harmonie musicale

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Discipline (sous-thème)
Psycho-acoustique
De l’ harmonie musicale
Pour susciter tension, soulagement, joie ou mélancolie,
un accord de trois notes suffit. Pourquoi sommes-nous
si sensibles à l’harmonie musicale ? L’analyse
des différents facteurs d’émotion identifiés
dans un accord suggère une explication... biologique.
E
ntonnez le Chant des partisans ou la
Marseillaise avec un accompagnement instrumental, et nombre d’accords majeurs vous feront vibrer. Dans la
Marseillaise, par exemple, les notes chantées sur la seconde syllabe de « patrie »,
dans le premier vers, sont les trois notes
d’un accord majeur. Pensez maintenant à
un chant mélancolique : l’humeur y sera
créée par des accords mineurs. Ainsi, dans
la chanson Les feuilles mortes, les notes associées aux première, troisième et quatrième
syllabes du vers « Toi, tu m’aimais » forment un accord mineur.
Depuis longtemps, les théoriciens de la
musique sont conscients de ces résonances
émotionnelles différentes transmises par
les accords majeurs et mineurs. Dès 1722,
le compositeur français Jean-Philippe
Rameau écrivait, dans son Traité de l’harmonie réduite à ses principes naturels – un
important ouvrage sur l’harmonie : « Le
mode majeur […] convient aux chants d’allégresse et de réjouissance», parfois «aux
tempêtes, aux furies et autres sujets de cette
espèce», et parfois «aux chants tendres et
gais» ou pour évoquer «le grand et le magnifique ». Le mode mineur, en revanche,
«convient à la douceur et à la tendresse;
[…] aux plaintes; […] aux chants lugubres».
La distinction majeur/mineur est
entrée dans la musique occidentale à la
44] Psycho-acoustique
L’ E S S E N T I E L
Fondée sur l’étude
de la consonance
des intervalles, la théorie
classique de l’harmonie
musicale n’explique pas
pourquoi le mode majeur
évoque la force et la joie,
tandis que le mode mineur
est associé à la mélancolie.
La distinction
acoustique entre ces deux
modes apparaît lorsque
l’on étudie non plus
seulement les intervalles,
mais leur rapport
dans les accords
et l’effet de ce rapport
sur l’émotion.
Cet effet
s’apparenterait à celui
causé par les intonations
des vocalisations animales:
ascendantes, elles
expriment la domination,
descendantes,
la soumission.
Renaissance, lorsque les compositeurs
se sont éloignés des mélodies monophoniques et des harmonies à deux notes
utilisées par exemple dans les chants grégoriens, et qu’ils ont adopté l’harmonie fondée sur les accords de trois notes,
ou triades. Les compositeurs ont découvert que l’harmonie des triades leur permettait d’évoquer une gamme plus
étendue d’émotions.
Aujourd’hui, les accords majeurs et
mineurs sont essentiels tant dans la musique occidentale que dans les musiques
traditionnelles non occidentales qui n’utilisent pas de triade, mais où, souvent, de
courtes séquences mélodiques suggèrent
les modes majeur et mineur. Pourtant, la
cause de leur effet psychologique reste
inconnue. Cette question est même devenue embarrassante pour les théoriciens. Par
exemple, dans un ouvrage sur la psychologie de la musique publié en 2005, le psychologue britannique John Sloboda cite les
travaux indiquant que les modes majeur et
mineur déclenchent, dès l’âge de trois
ans, des émotions positives et négatives,
mais omet de discuter ce résultat. Et en 2006,
dans un livre sur le même thème, le musicologue américain David Huron relègue la
question dans une note de bas de page.
La plupart des théoriciens sont convaincus que l’association entre les tonalités
majeures et les émotions positives, d’une
part, et entre les tonalités mineures et les
émotions négatives, d’autre part, est acquise:
il s’agit pour eux d’une « particularité
occidentale» qu’il est inutile d’expliquer, de
même qu’il serait vain d’expliquer les
conventions de l’orthographe ou de la grammaire. Nous sommes d’un autre avis. Nous
pensons que les différentes réponses émotionnelles aux accords majeurs et mineurs
ont une base biologique. Mais avant de nous
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© Shutterstock/Andrey Arkusha
Norman D. Cook et Takefumi Hayashi
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à l’
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émotion
aventurer sur un territoire aussi controversé, nous répondrons à une question
simple: pourquoi certains accords ont-ils
une résonance stable – résolue –, et procurent-ils un sentiment de complétude musicale – d’aboutissement –, tandis que d’autres
nous laissent en suspens, dans l’attente
d’une résolution vers un accord stable?
La recherche en psychophysique a
apporté une réponse partielle. Il y a plus
d’un siècle, Hermann Helmholtz a identifié les principes acoustiques de la dissonance musicale. Cependant, une triade ne
se résume pas à sa dissonance ou à sa consonance ; certains accords consonants n’en
sont pas moins perçus comme non résolus.
C’est pourquoi nous avons développé un
modèle acoustique de la perception de l’harmonie en termes de position relative des
trois notes. En particulier, nous avons identifié deux qualités – que nous nommons
la tension et la valence –, qui, ensemble,
expliquent la perception de «stabilité» et
en quoi les accords majeurs diffèrent des
accords mineurs sur le plan acoustique. À
partir de ce modèle, nous émettrons des
hypothèses sur les raisons de leurs connotations émotionnelles différentes.
L’harmonie dépend...
des harmoniques
© Shutterstock/Andrey Arkusha
L’explication scientifique de la musique
est fondée sur la structure ondulatoire des
sons : chaque son est une onde sonore ou
une combinaison de plusieurs ondes.
Même une note isolée est plus complexe
qu’il n’y paraît, car le son principal y est
accompagné d’autres sons ténus et plus
aigus, les harmoniques. Inconnue des
théoriciens de la Renaissance, cette propriété physique de la musique s’étudie
aujourd’hui facilement à l’aide d’un ordinateur portable et d’un logiciel approprié.
Les harmoniques sont responsables de
bon nombre des phénomènes les plus subtils de l’harmonie musicale.
Au son principal d’une note isolée correspond une onde sonore sinusoïdale,
caractérisée par sa fréquence, la fréquence
fondamentale F0, exprimée en hertz (voir
la figure 1). Plusieurs harmoniques F1, F2,
F3, etc., sont associées à F0. Il s’agit d’ondes
sonores dont la fréquence de vibration est
un multiple de la fréquence fondamentale. Par exemple, si F0 est le do médium
(261 hertz), alors F1 vaut 522 hertz (deux
fois F0), F2 vaut 783 hertz (trois fois F0),
etc. Tout son musical (autre qu’une onde
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Psycho-acoustique
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b
Norman Cook
Dissonance
Dissonance
Dissonance
F0
Amplitude
Ils ont observé que les auditeurs ordinaires
entendent une sonorité « déplaisante »,
«grinçante» ou «instable» chaque fois que
deux notes sont séparées par un ou deux
demi-tons. Rappelons qu’un demi-ton est
F1
l’intervalle qui sépare deux touches adjacentes, blanches ou noires, sur le clavier.
F2
Mi’’ Sol’’ Do’’’
Do
Do’
Sol’
De plus, deux notes séparées de 11 demiFa
Fa’
Do’’ Fa’’ La’’ Ré’’’
F3 Note 1 : F0
tons sont aussi dissonantes, malgré leur
F1
F2
F3 F4 F5F6
éloignement sur le clavier, et un intervalle
F0
F2
F1
F3 F4 F5F6
F4 Note 2 :
de six demi-tons est perçu comme légère1. DANS UNE NOTE, chaque son – le son fondamental et les harmoniques – peut être repré- ment dissonant (voir la figure 2a).
senté par une onde sinusoïdale, caractérisée par une fréquence qui croît avec le degré de l’harEn 1965, les psychologues hollandais
monique (a). Les harmoniques (F1, F2, etc.) influencent notre perception de la note (de fréquence Reinier Plomp et Willem Levelt ont explifondamentale F0). Lorsque deux notes (do en rouge, fa en bleu) sont jouées ensemble, les harmoniques interagissent, ce qui modifie notre perception (b). L’intensité relative des notes (cercles qué la perception expérimentale de la dissonance en représentant la dissonance
pleins) et des harmoniques (cercles vides) est représentée par les barres d’amplitude.
entre deux ondes sinusoïdales pures par
une courbe théorique fondée sur des données psychophysiques (voir la figure 2b) :
sinusoïdale pure) sera nécessairement a
ils ont demandé à plusieurs personnes
une combinaison de ces harmoniques.
d’écouter divers intervalles – la plupart
Le nombre et la force de ces harmoniques
non musicaux, simplement définis par les
donnent à chaque note son timbre unique
fréquences des sons – et d’évaluer leur
et font que le do médium, par exemple,
consonance ou leur dissonance sur une
sonnera différemment au piano et au
échelle arbitraire de 1 à 10. Puis ils ont comsaxophone. En général, les harmoniques
pilé les résultats obtenus en une courbe
sont de plus en plus faibles et peuvent
mathématique approchée. Cette courbe
finalement être ignorées, mais les cinq
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 traduit le fait que les petits intervalles (enviou six premières – au moins – influent
Taille de l’intervalle (en demi-tons)
ron un demi-ton) sont les plus dissonants,
sur notre perception.
tandis que les très petits intervalles
L’histoire des harmoniques serait b
(1/10e de demi-ton) ou les intervalles plus
simple si toutes les harmoniques étaient
séparées par des octaves (écart entre deux
grands (supérieurs à trois demi-tons) sont
do consécutifs, par exemple), mais ce n’est
plutôt consonants.
pas le cas, car l’échelle de la perception des
La courbe de R. Plomp et W. Levelt n’exsons est logarithmique : bien que la preplique pas la dissonance de grands intermière harmonique se situe une octave plus
valles tels que ceux de 6 ou 11 demi-tons.
haut que la fréquence fondamentale, les
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 Néanmoins, lorsque les deux psychologues
Taille de l’intervalle (en demi-tons)
multiples suivants de F0 correspondent à
ont ajouté un nombre de plus en plus grand
des intervalles de plus en plus petits. Par c
d’harmoniques, la courbe de dissonance
conséquent, si la fréquence fondamentale
obtenue s’est approchée de plus en plus de
est le do médium, alors F1 est une octave
la courbe empirique (voir la figure 2c): elle
au-dessus du do médium (do’), tandis que
prédit de petites diminutions de la dissol’harmonique suivante, F2, est entre une et
nance au niveau – ou à proximité – des interdeux octaves au-dessus de do médium,
valles supérieurs ou égaux à 3 demi-tons
parce que sa fréquence n’est que 3/2 de F1.
des gammes diatoniques, soit 3, 4, 5, 7, 9
Dans la musique occidentale, ce son est
et 12 demi-tons (les gammes diatoniques
le sol’. Ainsi, le do médium sur un piano
sont les gammes de sept notes séparées
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 de tons et de demi-tons utilisées en musique
comporte un mélange des sons do, do’,
Taille de l’intervalle (en demi-tons)
sol’, do’’, mi’’, etc. (voir la figure 1).
2. CERTAINS INTERVALLES MUSICAUX nous classique, telle do ré mi fa sol la si).
Comme les notes isolées, les intervalles paraissent dissonants (a, en rouge), d’autres
Cette correspondance entre les minima
entre deux notes sont définis par leurs sons consonants (en bleu). Par ailleurs, notre per- de dissonance et les notes de la plupart
fondamentaux. Mais lorsqu’un pianiste ception du degré de dissonance dépend des har- des gammes musicales les plus communes
joue deux notes sur le clavier, c’est tout un moniques: sans harmonique, seuls les intervalles signifie que l’espacement entre les notes des
assortiment d’harmoniques qui atteignent petits (environ un demi-ton) sont perçus comme gammes n’est pas une invention arbitraire.
les oreilles de l’auditeur (voir la figure 1b). dissonants (b). Avec les harmoniques, d’autres Au contraire, il résulte du fonctionnement
régions de dissonance apparaissent (c, chaque
Plusieurs générations d’expérimentateurs, couleur correspond à une harmonique ajou- du système auditif humain, et il n’est pas
à commencer par Helmholtz en 1877, ont tée). Plus on ajoute d’harmoniques (c, en vert), surprenant que les mêmes intervalles soient
étudié la perception de la consonance ou plus la courbe se rapproche de celle obtenue avec utilisés par différentes cultures de par le
de la dissonance de différents intervalles. des notes réelles (a).
monde. Certaines combinaisons de notes
a
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Mineur
(deuxième renversement)
(4,3)
Majeur (fondamental)
(3,4)
Mineur (fondamental)
M
3
(4,5)
m
m M
Mineur (premier renversement)
2
1
0
(3,5)
0 1 2 3 4 5 6 7
Intervalle supérieur (en demi-tons)
Majeur (premier renversement)
Disson
m M
m
M
m M
ance
SANS HARMONIQUE
m M
m
M
m M
Vallée
de consonance
ur
rie
lle
eur
éri
sup
fé
e in
all
erv
Int
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13
Intervalle supérieur
m M
m
M
m M
nce
AVEC UNE HARMONIQUE
m M
m
M
m M
alle
erv
Intervalle inférieur
m M
4
Int
ur
érie
eur
éri
sup
13
12
11
10
9
8
7
6
5
4
3
2
1
0
Majeur (deuxième renversement)
6
5
a
erv
c
13
12
11
10
9
8
7
6
5
4
3
2
1
0
7
Dissona
b
Comme la perception des intervalles, celle
des accords est influencée par les harmoniques. Pour cerner leur rôle dans l’harmonie des triades, commençons par
préciser celui des fréquences fondamentales. Pour ce faire, nous représentons
les trois notes sur une « grille triadique »,
où les tailles des intervalles inférieur et
supérieur sont représentées respectivement sur les axes vertical et horizontal
(voir la figure 3a). Par exemple, un accord
majeur « fondamental », tel que do-mi-sol
(les trois notes précédant une annonce à
l’aéroport), présente un intervalle bas de
nf
le i
al
erv
Int
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13
Intervalle supérieur
r
alle
m M
m
M
m M
ce
Intervalle inférieur
m M
m
M
m M
erv
eur
éri
sup
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AVEC DEUX HARMONIQUES
Int
13
12
11
10
9
8
7
6
5
4
3
2
1
0
Dissonan
d
3. TOUTE TRIADE – par exemple les accords
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(5,4)
(5,3)
a
La dissonance
dans les triades
fondamentaux majeur do-mi-sol (M) et mineur
do-mi bémol - sol (m) et leurs renversements
(une ou deux notes sont remontées d’une
octave) – peut être représentée par un point
sur une grille où l’abscisse correspond à l’intervalle supérieur et l’ordonnée à l’intervalle
inférieur (a). Sur cette grille, la dissonance
totale d’une triade, somme des dissonances de
chaque intervalle, est une surface tridimensionnelle (b à d, où le bleu et le rouge indiquent respectivement les faibles et fortes
dissonances). Plus on ajoute d’harmoniques (c
et d), plus la surface se subdivise. Tous les types
d’accords importants sont rassemblés dans des
zones de relative consonance.
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Int
sont moins dissonantes, et la musique
construite avec ces intervalles moins dissonants est plus plaisante. Évidemment,
l’écriture d’une « musique plaisante » ne
saurait se réduire à éviter les dissonances.
Certains styles musicaux les encouragent
même. Néanmoins, la quantité de consonance ou de dissonance utilisée reste un facteur important pour comprendre comment
la musique est perçue.
Ajoutons maintenant une ou deux
notes: quel est le rôle des harmoniques dans
la perception d’accords de trois ou quatre
notes, voire davantage ? Dans une triade
(comme dans un intervalle de deux notes),
les sons les plus perceptibles sont généralement ceux des fréquences fondamentales,
c’est-à-dire les trois notes écrites dans la
partition. Plus faibles, les harmoniques donnent à l’accord une richesse, sa « sonorité» globale. En de rares occasions – par
exemple dans les quatuors a capella –, elles
se renforcent mutuellement à tel point
qu’elles deviennent aussi fortes que les fondamentales, créant l’illusion très recherchée d’une «cinquième voix».
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Intervalle inférieur (en demi-tons)
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Intervalle inférieur
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alle
u
érie
inf
erv
Int
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Intervalle supérieur
Psycho-acoustique
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a
A
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B
Mineur (3,4)
Intervalle1 Intervalle 2
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C
Augmenté (4,4)
Intervalle 1 Intervalle 2
Majeur (4,3)
Intervalle 1 Intervalle 2
B
Vers une tonalité
majeure
Tension
Vers une tonalité
mineure
A
C
–1,0
0,0
1,0
Différence Intervalle 1 – Intervalle 2 (en demi-tons)
Inter
valle
infér
ieur
infér
valle
Inter
1
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12
Intervalle supérieur
13
Tension
AVEC DEUX HARMONIQUES
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3
m M
M m
m M
1
férieu
3
1
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 1112 13
Intervalle supérieur
4. LES TRIADES dont les intervalles sont égaux,
par exemple l’accord augmenté B, créent une
tension chez l’auditeur. Cette tension est levée
quand un des intervalles est modifié d’un demiton, ce qui conduit soit à un accord mineur(A), soit
à un accord majeur (C). Comme la dissonance,
la tension d’une triade peut être représentée en
fonction de ses intervalles (a) et reportée sur
la grille triadique (b à d). En absence d’harmoniques, la tension théorique des triades est forte
sur la diagonale (b, en rouge). Avec la première
harmonique, d’autres lignes de tension apparaissent(c). Avec deux harmoniques, la «carte»
se complique encore, mais les accords majeurs(M)
et mineurs (m) sont toujours dans des régions
de basse tension (d).
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11
9
7
5
alle in
7
r
m M
M
m
m M
9
Inter
v
Intervalle inférieur
11
5
AVEC UNE HARMONIQUE
11
9
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5
3
1
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12
Intervalle supérieur
11
9
7
5
3
d
Tension
c
SANS HARMONIQUE
ieur
Tension
b
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12
Intervalle supérieur
quatre demi-tons et un intervalle haut de
trois demi-tons (position (4,3) sur la grille).
Toute autre triade de la musique occidentale peut être localisée sur cette grille
triadique. D’autres cultures musicales utilisent des gammes différentes et, par conséquent, des accords parfois localisés dans
les trous de cette grille (par exemple, les
musiques arabe ou turque s’appuient
sur une gamme de 24 sons par octave,
contre 12 seulement pour la musique occidentale, et présentent une plus grande
variété d’harmonies possibles).
Les six types d’accord donnés par les
triades majeures et mineures et leurs
renversements (dans lesquels une ou deux
notes sont montées d’une octave) fournissent le cadre harmonique de presque
toute la musique occidentale classique et
populaire (voir la figure 3a). Les autres localisations sur la grille triadique incluent de
nombreux autres accords d’utilité et de
beauté variables, ainsi que certains accords
qui sont évités dans la plupart des types
de musique. Grâce à cette grille, nous
allons pouvoir étudier la façon dont l’addition d’harmoniques modifie l’harmonie
des triades et répondre à notre première
question : pourquoi certaines triades nous
paraissent-elles plus ou moins stables, et
comment expliquer les émotions positives
ou négatives suscitées par les accords
majeurs et mineurs ?
Pour visualiser la dissonance totale
d’une triade, nous avons étendu la courbe
de R. Plomp et W. Levelt à la grille triadique.
La courbe était construite pour un seul intervalle; nous avons combiné, dans la grille,
les deux courbes correspondant l’une à la
dissonance de l’intervalle inférieur, l’autre
à celle de l’intervalle supérieur. Nous obtenons ainsi la dissonance totale sous forme
d’une surface tridimensionnelle, dont les
axes sont respectivement les deux intervalles et l’intensité de la dissonance (voir la
figure 3b). On y distingue deux bandes de
dissonance, qui correspondent aux triades
contenant un intervalle de un ou deux demitons, constituées d’un pic abrupt (lorsque
les deux intervalles sont d’un demi-ton),
et de deux arêtes élevées (lorsque l’un des
intervalles est inférieur à deux demi-tons).
Le reste de la grille triadique est une vallée
de consonance – et c’est là que se situent
toutes les triades courantes.
Lorsque nous ajoutons une série d’harmoniques au calcul de la dissonance totale,
la « vallée de consonance » se sépare en
deux (voir la figure 3c). À mesure que nous
ajoutons des harmoniques, la structure
fine de la grille se complique, sans que sa
configuration générale ne change (voir la
figure 3d) : des régions de forte dissonance
(lorsque l’un des deux intervalles est petit)
côtoient des étendues de consonance relativement forte (là où se situent toutes les
triades courantes).
Fondée sur l’étude de la seule dissonance totale, cette grille est insuffisante en
l’état pour fournir une explication globale
de l’harmonie, car elle suppose que toutes
les triades courantes ont à peu près la
même sonorité. Or, sur le plan perceptif,
ce n’est pas le cas : les accords majeurs et
mineurs sont généralement décrits comme
stables, fermes et résolus; d’autres accords
de trois notes, même ceux qui ne contien-
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La tension de l’accord :
l’oreille en suspens
La dissonance entre deux notes n’expliquant pas complètement la sonorité d’une
triade, l’étape suivante consiste à prendre
en compte les trois notes de l’accord, c’està-dire à examiner l’influence de leur configuration sur la perception de l’harmonie.
En 1957, le psychologue américain Leonard
Meyer a suggéré qu’une tension émerge de
certains accords lorsque leurs deux intervalles sont égaux: lorsqu’un accord ou une
courte mélodie de trois notes contiennent
des intervalles de la même taille (en demitons), l’accent tonal devient ambigu et la
musique revêt un caractère non résolu. En
d’autres termes, l’auditeur perçoit une ten-
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sion parce que, les notes étant également
espacées, la tonalité de leur assemblage
n’est pas claire. Au contraire, lorsqu’une
combinaison de trois notes présente deux
intervalles inégaux et pas de dissonance
(c’est-à-dire des espacements de (3,4), (4,5),
(5,3), (4,3), (3,5), (5,4) demi-tons), l’auditeur perçoit une certaine stabilité.
Bien sûr, la plupart des gens ne pensent
pas consciemment à l’espacement relatif
ou au « groupement » des notes. Néanmoins, le système auditif humain a développé la capacité de le percevoir. Nous
discuterons plus loin l’une des raisons possibles de cette capacité. En nous inspirant
de l’approche des dissonances de R. Plomp
et W. Levelt, nous avons développé un
modèle psychophysique de la théorie de
Meyer en définissant une courbe abstraite
de tension pour les triades (voir la figure 4a).
La courbe présente un pic lorsque les deux
intervalles de la triade sont équivalents.
En revanche, lorsqu’un intervalle est supérieur à l’autre d’au moins un demi-ton, brisant la symétrie, la tension s’annule.
Cependant, la théorie de Meyer semble présenter une faille. De nombreuses
triades présentent un caractère tendu, non
résolu, sans pour autant nous paraître
dissonantes (elles sont dans la vallée de
consonance, mais nous paraissent quand
même instables). La difficulté disparaît
lorsque l’on prend en compte les harmoniques. Comme précédemment pour les
dissonances, nous avons représenté la
« tension totale » de chaque accord, à partir de la courbe de tension théorique (voir
la figure 4b). Lorsque nous calculons la tension totale en n’utilisant que la fréquence
fondamentale, nous observons une arête
de forte tension, correspondant à tous les
accords symétriques. Quand on ajoute les
harmoniques, de nouvelles arêtes de tension apparaissent. Elles correspondent aux
accords asymétriques dont les harmoniques créent, en se combinant, des accords
symétriques. On remarque que les accords
majeurs et mineurs persistent dans la
vallée de stabilité (voir les figures 4c et 4d).
Ainsi, « l’instabilité » harmonique
totale des triades est une conséquence
de deux facteurs acoustiques indépendants : la dissonance de l’intervalle et la
tension de la triade. Dès lors, nous pouvons estimer l’instabilité harmonique de
n’importe quelle triade en combinant,
dans notre modèle, les contributions de
la dissonance et de la tension, tout en intégrant les effets d’un nombre croissant
a
AVEC UNE HARMONIQUE
12
11
10
9
8
7
6
5
4
3
2
1
0
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m M
M
m
m M
m M
M
m
m M
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13
Intervalle supérieur
AVEC TROIS HARMONIQUES
12
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10
9
m M
8
M
m
7
m M
6
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m M
4
M
m
3
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2
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0
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13
Intervalle supérieur
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nent pas d’intervalle de un ou deux demitons (intervalles qui procurent la plus
forte dissonance), sont entendus comme
non résolus, tendus. Une étude publiée
en 1986 par Linda Roberts, des Laboratoires Bell, a montré que ces perceptions
se retrouvent tant chez les musiciens que
chez les non-musiciens ; d’autres auteurs
ont obtenu les mêmes résultats en comparant enfants et adultes, occidentaux et
asiatiques. Par conséquent, d’autres facteurs que la dissonance sont impliqués
dans la sonorité d’un accord.
Réalisant que la « dissonance sensorielle» a un pouvoir explicatif limité, divers
psychologues de la musique ont fait l’hypothèse que les auditeurs normaux ont été
« conditionnés » à percevoir les accords
majeurs et mineurs comme stables et résolus, à force de les avoir entendus dans
toutes sortes de musiques populaires. Les
autres accords étant moins souvent utilisés, ils paraîtraient moins familiers aux
auditeurs et, par conséquent, ambigus,
non résolus et «musicalement dissonants»,
bien qu’ils ne le soient pas acoustiquement.
Selon ces théoriciens, la perception de
la musique serait une construction sociale,
issue de l’apprentissage et de la culture.
Rien n’est moins sûr: jouez par exemple un
accord augmenté (do-mi-soldièse), suivi d’un
accord majeur (do-mi-sol) ou mineur (dodièsemi-soldièse)… et écoutez. Bien que tous les
intervalles de l’accord augmenté soient
consonants, il crée une impression de trouble et d’instabilité que même les individus
ayant été très peu exposés à la musique ressentent. C’est cette perception commune
que les psychologues de la musique voudraient expliquer par l’acoustique.
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Intervalle inférieur
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Intervalle inférieur
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5. L’INSTABILITÉ HARMONIQUE TOTALE d’une
triade, représentée en combinant dissonance
et tension pour les cas où l’on prend en compte
une (a) ou trois (b) harmoniques. Quel que soit
le nombre d’harmoniques, les accords majeurs(M)
et mineurs (m) se localisent dans des zones
basses (bleu-jaune).
LES AUTEURS
Norman D. COOK est chercheur
en psychologie cognitive
et professeur d’informatique
à l’Université Kansai d’Osaka,
au Japon.
Takefumi HAYASHI est chercheur
en psychophysique humaine
et professeur d’informatique
dans la même université.
Nous remercions la revue
American Scientist de nous
avoir autorisés à reproduire
cet article.
Psycho-acoustique
[49
a
Norman Cook
dans la musique
occidentale, caractère
désagréable à l’oreille
d’un accord.
Résolution :
procédé harmonique
qui consiste à faire suivre
un accord dissonant
par un accord consonant.
Tension :
ambiguïté, caractère
irrésolu de certains
accords. Cette ambiguïté
peut être levée de diverses
façons par modification
des intervalles.
Valence :
pouvoir émotionnel
– positif ou négatif.
–1
Majeur
0
Mineur
Mode
–2
A
B
–1
1
2
Différence Intervalle 1 – Intervalle 2
(en demi-tons)
3
12 SANS HARMONIQUE
11
10
9
8
m M
7
M m
6
m M
5
m M
m
4
M
m M
3
2
1
0
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12
Intervalle supérieur
Intervalle inférieur
b
1
–3
GLOSSAIRE
Dissonance :
déterminant la sonorité de ces accords, tous
les accords majeurs et mineurs devraient
sonner de la même façon. Pourtant, les
preuves du contraire ne manquent pas. Dès
l’âge de trois ans, les enfants associent
des morceaux en mode mineur à un visage
triste et des morceaux en majeur à un visage
souriant. Les gérants des casinos remplissent leurs établissements de machines à
sous jouant des mélodies en do majeur –afin
de créer un environnement acoustique
confortable, rassurant pour les joueurs. Les
qualificatifs «majeur» et «mineur» ont euxmêmes des connotations différentes : en
français, en anglais, et en italien, la distinction majeur/mineur suggère des différences de taille et de force.
Le pouvoir émotionnel
des triades
La valence émotionnelle des accords
majeurs et mineurs – c’est-à-dire leur
pouvoir émotionnel – peut bien sûr être
réduite ou même inversée par des rythmes,
des timbres et des paroles racontant une
histoire différente. Par exemple, bien que
de tonalité majeure, l’Ave Maria de Franz
Schubert est doux et mélancolique. Cependant, toutes choses égales par ailleurs, les
triades majeures seront entendues comme
«positives», tandis que les accords mineurs
ont un affect «négatif». Cette différence est
l’un des mystères les plus anciens de l’harmonie occidentale. C’est aussi l’un des plus
importants parce que les émotions évoquées par les harmonies majeures et
mineures contribuent à donner sa signification à la musique. Elles la distinguent
c
Mode
d’harmoniques (voir la figure 5). Dans cette
nouvelle représentation, les accords
majeurs et mineurs se retrouvent à nouveau dans des régions de relative stabilité,
et ce dans tous leurs renversements. Les
autres accords, moins courants, se situent
sur les arêtes ou les pics d’instabilité.
Ainsi, les musiciens de la Renaissance
ne furent pas les inventeurs chanceux d’un
système musical qui s’est révélé populaire,
mais des découvreurs – des musiciens sensibles à la symétrie des configurations
acoustiques, tandis que leurs prédécesseurs médiévaux étaient restés sous l’emprise des effets plus simples produits par
les intervalles. Aujourd’hui, l’influence
relative des intervalles et des accords est
encore passionnément débattue. Néanmoins, plus personne ne soutient que l’un
ou l’autre de ces effets explique l’harmonie à lui seul. Dans une musique constituée d’intervalles de deux notes, la
consonance est l’aspect le plus important :
pour élaborer une musique harmonieuse,
le compositeur doit rechercher les combinaisons les plus douces, les plus consonantes. Mais lorsque la musique inclut des
triades, c’est la justesse de l’accord qui
prime dans la perception, c’est-à-dire l’espacement relatif des intervalles, et non la
localisation des notes par rapport à la
tonique (note fondamentale de la gamme).
En d’autres termes, les musiciens de la
Renaissance ont déplacé leur attention,
quittant le degré de «perfection» des intervalles pour la symétrie ou l’asymétrie
des configurations de trois notes.
Si la dissonance des intervalles et la
tension des triades étaient les seuls facteurs
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AVEC DEUX HARMONIQUES
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mM
M m
mM
mM
M m
mM
1
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 1213
Intervalle supérieur
6. POUR RENDRE COMPTE des émotions suscitées par les accords majeurs inversement. Reportée sur la grille triadique, la courbe obtenue, dite de
et mineurs, les auteurs distinguent, dans la courbe de tension, les résolutions mineures et majeures en considérant non seulement la tension,
mais aussi le mode (majeur ou mineur) vers lequel elle se résout (a): en
enlevant un demi-ton à l’intervalle inférieur d’un accord symétrique (de tension maximale), on obtient un accord de mode –1, c’est-à-dire mineur, et
50] Psycho-acoustique
valence, devient une surface tridimensionnelle similaire à la surface de
tension (b et c), mais où une bosse est divisée en une bosse (rouge, majeur)
et un sillon (bleu foncé, mineur). En l’absence d’harmoniques, certains
accords majeurs et mineurs sont situés en dehors des bosses et des sillons(b),
mais ce n’est plus le cas dès qu’on ajoute une harmonique (c).
© Pour la Science - n° 391 - Mai 2010
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des chants d’oiseaux ou de la cacophonie
des bruits de la rue.
Nous avons vu que la taille relative des
deux intervalles est la clef pour comprendre
la tension d’une triade. Or, à partir d’une
triade dont les deux intervalles sont égaux
(triade qui, nous l’avons vu, crée une tension), il n’existe que deux façons de réduire
la tension : soit on rend l’intervalle inférieur plus grand que l’intervalle supérieur,
auquel cas l’accord se résout en une triade
majeure, soit on le rend plus petit, ce qui
correspond à un accord mineur. Ainsi, non
seulement la tension, mais la direction du
mouvement qui réduit cette tension, interviennent dans notre perception de l’harmonie. C’est pourquoi nous avons précisé
le modèle de la tension afin qu’il prenne
en compte ce paramètre : nous proposons
une courbe «modale» de la tension qui différencie les deux types de résolution – et
donc la valence émotionnelle des modes
majeur et mineur – en rompant la symétrie de la courbe de tension (voir la figure 6).
L’axe horizontal indique la différence entre
les deux intervalles d’un accord, en demitons. Lorsque les intervalles sont égaux,
l’accord est ambigu, et le mode de l’accord,
représenté sur l’axe vertical, vaut 0. Il augmente vers un maximum ou chute vers un
minimum lorsque la différence entre les
intervalles vaut +1 ou –1 demi-ton (les
points A et B), et s’annule à nouveau si la
différence est de deux demi-tons ou plus.
Comme précédemment, le modèle
ne s’accorde avec notre perception (ici de
la distinction majeur/mineur) que si nous
incluons les harmoniques. Dès la première
harmonique, nous trouvons des péninsules de valence positive (en rouge) et négative (en bleu) au niveau de toutes les triades
majeures et mineures. La combinaison
de cette courbe et de celle de la dissonance
totale donne une synthèse en accord avec
notre perception des triades.
Des cris des animaux
à l’harmonie
Maintenant que nous avons un modèle
de la façon dont un auditeur identifie le
mode majeur ou mineur d’un accord, nous
pouvons faire encore un pas et spéculer
sur les raisons pour lesquelles la valence
acoustique contient aussi une valence émotionnelle. Nous proposons que le symbolisme émotionnel des accords majeurs et
mineurs a une base biologique. Dans tout
le règne animal, les vocalisations descen-
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D e u x fa c te u rs , d e u x l o ca l i sa ti o n s
issonance et tension dans
les accords suscitent
toutes deux chez l’auditeur
une ambiguïté désagréable.
Pourtant, les facteurs acoustiques qui les produisent sont
distincts : la dissonance est
causée par de petits intervalles
de un ou deux demi-tons ; la
tension est créée dans les
triades par des intervalles
égaux – (3,3) ou (4,4) demitons. Bien qu’à l’audition, nous
D
ne différencions pas ces deux a
b
sources d’instabilité musicale, notre cerveau perçoit-il
cette distinction ?
Vue de dos
Une étude en imagerie Vue de face
par résonance magnétique
fonctionnelle que les auteurs
ont réalisée en 2002 suggère
que tel est bien le cas (voir la
Vues du dessus
figure ci-contre) : la dissonance
active une petite région du cords active une large région
cortex pariétal droit (b), tan- du cortex frontal droit, puis
dis que la tension dans les ac- gauche (a).
dantes sont utilisées pour signaler la force
sociale, l’agressivité ou la dominance. De
même, les vocalisations ascendantes dénotent la faiblesse sociale, la défaite ou la soumission. Bien entendu, les animaux
transmettent aussi ces messages d’autres
façons, par l’expression faciale, la posture
corporelle, etc. – mais les changements
de la fréquence fondamentale de la voix
ont une signification intrinsèque.
Un code de fréquence similaire,
quoique atténué, existe dans les intonations de la parole humaine : une inflexion
montante dénote en général l’interrogation, la politesse ou la déférence, tandis
qu’une inflexion descendante signale les
ordres, les affirmations ou la dominance.
Comment cela se traduit-il dans un contexte
musical ? Si nous commençons avec un
accord tendu, ambigu – par exemple,
l’accord augmenté contenant deux intervalles de quatre demi-tons – et diminuons d’un demi-ton n’importe laquelle
des trois notes fondamentales, l’accord se
résoudra dans un mode majeur. Il aura
alors une structure de 5-4, 3-5 ou 4-3 demitons. À l’inverse, si nous résolvons l’accord
ambigu en augmentant l’une des trois fondamentales d’un demi-ton, nous obtiendrons un accord mineur. La réponse
émotionnelle universelle à ces accords provient, selon nous, directement d’une compréhension instinctive, préverbale, du code
de fréquences dans la nature.
Depuis une dizaine d’années, neurologues et psychologues s’intéressent à la
perception musicale chez l’animal, recherchant des vestiges de l’apparition de cette
faculté au fil de l’évolution. La valence
émotionnelle des vocalisations ascendantes et descendantes pourrait être
l’un de ces vestiges.
I
BIBLIOGRAPHIE
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and Triadic Cognition, Cambridge
University Press, 2010 (sous
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Psycho-acoustique
[51
Norman Cook
pls_390_p000000_harmonie.xp_mnc3103
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