Zone euro - Etudes Economiques – BNP Paribas

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Zone euro
L’état du patient nécessite de prolonger le traitement
L’activité dans la zone euro n’a pas pâti de la très forte incertitude qui a entouré l’avenir de la Grèce jusqu’à cet été, signe que les
mécanismes mis en place ces dernières années pour éviter la contagion fonctionnent bien. En revanche, le ralentissement de la
croissance mondiale, l’appréciation réelle de l’euro vont encore affaiblir une reprise déjà peu vigoureuse. Associé au repli des prix
de l’énergie, ce mouvement va encore repousser les perspectives pour un redressement durable de l’inflation, et pousser la BCE à
renforcer son action.
■
Croissance : des astres un peu moins bien alignés
L’Union Economique et Monétaire n’en finit pas de se relever des
différentes crises qui la frappent, de résister aux vents contraires,
de rebondir sans parvenir à amorcer ensuite un cycle de croissance
soutenu. Début 2015, les observateurs se félicitaient de
« l’alignement des astres », une conjonction de circonstances très
favorables (baisse de l’euro, chute des cours du pétrole, lancement
du QE de la BCE) qui allait enfin permettre une franche accélération
de l’activité. Le nouvel acte du drame grec a constitué un premier
obstacle en accaparant l’attention des exécutifs européens et en
ravivant les interrogations des investisseurs et des observateurs
internationaux sur le fonctionnement de la zone euro.
Au final toutefois, les données dont nous disposons montrent bien
que, si l’économie grecque va être durement touchée, l’activité dans
le reste de la zone euro n’a pas réellement souffert de ces tensions.
En effet, la croissance du PIB de la zone euro s’est franchement
bien tenue tout au long du premier semestre, accélérant
régulièrement jusqu’à 1,5% g.a., au plus haut depuis quatre ans. En
revanche, les perturbations qui agitent l’économie mondiale depuis
l’été (ralentissement chinois, rechute des prix du pétrole,
incertitudes relatives à la politique monétaire américaine) sont
davantage susceptibles d’avoir des effets notables.
A ce stade, le rebond de l’activité repose sur deux principaux piliers
que sont la consommation et les exportations. La baisse des prix
du pétrole est indéniablement une bonne nouvelle pour le pouvoir
d’achat des ménages, surtout si elle se révèle, comme nous
l’attendons, en partie durable. La consommation privée devrait donc
en bénéficier et continuer de faire preuve d’une certaine résistance
au cours des prochains trimestres. A l’inverse, le ralentissement de
la croissance dans les zones émergentes va peser sur les
exportations, et nous ne pensons pas que l’investissement privé, qui
était déjà le parent pauvre de la reprise en cours en 2015, puisse
véritablement décoller dans un environnement économique toujours
perçu comme très incertain. A défaut d’accélération, la croissance
de l’UEM pourrait donc se maintenir autour de 1,5% à la fois en
2015 et 2016.
■
Vers une augmentation du QE
Depuis la réunion de politique monétaire du mois de septembre, la
communication de la BCE s’est faite nettement plus accommodante,
ouvrant la porte à un nouvel assouplissement de la politique
monétaire. Les projections économiques de la banque centrale ont
été révisées en baisse par rapport à juin. Le profil d’inflation,
notamment, a été aplati, cette dernière perdant 0,4 point en 2016
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1- Synthèse des prévisions
Variations annuelles, %
2014
2015 e
2016 e
PIB
GDPYY
0.9
1.6
1.5
Consommation priv ée
PRCONYY
0.9
1.8
1.3
Inv estissement
GFCFYY
1.3
1.9
2.5
Ex portations
EXPYY
3.9
5.0
4.5
Indice des prix à la consommation (IPC) HCPIYY
0.4
0.1
1.0
IPCH hors alimentation et énergie
HCPICOREYY
0.8
0.8
0.9
Taux de chômage (%)
URATE
11.6
Balance courante (% PIB)
CURBAL%
2.1
3.0
2.8
Solde des Adm. Publiques (% PIB)
GGOVBAL%
-2.4
-2.1
-1.8
Dette publique (% PIB)
GGOVDEBT%
91.8
91.0
90.1
11.0
10.5
e: estimations et prévisions BNP Paribas Recherche Economique Groupe
2- En manque d’accélération
Croissance du PIB, en %
█ glissement annuel,
moyenne annuelle, réalisée et prévue
3
2
1
0
-1
-2
2011
2012
2013
2014
2015
2016
Sources : Eurostat, prévisions BNP Paribas Global Markets
pour s’établir à 1,1%. En outre, M. Draghi a insisté sur « les
nouveaux risques à la baisse […] pour les perspectives de
croissance et d’inflation ». Ces derniers font référence au
ralentissement des pays émergents, mais aussi au renchérissement
de l’euro : depuis mi-avril le taux de change effectif nominal (calculé
par rapport à 38 pays) s’est apprécié de 8,5%. Couplée à des taux
d’intérêt à long terme eux aussi plus élevés qu’au printemps, la
hausse de l’euro se traduit par des conditions financières et
monétaires moins favorables.
Tout en indiquant qu’il était prématuré de conclure à une incidence
durable de ces événements sur les perspectives d’inflation à moyen
terme, M. Draghi a souligné la volonté et la capacité d’agir du
Zone euro
4ème trimestre 2015
6
Conseil des gouverneurs, si nécessaire, mettant spécifiquement
l’accent sur la flexibilité du programme d’achat d’actifs en terme de
composition, de dimension et de durée. Dans une interview récente,
le vice-président de l’institution, M. Constancio, soulignait la taille
relativement modeste de l’assouplissement quantitatif européen
(environ 5% du PIB) comparé à ceux des Etats-Unis et du
Royaume-Uni (environ 20-25% du PIB) et a fortiori du Japon (65%
du PIB), suggérant par là même les larges marges de manœuvre
dont dispose la BCE pour accroître la taille du programme d’achat
d’actifs si besoin.
La BCE se dit très attentive à l’évolution de la situation économique
et, en particulier, à la dynamique des prix. D’après les premières
estimations, l’inflation a perdu 0,2 point en septembre repassant en
territoire négatif, à -0,1%, pour la première fois depuis mars. Bien
que la baisse des prix de l’énergie explique l’essentiel du repli,
l’inflation sous-jacente (hors énergie et produits alimentaires)
montre également des signes d’essoufflement : cette dernière s’est
stabilisée, à 0,9%, interrompant l’augmentation tendancielle
constatée depuis le début de l’année.
Nous continuons de prévoir une hausse de l’inflation au cours des
prochains trimestres, tirée par la remontée des prix de l’énergie et
de puissants effets de base. Toutefois le manque de vigueur de la
dynamique sous-jacente devrait persister. Outre les bas prix du
pétrole, qui pèsent directement mais transitoirement sur l’inflation,
c’est l’ampleur des capacités de production sous-employées, et leur
lente résorption, qui posent problème. Un rythme de croissance du
PIB de 1,5% n’autorisera qu’une modeste diminution du chômage
(0,5 pp par an), lequel sera vraisemblablement encore supérieur à
10% de la population active au début de 2017, c’est-à-dire audessus du niveau à partir duquel apparaissent des tensions sur les
salaires.
Compte tenu de la grande prudence affichée récemment, il semble
que la BCE n’attendra pas que l’activité se dégrade pour agir. Sans
tensions salariales ni accélération de la demande, la Banque
Centrale Européenne aura du mal à justifier le statu quo. Une
reprise insuffisamment vigoureuse signifie, à tout le moins, une
inflation basse pendant longtemps avec le risque d’engendrer un
décrochage des anticipations d’inflation. Ces dernières sont à
nouveau orientées à la baisse depuis cet été. Lors de la réunion de
politique monétaire du mois de décembre, la BCE présentera ses
nouvelles projections macroéconomiques. Si, comme nous
l’anticipons, la fin d’année s’accompagne de la publication
d’indicateurs économiques décevants, la BCE pourrait présenter
des prévisions d’inflation revues en baisse et annoncer, en
conséquence, un allongement de la durée du QE et une hausse du
volume d’achats mensuels.
■
L’intégration européenne toujours déficiente
Sur le plan institutionnel et de la coordination des politiques
économiques, les résultats sont également en demi-teinte. Certes,
le pire a été évité en Grèce, tandis que les défenseurs de la gestion
européenne de la crise se félicitent du retour de la croissance en
Espagne. En outre, l’absence de contagion du stress grec aux
autres pays de la zone a incontestablement montré que la Banque
Centrale européenne et le Mécanisme Européen de Stabilité sont
des pare-feu très efficaces pour contenir les risques systémiques.
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3- Taux de change de l’euro
—Effectif nominal (38 pays) ▬Euro/Dollar (e.d.)
130
1,6
125
1,5
120
1,4
115
1,3
110
1,2
105
1,1
100
1
08
09
10
11
12
13
14
15
Source : BCE
Malgré ces éléments positifs, le déroulé des négociations avec
Athènes ou, plus récemment, la gestion de la crise des migrants ont
une nouvelle fois mis en lumière la faible capacité des institutions
européennes à promouvoir des solutions véritablement
coopératives. Or, si le besoin d’améliorer les mécanismes de
décisions de l’UE, et d’approfondir l’intégration économique de la
zone euro fait l’objet d’un consensus de principe, les avancées sont
lentes. Le rapport dit « des cinq présidents » 1 présenté en juin
dernier par Jean-Claude Juncker s’efforce de faire des propositions
en matière économique, financière, budgétaire, et de représentation
démocratique. Le point commun est toutefois qu’aucune réforme
des Traités n’est envisagée, ni même ne sera discutée avant au
moins deux ans. D’ici là, le rapport préconise de s’attacher à
« renforcer l’existant ».
Sur le plan financier, des avancées sont possibles, notamment en
complétant l’union bancaire et l’union des marchés de capitaux. Sur
le plan budgétaire en revanche, où davantage d’intégration passera
forcément par des abandons de souveraineté et une réforme des
traités, peu de choses sont prévues à court terme. D’ici là, les
politiques nationales, même si elles font l’objet d’une surveillance
active par les autorités européennes, restent peu coordonnées. Et
le Plan Juncker, dont un des objectifs est de pallier à ce manque en
finançant des investissements d’infrastructure ou des entreprises
innovantes sans critères de répartition géographique, peine pour
l’instant à prendre de l’ampleur.
Frédérique Cerisier
[email protected]
Thibault Mercier
[email protected]
1
« Compléter l’Union économique et monétaire européenne », rapport preparé par
J-C Junker en étroite coopération avec D. Tusk, J. Dijsselbloem, M. Draghi et M.
Schultz, Commission européenne.
Zone euro
4ème trimestre 2015
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