je le
resterai toujours jusqu’au bout! Je ne capitule pas!”, ce qui lui attribue, dans sa solitude
la plus absolue, la dimension du héros tragique.
Texte de Rhinocéros et listes d’arguments fournies ci-dessous. Actes et
tableaux de la pièce où Bérenger s’adresse ou parle des personnages
suivants: Boeuf, M. Papillon, Le Logicien, Dudard, Jean … lors de leur
transformation en rhinocéros.