ils en ont rêvé, la pub l`a fait. formes et présence du

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LES POÈTES ET LA PUBLICITÉ
ILS EN ONT RÊVÉ, LA PUB L’A FAIT.
FORMES ET PRÉSENCE DU SURRÉALISME DANS LE FILM
PUBLICITAIRE CONTEMPORAIN
par Émilie FRÉMOND
Université Sorbonne Nouvelle-Paris 3 / ANR LITTéPUB
« Il y aura une fois » déclare le poète surréaliste. « Philips, c’est déjà demain », répond le
publicitaire. « L’imaginaire est ce qui tend à devenir réel » dit le premier, « Vous en avez rêvé,
Sony l’a fait » annonce crânement le second 1. Si j’ai choisi de reprendre le slogan français de la
marque Sony, inventé dans les années 90, c’est d’abord parce qu’il fait partie de ces expressions
qui ont pénétré le langage quotidien, comme autant de proverbes et dictons populaires ayant
remplacé les autres — du célèbre (mais bientôt incompréhensible) « C’est écrit dessus, comme
le port-salut » au beaucoup plus transparent « parce que je le vaux bien » qui peut se traduire,
lui, dans toutes les langues, en passant par le « cadeau Bonux », le « maousse costaud » et le
« c’est doux, c’est neuf ? ». Les 152 proverbes mis au goût du jour par les poètes surréalistes
eurent moins de succès.
La marque spécialisée dans les produits de haute technologie en matière de son et d’image,
Sony, se proposait donc dans les années 90 de réaliser les rêves du consommateur avant même
que celui-ci ne les ait formulés : l’innovation technique devenait la réponse à un désir inconscient
et l’objet high-tech doublement séduisant : capable d’assurer simultanément la révélation et la
satisfaction du désir (« Vous en avez rêvé » dit le slogan). On sait que l’emphase de la rhétorique
publicitaire fonctionne très souvent sur la capacité de l’annonce à transporter le produit dans un
monde idéal ou merveilleux, mais on peut être plus sensible à ceux qui utilisent le rêve comme
stratégie de séduction. L’ambiguïté du rêve fonctionne d’ailleurs ici à plein : non seulement le
rêve permet de renvoyer à l’utopie (toujours présentée sous son versant technique), à cet idéal
sublime que la réalité ne cesse de démentir, mais aussi, grâce à l’indétermination de l’objet
(« vous en avez rêvé », « Sony l ’a fait »), à l’activité inconsciente, à cette création émancipée
des lois de la physique et de la rationalité logique que le sujet dormant, absent à lui-même,
développe malgré lui et qui fut, comme on le sait, l’un des instruments de prospection privilégiés
de la surréalité pour les poètes et les artistes surréalistes.
En cherchant après la Première Guerre mondiale à émanciper l’homme de tout ce qui
entravait l’expression de son désir et de sa liberté, en se proposant, par la voie du rêve et de
l’imagination poétique de « changer la vie » (Rimbaud) et de « transformer le monde » (Marx),
1. Les deux expressions sont d’André Breton. Voir « Il y aura une fois », Le Revolver à cheveux blancs, Œuvres complètes, t. II, éd.
de Marguerite Bonnet, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade ». Désormais abrégé OCII.
le surréalisme ne pouvait éviter de croiser le chemin de la réclame dont la rhétorique n’est
finalement pas si éloignée de la rhétorique révolutionnaire. Savon, dentifrice, chocolat, voiture
ou lunettes, l’objet change la vie puisqu’il change votre vie ; banques, assurances, transports,
media, institutions et services transforment le monde , puisqu’ils transforment l’expérience que
nous en faisons. Synthec réunit les « entreprises qui changent le monde », Vivendi « crée ce qui
vous change la vie ».
Changer la vie, changer la vue 2, le surréalisme fut donc le premier à décliner ses mots
d’ordre comme autant de slogans. Mais ne nous y trompons pas : la conception du progrès
qui sous‑tend l’idéologie révolutionnaire d’un mouvement artistique ne saurait rejoindre la
rhétorique publicitaire d’une entreprise commerciale et les surréalistes se sont d’ailleurs très
tôt méfiés de l’idéologie faussement progressiste de l’innovation scientifique et technique sur
laquelle repose en grande partie la rhétorique publicitaire. Si au début des années vingt Aragon
devant les gadgets du concours Lépine se laisse fasciner par ces « machines de la vie pratique »
qui ont encore le « décoiffé du rêve », les « inventions pures sans application possible 3 », les
choses ont bien changé au début des années soixante qui assistent à la naissance de la société
de consommation. La statue monumentale qui accueille les visiteurs de l’exposition de 1965,
L’Écart absolu , et qui s’intitule « Le Consommateur » est un vaste totem capitonné sur lequel on
peut lire « HT 100 DQT » qui rappelle le célèbre « LHOOQ » de Duchamp. De même, la trajectoire
paraît s’être inversée entre le moment où, sous l’influence de Dada, Breton affirmait vouloir
faire de la poésie « un moyen (de réclame) » plutôt qu’une fin 4 et la crise ouverte, à l’occasion
de L’Honneur des poètes , entre les surréalistes et leurs anciens compagnons défenseurs d’une
poésie nationale. Le pouvoir subversif de la publicité semble avoir fait long feu : en 1945, Benjamin
Péret désavoue les auteurs de L’Honneur des poètes parmi lesquels figurent Aragon et Éluard,
devenus selon lui « des agents de publicité » dont aucun poème ne « dépasse […] le niveau
lyrique de la publicité pharmaceutique 5 ». « Aragon n’obtient qu’un texte à faire pâlir d’envie
l’auteur de la rengaine radiophonique française, écrit Péret : un meuble signé Lévitan est garanti
pour longtemps 6 ». La rhétorique publicitaire est devenue une antivaleur.
Pourtant, un certain nombre de convergences entre poésie, art surréaliste et publicité
expliquent que ces champions de la révolte aient fourni à la publicité contemporaine (souvent
bien malgré eux) ses armes les plus tranchantes, que d’aucuns jugeront cependant émoussées.
Depuis que la publicité se propose moins de promouvoir le produit que de capter l’attention, qu’elle
cherche moins à défendre qu’à surprendre, par une dérive des processus de la rhétorique vers
les processus de la psychologie cognitive, le scandale, le non-conformisme, le choc sont devenus
2. C’est par cette expression que Breton commence une conférence à Mexico en 1938. Repris dans Inédits II, OCII, p. 1260 et suiv.
3. Louis Aragon, « L’Ombre de l’inventeur », La Révolution surréaliste, n° 1, 1er déc. 1924, p. 22.
4. Lettre à Aragon du 13 avril 1919, citée par Marguerite Bonnet, André Breton. Naissance de l’aventure surréaliste, José Corti,
1988, p. 153.
5. Benjamin Péret, Le Déshonneur des poètes, coll. « Libertés », J-J. Pauvert, 1945, p. 82.
6. Ibid., p. 85.
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les moyens sinon les fins de l’image et du discours publicitaire. Pour séduire le consommateur,
avatar du bourgeois, il faut être absolument moderne (Rimbaud) mais avec cynisme et cultiver
cette esthétique du saugrenu dont parlait Aragon dans la préface du Libertinage , cultiver le
choc de la rencontre, des mots ou des images. S’il faut être absolument moderne, ce n’est plus
en trouvant comme Apollinaire la poésie du jour sur les « prospectus les catalogues [et] les
affiches », et en faisant comme Duchamp d’un porte-bouteilles une sculpture, mais en faisant
de la publicité le nouveau territoire de la poésie et de l’art. Or, de la révolution surréaliste, qui
s’ingéniait déjà après Dada à parodier la rhétorique du camelot pour suggérer que la littérature
n’était qu’une autre forme de camelote, que reste-t-il 7 ? Une esthétique, un éthos, des poncifs.
C’est, pourrait-on dire, le premier effet kiss cool . Plus intéressant sans doute, parce que moins
superficiel, paraît être l’héritage d’une poétique du surréalisme : une poétique de dépaysement
de l’objet, de l’analogie visuelle, formelle ou verbale, la poétique du rêve ou la poétique associative
de l’automatisme.
Si j’ai choisi de m’intéresser plus particulièrement au film publicitaire, dans une perspective
intermédiale, c’est parce qu’il offre sans doute la forme la plus riche et la plus complète où l’on
peut voir s’exercer cette faculté gratuite que les surréalistes nommaient encore « imagination »
et que le marketing ne connaît plus que sous le nom de « créativité ». La forme brève, narrative,
séquentielle du spot publicitaire coïncide avec bien des aspects de l’écriture automatique.
Certaines techniques de l’image comme le morphing ou le bullet-time paraissent en outre
réaliser le vœu que formulait Breton dans « La peinture animée » de proposer une « nouvelle
optique familière » qui arrache la réalité à « son immobilité toute théorique » et la saisisse au
contraire « dans son mouvement » 8. Le film publicitaire offre aujourd’hui tous les moyens dont
les poètes surréalistes rêvaient devant le cinéma et le dessin animé : faire « croître, fleurir
et se flétrir » une plante « en quelques secondes », faire que le « swing décisif d’un boxeur »
entraîne des « conséquences éminemment paradoxales », faire bon marché des « différences de
substances et […] de taille », « distrai[re] » les objets « de leur utilité » et ramener sur l’écran la
vie de l’éphémère à celle de l’éléphant.
Il s’agit d’abord de s’interroger sur les raisons pour lesquelles le surréalisme a pu devenir
la langue seconde du créatif d’aujourd’hui, comment les procédés poétiques du surréalisme,
véhiculés par les arts plastiques et la rhétorique avant-gardiste plutôt que par les œuvres, ont
pu se dé-spécifier au point de ne plus être reconnaissables. À partir de là nous envisagerons et
tenterons de classer un certain nombre de motifs et de dispositifs proprement surréalistes (des
« surréalismèmes ») à partir d’exemples choisis dans un corpus international, dans la mesure où
l’héritage du surréalisme dépasse largement le cadre français. Pour finir, c’est bien d’infortune
qu’il sera question, l’infortune d’une révolution qui n’imaginait pas voir les produits du rêve un
jour standardisés.
7. Georges Hugnet posait déjà la question en 1954. Voir infra.
8. André Breton, « La Peinture animée », Inédits II, OCII, p. 1254-1255 pour l’ensemble des citations qui suit.
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Passage des conforamas
À la recherche d’une mythologie moderne, les poètes surréalistes ont fait comme on le sait
de la ville, de ses passages, de ses vitrines et de ses objets l’un des conducteurs du rêve et de
l’imagination. On pourrait par exemple relire Le Paysan de Paris d’Aragon, qui se donne comme
une promenade à travers les nouveaux mythes de la cité moderne — mythes dont la publicité
constitue le premier vecteur — et y trouver autant d’ébauches de scénarios publicitaires : je
me promène dans une galerie vitrée qui devient soudain un aquarium (Renault, « L’aquarium »,
1999),
les pompes à essence, nouvelles divinités modernes au « bras long et souple » munies
d’une « tête lumineuse sans visage » 9 s’animent ensuite, aux prises avec le bonhomme Michelin
que met également en scène Desnos (Michelin, 2009).
La poésie surréaliste en cherchant à libérer la poésie du livre où elle s’empoussiérait, l’a
en retour disséminée à peu près partout, en l’inscrivant sur les enseignes des magasins, les
affiches publicitaires, dans les vitrines, en faisant de la ville un véritable poème graphique. Mais,
à la faveur d’un effet d’animation généralisé, elle a aussi contribué à faire naître une poésie
de l’objet puisque les objets du quotidien finissent tous par s’incarner dans le récit surréaliste
et l’écriture automatique : la femme à sa toilette est ainsi entourée d’une « armée de limes »,
d’un « bataillon de pots de fard » qui attendent le combat 10, tandis que le calorifère, la porte
et le plafond peuvent devenir autant de personnages 11. L’objet quotidien, qu’il contribue au
merveilleux ou à un lyrisme de « l’inattendu burlesque » selon la formule d’Aragon retrouve avec
le surréalisme le pouvoir de certains fétiches primitifs. En cherchant à renouveler les formes
du lyrisme, le surréalisme a paradoxalement permis d’inscrire l’objet le plus trivial dans une
mythologie moderne. En cherchant à subvertir le discours des écoles littéraires par la rhétorique
du camelot, le surréalisme a paradoxalement fourni les outils de légitimation à cette même
rhétorique. Écoutons le camelot qui s’écrie :
Aujourd’hui je vous apporte un stupéfiant venu des limites de la conscience […] le produit
que j’ai l’honneur de vous présenter procure tout cela, procure aussi d’immenses avantages
inespérés, dépasse vos désirs, les suscite, vous fait accéder à des désirs nouveaux, insensés ;
n’en doutez pas, ce sont les ennemis de l’ordre qui mettent en circulation ce philtre d’absolu.
Ils le passent secrètement sous les yeux des gardiens, sous la forme de livres, de poèmes.
Le prétexte anodin de la littérature leur permet de vous donner à un prix défiant toute
concurrence ce ferment mortel duquel il est grand temps de généraliser l’usage. C’est le génie
en bouteille, la poésie en barre 12.
En s’amusant donc à renverser les valeurs (la littérature n’étant plus qu’un prétexte, et le but
véritable du surréalisme le commerce), en jouant à dévaluer la poésie et à la traiter comme un
9. Louis Aragon, Le Paysan de Paris, Œuvres poétiques complètes, t. I, éd. Olivier Barbarant, p. 226.
10. Louis Aragon, « Madame à sa tour monte », Le Libertinage, Œuvres romanesques complètes, éd. Daniel Bougnoux, t. I, p. 303.
11. André Breton, Poisson soluble, texte 30, Œuvres complètes, t. I, éd. Marguerite Bonnet, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la
Pléiade », p. 389. Désormais abrégé OCI.
12. Louis Aragon, Le Paysan de Paris, op. cit., p. 190.
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produit de consommation courante ou illicite dans une visée polémique, le surréalisme a ouvert
une large circulation des valeurs et pris le risque de l’ironiste. L’hystérie déclarée « nouveau
moyen d’expression » en 1928 13 ? Qu’à cela ne tienne, après 1968, la folie est du dernier cri. On
est fou d’Afflelou , Perrier c’est fou , Je suis fou du chocolat Lanvin , et c’est Dali qui le dit. Dali, qui
récupère à lui seul l’éthos surréaliste pour le chocolat Lanvin, mais aussi pour l’Alka-Seltzer dont
le processus actif est décrit par l’artiste inspiré lors d’une séance de body-painting qui mime la
trajectoire du principe actif à l’intérieur du corps.
De quoi est fait le cursus d’un étudiant qui se forme aujourd’hui à la publicité ? D’à peu
près toutes les techniques inventées par le surréalisme pour subvertir l’image : photomontage,
détournement de lieu commun, et cours d’« events » pour apprendre à attirer l’attention des
consommateurs et à marquer les esprits, en somme la manière d’occuper l’espace public.
Du stupéfiant image des surréalistes au spot viral , on voit que la poésie comme la publicité
contemporaine n’hésitent pas à recourir à l’imaginaire de la contamination, de la dépendance et
du toxique. Tout, depuis la rhétorique manifestaire jusqu’à la poétique des œuvres surréalistes
en passant par l’imaginaire révolutionnaire (il existe aujourd’hui un guerilla marketing ) témoigne
donc d’une communauté de moyens et d’intentions. Il suffit de comparer les conseils de formation
adressés aujourd’hui aux futurs « créatifs » avec les textes théoriques du surréalisme pour s’en
apercevoir. Mario Pricken, auteur d’un ouvrage célèbre intitulé La Publicité créative , a établi il y
a une quinzaine d’années déjà un catalogue des procédés de la publicité créative, le « kickstart
catalogue », autrement dit le catalogue des procédés qui permettent de mettre en branle les
processus associatifs. De produire une étincelle en faisant jouer la différence de potentiel entre
les deux conducteurs , aurait dit Breton 14. Ce catalogue de procédés (et l’on sait que le Manifeste
du surréalisme en contient plusieurs) propose 25 entrées, souvent redondantes, mais qui
reviennent à peu près toutes plus ou moins à dépayser l’objet, à bouleverser l’échelle dans lequel
il est présenté, à produire le choc de la rencontre, à user de l’analogie (un soutien‑gorge utilisé
en guise de masque à gaz permet d’évoquer le préservatif masculin, un rasoir particulièrement
délicat peut servir de pinceau) ou du renversement (c’est le zèbre qui dévore désormais le lion,
toutes choses que le surréalisme trouvait déjà chez Lautréamont 15).
13. André Breton, en collaboration avec Louis Aragon, « Le cinquantenaire de l’hystérie », OCI, p. 948.
14. André Breton, Manifeste du surréalisme, OCI, p. 338.
15. « Eh bien, j’ai été témoin de quelque chose de plus fort : j’ai vu une figue manger un âne ! ». Lautréamont, Chant IV, Les Chants
de Maldoror, éd. Jean-Luc Steinmetz, GF, 1990, p. 221.
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Figure 3 : Bic, Italie, 2003.
Figure 2 : Tabcorp’s Big Game Poker, Australie, 2009.
Figure 1 : Tulipán, Argentine, 2009.
Le surréalisme essaime et sème des surréalismèmes
En 1954, Georges Hugnet se plaignait déjà de voir le surréalisme réduit à un poncif et faisait
l’inventaire des bénéfices de la révolution trente ans plus tôt :
Que reste-t-il ? Les moustaches de Dali barrant la première page des journaux illustrés. Que
reste-t-il ? Le triomphe du surréalisme. Ce triomphe a forgé dur un poncif aussi lassant que
ceux que le surréalisme a combattus et vaincus. Déjà, depuis vingt ans, les affichistes ne
se privaient point pour piller les peintres surréalistes. Mais cela se bornait à des emprunts
de techniques. Maintenant, il n’y a pas une affiche qui ne soit d’inspiration surréaliste. Le
surréalisme, après celles d’Hermès puis des Galeries Lafayette, habite les vitrines de quartier.
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La publicité utilise son esthétique, les magazines de photographie ses méthodes et ses
truquages… On se promène dans la rue : surréalisme. On ouvre la radio : surréalisme 16.
On allume l’écran : surréalisme. C’est le moment de regarder d’un peu plus près la matière de
notre étude pour distinguer et ordonner différents modes de présence du surréalisme.
L’effet citationnel
L’une des campagnes pour la bière belge Stella Artois
offre un exemple de citation
parfaitement explicite. À l’origine d’une saga publicitaire née en Grande-Bretagne au début des
années 1980 et fondée sur l’association d’un slogan provocateur (« Reassuringly expensive »,
« heureusement, elle coûte cher ») et d’une série de spots pastichant les plus grands succès du
cinéma européen, l’agence Lowe choisit en 2005 de surenchérir en réalisant le pastiche d’ Un
chien andalou . Le film muet en noir et blanc commence par un carton en français (« Le Sacrifice,
une histoire surréaliste »), les hommes se transforment en œuf, en autruche et les fourmis
qui sortaient de la main du personnage masculin dans le film de Dali et Buñuel s’échappent
désormais de l’œuf. Le slogan, qui n’avait pas changé depuis 1982, devient alors : « Reassuringly
elephants », le nonsense (et le coq-à-l’âne syntaxique) ayant vocation à constituer des marqueurs
linguistiques qui s’ajoutent aux marqueurs visuels du surréalisme. Une complicité est censée
s’établir entre les consommateurs de la marque : le surréalisme, utilisé pour sa valeur artistique
et avant-gardiste, signe de culture légitime (contre la sociologie du buveur de bière), fonctionne
alors comme un signe de distinction.
Une autre publicité anglaise pour une édition spéciale de la Guinness, la bière Enigma,
réinvestit les plus célèbres des tableaux de Dali
en montrant un homme assoiffé dans le
désert qui semble revivre la découverte de la méthode paranoïaque-critique, tandis qu’un spot
pour Perrier
donne à voir un univers mou où tout est en proie à la liquéfaction comme les
célèbres montres molles du peintre.
L’esthétique surréaliste
Les lecteurs de La Liberté ou l’amour ! de Desnos ne seront pas surpris devant l’image d’une
ville envahie par la mousse de savon même si le merveilleux contemporain est parfois nettement
moins féérique : dans ce spot qui vante les appareils photos Sony, l’accent est moins mis sur
l’origine de la mousse qui envahit la ville que sur la possibilité pour chacun d’en capturer l’image,
comme si on avait là une métaphore de ce que l’image photographique doit pouvoir saisir, la
mousse, qui transforme d’ailleurs la ville en un tableau quasi magrittien.
Autre exemple, une publicité argentine pour un organisme de crédit
propose des prêts
« adaptés » et c’est d’abord le profil d’une crinière de lion qui se découpe sur le bitume d’une
route déserte. On découvre ensuite, selon la logique de l’un dans l’autre — jeu surréaliste pour
lequel Breton prend précisément l’exemple du lion surgi d’une allumette 17 —, que l’animal est
16. Georges Hugnet, Pleins et déliés, 1954, Guy Authier éditeur, p. 249-250.
17. « Il m’apparut en effet, sur-le-champ, que la flamme en puissance dans l’allumette "donnerait" en pareil cas la crinière […].
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en fait une voiture recouverte de longs poils qui volent au vent (on songe alors à la tasse en
fourrure de Meret Oppenheim). Conformément à l’esthétique du road movie , le conducteur,
au crâne parfaitement chauve, taille la route sur une musique langoureuse, cheveux au vents.
Même si ce ne sont pas les siens : il aura suffi d’un prêt sur mesure.
Une poétique surréaliste
Plus intéressants sans doute sont les films qui héritent de l’esprit plutôt que de la lettre,
autrement dit d’une poétique plutôt que d’une esthétique, puisque celle-ci tourne vite au poncif
et au kitsch. Le sujet mériterait une étude beaucoup plus approfondie et nous ne proposons ici
que quelques entrées.
Inversions
Breton au sujet de la fable « La Grenouille et le Bœuf » écrivait : « Tout enfant, je me plaisais
à croire que les rôles avaient été renversés ; que le bœuf, à l’origine, devait être un très petit
animal, de la taille d’une coccinelle, qui un jour avait voulu se faire et s’était fait plus gros que la
grenouille. Il ne me semblait pas qu’une volonté, même animale et d’un ordre aussi puéril, pût
ne pas être susceptible de parfaite exécution. 18 » Ainsi, nombreux sont les films qui se fondent
sur un tel renversement : ce ne sont plus les trois petits cochons qui sont victimes du loup,
mais le cochon qui souffle sur les trois loups pour réclamer une boisson « sans sucre »,
ce n’est plus le fauve qui effraie l’homme, mais la femme qui rugit et renvoie le lion dans sa tanière
pour étancher sa soif.
Ailleurs, c’est un vêtement animé qui, attablé derrière une machine à
coudre, réalise un corps humain par une compréhension littérale du proverbe « c’est l’habit qui
fait l’homme ».
On va parfois jusqu’à l’oxymore, tel que le pratiquait Desnos poétiquement
(« Un jour qu’il faisait nuit ») et Magritte visuellement (« L’Empire des lumières ») : l’adresse qui
suppose la sédentarité devient une adresse mobile dans le cas de ce spot pour Renault
où le
livreur de pizza, le couple d’amis, le facteur et le représentant de commerce attendent au long
d’une route déserte non pas qu’on leur ouvre la porte, mais qu’on vienne leur rendre visite. La
voiture est le nouveau lieu à partir duquel doit se trouver bouleversée la perception du monde.
Dérives associatives
« Rapprochement de deux réalités plus ou moins éloignées », telle est la définition de
l’image surréaliste censée provoquer l’étincelle. Plutôt que le court-circuit de la métaphore,
le film publicitaire contemporain semble hériter de deux influences qui furent aussi celles des
surréalistes : le chronophotographe d’Étienne-Jules Marey et les métamorphoses du sommeil
de J.-J. Granville dont certains textes automatiques, mais aussi l’écriture de Benjamin Péret,
riche en métamorphoses, traduisent poétiquement le mouvement. Le rêve aime les homologies ;
l’inconscient aime les homophonies ; le cinéma permet de saisir le flux des analogies. Or, puisque
dans un seul mot se superposent une multiplicité d’images mentales — une table est autant une
Le lion est dans l’allumette, de même que l’allumette est dans le lion. » Perspective cavalière, Œuvres complètes, t. IV, Gallimard,
coll.« Bibliothèque de la Pléiade », p. 885.
18. André Breton, « Introduction au discours sur le peu de réalité », op. cit., p. 279.
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table de café qu’une table de jeu ou une table d’opération, pour qui revient de l’opéra 19 —, le film
publicitaire peut gagner à saisir le réseau dans lequel se trouvent pris l’objet ou l’imaginaire qu’il
suscite, quitte à faire disparaître totalement le produit au profit de ses substituts métonymiques.
C’est le cas dans deux films pour Air France réalisés par Michel Gondry. Rappelons tout d’abord
que le slogan d’Air France fut pendant les années 2000 « Faire du ciel le plus bel endroit de la
terre », qui fonctionne sur le même principe que le titre d’un des premiers recueils de Breton :
Clair de terre . Le film de 2000
fait encore apparaître l’avion qui, par un jeu de superposition
du premier plan et du second, manifeste la complicité du ciel et de la terre. À chaque plan,
une action commence à gauche de l’image (un homme tire un rideau, une femme envoie un
baiser, une autre vient de se faire couper les cheveux, etc.) et s’achève lorsque surgit à droite
de l’image l’avion qui accomplit la trajectoire du mouvement initié sur terre. L’effet de bouclage
est parfaitement réussi : on commence par l’image d’un tourne-disque et, comme si l’avion avait
effectué une rotation pleine, on finit par l’image de la même platine de disque sur laquelle vient
se poser l’avion comme le ferait la tête du bras articulé qui permet de déclencher la lecture du
disque. Le tourne-disque exprime très clairement le mouvement de l’avion et suggère qu’Air
France répond aux besoins de chacun (la terre continue de tourner, chacun de se maquiller ou
de nettoyer son pare-brise) mais aussi plus poétiquement qu’au bout de chaque trait tracé sur
terre, il y a un trait tracé dans l’air, dans une parfaite coïncidence des éléments.
Le second film de Michel Gondry
paraît plus intéressant encore parce qu’il fait disparaître
l’avion au profit d’une métonymie : le nuage. Or, de la même manière que Breton rappelait dans
le Second Manifeste qu’il existe plusieurs roses, la rose qu’on cueille, celle qu’on voit en rêve,
celle du physicien, du poète ou du peintre 20, le nuage participe d’une série de dépaysements
qui fonctionnent comme une série de métaphores : le nuage devient la fumée qu’un ventilateur
suffit à dissiper, un édredon de plumes sur lequel on se jette, un coton à démaquiller, un oreiller
ou une écharpe vaporeuse dans laquelle on s’emmitoufle.
Dernier exemple, ce film conçu pour Nomis, une marque de chaussures de sports qui avait
besoin pour pénétrer le marché de frapper fort.
On peut y retrouver à la fois les métamorphoses
de Grandville et le principe, fréquent dans les poèmes surréalistes, de l’anadiplose 21. Un joueur
de football se prend à imaginer, sur le principe de l’association d’idées, vers quel destin funeste
pourraient le mener de mauvaises chaussures. Si, en soi, l’histoire n’a rien de surréaliste, c’est
le traitement visuel de l’association d’idées, traitée comme un circuit objectif dans l’espace, qui
l’est. On passe ainsi des ampoules au pied, à l’horloge du temps qui passe, au ballon de football,
mais les analogies ne sont pas seulement formelles puisque la chanson qui accompagne le spot
est elle-même le détournement d’une chanson traditionnelle de la culture populaire américaine
intitulée « Dem Bones » (« Ces os »), qui devient « Damn Boots » (« Maudites chaussures »),
19. André Breton, en collaboration avec Paul Éluard et René Char, « Préfaces », Ralentir travaux, OCI, p. 737.
20. André Breton, OCI, p. 827.
21. On peut prendre pour exemple de scénario métamorphique cet extrait d’un poème de Benjamin Péret : « Un ours mangeait
des seins/ Le canapé mangé l’ours cracha des seins/ Des seins sortit une vache/ La vache pissa des chats/ Les chats firent une
échelle ». (« Mémoires de Benjamin Péret », Œuvres complètes, t. 3, Losfeld, 1979, p. 125).
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provoquant un effet burlesque. La chanson initiale, fondée sur une série d’anadiploses — l’os de
l’orteil est relié au pied, l’os du pied est relié à la cheville, l’os de la cheville est relié à la jambe —
se transforme en un pastiche d’autant plus intéressant qu’il décrit précisément le circuit de la
publicité : « la performance est liée aux trophées, les trophées sont liés à l’intérêt, l’intérêt est
lié au sponsor, et le sponsor est lié à la recommandation-produit, la recommandation-produit
est liée au logo, le logo est relié aux chaussures, les chaussures sont reliés au frottement, le
frottement est relié à l’ampoule et l’ampoule est reliée au ‘aïe’ » (nous traduisons).
Métalepses et jeux d’artifices
De la même manière que Bébé Cadum et Bibendum Michelin s’animent dans le récit de Robert
Desnos, les affiches et leurs effigies prennent vie dans une publicité pour Perrier où l’on voit,
dans un café estival, Édith Piaf ouvrir le bal, suivie par les mannequins à la une des magazines,
le bonhomme du flipper et la pin-up de la boîte d’allumettes.
De la même façon que le sujet
d’un texte automatique pouvait encore pénétrer à l’intérieur d’un livre et se retrouver au milieu
d’une illustration 22, un film pour la marque Sony introduit un spectateur (qui est aussi une image
de créateur) dans l’écran qu’il regarde, l’oiseau bleu (allusion probable au conte de Maeterlinck
bien connu des Anglo-Saxons) assurant seul la jonction entre l’univers réel et l’imaginaire.
Un autre type de métalepse, fréquent dans le surréalisme et largement représenté dans les
films publicitaires, consiste à substituer au référent (dans le monde physique) un signe iconique
ou symbolique et à multiplier les allers et retours entre la nature et l’artifice : qu’on chiffonne
la carte géographique et voici le relief naturel tout à coup métamorphosé,
qu’une voiture
roule sur une route tortueuse et voici que ce sont en fait des dominos en forme de plaques
tectoniques qui tombent et s’aboutent les uns aux autres.
Disjonctions
Figure 4 : Groupe Krys, France, 2007.
L’exemple de la campagne publicitaire de Krys, déclinée
en affiche et en film, fonctionne sur un procédé typiquement
magrittien où l’image entre en contradiction avec le caractère
très assertif du discours. Le « avant j’étais chauve » de cet homme
au crâne parfaitement lisse dont seules les lunettes permettent
de ne pas rendre l’image absurde, ce serait un peu le « ceci n’est
pas une pipe » de la publicité — décliné de nombreuses manières
: « avant j’avais un accent épouvantable » (Jane Birkin), « avant il
était Alain Delon » (Alain Delon). Mais la disjonction entre l’image
et le discours peut prendre des formes plus complexes comme
dans ce clip pour la marque Berlitz.
Les paroles de la chanson
de Blondie et les mots qui s’affichent à l’écran, accompagnés de
collages censés illustrer le sens de la chanson, sont reliés par
un principe d’homonymie qui n’empêche pourtant pas l’image
22. André Breton, Poisson soluble, texte 24, OCI, p. 381.
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d’entrer en contradiction avec le son. Le but est bien de reproduire le processus de reconstitution
fautive d’une oreille mal entraînée à reconnaître une langue étrangère et de donner à voir la
représentation mentale de ce discours entièrement soumis à l’approximation. Ainsi entend-on
Blondie chanter « The tide is high but I’m holding on/ I’m gonna be your number one », autrement
dit « Le vent souffle, mais je tiens bon/ Je veux être tout pour toi ». Or, ce que le spectateur est
invité à lire c’est bien une réécriture automatique et spontanée, aux effets burlesques : la marée
( the tide ) se transforme en collants ( the tights ), et celle qui voulait être numéro un ( number
one ) devient une cantinière chinoise ( Mama Wong ).
Dépaysement et autonomisation
De la même manière que dans les textes automatiques tout à coup s’autonomisaient les
organes (en particulier les mains), transformés en objets, dans la poésie plastique de Magritte
ou encore dans les photographies de Jacques-André Boiffard dépaysant un pied en gros plan ou
une langue dans une bouche, de nombreux spots — pas toujours du meilleur goût — présentent
des cohortes de langues, d’oreilles, devenus des organes autonomes, généralement symboles du
désir. Un spot russe imagine que les langues quittent les bouches.
Bien évidemment, aucune
réflexion sur le langage n’est à chercher ici, les langues mutinées, redevenues sauvages, ont
investi un camion de glaces. Un autre film pour Senheiser
imagine un homme déguisé en
casque audio et ses tentatives pour séduire une oreille dont l’échelle est démesurée 23.
À la manière de Tzara encore dans Le Cœur à gaz dont les personnages étaient réduits à
quelques organes, une publicité pour un shampooing propose deux personnages aux organes
choisis : l’un est composé d’un corps-tête monté sur pieds, l’autre, également monté sur pieds,
d’une généreuse poitrine féminine.
La chute du film dont le sens repose sur la réciproque
d’un lieu commun est du dernier burlesque : si en effet ce que les hommes voient en premier
c’est la poitrine d’une femme, il est plus difficile de croire que la chevelure d’un homme soit ce
qui aimante la femme. On a pourtant là deux personnages qui incarnent une vision subjective,
un corps tronqué par la perception du désir, qui n’est pas sans rappeler la célèbre couverture de
Qu’est-ce que le surréalisme ? , réalisée par Magritte.
***
Comme la publicité, le surréalisme promettait le bonheur, un bonheur immanent, à l’inverse
des religions réduites à n’être plus que des « réclames pour le ciel », un bonheur immédiatement
réalisable, en prise directe avec le désir, le corps et l’objet — pourvu qu’on veuille bien s’adonner
au stupéfiant image et mettre en œuvre les méthodes de « l’art magique surréaliste ». Loin de
se réduire à une série de procédés, le surréalisme qui fut une philosophie autant, sinon plus
qu’une esthétique ou une poétique, semble pourtant avoir été victime de ses opérations de
détournement : la publicité ne vise pas à libérer l’esprit, elle vise à s’assurer, on le sait, une part
23. Voir le tableau de Magritte La leçon de musique, mais aussi le poème en prose de Dans les années sordides, « Les Mines de
Carmaux » repris dans André Pieyre de Mandiargues, L’Âge de craie, Gallimard, coll. « Poésie », 2010.
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disponible de l’attention. On pourrait dire, pour reprendre le langage des psychologues qu’il y
a là un effet boomerang : le nom du mouvement Dada — selon une version moins connue que
d’autres —, viendrait d’une réclame allemande pour la lotion Dada. Une jeune fille y tient un
flacon de lotion sur lequel on peut voir une étiquette qui représente la même jeune fille tenant
un flacon. Renvoyant l’art et la publicité à une même tautologie, Dada n’annulait pas l’art comme
il le croyait, il en accentuait l’autotélisme. Les surréalistes à leur tour ont parodié la publicité
pour mieux s’émanciper des canons esthétiques et interroger la valeur du produit littéraire,
mais la parodie, au lieu de ridiculiser le modèle — le discours publicitaire —, semble l’avoir rendu
plus séduisant encore. La publicité aurait tort de refuser de si beaux outils, amendés, éprouvés,
théorisés. Elle n’en demandait pas tant.
Pourtant l’affiche et le spot publicitaires pourraient paraître obsolètes, si l’on considère les
nouvelles techniques de marketing qui se diffusent, stratégies captives qui se font à même le
territoire urbain. Et c’est à un étrange mélange des genres qu’il est donné d’assister tant l’écart
se creuse entre les techniques employées pour susciter l’attention et la caution morale qui
semble justifier leur caractère surréaliste. Ainsi trouvera-t-on sur l’étal de son marchand autant
de melons exceptionnellement transformés en seins pour rappeler la nécessité du dépistage
contre le cancer du sein. De même pouvait-on circuler lors de la COP21 dans des taxis recouverts
de gazon façon Wolfgang Paalen (cf. la « Chaise envahie de lierre » réalisée en 1936 et exposée à
Londres) ou façon Dali (à la manière du « Taxi pluvieux » présenté à l’Exposition internationale du
Surréalisme en 1938) pour manifester sa défense de l’environnement. Quoi de mieux enfin, pour
prévenir les excès de vitesse que de transformer les animaux paissant tranquillement au bord
de la route en panneau de signalisation et de les enrôler au service de la prévention routière 24 ?
24. La campagne de sensibilisation au dépistage du cancer du sein est une initiative canadienne, la campagne pour la prévention
routière une initiative britannique. Voir http://creapills.com/moutons-panneaux-sensibilisation-conducteurs-20151029, ainsi
que http://creapills.com/melons-depistage-cancer-sein-20151118
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Figure 5 : Canadian Breast Cancer Foundation, Canada, 2015.
Figure 6 : Department for Transport, Angleterre, 2015.
Figure 7 : Taxis G7, 2015.
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Résumé
La relation ambiguë qui s’est établie dès l’origine entre la publicité et le surréalisme est bien
connue. En empruntant à la publicité sa rhétorique commerciale pour dénoncer l’autotélisme
de la littérature et de l’art, le surréalisme n’a pas seulement joué sur la vertu polémique du choc
des valeurs, il a aussi ouvert la voie au merveilleux moderne et donné aux objets du quotidien
les cadres d’une nouvelle mythologie.
Entre le poète des années vingt qui jouait les bonimenteurs en faisant de la réclame pour le
rêve et celui qui, au début des années trente, prétend « changer la vie » (Rimbaud) et « transformer
le monde » (Marx), il y a certes un changement de paradigme, politique et éthique, mais toujours
la promesse d’un idéal et la promotion des moyens de le réaliser. La publicité aurait eu tort,
au vu du rayonnement international du surréalisme, de ne pas profiter de l’aubaine : garder la
subversion et les images, mais laisser aux technologies le soin d’être révolutionnaire.
Cette contribution, consacrée à l’héritage du surréalisme dans le film publicitaire
contemporain, entend donc explorer les diverses voies par lesquelles le surréalisme a pu s’infiltrer
dans l’imaginaire des créatifs contemporains qui disposent aujourd’hui des moyens techniques
pour représenter ce qui restait l’apanage de la poésie et de la peinture surréalistes. Plutôt que
d’énumérer une série de motifs esthétiques, il s’agit plutôt de relier dans cette réflexion syntaxe
filmique et poétique surréaliste.
Abstract
The ambiguous relationship that has existed right from the start between advertising and
Surrealism is all-too-famous. Borrowing from advertising’s commercial rhetoric to denounce
the autotelism of art and literature, not only has Surrealism played on the polemic virtue of
the clash of values, but it has also opened up the way to the “modern marvelous” and made
everyday items fall within the scope of a new mythology.
Between the poet from the 1920s who would promote dreams and smoothtalk people
into getting the stuff and the one who, at the beginning of the 1930s, claimed to “change life”
(Rimbaud) and ‘transform the world’ (Marx), it’s clear that a paradigm shift occurred towards
politics and ethics, but there remains the promise of an ideal and the promoting of the means
to achieve it. Given the worldwide influence of Surrealism, advertising would have been quite
wrong not to make the most of this godsend and keep the subversion and the images while
carefully leaving it to technologies to be revolutionary.
This paper, dealing with the legacy of Surrealism in contemporary advertising film, aims to
explore the various paths through which Surrealism has managed to filter into the imagination
of contemporary admen who now have the technical means at their disposal to represent what
used to remain the privilege of Surrealist painting and poetry. Rather than piling up a series of
aesthetic motifs and patterns, the point of this reflection will be to explore the links between
film syntax and Surrealist poetics.
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Cet article est mis à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons CC-BY-NCND-4.0 : Attribution-NonCommercial-NoDerivs 4.0 International.
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conditions de réutilisation des oeuvres numérisées par les institutions et les marques citées.
Pour citer cet article
Émilie Frémond, « Ils en ont rêvé, la pub l’a fait. Formes et présence du surréalisme dans le
film publicitaire contemporain », Les Poètes et la publicité . Actes des journées d’études des
15 et 16 janvier 2016, Université Sorbonne Nouvelle-Paris 3, ANR LITTéPUB [en ligne], s. dir.
Marie‑Paule Berranger et Laurence Guellec, 2017, p. 176-189. Mis en ligne le 20 février 2017, URL :
http://littepub.net/publication/je-poetes-publicite/e-fremond.pdf
Les poètes et la publicité _ p. 190 ///
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