PLATON, REPUBLIQUE  –  COMMENTAIRE  LIVRES V, VI ET VII 
 
 
objets de luxe, les imitateurs (373b), les médecins, et enfin une armée, c’est-à-dire 
des gardiens de la cité.  
Ainsi peuvent apparaître les trois fonctions fondamentales de l’Etat, qui vont 
permettre de penser les vertus de la cité, puis celles de l’âme individuelle : produc-
teurs, guerriers, gardiens proprement dits. Le terme « gardiens » désigne d’abord, 
sans distinction, ceux qui défendent et dirigent la cité. Mais la classe des gardiens 
est ensuite  divisée  et Platon  distingue alors les  gardiens proprement  dits, c’est-à-
dire ceux  qui  dirigent la  cité et les  auxiliaires des  gardiens, c’est-à-dire les guer-
riers. 
Pour  introduire  les  questions  concernant  la  nature  et  l’éducation  des  gar-
diens, Platon esquisse d’abord  une  cité minimale  ou minimaliste, qui  est  appelée 
« la  cité  véritable »  (372e)  ou  bien « la cité  saine »  (373b)  mais qui n’est assuré-
ment pas  une  cité  idéale :  on  peut  y  trouver  en effet  l’injustice comme  la  justice 
(371e) et en outre, faute de conduire assez loin la spécialisation des fonctions, elle 
ne permet pas aux aspects les plus élevés de l’œuvre humaine <ergon> de se déve-
lopper.  Puis,  à  la  demande  de  Glaucon  qui  juge  cette  cité  saine  peu  différente 
d’« une cité de pourceaux » le cité s’enfle, et cette cité qui s’enfle et qui recherche 
le luxe, qui a une  armée, qui éventuellement cherche  à s’étendre par la conquête, 
elle va  permettre d’apercevoir (mieux que ne le pouvait la « cité saine ») la nais-
sance de  la  justice  et de l’injustice [« c’est peut-être en examinant une  cité  de  ce 
genre  que  nous  pourrons  saisir  comment la  justice  et  l’injustice  prennent  racine 
dans les cités à un moment donné »]. Et dès lors l’attention va se porter, se focali-
ser sur ce qui permet à la cité d’être juste et au premier rang sur la nature, les fonc-
tions et l’éducation des gardiens. Et la cité dont va alors parler Socrate, ce ne sera 
plus exactement celle dont il vient d’être question, la cité qui s’enfle et où l’on peut 
voir  naître  la  justice  et  l’injustice,  ce  sera  plutôt  la  cité  correctement  fondée  ou 
« fondée en accord avec la nature » (428e), c’est-à-dire la cité sage, modérée, cou-
rageuse et juste.  
D’où l’examen de la nature de ces quatre vertus qui font la « bonne cité ». 
Les trois premières vertus sont d’abord des vertus d’une partie de la cité et 
ensuite  des  vertus  de  la  cité  entière.  La  justice  est  d’emblée  une  vertu  de  la  cité 
entière. 
a/  La  sagesse  des  gardiens  rend  la  cité  prudente  et  sage dans  ses  délibéra-
tions et ses décisions (428d). La sagesse est donc à la fois le savoir des gardiens (la 
connaissance  du  Bien  commun,  c’est-à-dire  de  l’intérêt  de  la  cité  dans  son  en-
semble) et la qualité de la cité que dirige  la  sagesse des gardiens. Il ne suffit pas 
qu’il y ait des hommes sages dans une cité pour que cette cité soit sage : pour que 
le cité soit sage, il faut que des hommes sages la dirigent.  
b/  Le  courage  des  auxiliaires  rend  la  cité  courageuse.  Même  situation :  le 
courage de la cité, c’est le courage d’une fraction de la cité, non pas de n’importe 
quelle fraction, mais des auxiliaires, le courage que Platon appelle « politique » en 
430c,  c’est-à-dire  la  fermeté,  l’invariance  du  jugement  sur  les choses  qu’il  faut 
craindre, qui sont elles-mêmes déterminées par la loi (430b).  
c/  La  modération  <sophrosunè>  exprime  un  rapport  entre  les  trois  classes: 
elle se trouve là où le plus élevé (de l’individu ou de la cité) domine le moins éle-
vé, là où (431d) « les désirs de la foule ordinaire sont dominés par les désirs et la 
sagesse qui résident dans la minorité de ceux qui sont le plus respectables » (sur le 
thème  de  la  domination  de  l’inférieur  par  le  supérieur,  voir  590c).  Elle  consiste 
dans un accord concernant ceux qui doivent diriger (432a, fin). Elle se trouve donc 
à la fois dans ceux qui dirigent et dans ceux qui sont dirigés (elle est de ce point de 
vue, d’emblée, coextensive à la cité), mais on peut dire aussi qu’elle est par excel-
lence la vertu des dirigés, c’est-à-dire des producteurs, car s’il y a une vertu à re-