Que veut dire former dans le champ de l’autisme ? Contexte historique Le champ de l’autisme a considérablement évolué et continue sa mutation. La première définition scientifique vient de Léo Kanner (1894-1981), pédopsychiatre autrichien exilé aux EtatsUnis dans les années 1920. Il emprunte lui-même, le terme d’ « autisme » à Bleuler, psychiatre suisse, qui l’avait inventé en 1911, pour décrire une des manifestations secondaires de la schizophrénie chez le jeune adulte. Mais Kanner, redéfinit ce terme en le séparant de la schizophrénie et en l’appliquant chez le jeune enfant. La définition de Kanner est retenue dans la Classification Internationale des Maladies, en 1943, il s’agit de « la présence d'un développement anormal ou déficient qui se manifeste avant l'âge de 3 ans ; une perturbation caractéristique du fonctionnement dans chacun des trois domaines suivants de la psychopathologie : interactions sociales, communication, comportement au caractère restreint, stéréotypé et répétitif ». En mettent en évidence les origines du mot autisme, on peut relever que la volonté de Kanner de séparer sa définition de l’autisme à celle de Bleuler est particulièrement présente dans son article de 1943. Il décrit l’autisme comme « trouble inné du contact affectif » et non pas comme une conséquence mais comme un défaut fondamental. En parlant d’ « autisme infantile précoce », il entend individualiser une figure clinique originale, unique. Cette séparation, n’est pas actée dans la future classification de l’OMS en 1968, l’autisme comme symptôme psychotique est inclus dans la catégorie des réactions schizophréniques de type infantile. Malgré l’évolution de la définition à l’international définissant l’autisme comme un trouble du développement, la Classification Française quand à elle, reste sur l’idée que l’autisme est une pathologie psychologique, en la catégorisant toujours dans le même segment que les schizophrénies et les psychoses infantiles. En 2004, le conseil de l’Europe a du sanctionner la France pour élargir la définition donnée à ces troubles. Dans la résolution ResChS [2004]1, le Comité des Ministres conclut que « la situation de la France en ce qui concerne le droit à l’éducation des enfants et adultes autistes constitue une violation des articles 15§1 et 17§1 ». Puis, en 2007, la résolution ResAP[2007] adoptée par le comité des ministres « recommande aux gouvernements des états membres de favoriser l’éducation et l’intégration sociale des enfants et des jeunes atteints de troubles du spectre autistique, et, à cette fin (…) de prendre en compte, (…) et de mettre en œuvre les actions préconisées en annexe à la présente résolution ». C’est dans ces annexes qu’il est stipulé : «Les troubles du spectre autistique sont des troubles du développement d’origine biologique ». Aujourd’hui, comme le spécifie Bernadette Rogé (Autisme, comprendre et agir, Dunod 2012) le recours à la notion de trouble du développement et l’abandon du terme psychose infantile se justifie, notamment à travers les résultats des différentes recherches, tel que les travaux de Santangelo et Tsatsanis 2005, Volker et al. 2008. Ces recherches ont en effet montré qu’au moins quinze gènes différents sont impliqués dans les T.S.A. (Troubles du Spectre Autistique). La forte participation des facteurs génétiques est maintenant évidente. Il s’agit d’une révolution française dans le milieu de l’autisme. Pourquoi former dans le champ de l’autisme ? 1/un dépistage précoce Les chercheurs dans le secteur de l’autisme convergent pour signaler l’importance d’établir un diagnostic le plus tôt possible. Le professeur Nadia Chabane, pédopsychiatre à l’hopital Robert Debré de Paris, parle d’ailleurs d’un dépistage possible dès l’âge de 2 ans en France, avec les moyens qui sont les nôtres. L’obstacle majeur de ce dépistage précoce est la méconnaissance de l’autisme par les professionnels de la santé. En effet, les pédiatres et les médecins généralistes, rencontrent tous les enfants pour les visites médicales obligatoires. Ils seraient donc les premiers, sur la listes des professionnels à devoir être former, afin qu’ils puissent détecter les jeunes enfants atteints de TSA. Pour mieux comprendre cette méconnaissance, je suis allée à la rencontre de 2 médecins généralistes et d’un interne. Ils ont tout les trois suivis leurs formations sur Bordeaux. Il en ressort que pour les médecins généralistes, ayant réalisés leur internat dans les années 1990, aucune formation ne leur a été dispensée durant leur cursus universitaire. Par conséquent, vers qui dirigentils les familles quand ils rencontrent un enfant présentant des troubles du langage et/ou de la communication ? La réponse est propre à chacun : l’un dirige les familles vers un CAMPS, préférant ainsi une approche pluridisciplinaire. Pour le second, il déclare n’avoir jamais rencontré d’enfant présentant des troubles aussi marqués (évitement du regard, ne pas suivre un objet du regard) mais qu’en cas de trouble du langage et/ou de la communication il les dirige vers un orthophoniste ou un ORL. Quand au troisième interviewé, l’interne, il précise que l’autisme apparaît dans une formation prévue au 3ème semestre de son internat. Il est important de relever, qu’à part une démarche personnelle, le généraliste n’a aucune formation institutionnalisée sur l’autisme et les TSA. Malgré des formations obligatoires sur des sujets tels que l’hypertension ou l’asthme, il n’y a rien sur l’autisme. Ce silence dans la formation est surprenant, alors que le gouvernement a fait de l’autisme la « grande cause nationale 2012», ceux qui sont à même de pouvoir dépister au plus tôt les enfants, ne sont pas sensibilisés. Donc, il est important de former dans le champ de l’autisme afin de réaliser des dépistages précoces, dans le but d’augmenter les chances de la personne à pouvoir entrer en relation avec les autres et ainsi s’insérer dans notre société. Mais en plus d’un dépistage précoce, il est nécessaire d’améliorer l’intervention auprès des personnes autistes ainsi que celle de leur famille. 2/Le droit à l’éducation On parle soit d’un droit à l’éducation en milieu ordinaire avec l’accompagnement d’un AVS, soit d’un droit à l’éducation en milieu spécifique. Aujourd’hui les places en milieu ordinaire sont rares, du fait, encore une fois, de la méconnaissance de l’enseignant et de l’AVS concernant la prise en charge de l’autisme. Il est très compliqué d’accueillir un enfant autiste sans avoir suivi un minimum de formation afin de comprendre le fonctionnement de l’enfant. En milieu spécifique, la France ne dispose pas ou quasiment pas de structures adaptées pour accompagner les autistes, il est donc très compliqué pour les professionnels d’apporter un accompagnement efficace au champ si particulier qu’est l’autisme. En effet, les structures présentes sur le territoire ont chacune un public spécifique (handicapés mentaux, handicapés moteurs, déficients visuels, déficients auditifs, enfants avec troubles du comportement importants…). La difficulté est que l’autisme est difficilement classable dans le paysage français, compte tenu de la prégnance d’une définition obsolète. Cependant en l’absence de structures adaptées pour accueillir les personnes atteintes de TSA, il est essentiel que les professionnels intervenants soient formés. Mais l’enjeu majeur de la formation est celui de la formation des parents d’enfants autistes, qui sont les premiers interlocuteurs de l’enfant et les plus présents. Une fois le diagnostic posé, une formation devrait être dispensée automatiquement aux parents, afin de leur transmettre des savoirfaire éducatif. La formation Qu’il s’agisse des Auxiliaires de Vie Scolaire, des enseignants, des professionnels intervenants dans les structures spécialisées ou des parents, la formation est essentielle afin que les accompagnants adaptent leur comportement à l’enfant autiste pour le faire progresser dans ses interactions avec autrui, car il n’a pas les moyens lui, d’adapter son comportement à notre société. D’où l’importance d’un accompagnement adapté au handicap singulier de chaque enfant autiste. Les D.U. ou D.I.U. dans le champ de l’autisme qui commencent à poindre dans quelques facultés de France (Toulouse, Lyon, Bordeaux, Paris 7…), permettent de s’appuyer sur un savoir institutionnalisé. Un savoir reconnu par l’état. Conclusion Après avoir abordé la formation des partenaires de l’environnement de l’enfant qu’en est-il de sa formation à lui ? Les troubles du spectre autistique sont variés et d’intensité différentes, l’OMS comptent 6 catégories d’autismes : autisme infantile, autisme atypique, syndrome de Rett, autre trouble désintégratif de l’enfance, syndrome d’Asperger, autres trouble envahissant du développement. A ce trouble du développement peut s’ajouter d’autres pathologies associées telles que le syndrome de l’X fragile, la sclérose tubéreuse, le syndrome de Williams, le syndrome de Down… Cette multitude d’autisme donnent à penser combien il faut individualiser l’accompagnement de chacun, car chaque autisme est singulier. De plus, il est nécessaire d’ajouter qu’une méthode éducative seule ne fera que peu évoluer l’autiste. C’est avec une équipe pluridisciplinaire que l’autiste développera ses compétences en matière d’interaction. En conséquence, le travail commun des psychologues, parents, enseignants, accompagnants en structures spécialisées, AVS, médecins généralistes, pédiatres, orthophonistes etc. permettra de prendre en compte au mieux l’autiste dans sa globalité. Le suivi de l’évolution de l’autiste et la communication entre ces différents interlocuteurs permettra à la personne concernée de profiter d’un projet d’accompagnement éducatif personnalisé. A ce jour, cette démarche permettra de sécuriser l’accompagnement des personnes autistes ou atteintes de TSA afin de répondre au mieux aux attentes du conseil de l’Europe et par la même de la Haute Autorité de Santé.