Chapitre 8 Techniques de datation en géologie Au début du XIXème siècle, une longue durée des phénomènes géologiques et de l’histoire de la Terre est acceptée. Charles Lyell (1797-1875) est partisan d’un temps « infini ». Lord Kelvin (1824-1907) calcule un temps de 20 à 40 MA pour que la variation de température près de la surface (le gradient géothermique) atteigne la valeur actuelle de 37°C/km. Il défend un âge fini de la Terre estimé à 100 MA. La découverte de la radioactivité par Henri Becquerel (1852-1908) en 1896 va permettre en 1953 de dater les météorites et d’estimer l’âge de la Terre à 4,55 milliards d’années (valeur acceptée depuis 1970). I la datation relative A les principes de la datation relative La datation relative permet d’ordonner des structures géologiques (strates _synonyme de couche_, plis, failles, minéraux) les unes par rapport aux autres, ainsi que des événements géologiques variés (discordance, sédimentation, intrusion, orogenèse). Elle repose sur les principes de la chronologie relative : Principe d’actualisme : aux mêmes cause les mêmes effets, quelle que soit l’époque Principe de continuité : une même couche a le même âge sur toute son étendue. Principe de superposition : de deux couches superposées, non renversées par la tectonique, la plus basse est la plus ancienne. Principe de recoupement : il permet de traiter toutes les situations d’intersection entre couches ou formations. Par exemple, pour une déformation : l’événement ayant généré les changements de géométrie des couches est postérieur à la formation qu’il affecte. Principe d’identité paléontologique : l’identification dans une couche de fossiles dits stratigraphiques permet d’affecter à la couche le même âge qu’une autre couche d’âge connu contenant les mêmes fossiles. Un bon fossile stratigraphique vit peu longtemps, partout sur la planète. B Conséquence : l’échelle stratigraphique des temps géologiques L’utilisation de ces principes a permis de construire une référence temporelle qui a une valeur générale et s’applique à toutes les études géologiques : l’échelle stratigraphique internationale des temps géologiques. II la datation absolue ou chronologie absolue La chronologie absolue, en donnant accès à l'âge des roches et des fossiles, permet de mesurer les durées des phénomènes géologiques. Elle permet aussi de situer dans le temps l'échelle relative des temps géologiques. A Les principes généraux d’application de la datation absolue La chronologie absolue est fondée sur la décroissance de la quantité d’isotopes radioactifs de certains éléments chimiques : elle exploite la relation qui existe entre le rapport isotopique et la durée écoulée depuis la « fermeture du système » contenant les isotopes. Les isotopes d’un élément possèdent le même nombre d’électrons et de protons, mais un nombre de neutrons différent. Certains isotopes sont stables (12C, 13C) d’autres radioactifs (14C). Dans ce cas, leur noyau peut se transformer en un autre noyau en perdant une particule et en émettant un type de rayonnement. Ceci se fait selon la loi de désintégration radioactive : où λ est la constante de désintégration dN/dt = - λN λ ⇨dN/N = - λdt ⇨ ln N = - λt+C ⇨ N = e -λt+C ⇨ N = e -λt eC Or à t = 0, N = N0 = e0 eC donc N = e -λt N0 ⇨ ln (N/ N0 ) = λt t = ln(N0/N) / λ La faisabilité et la qualité de la datation dépendent de : 1 La période de l’isotope choisi pour l’analyse On appelle période ou demi-vie le temps nécessaire pour que la moitié des noyaux radiogéniques se désintègrent. No/N = 2 donc t 1/2 = 1/λ ln 2 Une fois le système fermé, la quantité d’isotope susceptible de se désintégrer diminue. La datation n’est valide que si l’on mesure des durées allant du centième à dix fois la période de l’isotope choisi. Les radiochronomètres sont choisis en fonction de la période de temps que l’on cherche à explorer. 2 La qualité et la pertinence de l’échantillon utilisé La date calculée correspond à celle où les isotopes de l’échantillon utilisé (fraction minérale ou roche totale) ont été confinés : aucun constituant n’a pu quitter l’échantillon et aucun des constituants extérieurs n’a pu y entrer. A partir de cette date, les éléments chimiques ont évolué spontanément en suivant les lois physiques de désintégration radioactive sans interaction avec le milieu. On parle de système fermé. Remarque : en général, les roches sédimentaires ne sont pas des systèmes fermés et sauf cas particulier comme le carbone 14, la radiochronologie ne permet pas de dater les roches sédimentaires. B trois exemples d’isotopes utilisés en SVT Vous devez savoir les utiliser avec équations, constantes et courbes fournies dans l’exercice. Les explications (à comprendre mais pas forcément à retenir sont en italique). 1 la datation au carbone 14 Du fait de sa demi-vie de 5730 ans, le carbone 14 est particulièrement bien adapté à la mesure de durées de quelques dizaines de milliers d’années au plus (100 à 50 000 ans). Cet isotope est produit régulièrement en haute atmosphère à partir de l’azote de l’air. Lorsqu’un animal ou une plante meurt, son métabolisme cesse et son carbone n’est plus renouvelé ; les isotopes radioactifs se désintègrent. Il en est de même pour un carbonate précipité et isolé ou une masse d’eau isolée. En connaissant la proportion de 14C/12C dans le milieu, la mesure de la proportion de 14C/12C dans les restes d’êtres vivants (os, cheveux, bois, coquilles) fournit la durée écoulée depuis la mort ou « isolement » (fermeture du système). Au-delà de 30000 à 40000 ans, la quantité de carbone 14 restant dans l’échantillon est insuffisante pour permettre une mesure fiable. Les appareils arrivent à mesurer des rapports de concentrations mais n’arrivent pas à mesurer des concentrations simples… On mesure r = 14C/12C que l’on compare à r* rapport actuel supposé constant (il faut en fait faire des correctifs). Alors No/N = r*/r avec λ = 1,245 10 -4 ans-1 et on en déduit t grâce à l’équation t = ln (N0/N) / λ On peut également réaliser une détermination graphique de l’âge de l’échantillon La courbe de désintégration du carbone 14 2 la datation par la méthode potassium/argon Le couple Potassium/Argon permet d’aborder des datations de roches plus anciennes (1 à 300 Ma). En pratique, on dispose du rapport 40Ar/40K et on utilise une méthode de résolution graphique ou numérique avec l’équation (fournie): Résolution pour un rapport de 0,0053 : 90 MA Contrairement au 14 C, il n’y a pas d’isotope radioactif au départ. Il est équivalent de mesurer des rapports isotopiques exprimant le nombre d’isotopes disparus ou apparus. La désintégration du 40K n'est pas simple mais suit plusieurs voies qui sont schématisées dans la figure ci-contre : 40 40 • Une voie mène au Ca par désintégration β (plus de 88% de la désintégration du K) 40 • Une autre voie, elle-même complexe, mène au Ar, essentiellement par capture électronique (EC). Il faut tenir compte dans les formules de calcul du temps de ces deux voies de désintégration, en utilisant une constante de désintégration totale, égale à 5,543.10-10 an-1. Remarque : cette méthode suggère l’existence de limites à la datation absolue. L’isotope de l’argon existe en quantité non négligeable dans l’atmosphère et les fluides circulants, l’échantillon daté peut-être contaminé et conduire à des datations erronées (circulation de fluides, métamorphisme…). 3 la datation par la méthode rubidium/strontium Cette méthode de datation est la plus courante. Elle utilise un couple d’isotopes dont la quantité initiale est inconnue. Il y a donc deux inconnues : l’âge de l’échantillon et la quantité initiale d’isotope. Il faut donc disposer d’au moins deux équations. On effectue une mesure sur deux constituants équivalents du même échantillon (minéraux). 87 Rb ------> 87Sr + β demi-vie = 48.8 milliards d'années, λ= 1.42 10-11 an-1 Pour résoudre ce problème, il faut comprendre qu’on ne peut mesurer que des rapports de concentrations et que la cristallisation est un processus géologique qui ne fractionne pas les isotopes d'un même élément lourd. Ainsi, deux minéraux ou deux roches cristallisant à partir d'un même magma intégreront dans leur réseau cristallin du strontium (Sr) avec un rapport isotopique 87Sr/86Sr identique à celui du magma d'origine. On dit que ces échantillons sont cogénétiques. Et même si certains minéraux intégreront plus de strontium que d'autres, tous auront le même rapport initial 87Sro/86Sro. Par ailleurs, sachant que 86Sr n'est ni radioactif ni radiogénique, la quantité de cet isotope ne varie pas au cours du temps dans un système clos et 86Sr = 86Sr0. On peut mesurer les rapports 87Sr/86Sr et 87Rb/86Sr par spectrométrie de masse. Si on divise toute l’équation par le nombre d’ 86Sr, l’équation devient donc : C’est l’équation d’une droite dite isochrone : y = ax + b avec : a = , b déterminé graphiquement, en ordonnée et en abscisse La pente de la droite (tracée à partir d’au moins deux mesures) est déterminée graphiquement ce qui permet de déduire le temps. Il faut que tous les points soient sur la même droite pour qu’ils proviennent du même magma initial (même rapport 87Sro/86Sr).