Dépression postpartum
Mise à àj jour : mai 2016
Effets négatifs sur le développement de l’enfant
Bien qu’il soit difficile de départager l’influence des facteurs environnementaux et géné-
tiques sur le développement de l’enfant, la dépression postpartum demeure un facteur
majeur, par son impact négatif, sur le bien-être futur de l’enfant. Les observations cliniques
démontrent que la dépression postpartum a une influence négative importante sur l’atta-
chement mère-enfant et sur le développement émotionnel, cognitif et social de l’enfant
se traduisant par des réactions d’anxiété, d’instabilité scolaire ultérieure et possiblement
de troubles psychosomatiques précoces.
Facteurs de risque
Plusieurs facteurs peuvent favoriser le développement de la dépression postpartum :
A. dépression durant la grossesse (50 % se poursuivront après la naissance) ;
B. histoire personnelle de dépression avant la grossesse (25 % de récidives en postpartum) ;
C. histoire familiale (+/- conjoint) de dépression ;
D. le jeune âge de la mère (26 % des mères adolescentes) ;
E. milieu socio-économique défavorisé ;
F. monoparentalité ;
G. difficultés conjugales.
Le niveau d’éducation maternelle, l’allaitement, le mode d’accouchement et la grossesse
non désirée ne semblent pas être des facteurs de risque.
Toutefois, il demeure encore difficile de prédire de façon efficace quelle femme parmi
la population générale souffrira d’une dépression postpartum.
Clinique et épidémiologie
Il est maintenant admis que trois troubles spécifiques doivent être distingués :
Les « Blues » du postpartum
Il s’agit d’une expérience émotionnelle « normale » et transitoire vécue par 50 à 80 % des
nouvelles mamans. Typiquement, les symptômes incluent de l’irritabilité, de l’anxiété,
des crises de larmes et une humeur labile. Le pic de fréquence est au troisième jour après
l’accouchement et sa résolution spontanée est vers le dixième jour. Ce syndrome est bénin
et l’habileté de la mère à s’occuper de son enfant n’est pas changée. À noter que 20 %
de ces mères évolueront toutefois vers une dépression postpartum, surtout si le tableau
clinique se poursuit après le 14e jour.
2 ABCdaire — Suivi collaboratif des 0 à 5 ans
La psychose postpartum
Cette complication maternelle rare (< 1/1000) demeure une pathologie très sérieuse et
apparaît habituellement dans les deux premières semaines après l’accouchement. Le
tableau clinique, dominé par une perte de contact avec la réalité, est souvent caractérisé
par une désorganisation complète de la pensée, un comportement bizarre, des hallucina-
tions (auditives, visuelles, olfactives). Il s’agit d’une urgence psychiatrique qui exige une
hospitalisation immédiate à cause du risque élevé d’infanticide et de suicide. Elle frappe
souvent des mères sans antécédent psychiatrique et le risque de récidive lors d’une gros-
sesse subséquente est de 50 à 75 %.
La dépression postpartum (DPP)
La DPP affecte 13 % (25 % si épisode dépressif antérieur) des femmes en période post-natale
et nest pas spécifique à la naissance d’un premier enfant. La mère a un tableau clinique
similaire aux « Blues » du postpartum, mais de façon plus importante, ce qui l’empêche
d’accomplir ses activités quotidiennes.
Diagnostic
Selon le Manuel statistique et diagnostic des troubles mentaux (DSM-IV), durant les quatre
premières semaines postpartum, au moins cinq des symptômes suivants doivent avoir
été présents pendant une période d’une durée de deux semaines, incluant au moins le
premier ou le deuxième des symptômes suivants :
1. Humeur dépressive présente pratiquement toute la journée, presque tous les jours,
signalée par le sujet (p. ex. se sent triste ou vide) ou observée par les autres (p. ex.
pleure). NB. Éventuellement, irritabilité chez l’enfant et l’adolescent de la famille.
2. Diminution marquée de l’intérêt ou du plaisir pour toutes ou presque toutes les acti-
vités pratiquement toute la journée, presque tous les jours (signalée par le sujet ou
observée par les autres).
3. Perte ou gain de poids significatif en l’absence de régime (p. ex. modification du poids
corporel excédant 5 % en un mois), ou diminution ou augmentation de l’appétit presque
tous les jours. NB. Chez l’enfant, prendre en compte l’absence de l’augmentation de
poids attendue.
4. Insomnie ou hypersomnie presque tous les jours.
5. Agitation ou ralentissement psychomoteur presque tous les jours (constaté par les
autres, non limité à un sentiment subjectif de fébrilité ou de ralentissement intérieur).
6. Fatigue ou perte d’énergie presque tous les jours.
7. Sentiment de dévalorisation ou de culpabilité excessive ou inappropriée (qui peut être
délirante) presque tous les jours (pas seulement se faire grief ou se sentir coupable
d’être malade).
8. Diminution de l’aptitude à penser ou à se concentrer ou indécision presque tous les
jours (signalée par le sujet ou observée par les autres).
9. Pensées de mort récurrentes (pas seulement une peur de mourir), idées suicidaires
récurrentes sans plan précis ou tentative de suicide ou plan précis pour se suicider.
Dépression postpartum 3
À noter que sur le plan clinique, les femmes souffrant de DPP sont habituellement
dépistées durant les 6 à 12 premières semaines après l’accouchement.
Dépistage
Le clinicien doit de façon routinière, profiter de la visite périodique de l’enfant (au moins
jusqu’au sixième mois) pour interroger la mère quant à son bien être psychologique, pour
dépister le plus précocement possible la DPP et pour limiter au maximum les conséquences
pour la mère, l’enfant et la famille.
Étant donné la ressemblance des symptômes dépressifs avec les plaintes physiques
normales en postpartum (insomnie, appétit et libido diminués, fatigue, anxiété), la DPP
est souvent peu reconnue, tant par l’entourage que par les médecins et les autres profes-
sionnels. Près de 50 % des DPP passent inaperçues.
Un des outils privilégié pour favoriser le dépistage est le Edinburgh Postnatal Depression
Scale (2), qui est annexé au présent document. Ce court questionnaire auto-administrable
de dix questions évalue les symptômes dépressifs présents au cours des 7 jours précédents.
Un score supérieur à 12 est fortement « suggestif » de DPP, surtout si la réponse est
positive à la dernière question. Le diagnostic peut alors être précisé en consultant
la liste des symptômes tirée du DSM-IV énumérée précédemment.
Les femmes qui ont un score de 5 à 11, sans idée suicidaire ou trouble de fonction-
nement sévère, devraient être réévaluées dans les 2 à 4 semaines suivantes.
Comme méthode alternative, deux questions sont particulièrement importantes pour
aider au dépistage :
1. Durant le dernier mois, avez-vous été affectée par de la tristesse, une humeur dépres-
sive ou du découragement ?
2. Durant le dernier mois, avez-vous noté une perte de plaisir ou une perte d’intérêt ?
Ces deux questions de routine, accompagnées d’un bon suivi, sont recommandées
comme moyen de dépistage lors des visites périodiques par le U.S. Preventive Task Force.
Traitement
Tout clinicien devrait orienter son traitement selon le type et la gravité des symptômes,
ainsi que le degré de dysfonctionnement. Aucune donnée dans la littérature médicale ne
suggère de traiter la DPP différemment de la dépression majeure non puerpérale. Il est
parfois difficile de faire accepter à la mère la nécessité d’un traitement à cause du sen-
timent de culpabilité chez cette dernière. Sans traitement, la durée moyenne de la DPP
est de 7 mois et peut durer plus d’une année. Si les bonnes paroles et une écoute active
peuvent être adéquates face aux « Blues » d’intensité modérée, il en va autrement dans
le cas d’une DPP.
Le traitement non pharmacologique : la psychothérapie
En combinaison avec une médication ou employée seule, elle peut être une solution utile
pour les patientes qui refusent de prendre des médicaments ou pour les cas de dépression
légère. De plus, la participation à un groupe d’entraide et de soutien peut être favorisée.
4 ABCdaire — Suivi collaboratif des 0 à 5 ans
Le traitement pharmacologique : antidépresseurs
Il est recommandé de débuter un traitement pharmacologique, particulièrement chez
les femmes qui ont peu de ressources non pharmacologiques dans leur milieu ou qui ont
un tableau clinique sévère. Chez les mères qui allaitent, il existe plusieurs médicaments
présentant un profil d’innocuité.
Pharmacothérapie pour dépression postpartum
Tableau 1. Inhibiteurs sélectifs du recaptage de la sérotonine
Médicaments Dosage maternel **
Sertraline (Zoloft ®) * == mg/j
Paroxetine (Paxil ®) * 5-50 mg/j
Fluvoxamine (Luvox ®) * 50-300 mg/j
Fluoxetine (Prozac ®) 7.5-80 mg/j
Citalopram (Celexa ®) 20-40 mg/j
Tableau 2. Autres anti-dépresseurs
Médicaments Dosage maternel **
Bupropion (Welbutrin ®) 300 mg/j
Nefazodone (Serzone ®) 150-400 mg/j
Venlafaxine (Effexor ®) * 75-450 mg/j
* Les études ont démontré pour ces médicaments un très faible transfert dans le lait maternel. Ils comportent
donc peu de risques pour l’enfant allaité.
** Il est de bon usage de débuter par la moitié de la dose thérapeutique usuelle pour diminuer la sensibilité
de la mère aux effets secondaires. Il est recommandé de poursuivre le traitement à une dose thérapeutique
pendant six mois après rémission des symptômes pour diminuer le risque de rechute.
Conclusion
La période postpartum est une période sensible les mères peuvent éprouver une détresse
qui les déconcerte, les culpabilise et qu’elles ont souvent honte de communiquer à leur
entourage. Il est donc très important d’être attentif au moindre indice de détresse émo-
tionnelle chez nos patientes en postpartum. Un diagnostic rapide et un traitement efficace
favorisent le bien-être de la mère et assurent un meilleur développement neuropsycho-
logique chez le nourrisson.
Dépression postpartum 5
Échelle d’Édimbourg
À utiliser idéalement entre 4 et 26 semaines après la naissance
Votre nom : ___________________________________________________________
Âge de votre bébé : ___________________________
Vous venez d’avoir un bébé. Nous aimerions savoir comment vous vous sentez. Veuillez
cocher la réponse qui vous semble le mieux décrire comment vous vous êtes sentie durant
la semaine (durant les sept derniers jours), et non seulement comment vous vous sentez
aujourd’hui.
Voici un exemple d’énoncé, complété par une réponse.
Je me suis sentie heureuse
Oui, tout le temps
Oui, la plupart du temps
Non, pas très souvent
Non, jamais
Cette réponse signifierait : « Je me suis sentie heureuse la plupart du temps » durant la
semaine qui vient de s’écouler. Veuillez compléter les autres énoncés de la même façon.
Durant les sept derniers jours Pointage
J’ai pu rire et voir les choses du bon côté
Aussi souvent que d’habitude 0
Pas tout à fait aussi souvent que d’habitude 1
Vraiment beaucoup moins souvent ces jours-ci 2
Absolument pas 3
Je me suis sentie confiante et joyeuse en pensant à l’avenir
Autant que d’habitude 0
Plutôt moins que d’habitude 1
Vraiment moins que d’habitude 2
Pratiquement pas 3
Je me suis reprochée, sans raison, d’être responsable quand les choses
allaient mal
Oui, la plupart du temps 0
Oui, parfois 1
Pas très souvent 2
Non, jamais 3
x
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